Archive dans novembre 2023

Chômage : Bruno Le Maire propose de réduire la durée d’indemnisation des seniors

Le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, le 8 novembre 2023, à Paris.

« Le message que j’ai envie de leur envoyer, c’est “on a besoin de vous, on a besoin de votre expérience.” » Le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, s’est dit, jeudi 23 novembre, favorable à un abaissement de la durée d’indemnisation du chômage des plus de 55 ans pour l’aligner sur celles des autres chômeurs ; l’une des mesures à prendre, selon lui, pour atteindre le plein-emploi, c’est-à-dire un taux de chômage autour de 5 %.

« Si on ne se secoue pas les puces, il n’y aura pas 5 % de taux de chômage » en fin de quinquennat (contre 7,4 % aujourd’hui), a affirmé le ministre de l’économie sur Franceinfo. « Quelque chose cloche dans le modèle social français » qui empêche d’y parvenir, selon lui.

« Un des moyens passe par l’emploi des seniors », a affirmé le ministre, qui rappelle que l’indemnisation des plus de 55 ans est de « vingt-sept mois », contre « dix-huit mois » pour les demandeurs d’emploi plus jeunes, une façon selon lui « de mettre à la retraite de manière anticipée les plus de 55 ans ». « Est-ce qu’ils vaudraient moins, les plus de 55 ans ? (…) Je ne vois aucune raison pour qu’il y ait une durée d’indemnisation plus longue, (…) c’est une hypocrisie totale », a-t-il assuré.

Il a rappelé que le taux d’emploi des seniors était inférieur « de dix points » en France au taux d’emploi général (68 %). Le ministre entend ainsi « poser le débat » d’un abaissement de la durée d’indemnisation des seniors « avec la détermination totale de parvenir à ces 5 % de taux de chômage que nous n’avons pas atteints depuis un demi-siècle en France ».

Critiques sur l’accord assurance-chômage

Il a par ailleurs jugé « perfectible » l’accord sur l’assurance-chômage signé la semaine dernière par les repérsentants des organisations syndicales de salariés et patronales, notamment sur cette question des seniors.

Il a aussi critiqué les mesures de financement qui figurent dans l’accord, avec « des dépenses certaines », comme des réductions de cotisations, palliées par « des économies improbables ». L’accord propose notamment « de faire des économies sur la création d’entreprises », a noté M. Le Maire, jugeant « l’idée un peu baroque parce qu’on a besoin de créer des entreprises, et l’économie chiffrée à près de 900 millions d’euros me paraît très improbable ».

« Sur le volet financier, on peut émettre légitimement des doutes, j’ai eu l’occasion de m’en expliquer avec le président du Medef [Mouvement des entreprises de France] », a conclu le ministre.

Le Monde avec AFP

« Un compromis salarial en crise » : la négociation sous la pression du capitalisme financier

Un leitmotiv est porté par les gouvernants français depuis une vingtaine d’années. Les décideurs politiques encouragent avec insistance la « culture du dialogue social », valorisent la négociation d’entreprise. Mais pour les auteurs de l’ouvrage Un compromis salarial en crise, il s’agit avant tout d’une « incantation », d’une « vision enchantée » trompeuse. Sous la direction de Baptiste Giraud, maître de conférences en sciences politiques, et Camille Signoretto, maître de conférences en économie, l’essai s’attache ainsi à montrer, au fil des pages, comment cette exhortation au dialogue social de proximité se heurte aux réalités des organisations où les « transformations du capitalisme jouent à plein ».

Dans quelles conditions les salariés et leurs représentants parviennent-ils encore aujourd’hui à négocier des compromis dans l’organisation du rapport salarial ? Pour répondre à cette problématique, les auteurs se sont lancés dans des enquêtes de terrain, afin de saisir la diversité des contextes socio-productifs où peut s’exprimer la négociation d’entreprise, des petites sociétés aux grands groupes.

C’est là l’une des richesses de l’ouvrage : il donne à voir la réalité quotidienne des relations professionnelles, mettant en évidence les multiples facteurs qui peuvent plonger dans l’impasse le dialogue entre directions et salariés mais aussi, en certains cas, maintenir son existence.

C’est dans certaines petites sociétés que la négociation d’entreprise apparaît la plus atone. L’ouvrage présente des salariés n’ayant que peu voix au chapitre. En cause, des dirigeants qui n’acceptent pas que leur politique puisse être discutée. Les auteurs mettent d’ailleurs en lumière leurs manœuvres, multiples, pour « contrôler la représentation du personnel » (cooptation des futurs élus, création d’un syndicat maison…). Les instances de représentation du personnel, lorsqu’elles existent, font bien souvent figures de caisses enregistreuses des décisions patronales.

L’essai montre toutefois que, sous certaines conditions, le compromis salarial existe. Dans une PME produisant des équipements agricoles, par exemple, les soudeurs apparaissent en position de force. Leur savoir-faire est rare. Ils en retirent un « pouvoir de négociation » qui leur permettra notamment d’obtenir une augmentation de salaire après avoir organisé un « ralentissement de la production ».

Dans son analyse du dialogue social, l’ouvrage s’attache à observer l’impact des « transformations de l’économie libérale » actuelles (rationalisation des process pour augmenter la productivité, individualisation des rémunérations et des évaluations…). Un impact particulièrement visible dans les grandes organisations où les syndicats sont bien implantés. Si les négociations parviennent à s’y maintenir, elles évoluent sous la « pression du capitalisme financiarisé », soulignent les auteurs, avec une conséquence : « la subordination des logiques des négociations d’entreprise à celles du marché ».

Il vous reste 20% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Novo Nordisk, leader mondial des traitements contre le diabète, investit 2,1 milliards d’euros en France

L’usine du laboratoire Novo Nordisk, à Chartres, le 25 juillet 2022.

A quelques kilomètres du centre-ville de Chartres, l’usine du laboratoire Novo Nordisk, implantée dans l’agglomération d’Eure-et-Loir depuis une soixantaine d’années, s’apprête à vivre un tournant. La société pharmaceutique danoise, championne des traitements contre le diabète, a annoncé, jeudi 23 novembre, un investissement de 2,1 milliards d’euros sur son site industriel français afin d’étendre les capacités de production mondiale du groupe.

Une belle consécration pour l’usine tricolore, dont les flacons et les stylos injecteurs d’insuline made in Chartres inondent déjà près de 85 pays dans le monde chaque année, et permettent à plus de 8 millions de patients de réguler quotidiennement leur diabète. L’occasion également, pour le président de la République, de célébrer sur place une victoire nationale sur le front de la reconquête industrielle, l’un de ses thèmes phares.

Avec ce financement majeur de Novo Nordisk, Emmanuel Macron entend confirmer les fruits d’une « méthode » inaugurée en 2018 avec Choose France, la grand-messe annuelle de l’investissement étranger dans l’Hexagone, et visant à privilégier les tête-à-tête stratégiques avec les grands patrons en quête d’une terre d’accueil pour leurs futurs investissements. Chartes a ainsi soufflé la victoire à l’Irlande, l’un des autres pays européens en lice face à la France.

Le seul site de production européen en dehors du Danemark

Cet investissement vient conforter l’importance de l’usine chartraine (environ 1 600 salariés), seul site de production européen de Novo Nordisk en dehors du Danemark. L’investissement du laboratoire pharmaceutique permettra de doubler la superficie actuelle du site au cours des prochaines années, pour atteindre 230 000 mètres carrés, et devrait créer 500 nouveaux emplois. « Des équipements de haute technologie offriront la possibilité de produire plusieurs dispositifs d’administration différents », détaille l’entreprise, qui précise que les premières étapes de construction ont été lancées. La livraison des nouveaux bâtiments devrait s’achever entre 2026 et 2028.

Cette expansion permettra à Chartres de diversifier sa production, aujourd’hui cantonnée aux produits destinés au traitement du diabète, pour l’étendre à « la production de futures solutions thérapeutiques dans des maladies chroniques graves telles que l’obésité », dont le récent médicament vedette du laboratoire danois, le Wegovy. Ce traitement contre l’obésité, petit frère à haute dose de l’Ozempic, connaît un succès fulgurant depuis son lancement commercial aux Etats-Unis, en 2021.

Il vous reste 60% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Carole Grandjean, ministre déléguée chargée de l’enseignement professionnel : « En terminale, nous proposerons des parcours différenciés aux élèves selon leur projet »

Carole Grandjean, la ministre déléguée à l’enseignement et à la formation professionnels, le 20 juillet 2022, dans son ministère, à Paris.

Après la présentation, en mai, de l’architecture de la réforme du lycée professionnel, la ministre déléguée Carole Grandjean a engagé des discussions spécifiques sur la transformation de l’année de terminale. Alors qu’une large partie des syndicats d’enseignants s’y opposent et appellent à la grève le 12 décembre, la ministre détaille pour Le Monde ses arbitrages, qui rendront la dernière année avant le baccalauréat plus modulaire pour les lycéens selon qu’ils veulent s’insérer dans l’emploi ou poursuivre leurs études.

Vous voulez revoir l’organisation de l’année de terminale. Comment va-t-elle se dérouler et pourquoi ce changement ?

L’année de terminale telle que nous voulons la repenser pour la rentrée 2024 consistera en un tronc commun de trente semaines, découpées en vingt-deux semaines de cours, six semaines de périodes de formation en milieu professionnel, dont l’organisation reste modulable, puis deux semaines d’examen qui se dérouleront fin mai.

Sur les six dernières semaines de l’année, nous voulons proposer aux élèves des parcours différenciés selon leur projet : un stage de six semaines s’ils souhaitent s’insérer dans l’emploi, ou une préparation à la poursuite d’études, centrée sur les matières fondamentales, la méthodologie, et l’autonomie. Le dispositif sera flexible : un élève pourra changer d’avis durant les six semaines et basculer en stage ou en préparation à la poursuite d’études.

Pour s’assurer de l’assiduité des élèves, ceux-ci ne connaîtront pas leur note de bac avant début juillet et deux épreuves auront encore lieu fin juin : la prévention sécurité et un grand oral qui portera sur un projet qu’ils auront conduit toute l’année, y compris lors des six semaines de parcours diversifié, ainsi que sur leurs ambitions pour la suite.

La dernière période de stage des terminales bac pro ne va-t-elle pas entrer en concurrence avec les deux semaines de stage des élèves de 2de générale, qui bénéficient souvent d’un meilleur réseau ?

Tous ces élèves ne sont pas dans des situations tout à fait comparables. Les élèves de terminale professionnelle sont en fin de cursus, ils ont un projet, ils ont déjà fait d’autres stages, ils sont dans une démarche de professionnalisation. Ces six dernières semaines de stage doivent faire office de tremplin, ce qui suppose aussi un travail d’identification et de coopération avec des entreprises pour qu’elles soient de vrais partenaires vers l’emploi. Dans l’idéal, ce dernier stage doit devenir un premier emploi. Le poste de chargé des relations entreprises, créé dans les lycées professionnels depuis la rentrée, est justement dédié à l’animation d’un portefeuille d’entreprises. C’est une révolution culturelle.

Il vous reste 70% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Emploi des seniors : les négociations vont pouvoir démarrer entre le gouvernement et les partenaires sociaux

Le ministre du travail, Olivier Dussopt, s’entretient avec la première ministre, Elisabeth Borne, lors d’une séance de questions au gouvernement, à l’Assemblée nationale, à Paris, le 14 novembre 2023.

Annoncée il y a un peu plus de sept mois par le président de la République, Emmanuel Macron, la négociation sur un « nouveau pacte de la vie au travail » va enfin démarrer. Mardi 21 novembre, le ministère du travail a communiqué aux syndicats et au patronat le « document d’orientation » fixant le périmètre des discussions à venir. Proposé par le chef de l’Etat à un moment où il voulait s’extraire du conflit sur la réforme des retraites et relancer son quinquennat, cet exercice s’inscrit dans un « agenda social » qui vise à « coconstruire » des réformes avec les organisations d’employeurs et de salariés.

Le texte envoyé mardi en fin d’après-midi aux partenaires sociaux mentionne les « chantiers » évoqués par le locataire de l’Elysée lors de son allocution du 17 avril : augmenter l’emploi des seniors, « mieux lutter contre l’usure professionnelle », faciliter les reconversions, créer un « compte épargne temps universel » – une promesse de campagne de M. Macron qui s’inspire d’une revendication ancienne de la CFDT. Contrairement à la négociation sur l’assurance-chômage, qui s’est achevée le 10 novembre, les syndicats et le patronat auront des marges de manœuvre relativement significatives pour parlementer, la feuille de route transmise mardi étant assez peu contraignante sur la plupart des têtes de chapitre. Une liberté surveillée, toutefois : dans l’hypothèse où les parties en présence parviendraient à un compromis, les mesures choisies ne devront pas dégrader les finances publiques, comme le stipule, à plusieurs reprises, le document d’orientation.

Le maintien en poste des travailleurs vieillissants constitue l’enjeu majeur des pourparlers. Sur ce dossier, le gouvernement pousse à la « mobilisation » en affichant des ambitions très élevées : son but est d’atteindre le « plein-emploi des seniors », ce qui signifie un taux de personnes de 60 à 64 ans en activité de 65 % en 2030, contre seulement 36,2 % en 2022. Il s’agit également d’ « accompagner » l’allongement des carrières induit par la réforme des retraites, qui a reporté l’âge légal de départ de 62 à 64 ans. Plusieurs « leviers » sont suggérés par l’exécutif : favoriser l’accès à la formation, améliorer les conditions de travail, aménager les fins de parcours professionnel, mieux lutter contre les stéréotypes et les discriminations liés à l’âge…

Des bornes d’âge relevées

Le document d’orientation rappelle, par ailleurs, l’engagement pris dans l’accord du 10 novembre sur l’assurance-chômage : faire évoluer les règles d’indemnisation des seniors afin de prendre en compte la réforme des retraites. Aujourd’hui, les demandeurs d’emploi reçoivent une allocation plus longtemps lorsqu’ils ont 53 ou 54 ans – et encore plus longtemps à partir de 55 ans. Ces bornes d’âge vont être relevées, tout comme celle pour le départ à la retraite qui, elle, passera donc à 64 ans.

Il vous reste 50% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Des programmes ciblent les seniors pour faciliter leur retour à l’emploi

Bruno, l’un des participants à la Seniors académie, est chargé de la restitution à l’oral de l’un des thèmes abordés lors de l’atelier « Rebondir sur un nouveau projet professionnel », à Laval, le 7 novembre 2023.

« Pourquoi il n’y aurait pas, comme pour les jeunes, des missions locales pour aider les seniors à trouver un emploi ? » Isabelle Stephant, une formatrice rodée aux programmes d’insertion et aux bilans de compétences, est convaincue de leur utilité potentielle, tant elle sait la recherche laborieuse pour les actifs de plus de 50 ans. Bénévole auprès de la Fondation Agir contre l’exclusion (FACE) en Mayenne, elle pilote la Seniors académie, un nouveau programme d’accompagnement renforcé et gratuit de deux mois, pour dix demandeurs d’emploi qui vivent dans le département.

Pas de château cosy pour héberger les dix-huit ateliers et les sessions de coaching individuel prévus, mais une salle prêtée au sous-sol d’un site d’Enedis à Laval qui, comme d’autres entreprises locales, compte un représentant parmi les parrains et marraines associés à chacun des participants. Avant que la Seniors académie ne se termine pour eux mi-novembre, les voilà conviés à un atelier « Rebondir sur un nouveau projet professionnel ».

Rebondir, ils l’espèrent tous. Alors que le taux de chômage en Mayenne (4,7 %) est bien plus bas que la moyenne nationale (7,2 %) à la mi-2023, celui des seniors est quasiment multiplié par deux. Face à cette situation critique, des initiatives comme celle-ci, pilotées par des associations ou des entreprises, souhaitent s’inspirer de dispositifs généralistes de retour à l’emploi, en les ciblant sur les personnes en deuxième partie de carrière.

En les observant prendre place autour d’une table en U, rien ne permet vraiment de déterminer un trait commun entre les trois femmes et les six hommes présents ce 7 novembre. « C’est un groupe hétérogène en termes d’âge, de secteurs d’activité et de formation initiale », prévient Isabelle Stephant. Si ce n’est « un à deux ans minimum de chômage », précise Julien, un ancien militaire devenu technicien informatique, le benjamin à 47 ans du groupe avec Aziza, une auxiliaire de vie.

A côté de lui se trouve Bruno, un ancien hôtelier et gérant de bar, en quête à 69 ans d’un revenu pour compléter sa retraite. Pour les sortir d’un isolement plus ou moins important, tous ont été aiguillés ici par Pôle emploi, le département, l’agglomération ou bien Cap Emploi, qui accompagne les personnes en situation de handicap.

Absences de réponse et fins de non-recevoir

La plupart d’entre eux avaient déjà suivi des réunions pour refaire son CV ou découvrir des secteurs qui recrutent. Là, c’est plus intense. En plus d’un groupe WhatsApp où ils échangent, ils passent dix à vingt heures par semaine ensemble, comprenant des techniques de recherche d’emploi, des simulations d’entretien, des visites d’entreprise ainsi que du théâtre et du sport pour souder le groupe et la confiance en soi. Avant leur dernière semaine commune, ils ont une nouvelle requête pour Isabelle Stephant : un document qui recenserait les aides locales et nationales à l’embauche ou les exonérations sociales dont pourraient bénéficier leurs futurs employeurs.

Il vous reste 65% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Grèves à la SNCF : qu’ont obtenu les cheminots par des mouvements sociaux lors des fêtes de fin d’année ?

Le syndicat SUD-Rail n’exclut pas de faire grève pendant les vacances de Noël, faisant ainsi ressurgir la crainte chez les usagers de voir leur train retardé ou supprimé. D’un côté, la direction de la SNCF propose une « augmentation moyenne » des salaires de 4,6 % pour 2024. De l’autre, SUD-Rail, troisième syndicat représentatif dans l’entreprise ferroviaire, demande « 400 euros d’augmentation mensuelle pour tous ». Les syndicats ont jusqu’au mercredi 22 novembre pour signer l’accord formulé dans le cadre de la négociation annuelle obligatoire (NAO) – la CFDT-Cheminots et l’UNSA-Ferroviaire l’ont déjà ratifié.

Le mois de décembre est propice aux rapports de force entre les syndicats et la compagnie du rail. « Historiquement, c’est le moment du changement de service [la modification annuelle des horaires de trains], sur lequel se greffe une multiplicité des occasions » de faire grève, analyse Gilles Dansart, journaliste fondateur du média spécialisé Mobilettre, qui énumère le pouvoir d’achat ou encore la NAO. Le Monde passe en revue les mobilisations marquantes de fin d’année à la SNCF depuis dix ans – des mouvements aux résultats contrastés.

Lire le décryptage : Article réservé à nos abonnés A la SNCF, climat social tendu et menace de grèves

2022 : les contrôleurs obtiennent une augmentation d’indemnité après un mouvement inédit

La fin de l’année 2022 a donné lieu à une mobilisation à la forme inédite et particulièrement impopulaire auprès des usagers : les contrôleurs se sont organisés sur les réseaux sociaux en formant un collectif, délaissant le cadre traditionnel des organisations syndicales – qui ont toutefois porté les revendications et déposé des préavis. Pour Gilles Dansart, ce conflit social « a émergé en septembre et a pourri par négligence de la hiérarchie ». Avant de se concrétiser par un mouvement de grève des contrôleurs à partir du premier week-end de décembre.

Ce bras de fer s’est soldé in extremis avant Noël, alors que le gouvernement avait mis la pression sur la compagnie ferroviaire pour trouver une issue au conflit social. Les chefs de bord ont obtenu, notamment, une augmentation de leur indemnité (qui compte dans le calcul de la pension de retraite) et des créations de postes. « Pour moi, c’est une des grèves où il y a eu le plus d’avancées sociales », estime Fabien Villedieu, délégué syndical SUD-Rail depuis vingt-trois ans, qui ajoute avoir « plutôt l’habitude de se battre sur les conditions de travail. La question salariale a pris de l’importance depuis 2020 ».

La fin du conflit a permis d’assurer un trafic normal pour le Nouvel An, mais le week-end de Noël est resté perturbé – jusqu’à 50 % d’annulations sur les axes TGV Nord et Atlantique. Des Ouigo et des Intercités ont aussi été supprimés. Au total, quelque 200 000 voyageurs, sur les 800 000 prévus, ont vu leur train annulé.

Lire le récit : Article réservé à nos abonnés Grève des contrôleurs de la SNCF : aux racines d’un conflit hors norme

2021 : des primes obtenues pour les conducteurs et contrôleurs du TGV Sud-Est

Cette fois, c’est une menace localisée, mais sur un axe fréquenté, qui a plané sur les grands départs. Jeudi 16 décembre, avant le premier week-end de vacances, les syndicats CGT-Cheminots et SUD-Rail lèvent finalement leur appel à la grève, prévue le lendemain, sur la ligne du TGV Sud-Est. Des primes de 600 euros pour les conducteurs et de 300 euros pour les contrôleurs ont été obtenues à la suite d’un accord avec la direction de la SNCF de l’axe TGV Sud-Est.

Faute de pouvoir mettre en état de fonctionnement toutes les rames à temps, 50 000 voyageurs ont été privés de train. Les appels à la grève ont été levés « trop tardivement sur le plan opérationnel pour assurer une remontée » du nombre de TGV en circulation, explique la direction.

2019 : une grève inédite contre la réforme des retraites

La mobilisation de 2019 à la SNCF est historique. La grève contre la réforme des retraites d’alors commence le lundi 5 décembre et entraîne la suppression de 90 % du trafic des TGV et des Transiliens, des trains de banlieue desservant principalement les gares franciliennes. La mobilisation continue s’est étendue jusqu’à janvier, dépassant ainsi le record de 1986-1987. « A l’époque, il y a eu des débats entre organisations syndicales, mais la plupart étaient d’accord sur l’idée qu’il ne fallait pas arrêter le mouvement pendant les fêtes », rapporte Stéphane Sirot, historien spécialiste de la sociologie des grèves.

La forte mobilisation des cheminots vise le projet du gouvernement qui envisage d’instaurer un système de retraites par points supprimant les régimes spéciaux. Ce sont 30 % à 40 % des agents de la SNCF et de la RATP qui peuvent être concernés par la réforme – qui sera finalement abandonnée sous cette forme en mars 2020.

Le Monde Guides d’achat

Gourdes réutilisables

Les meilleures gourdes pour remplacer les bouteilles jetables

Lire

Financièrement, la SNCF a souffert de la contestation : après onze premiers mois « très dynamiques », le groupe public a accusé une perte nette de 801 millions d’euros sur l’année. Les vingt-sept jours de grève en décembre ont représenté environ 690 millions d’euros de manque à gagner de chiffre d’affaires, a estimé l’entreprise.

2013 : une opposition à la réforme ferroviaire

A la mi-décembre 2013, une grève est lancée par cinq syndicats pour contester le projet de réforme ferroviaire visant à rassembler l’exploitant SNCF et le gestionnaire d’infrastructures Réseau ferré de France en un établissement public à caractère industriel et commercial chapeautant deux branches, SNCF Réseau et SNCF Mobilités. Avec cette nouvelle configuration, les syndicats redoutent un « éclatement de la SNCF ».

Le trafic des TGV et TER est légèrement perturbé. C’est en Ile-de-France que la circulation est la plus entravée, avec un train sur quatre sur la ligne B du RER, qui relie notamment Paris aux aéroports de Paris – Charles-de-Gaulle et Paris-Orly. Une mobilisation de moindre importance comparée à celle de juin, portant sur le même enjeu, qui avait été suivie en moyenne par un cheminot sur trois (68,6 % des agents de conduite et 70,4 % des contrôleurs).

La réforme a finalement été adoptée au Parlement et promulguée à l’été 2014. Quatre ans plus tard, une autre réforme organisationnelle a touché la SNCF : celle du « nouveau pacte ferroviaire », qui a supprimé le statut de cheminot pour les nouveaux embauchés à partir de 2020 et organisé l’ouverture à la concurrence pour le transport de voyageurs. Cette grève de trente-six jours, étalée sur le printemps 2018, a coûté 770 millions d’euros de profit opérationnel à l’entreprise, divisant par dix le bénéfice net part du groupe (141 millions d’euros) par rapport à l’année passée.

Luce Carevic, experte en accessibilité numérique : « En entreprise, les personnes handicapées ont peur d’être stigmatisées »

Prévoir des postes adaptés, organiser le temps de travail, former les collaborateurs… autant de mesures que les entreprises peuvent mettre en place pour accueillir des salariés en situation de handicap. Mais aujourd’hui, avec le développement et la généralisation des outils numériques, il est possible d’aller plus loin pour permettre plus d’inclusion.

En France, une personne sur six est en situation de handicap. Il y a le handicap de naissance, mais aussi celui qui survient au cours de la vie après un accident, une maladie ou le temps qui passe. Cela représente 85 % des cas de handicaps. Pour une entreprise, adapter ses outils permet donc de toucher à la fois des salariés dans l’emploi et de futurs salariés.

Mais comment adapter son entreprise ? Quels outils numériques mettre concrètement en place ? Comment infuser une véritable culture d’un numérique inclusif ? Et comment toutes ces démarches peuvent devenir une opportunité pour les entreprises ?

Retrouvez l’entretien réalisé avec Luce Carevic, directrice de production et experte en accessibilité numérique chez Access42, pour le podcast du Monde « Rebond, vivre avec le handicap » (saison 3), réalisé en partenariat avec l’Agefiph, à l’occasion de la Semaine européenne pour l’emploi des personnes en situation de handicap (SEEPH).

Retrouvez l’intégralité des saisons du podcast « Rebond, vivre avec le handicap »

Access42 est un cabinet de conseil qui accompagne depuis 2014 les entreprises et les administrations publiques dans la mise en place et le suivi de leur politique d’accessibilité numérique. Lors de vos audits, quels constats faites-vous ?

En règle générale, les sites, les applications, les logiciels en entreprise (mais pas qu’en entreprise d’ailleurs) ont un niveau d’accessibilité déplorable. Il n’y a pas de données très fiables sur le sujet mais certaines enquêtes montrent qu’il y a moins de 10 % d’outils accessibles aux personnes en situation de handicap. Certains observatoires évoquent même 1 % ! Les entreprises s’intéressent au sujet lorsque certains de leurs salariés ne peuvent plus utiliser leurs outils, après une maladie par exemple. C’est le cas avec la déficience visuelle. Elles veulent donc voir comment les améliorer.

Quels principaux points de blocage constatez-vous ?

Ils sont de différents types. D’abord, les outils numériques ne sont pas pensés et codés pour être compatibles avec les aides techniques qu’utilisent les personnes handicapées, comme les lecteurs d’écran pour les personnes déficientes visuelles ou aveugles. Sauf que si l’outil de l’entreprise n’est pas codé correctement, l’outil numérique de la personne handicapée ne va pas du tout pouvoir fonctionner. Pour des actions basiques – comme commander quelque chose sur Internet ou poser des congés – ce sera complètement impossible. Sur de nombreux sites, il faut aussi interagir avec la souris, ou éventuellement avec un trackpad. Si vous utilisez d’autres outils qui simulent une navigation au clavier, cela ne fonctionnera pas du tout. Normalement, les équipes techniques, les développeurs et les développeuses sont censés connaître ces paramètres. Mais comme ce n’est pas toujours le cas, la plupart des outils numériques ne sont pas codés correctement. Pourtant, on ne parle pas de technologies très avancées ou d’un savoir-faire hors de portée.

Pourquoi est-on autant en retard ?

Il y a un manque de volonté, mais aussi de connaissances. Notamment car l’obligation légale n’a longtemps concerné que le secteur public. Finalement, la plupart des gens sont de bonne foi, font confiance aux équipes techniques ou aux prestataires. Ils se font livrer des sites web ou des applicatifs sans se poser la question de l’accessibilité et personne en interne n’est capable de le vérifier, ou n’ose le faire. En effet, les personnes en situation de handicap ne veulent pas forcément signaler qu’il y a des problèmes pour ne pas être stigmatisées ou perdre leur emploi.

Depuis 2019, les entreprises privées ayant plus de 250 millions de chiffre d’affaires et les entreprises publiques doivent garantir l’accès à l’information et aux services numériques pour les personnes présentant un handicap auditif, cognitif, visuel et physique. Ce n’est pas suffisant ?

Ces obligations sont pour le moment assez restreintes. A partir de 2025, elles vont être élargies à certains secteurs, notamment à la téléphonie, au livre numérique, au secteur bancaire, aux transports. J’en oublie certainement mais ça reste encore assez limité. Sauf que comment peut-on obliger d’un côté les entreprises à employer des personnes handicapées et de l’autre ne pas rendre obligatoire l’accessibilité numérique ? Si les outils ne sont pas accessibles, une grande partie des personnes en situation de handicap ne peuvent pas travailler. Il y a d’ailleurs eu une prise de conscience lors du confinement, quand tout le monde était en télétravail forcé. La plupart des outils de visio n’étaient pas accessibles et il était donc difficile de communiquer avec des collègues en situation de handicap.

Pourtant, sans adaptation, sans inclusion par le numérique, il peut y avoir des conséquences importantes pour les salariés…

On constate déjà une baisse de la productivité. Pour la même action, sans outil adapté, elle sera faite beaucoup plus lentement. A terme, cela peut entraîner une perte d’emploi ou l’impossibilité d’évoluer. Il nous est arrivé d’intervenir dans des entreprises où des salariés avaient les compétences pour changer de poste mais ne pouvaient pas parce que l’outil numérique qu’ils devaient utiliser n’était pas du tout accessible.

Comment les entreprises peuvent-elles s’adapter ?

Lorsqu’elles ont la main sur leurs outils, nous leur faisons des recommandations techniques pour les faire évoluer, les redévelopper ou en changer. Mais, un peu comme dans le bâti, lorsque quelque chose n’est pas conçu comme étant accessible dès le départ, il est compliqué de rajouter de l’accessibilité a posteriori. Aussi, lorsqu’un outil pourrait être accessible, il contrevient parfois à d’autres paramètres de l’entreprise comme ceux liés à la sécurité, aux règles RGPD, à la violation des données… Il est donc très compliqué de trouver l’outil qui répondra à toutes les réglementations et qui sera en plus accessible.

Au-delà des outils numériques, il est déjà possible de mettre en place des bonnes pratiques au sein de l’entreprise. Avez-vous des exemples ?

Il y a des exemples assez basiques. Commençons par l’e-mail. Si vous envoyez une image à une personne aveugle, son outil de lecture ne sera pas capable de voir ce qu’il y a dans l’image. De même pour les e-mails qui contiennent de la couleur et qu’une personne daltonienne ne verra pas. Lorsqu’une personne déficiente visuelle ou aveugle reçoit un document peu structuré, elle ne va pas pouvoir naviguer correctement dedans ou aller un peu plus vite. Pourtant, sur Word ou Excel, il est possible de prévoir des options d’accessibilité. Cela permet ensuite à une personne handicapée d’utiliser le fichier correctement. Ces exemples ne sont donc pas forcément liés aux outils numériques, ce sont seulement des bonnes pratiques à acquérir.

Comment intégrer l’accessibilité numérique dans la vision globale de l’entreprise ? C’est-à-dire former les départements RH, mobiliser les équipes techniques qui gèrent le parc informatique, aller jusqu’aux départements de communication et de marketing ?

La loi impose normalement aux entreprises publiques et aux entreprises privées, dont le chiffre d’affaires est supérieur à 250 millions d’euros, d’établir publiquement un schéma directeur d’accessibilité numérique en détaillant ce qu’elles vont mettre en place au sein de leur structure. Mais il faut que les entreprises comprennent que cette obligation légale n’est pas juste déclarative. Elles doivent s’en saisir pour réfléchir concrètement à cette problématique.

Les années passant, avez-vous vu les entreprises évoluer ?

Oui, il y a quand même une réelle évolution, même si certaines entreprises sont dépassées. On entend de plus en plus parler d’accessibilité numérique. Il y a sept ans, lorsque j’ai commencé dans ce métier, ce n’était pas le cas. Nous avions d’ailleurs très peu de clients privés, seulement ceux du secteur public qui avaient une obligation légale. Désormais, ce n’est plus vraiment le cas et nous avons de plus en plus d’entreprises privées. Certaines d’entre elles s’y intéressent par obligation légale mais d’autres veulent allier politique RSE et accessibilité numérique. Aujourd’hui, on parle aussi beaucoup d’inclusion. Sauf que parler d’inclusion sans penser au volet accessibilité et handicap, ce n’est pas très logique.

Intégrer l’accessibilité numérique est aussi bon pour l’image d’une entreprise…

Alors oui, il y a aussi cet aspect-là. Aujourd’hui, pas mal de profils cherchent à travailler dans des entreprises qui ont un minimum de valeurs. Ils s’interrogent sur le sens de leur travail. Cela peut donc attirer de futurs candidats de se dire « je travaillerai pour une société qui se soucie d’inclure des salariés différents, de ne pas exclure quelqu’un qui rencontrerait un problème au cours de sa vie ». Mais, a contrario, peu d’entreprises privées communiquent sur le travail qu’elles font sur l’accessibilité numérique. Peut-être à tort, mais aussi parce qu’elles considèrent qu’elles sont encore très loin d’avoir des résultats tangibles.

Quels conseils aimeriez-vous transmettre en matière d’accessibilité numérique aux entreprises qui nous écoutent ?

Je leur conseillerai de commencer petit à petit. D’abord en se posant la question des outils utilisés en interne, en faisant un état des lieux puis en se renseignant sur le sujet. Il y a beaucoup de contenus gratuits disponibles sur le Web sur ce sujet. Je les inviterai aussi à se rapprocher des missions handicap.

« Rebond, vivre avec le handicap » est un podcast écrit et animé par Isabelle Hennebelle et Joséfa Lopez pour Le Monde. Mixage : Eyeshot. Identité graphique : Mélina Zerbib. Reportage : Marjolaine Koch. Partenariat : Sonia Jouneau, Victoire Bounine. Partenaire : Agefiph.

Le Monde

La grève à France 3 entre dans sa troisième semaine

Un cameraman de France 3 Bretagne, à Rennes, le 19 septembre 2012.

Et de trois. Sauf surprise, la grève en cours au sein des journaux de France 3 entrera, mercredi 22 novembre, dans sa troisième semaine. Cela fait quinze jours qu’au lieu des éditions baptisées « Ici », mises en place à la rentrée à la place du « 12-13 heures » à la mi-journée et du « 19-20 heures » en début de soirée, les téléspectateurs de France 3 se contentent de JT « dégradés ». Toutes les régions, sauf la Corse, ont déjà été touchées.

Lundi 20 novembre, « 19 éditions sur 24 ont été diffusées, dont 5 à 100 %, alors que le taux de grévistes était de 4,3 %, soit 91 personnes, pour la mi-journée, et de 3,31 % [71 personnes] le soir », indique-t-on à France Télévisions. « En pourcentage, il y a peu de grévistes, mais c’est la visibilité de la mobilisation qui compte », souligne Raoul Advocat, délégué syndical SNJ. Organisé en arrêts de travail de cinquante-neuf minutes, le mouvement démultiplie d’autant plus son impact que cinq organisations syndicales (SNJ, CGT, CFDT, FO, SUD) sont solidaires pour rejeter les conditions d’exécution de cette réforme.

Portées à l’antenne le 4 septembre, les nouvelles sessions d’information « Ici » sont censées compiler actualité internationale, nationale et régionale selon une hiérarchie décidée dans chacune des 24 régions, là où, précédemment, les éditions nationales du « 12-13 » ou du « 19-20 » se chargeaient de tout ce qui n’était pas local.

Des scriptes débordées

« Nous passons de deux éditions nationales quotidiennes sur France 3 à 48 éditions régionales », se réjouissait à la rentrée Delphine Ernotte, la présidente de France Télévisions, dans Le Monde, ravie de proposer des JT « moins parisiano-centrés ». Mais les régions se sont retrouvées à gérer des conducteurs (le déroulé des journaux) beaucoup plus longs qu’auparavant, les rédactions ne découvrant par ailleurs la durée des sujets à intégrer, fabriqués à Paris, que très tardivement. Malgré l’apport de « 60 équivalents temps plein », le surplus de travail a provoqué une « crise majeure », selon les syndicats. « On déplore 14 accidents du travail », assure M. Advocat, qui pointe notamment la situation des scriptes, débordées.

Le 17 novembre, la direction de France Télévisions a fait des propositions : augmentation du nombre de scriptes, fourniture pendant trois mois d’un « prêt à diffuser » tout en images de sept minutes pour traiter l’information nationale et internationale… « Le compte n’y est pas. Toujours pas », écrivaient les syndicats dimanche soir, entraînant la caducité de l’offre de la direction. Aucune nouvelle réunion de négociation n’est programmée.

Mise à jour mardi 21 novembre à 19 h 50 : ajout de SUD parmi les syndicats appelant à la grève.

Les compagnies aériennes déjà confrontées à un manque de pilotes

Un Boeing 777X, lors du salon aéronautique de Dubaï, le 14 novembre 2021.

L’Association internationale du transport aérien (IATA) a sonné l’alarme. Au cours des vingt ans à venir, il faudra recruter de 500 000 à 600 000 pilotes. Il faut dire que, d’ici à 2044, le nombre d’appareils va doubler. Selon les chiffres de Boeing, publiés en juin et très proches de ceux d’Airbus, il devrait y avoir 48 575 avions dans le ciel dans vingt ans contre 24 500 aujourd’hui.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Turkish Airlines se lance à l’assaut des compagnies du Golfe

Cette trajectoire, qui semble peu compatible avec la lutte contre le réchauffement climatique, est confortée par la succession de commandes géantes passées par les plus grandes compagnies aériennes. Au salon aéronautique de Dubaï, qui a fermé ses portes vendredi 17 novembre, Emirates a fait sensation, avec l’annonce de l’acquisition de 90 long-courriers Boeing 777X pour 52 milliards de dollars (environ 47,7 milliards d’euros) au prix catalogue, auxquels s’ajoutent 15 jumbos Airbus A350, pour un chèque supplémentaire de 5,5 milliards de dollars.

En juin, à l’occasion du salon du Bourget, près de Paris, c’était Airbus qui avait tenu la vedette avec la commande – qualifiée d’« historique » – d’Air India, de 500 Airbus A320 pour 44 milliards d’euros. Et ce n’est pas tout. Airbus et Turkish Airlines ont conclu un accord de principe pour 355 Airbus, pour 53 milliards de dollars.

Inadaptation de la filière de formation

Cette augmentation continue du nombre d’avions commerciaux provoque déjà « des tensions sur le recrutement » des pilotes, observe Marc Rochet, président d’Air Caraïbes et de French bee. Un début de pénurie s’est fait jour depuis la relance du long-courrier après la crise due au Covid-19. Car les dessertes des destinations lointaines sont gourmandes en équipages. Quand il faut, selon Alexandre Blanc, directeur général adjoint des opérations aériennes d’Air France, « cinq équipages, c’est-à-dire dix pilotes, pour prendre les commandes d’un appareil moyen-courrier, il en faut vingt et un à vingt-quatre pour un long-courrier ».

La guerre en Ukraine n’a rien arrangé. L’obligation de contourner la Russie « rallonge les routes de l’Europe vers l’Asie et le Japon de deux heures. Nous dépassons la limite des treize heures trente de vol, ce qui contraint les compagnies à passer de trois à quatre pilotes par équipage », ajoute le patron des navigants d’Air France. « Le manque de pilotes, c’est déjà un sujet !, constate Guillaume Hue, spécialiste de l’aéronautique pour le cabinet de conseil Archery Strategy Consulting. C’est même ce qui limite la croissance des compagnies aériennes, bien avant la disponibilité des avions. »

Il vous reste 55% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.