Archive dans août 2023

L’intersyndicale appelle à se mobiliser pour « le pouvoir d’achat » et « contre l’austérité »

L’intersyndicale effectue sa rentrée avec des mots d’ordre renouvelés. Dans un communiqué commun publié lundi 28 août, les huit principales organisations de salariés appellent à se mobiliser en faveur du « pouvoir d’achat », de « l’égalité femmes-hommes » et « contre l’austérité ». Après avoir combattu – sans succès – la réforme des retraites tout au long du premier semestre, les représentants des travailleurs veulent montrer qu’ils continuent de lutter ensemble sur d’autres dossiers. Leurs revendications sont, à ce stade, très générales mais ils ont la ferme intention de donner de la voix, le 13 octobre, à l’occasion d’une journée d’action impulsée par la Confédération européenne des syndicats.

Le fait de s’inscrire dans le cadre d’une initiative à l’échelon du Vieux Continent ne constitue nullement une surprise. Une telle démarche avait été envisagée, le 15 juin, lors de la précédente rencontre de l’intersyndicale, qui avait acté la fin de la bataille contre le recul de l’âge légal de départ à la retraite. Tout en réaffirmant leur hostilité à cette mesure paramétrique, source d’une « colère (…) intacte » parmi la population, les mouvements de salariés repartent à l’offensive, sous des formes qui restent à affiner. Le 13 octobre, il y aura – bien sûr – des manifestations et des rassemblements, sur tout le territoire français. Des grèves pourraient aussi être déclenchées : cette option-là a été évoquée quand les dirigeants des huit syndicats ont échangé en visioconférence, le 25 août, sur le contenu du communiqué diffusé lundi, « mais elle doit encore être débattue par les instances de chaque organisation avant – éventuellement – d’être retenue », explique Frédéric Souillot, secrétaire général de Force ouvrière.

Doléance déjà portée au cours des derniers mois, l’augmentation des salaires – en particulier du smic –, ainsi que la hausse des pensions et des minima sociaux apparaissent, cette fois-ci, en priorité numéro un. Alors que les profits des grands groupes « explosent », les signataires de la déclaration commune plaident « pour un meilleur partage de la richesse produite » : c’est « plus que jamais (…) impératif », écrivent-ils. Ils exhortent les employeurs, du privé comme du public, « à ouvrir des négociations à tous les niveaux ».

« Nos organisations restent unies »

D’autres thématiques sont passées en revue, à travers des considérations plus proches du slogan que de la requête précise : « engager une transition écologique socialement juste », conditionner les aides de la collectivité accordées aux entreprises, renforcer les services publics, réviser les « ordonnances Macron » de septembre 2017 et la loi de transformation de la fonction publique d’août 2019 qui ont compliqué la tâche des élus des personnels, etc. L’intersyndicale affiche également sa détermination à quelques jours du lancement de deux négociations importantes : l’une sur l’assurance-chômage, qui va tenter de revisiter les règles d’indemnisation des demandeurs d’emploi ; l’autre sur les retraites complémentaires – avec la question, notamment, de la revalorisation du niveau des prestations. Les discussions entre partenaires sociaux doivent contribuer à améliorer « les droits (…) des travailleurs », soulignent les auteurs du texte.

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« Que sait-on du travail ? » : en emploi, l’approche low cost ne paie pas

61,6 %, c’est la part de l’emploi du secteur industriel français qui se trouve dans des filiales à l’étranger en 2017, contre 38,2 % pour l’Allemagne, soulignait France Stratégie dans un rapport remis à l’Assemblée nationale fin 2020. Alors que depuis les années 1990, les gouvernements successifs ont fait le choix de réduire le coût du travail dans l’espoir d’inciter les entreprises à recruter, à garder leurs emplois et ainsi diminuer le taux de chômage, la France est surtout devenue championne de la délocalisation de ses sites de production industrielle.

Le taux de chômage a certes baissé, mais aux dépens de l’emploi qualifié. Les créations d’emplois liées aux allègements de cotisations sociales ont engendré une substitution de travailleurs peu qualifiés à la place de travailleurs plus qualifiés, souligne le chercheur.

L’approche low cost, pour un travail toujours moins cher, n’a pas produit les effets espérés. C’est l’analyse développée par le politiste Bruno Palier dans le cadre du projet de médiation scientifique « Que sait-on du travail ? », du Laboratoire interdisciplinaire d’évaluation des politiques publiques (Liepp), diffusé en collaboration avec le Liepp et les Presses de Sciences Po sur la chaîne Emploi de Lemonde.fr.

Sans établir de lien unique de cause à effet entre délocalisation et coût du travail, Bruno Palier constate qu’après trente ans de baisses des cotisations sociales, le marché du travail a été affecté par les délocalisations, l’augmentation de la sous-traitance, l’éviction des seniors durant les périodes de crise et, depuis 2000, par l’intensification du travail. Qualité et conditions de travail se sont ainsi progressivement dégradées.

Une représentation dévalorisée

Pourtant les efforts pour réduire le coût du travail ont été considérables : les exonérations de cotisations qui représentaient déjà 39,8 milliards d’euros en 2017 atteignent aujourd’hui 78,8 milliards, selon le rapport de la commission des comptes de la Sécurité sociale de septembre 2022. Dans l’industrie en particulier, l’heure de travail coûte désormais moins cher en France (40 euros) qu’en Allemagne (42 euros).

L’analyse du chercheur est que le travail n’est ni une marchandise ni une simple ligne comptable et que l’approche « coût » a construit une représentation dévalorisée du travail, passant sous silence l’« atout » qu’il constitue pour les entreprises comme pour le pays.

En conclusion, le chercheur invite à développer une stratégie de la qualité en investissant dans la qualification et la formation des salariés tout au long de la vie, sans craindre leur participation aux innovations et aux décisions.

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« Comment les stratégies du low cost à la française ont intensifié et abîmé le travail ? »

[Pour une entreprise et encore plus pour l’Etat, le travail devrait toujours être considéré comme un investissement. Bruno Palier, directeur de recherche du CNRS au Centre d’études européennes de politique comparée de Sciences Po, explique pourquoi, en revenant sur les dégâts produits par des années de stratégies de low cost. Docteur en sciences politiques, agrégé de sciences sociales, il travaille sur les réformes des systèmes de protection sociale. Il est l’auteur de Réformer les retraites (Presses de Sciences Po, 2021) et coauteur, en 2022, avec Clément Carbonnier de l’ouvrage Les Femmes, les jeunes et les enfants d’abord (PUF). II a codirigé le Liepp de 2014 à 2020.]

Depuis plus de trente ans, le travail en France n’est pas conçu comme un atout sur lequel les entreprises et les services publics pourraient s’appuyer pour améliorer leurs produits ou leurs services, mais comme un coût qu’il faut réduire par tous les moyens.

C’est ce à quoi s’attellent les politiques économiques françaises, principalement fondées sur des exonérations de cotisations sociales et des aides aux entreprises pour alléger le poids des « charges sociales ». Réduire le coût du travail à tout prix constitue aussi l’essentiel des stratégies des entreprises françaises. L’ensemble a eu pour effet de dévaloriser, d’intensifier et d’abîmer le travail en France.

Comme le montrent de nombreux travaux, le travail en France est devenu pour beaucoup de personnes de plus en plus dur, intense, en perte de sens. A l’instar des infirmières et des aides-soignantes, beaucoup de Françaises et de Français disent aujourd’hui ne plus pouvoir bien faire leur travail. Plusieurs enquêtes soulignent que le travail s’est fortement intensifié depuis trente ans, et que les conditions de travail se sont dégradées en France et en Europe (cf. la contribution au projet Liepp de Maëlezig Bigi et de Dominique Méda). Il faut analyser la logique dominante des politiques gouvernementales de lutte contre le chômage et des stratégies de compétitivité des entreprises françaises pour comprendre cette évolution.

L’ensemble de ces stratégies repose sur une idée martelée en France depuis les années 1980 : le chômage tout comme la faible compétitivité des entreprises françaises seraient dus au coût du travail trop élevé, du fait en particulier d’un Etat-providence lui-même trop coûteux, les cotisations sociales qui le financent représentant près de la moitié de la masse salariale.

Pourtant, avec des coûts du travail équivalents, voire supérieurs, les Allemands ou les Suédois, qui ont su investir dans la qualification et la qualité des emplois, arrivent à produire et à exporter des produits et des services de meilleure qualité ou plus innovants, qu’ils vendent donc plus cher que les nôtres. Le manque de compétitivité de l’économie française est surtout lié à son positionnement en milieu de gamme : nous sommes trop chers pour ce que nous produisons (Maria Bas et al., 2015).

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Le fabricant de frites Agristo va remplacer la sucrerie de Tereos dans le Nord

L’annonce avait fait l’effet d’une douche froide. Le 8 mars, la coopérative Tereos, connue pour ses marques La Perruche et Béghin Say, faisait part de sa volonté de se délester de trois usines : une sucrerie à Escaudœuvres (Nord), ainsi que la distillerie de Morains et un site de féculerie à Haussimont, tous deux situés dans la Marne. Le choc était particulièrement violent dans le Nord, où la sucrerie, qui employait 123 personnes, s’apprêtait à fêter ses 150 ans. En outre, Nestlé fermait au même moment l’usine Buitoni, dans la commune voisine de Caudry.

Le 13 mars, Roland Lescure, ministre délégué chargé de l’industrie, allait à la rencontre des salariés, des représentants de Tereos et de Nestlé et des élus locaux, à Caudry, pour envisager l’avenir des deux usines prêtes à mettre la clé sous la porte. Lundi 28 août, il s’apprêtait à reprendre la route pour le Nord. Avec une bonne nouvelle dans son maroquin : en lieu et place de la sucrerie d’Escaudœuvres va se bâtir une usine de fabrication de frites. La société belge Agristo a, en effet, fait le choix de ce site pour s’implanter en France. Elle devait signer lundi le contrat d’achat du terrain à Tereos.

Le montant de la transaction n’est pas révélé, mais le ministère affirme que l’industriel belge serait prêt à débourser 350 millions d’euros pour construire son usine française. Un investissement stratégique pour l’entreprise familiale, qui possède déjà deux sites outre-Quiévrain et un aux Pays-Bas, et souhaite bénéficier d’un terroir riche en culture de pommes de terre. D’autant que la France est son deuxième marché et que la consommation de frites et autres pommes croquettes se développe. Agristo devrait employer à terme près de 350 salariés dans l’Hexagone, mais il faudra attendre le second semestre 2027 pour le coup d’envoi opérationnel de la fabrication.

« Proposition de reclassement »

Les employés de la sucrerie de Tereos ne sont donc pas concernés par ce projet de réindustrialisation. Fortement mobilisés face à cette restructuration dont ils ne comprenaient pas la justification, ils ont négocié avec les dirigeants de Tereos. Avec succès, semble-t-il. « La direction de Tereos a joué le jeu. Avec l’accord signé sur le plan de sauvegarde de l’emploi en juin, nous sommes à près de 100 % de reclassement. Les salariés [devaient] recevoir, le 28 août, par courrier, une proposition de reclassement, et ils auront quinze jours pour l’accepter ou non », explique Ghislain Dubois, secrétaire du comité social et économique central de Tereos.

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L’argot de bureau : attention, « impact » imminent

Argot de bureau

« Une comète va s’écraser sur notre planète. Vous espérez qu’elle tombera dans l’océan ? Vous avez tort. » Voici l’affiche de Deep Impact, film catastrophe hollywoodien sorti en 1998. Plus de vingt ans plus tard, dans Don’t Look Up (2021), c’est une météorite qui menace la Terre.

Devant cette métaphore de la crise climatique, la majorité des décideurs réagit avec cynisme et ne fait rien. Dans la première œuvre, le président américain envoie des astronautes dans l’espace pour dévier la trajectoire du corps céleste, mais cela ne fonctionne qu’à moitié. Quel est le point commun entre ces deux films ? L’impact finit par arriver, et ses conséquences ne sont pas joyeuses. Même avec un chief impact officer, l’humanité n’aurait rien pu faire.

Quand on pense au mot « impact », ça sent le roussi, qu’il s’agisse d’un astéroïde, ou d’une force surhumaine qui sent les stéroïdes. Etymologiquement, c’est le choc violent d’un projectile contre un corps, mais l’usage du mot s’est élargi pour désigner une répercussion. Dans un anglicisme que n’a toujours pas digéré l’Académie française, le verbe « impacter » connote les conséquences d’un événement. Il en va ainsi des « études d’impact » pour mesurer les effets d’un projet… notamment sur le climat. Produits par l’activité humaine, ils sont souvent réputés négatifs : il s’agit de « réduire les impacts » d’une industrie, sur la biodiversité par exemple.

Paradoxalement, c’est dans un sens positif que le terme pullule dans le monde du travail, après avoir gagné ses galons dans l’économie sociale et solidaire : un métier « à impact » œuvre pour le bien commun, ou cherche du moins à atténuer les répercussions négatives de ce que fait l’entreprise. C’est, par exemple, une équipe de jeunes consultants en RSE (responsabilité sociétale des entreprises) qui imposera à tous les salariés la participation à un atelier « fresque du climat », ou favorisera les mobilités douces. Même si les conséquences sur la planète sont fortes, travailler dans l’extraction de pétrole n’est donc pas considéré comme un job « à impact ». De même que le métier de conducteur de marteau-piqueur, ou de réparateur de voitures qui auraient un « impact dans leur pare-brise ».

Quels critères de mesure

Concernant l’entreprise à impact, il n’en existe pas de définition claire, ce qui permet à nombre de dirigeants de s’en revendiquer, à peu de frais : on ne sait pas exactement comment, mais cette rentrée sera placée sous le signe de l’« impact » et du « sens » (pour la énième année consécutive).

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Dans l’édition, une amorce de prise de conscience écologique

Des clients visitent la boutique Ikos qui collecte et recycle livres, vêtements, appareils électroménagers et décorations, à Bordeaux, le 22 juin 2023.

La rentrée littéraire vient de commencer et, avec elle, sa kyrielle de nouveaux titres. Depuis la mi-août et jusqu’à la fin du mois d’octobre, 466 ouvrages tenteront de se faire une place dans les librairies. Cette année, un peu moins prolifique que les précédentes, compte 5 % de nouveautés en moins par rapport à 2022. Le début d’une prise de conscience liée à l’impact écologique de cette filière ?

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés La rentrée littéraire fait des tonnes d’invendus

La logique de surproduction, censée permettre un éparpillement des risques éditoriaux, en est certes responsable, tout comme l’importance des tirages, les éditeurs espérant une plus grande visibilité de chaque ouvrage et une réduction du prix de fabrication à l’unité. Cependant, avec 536,8 millions d’exemplaires produits en 2022, l’offre surpasse la demande et l’importance du pilonnage est préoccupante.

En moyenne, entre 2018 et 2020, 26 300 tonnes de livres ont été pilonnées, selon le Syndicat national de l’édition (SNE). L’équivalent de plus de 80 millions d’exemplaires par an… Autant d’ouvrages qui ne seront jamais ouverts, jamais lus et généreront leur part de pollution, en dépit de leur recyclage systématique à 100 %. Le SNE veut se rassurer, en indiquant que le taux de pilon sur les invendus baisse régulièrement depuis 2018.

Pression des consommateurs

Si le leitmotiv de tous les acteurs du secteur est de réussir à produire au « juste besoin », en pratique, cela prendra beaucoup de temps. En effet, en dépit de ses efforts, l’édition affiche un retard abyssal dans la simple information quotidienne sur l’état des ventes de chaque ouvrage, ce qui empêche d’ajuster au mieux les commandes.

Sous la pression des consommateurs, la filière prend conscience des leviers qu’elle peut actionner afin de minimiser son empreinte environnementale. L’étape la plus délétère reste la fabrication du papier. Selon l’Office international de l’eau, la fabrication d’un kilogramme de papier nécessite plus de 500 litres d’eau. Et celle-ci reste polluée longtemps après avoir été utilisée.

« Des matières en suspension peuvent passer à travers la filtration, comme les fibres de cellulose trop courtes pour être retenues par les filtres », constate Paul-Antoine Lacour, délégué général de l’organisation professionnelle du papier Copacel. « Mais les progrès sont constants et les seuils légaux évoluent vite », affirme-t-il. Pour limiter ses dépenses, l’industrie papetière fonctionne de plus en plus en circuit fermé, en réutilisant l’eau. Cela lui a permis de réduire sa consommation de 55 % au cours des trente dernières années et de plus de 80 % si l’on remonte aux années 1970.

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« L’Etat et le dialogue social » : le politique, grand architecte des relations professionnelles

C’est un « objet polymorphe ». Il peut prendre la forme de négociations collectives, de pratiques informelles de concertation des personnels… Le dialogue social a de multiples visages et a connu nombre de mues au cours des dernières décennies. C’est son histoire, riche et mouvementée, que nous livrent le sociologue Guy Groux et le directeur du Centre de recherches politiques de Sciences Po, Martial Foucault.

Dans leur ouvrage L’Etat et le dialogue social, paru aux Presses de Sciences Po, leur analyse se concentre plus précisément sur les liens entre le dialogue social et le politique. Quelle place l’Etat et le législateur ont-ils eue dans sa construction ? Comment leurs rapports ont-ils évolué ? Comment, aussi, la puissance publique a-t-elle appréhendé les attentes émanant tant des entreprises que des salariés ? Autant d’angles d’approche qui mettent en lumière l’évolution des rapports entre droit du travail, dialogue social et entreprise, et qui soulignent une singularité française : la puissance, voire l’emprise, et la capacité d’influence du monde politique sur le dialogue social.

Celles-ci s’expriment tout d’abord, durant la seconde moitié du XXe siècle, par la force de la loi, qui va encadrer travail et entreprise. Longtemps, en France, un consensus s’impose : « L’Etat garantit les grands équilibres économiques et sociaux. » Dans les années 1960 et 1970, lit-on par exemple, « l’Etat et le législateur interviennent pour régir l’intéressement et la participation des salariés aux bénéfices de l’entreprise, les systèmes d’indemnisation du chômage, la présence syndicale dans le secteur privé, la concertation des partenaires sociaux sur les conditions de travail ».

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Le dialogue social simplifié a complexifié le rôle des élus

Selon les auteurs, « longtemps, les règles juridiques portées par le politique sont restées hégémoniques au sein du dialogue social. Au regard de la faiblesse des syndicats, il s’agissait pour le législateur de privilégier la défense des plus faibles face aux règles édictées par le marché et répercutées dans l’entreprise par le management ».

Une soif de démocratie sociale

Dès les années 1980, toutefois, « la mainmise de l’Etat sur le système des relations professionnelles fait l’objet de nombreuses controverses ». Progressivement, les partenaires sociaux vont gagner en autonomie, la décentralisation des règles et des normes se met en place. Cela étant, l’Etat ne s’efface pas : c’est même lui qui est au cœur de cette mue, certains textes du législateur favorisant ce mouvement. Les lois Auroux créent ainsi, en 1982, une obligation annuelle de négocier dans les entreprises. En 2007, la loi Larcher – une « rupture profonde », insistent les auteurs – « institue des règles permanentes par lesquelles les partenaires sociaux deviennent des coproducteurs de droits ».

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Rentrée scolaire : six mille chauffeurs de cars manquent à l’appel, selon Clément Beaune

Quelque 6 000 emplois de chauffeurs de cars scolaires sont toujours vacants à moins de deux semaines de la rentrée, selon le ministre des transports, Clément Beaune. « On aborde cette rentrée 2023 (…) dans une bien meilleure situation et avec peu d’inquiétudes sur le transport, qui sera assuré pour les deux millions d’élèves », a-t-il cependant affirmé mercredi 23 août devant la presse.

L’an dernier, 8 000 postes de chauffeurs de cars n’étaient toujours pas pourvus à l’approche de la rentrée. Pour réduire le nombre de postes vacants en cette rentrée, les ministères du transport et du travail, en collaboration avec les régions, ont simplifié un certain nombre de procédures afin de permettre des prises de poste plus rapides. « On avait déjà engagé l’abaissement de l’âge du permis de conduire de bus scolaire de 21 ans à 18 ans », a rappelé le ministre des transports.

Son collègue du travail, Olivier Dussopt, a par ailleurs fait valoir une augmentation moyenne de 8 % du salaire des chauffeurs conjuguée « avec la volonté de proposer des contrats plus stables ».

Satisfecit de la FNTV

Les ministres se sont assurés auprès des régions que des solutions avaient été trouvées pour pallier la vacance de ces 6 000 postes afin qu’il n’y ait « pas de suspension de transports scolaires », a précisé Clément Beaune. Ainsi, dans le Grand-Est, « un échelonnement des horaires de rentrée et de sortie » a été mis en place, a précisé Prisca Thevenot, secrétaire d’Etat chargée de la jeunesse.

La Fédération nationale des transports de voyageurs (FNTV) s’est félicitée de la mobilisation gouvernementale pour la rentrée scolaire. « Le plan transport scolaire a permis d’améliorer la situation, qui reste tendue dans les entreprises. De fortes attentes de la profession perdurent pour réduire les délais de délivrance des permis », écrit-elle sur X (anciennement Twitter).

Le Monde avec AFP

A Paris, le retrait des trottinettes en libre-service se fait dans la douleur

A Paris, en mars 2020.

C’est fini. Dans une semaine, il ne sera plus possible d’avaler le bitume des boulevards parisiens juché sur sa trottinette électrique vert et blanc louée pour 23 centimes d’euro la minute. Les engins des trois opérateurs, Dott, Lime et Tier, auront disparu de la voirie d’ici à la fin d’août, conformément au résultat de la « votation citoyenne » organisée par la Ville de Paris, le 2 avril. Au total, 89 % des votants, ne représentant toutefois que 7 % des inscrits en raison d’une forte abstention, avaient alors choisi le bulletin contre les trottinettes en libre-service. De fait, la municipalité parisienne avait ouvertement encouragé les électeurs à se débarrasser du service, estimant que les accidents avaient augmenté de 189 % depuis 2019, et que la trottinette générait un climat anxiogène.

Les trois sociétés ont pris leurs dispositions pour retirer progressivement les 15 000 « trots de loc », comme les appelaient les utilisateurs, avant la date butoir, fixée au 31 août. Dott a été le plus prompt, en collectant 3 000 de ses 5 000 appareils dès juillet. Lime a annoncé, mardi 1er août, le retrait de sa flotte au cours du mois et Tier a commencé l’opération le 14 août. « Nous savons déployer et retirer une flotte en quelques jours », commente Erwann Le Page, directeur des affaires publiques de l’entreprise pour l’Europe de l’Ouest. Et tant pis si l’été est habituellement rentable, grâce aux longues journées, à la météo plutôt clémente et aux nombreux touristes.

Mais, du côté des opérateurs, la pilule a encore visiblement du mal à passer. Paris « fait figure d’exception sur le territoire européen », souligne Lime dans un communiqué. L’entreprise californienne fait savoir que ses engins seront réaffectés à Lille, Copenhague ou Londres, des « villes cosmopolites et internationales de premier plan ».

La société allemande Tier envoie ses trottinettes « en Allemagne, notamment à Berlin, et en Pologne, notamment à Varsovie », mais aussi en Ile-de-France, dans les intercommunalités de Saint-Quentin-en-Yvelines, de Grand Paris Seine et Oise (Yvelines) ou du Val d’Europe (Seine-et-Marne), des collectivités où le service est « très bien tenu », insiste Erwann Le Page. La grande couronne francilienne fait ainsi figure d’eldorado pour la trottinette de location, au moment même où Paris s’en sépare.

Report vers le vélo

Les engins de Dott prendront, eux, les chemins qui mènent à Rome, à Bordeaux, aux villes belges ou à Tel-Aviv, où l’entreprise fondée aux Pays-Bas est implantée. Entre-temps, les engins des opérateurs auront été révisés et des pièces éventuellement changées. Un processus qui demande quelques semaines au maximum.

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Budget 2024 : le gouvernement envisage des hausses d’impôts

Bruno Le Maire, le ministre de l’économie, et Thomas Cazenave, le ministre délégué au budget, à la sortie du conseil des ministres, à Paris, le 21 juillet 2023.

La politique a parfois ses ironies. C’est à Thomas Cazenave, le nouveau ministre délégué au budget, que reviendra la tâche de présenter, fin septembre, un projet de loi de finances pour 2024 en forme de quadrature du cercle : baisser les dépenses pour réduire la colossale dette tricolore, tout en investissant dans la transition écologique et les services publics. Ce même Thomas Cazenave qui, au début au premier quinquennat Macron en 2017, échoua à mettre en musique le projet « CAP 22 », qui visait à réduire les dépenses publiques. L’ancien directeur adjoint du cabinet d’Emmanuel Macron à Bercy aura-t-il davantage de succès pour bâtir le prochain budget ?

Plus d’un an après la réélection du chef de l’Etat, les conséquences des différentes crises (Covid-19, énergétique) semblent enfin s’éloigner. Néanmoins, le millésime 2024, qui devrait s’imposer au menu du conseil des ministres de rentrée, mercredi 23 août, s’annonce peu réjouissant pour les Français. Et menace même de brouiller le cap économique tracé depuis six ans par Emmanuel Macron.

Depuis le début de l’été, Bercy comme l’Elysée préparent les esprits à un budget bien plus frugal. Les motifs d’inquiétude sont nombreux : une dette publique dépassant pour la première fois le seuil de 3 000 milliards d’euros, des taux d’intérêt remontés en flèche depuis dix-huit mois… La dégradation par l’agence Fitch de la note souveraine de la France, en avril, a durablement ébranlé Bercy. « Nous avons tous des efforts à faire, une responsabilité vis-à-vis de nos comptes publics. J’appelle tout le monde au sérieux budgétaire », a lancé Roland Lescure, ministre délégué à l’industrie, lundi 21 août sur Europe 1.

Fin juin, le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, avait assuré vouloir dégager 10 milliards à 12 milliards d’euros d’économies en 2024. Dans le viseur du gouvernement : les dépenses de santé (contrôle accru des arrêts maladie, hausse de la franchise à 1 euro sur les médicaments) ou les aides à l’emploi jugées mal ciblées (apprentissage, compte personnel de formation). « Ce sera plutôt 15 milliards », renchérit aujourd’hui son entourage.

Croissance moindre

Car, dans le même temps, le financement du changement climatique s’est imposé en Macronie : l’économiste Jean Pisani-Ferry, ancien conseiller du président, a chiffré à plus de 30 milliards d’euros par an le montant d’argent public nécessaire à la transition. Début juillet, la première ministre, Elisabeth Borne, a annoncé débloquer 7 milliards d’euros dès 2024.

L’écologie n’est pas la seule dépense nouvelle avec laquelle Bercy va devoir composer : entre les promesses d’Emmanuel Macron pour les services publics – relèvement du point d’indice des fonctionnaires, moyens supplémentaires pour la police et la justice après les émeutes urbaines de juin – et les différentes lois de programmation (recherche, armées), la liste s’est encore allongée. Le tout, sur fond de croissance moindre.

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