Archive dans août 2023

Le gouvernement annonce un nouveau plan pour aider les PME et les ETI à exporter

Olivier Becht, ministre délégué au commerce extérieur et à l’attractivité, à Dubaï, le 13 juillet 2023.

« Amener les PME à l’export » : c’est la philosophie du plan annoncé, jeudi 31 août, par le gouvernement, qui y voit une condition nécessaire pour « retrouver une balance commerciale excédentaire », alors que la France a enregistré, en 2022, un déficit record de 164 milliards d’euros.

Au premier semestre, la baisse des prix de l’énergie a permis de redresser un peu la barre, avec 56 milliards d’euros de déficit. Mais la route reste longue avant de parvenir à l’équilibre, sans parler de renouer avec les excédents tels que les affiche l’Allemagne (98 milliards d’euros au premier semestre). « [Pourtant], nous fabriquons parmi les meilleurs produits du monde », se désole Olivier Becht, ministre délégué au commerce extérieur et à l’attractivité, pour qui « il n’y a pas de fatalité » à voir les déficits se succéder.

Le ministre en est convaincu : pour améliorer les performances françaises sur les marchés internationaux, il faut pousser les PME et les entreprises de taille intermédiaire (ETI) à s’aventurer en dehors de nos frontières. « Beaucoup de PME se contentent d’un marché local ou national », souligne-t-il. Moyennant quoi, environ 80 % de nos exportations sont le fait des grands groupes, tandis que seules 6,2 % des PME et 5,7 % des ETI françaises sont présentes sur les marchés à l’étranger.

Treize mesures pour un coût estimé à 125 millions d’euros

Un déséquilibre qui transparaît dans la taille de notre tissu d’exportateurs : La France recense environ 150 000 entreprises exportatrices au total, beaucoup moins que l’Allemagne, qui peut compter sur la force de frappe de 300 000 entreprises, et l’Italie (200 000). « L’objectif est de parvenir, à l’horizon 2030, à 200 000 entreprises exportatrices en France », martèle le ministre.

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Le plan présenté jeudi compte treize mesures, d’un coût estimé à 125 millions d’euros, qui visent à convaincre les chefs d’entreprise d’aller investir les marchés étrangers. Parmi elles, la création du « Volontariat territorial de l’export », cousin germain du « Volontariat international en entreprise » (VIE), qui permettra, moyennant une subvention de 50 % maximum, aux PME de recruter un jeune pour accompagner l’entreprise dans ses démarches sur les marchés étrangers.

Parallèlement, l’embauche de VIE issus des « quartiers prioritaires de la politique de la ville » sera encouragée pour élargir les bataillons de quelque 10 000 volontaires aujourd’hui en activité. Cette mesure répond à un constat : pour une entreprise sur trois, indique le ministère, le fait de ne pas aller à l’international est lié au manque de moyens humains.

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« La Reprise. Le tabou de la condition des femmes après un congé maternité » : le délicat retour au travail après une grossesse

Le livre. Il y a Anaïs, cadre dans le sud de la France, qui se souvient d’une manageuse qui « [l’]a fait beaucoup culpabiliser d’être enceinte ». Il y a aussi Anne-Laure, « visual merchandiser », qui a « été écartée de certains projets » à son retour de congé. Quant à Carole, assistante comptable, elle a dû s’adapter, sans accompagnement circonstancié, lors de sa reprise : son entreprise avait considérablement évolué en son absence, son poste aussi. « Il y avait une pression énorme, des attentes énormes. Les mois passant, j’avais du mal à trouver ma place. »

Au fil des pages de l’ouvrage de Thi Nhu An Pham, La Reprise (Payot, 304 pages, 18 euros), les témoignages, souvent saisissants, se succèdent, évoquant les difficultés rencontrées par des femmes sur le plan professionnel pendant et après leur grossesse. Il est question de critiques quant à une supposée baisse de motivation, de discriminations, de mises au placard.

Des phénomènes qui n’ont rien de marginaux, selon les rares statistiques sur le sujet, compilées par l’autrice. Une étude du Conseil supérieur de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes (CSEP) de 2018 indique que 80 % des femmes ont entendu sur leur lieu de travail des remarques sexistes liées à la maternité.

De même, une femme victime de discrimination au travail sur quatre l’a été en raison d’une grossesse ou de sa maternité, selon un baromètre du Défenseur des droits (2020). Enfin, plus d’une femme sur six s’est sentie mise à l’écart par son manageur à son retour (étude du CSEP de 2019). Ainsi, dans de nombreuses entreprises, la maternité est perçue comme un facteur de déstabilisation interne, et la nouvelle mère jugée, a priori, moins performante.

Double peine

En mettant en lumière la complexité des reprises après un congé maternité, Mme Pham a voulu briser un tabou. Elle poursuit ainsi le travail entrepris avec son podcast « La Reprise », lancé en 2021. Quelques mois auparavant, alors en congé maternité, elle avait subi un licenciement économique. Son ouvrage, résolument féministe, ambitionne de donner de la visibilité aux souffrances des mères et de contribuer ainsi à les sortir de l’isolement dans lequel elles peuvent se trouver.

De fait, le sujet apparaît comme un « impensé sur les lieux de travail et à l’échelle de la société ». C’est par conséquent la double peine pour les femmes qui doivent affronter de nombreuses problématiques (fatigue physique et mentale, cumul des impératifs professionnels et personnels…), tout en ne bénéficiant souvent ni d’un accompagnement ni d’une écoute.

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« Passer à la semaine de quatre jours au travail aurait un vrai impact sur la planète »

Réduction des déplacements, baisse d’utilisation de l’éclairage des bureaux, des ascenseurs, du chauffage, de la climatisation et des équipements énergivores, typiques dans de nombreux emplois… Après avoir mis en avant les bienfaits sociaux de la semaine de quatre jours, de nombreuses études montrent que ce dispositif est aussi salutaire pour la planète, souligne l’économiste Aurélie Piet, autrice de 2 milliards de réenchanteurs (Actes Sud, 160 pages, 12,90 euros).

La semaine de quatre jours est généralement débattue sous l’angle économique ou social. Depuis quand est-elle abordée pour son impact sur le climat ?

Pendant l’épidémie de Covid-19, on a pu vérifier que la diminution de l’activité économique se traduisait par une importante diminution des émissions carbonées. En 2020, les émissions quotidiennes mondiales de dioxyde de carbone ont chuté de 17 %, d’après une étude publiée par la revue scientifique Nature. Du jamais-vu.

Certes, des chercheurs avaient déjà montré que travailler moins permettait de consommer moins d’énergie et donc d’émettre moins de gaz à effet de serre [GES] : en 2006, une étude du Center for Economy and Policy Research concluait ainsi que, si les Etats-Unis adoptaient les habitudes des pays d’Europe occidentale en termes de temps de travail, leur consommation d’énergie baisserait d’environ 20 %. La pandémie de Covid-19 a permis une vraie prise de conscience de ce sujet.

Pourquoi la réduction du temps de travail est-elle salutaire pour la planète ?

D’abord parce que travailler moins, c’est se déplacer moins, donc c’est polluer moins. D’après un article paru dans Nature en mai 2020, avec une part de 43 % dans la réduction globale de la pollution pendant la pandémie, le trafic routier aura le plus contribué à la baisse des émissions ; mettant en évidence l’impact majeur des déplacements sur les émissions de GES. Sachant également qu’en France, d’après les données de l’Insee, sept salariés sur dix utilisent leur voiture pour aller travailler, la semaine de quatre jours aurait un réel effet. Ce dispositif permet également de réduire la consommation d’énergie, notamment lorsque l’entreprise ferme un jour par semaine. On a alors un vrai impact avec la baisse d’utilisation de l’éclairage des bureaux, des ascenseurs, du chauffage, de la climatisation et des équipements énergivores, typiques dans de nombreux emplois.

Ne faut-il pas craindre une hausse des plaisirs polluants ?

Dans son rapport intitulé Stop the Clock (« arrêtez l’horloge »), publié en 2021, l’association britannique Platform montre que les salariés n’emploient pas leur temps libre pour consommer davantage. La semaine de quatre jours leur permettrait plutôt de passer plus de temps avec leurs proches, de cuisiner à la maison, de jardiner, de s’engager dans une activité bénévole. Au Royaume-Uni, plus de soixante entreprises ont testé, entre juin et décembre 2022, la semaine de quatre jours de travail. Le rapport de cette expérimentation montre qu’avec ce dispositif les hommes accordent plus de temps aux tâches domestiques et à la garde des enfants.

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Sortir du « surtravail » dès la rentrée

Carnet de bureau. Synonyme de journée à rallonge pour les actifs concernés, le « surtravail » est la quantité de travail fournie au-delà du temps rémunéré. Notion marxiste pour certains, source de gains de productivité pour d’autres, du point de vue de Julie qui arrive rarement à décrocher avant 20 heures, ou de Maxime qui commence à perdre de vue ses amis, sa famille et bientôt sa santé, c’est une mauvaise habitude dont il faut vite qu’ils se débarrassent. Etre « stressé », « surbooké », ne devrait jamais avoir les accents glamour que cela prend parfois dans les dîners en ville.

Par passion de la programmation en jeu vidéo, surengagement dans sa mission ou compensation d’un manque d’effectif chronique à l’hôpital, l’hyperactivité professionnelle est en effet plus souvent valorisée que stigmatisée, comme le remarque le sociologue Marc Loriol, dans son dernier essai, L’Addiction au travail. De la pathologie individuelle à la gestion collective de l’engagement (Le Manuscrit, 168 p., 14,50 euros). Et ils sont nombreux ces actifs qui font bien au-delà du temps de travail pour lequel ils sont payés.

En France, plus de 10 % de la population active a travaillé quarante-neuf heures ou plus par semaine en 2022, indique Eurostat. En Europe, seules la Grèce et l’Islande ont fait davantage. Des statistiques qui sont loin des préjugés fustigeant des Français fainéants qui voudraient en faire le moins possible. Le « travailler plus », payé ou non, s’est banalisé.

Des tâches parasites

Le ministère du travail confirme le diagnostic : au 1er trimestre, le nombre moyen d’heures supplémentaires par salarié à temps complet est en hausse de 1,8 % sur un an, à 16,8 heures.

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La part des salariés concernée a aussi augmenté, désormais à 32 % de salariés (hors forfait jours) ayant effectué des heures supplémentaires en moyenne chaque mois en 2022. Et les cadres, dont les heures supplémentaires ne sont pas prises en compte, sont aussi dans la cible du surtravail. En moyenne, les cadres à temps complet travaillent 42,4 heures par semaine, note l’Insee dans l’étude du 29 juin 2023 sur l’« Emploi, chômage, revenus du travail » .

Le capitalisme franchirait-il un nouveau cap ? Rien n’est moins sûr ; Paul Lafargue (1842-1911) dénonçait déjà en 1880 la « passion moribonde du travail, poussée jusqu’à l’épuisement » (Le Droit à la paresse). Est-ce un problème d’organisation au sein des entreprises ? « Il semblerait que nous dépensions une partie de notre temps pour rien », écrit Olivier Tirmarche dans Le Nouvel Horizon de la productivité. En finir avec le surtravail (Odile Jacob, 2020).

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L’intelligence artificielle générative s’attaque aux ressources humaines

« Le recrutement se fera de manière proactive grâce à des algorithmes capables d’identifier les candidats compatibles avant même qu’ils ne postulent, tant qu’ils se sont déclarés en veille active ou en recherche. » Voici l’une des caractéristiques du monde du travail en 2040, tel que l’imagine le rapport « IA et RH : le futur du travail à l’ère des IA génératives ». Publié en juin 2023 par l’agence d’innovation RH Tomorrow Theory, il identifie plus de trente cas d’usage dans la sphère managériale, « du recrutement à la formation, en passant par la fidélisation et la santé mentale ».

Dès aujourd’hui, les directions d’entreprise planchent sur les applications concrètes de l’intelligence artificielle (IA) générative, n’ayant pu rater début 2023 l’explosion de ChatGPT. Par sa capacité à créer du contenu à partir de tout ce qui existe déjà sur Internet, cette nouvelle vague enthousiasme autant qu’elle effraie, et des salariés ont déjà pu, dans leur coin, constater le potentiel de cet outil pour automatiser des tâches chronophages. Les fonctions RH, déjà habituées à faire appel à des algorithmes d’IA, n’échappent pas à ce constat : à tous les niveaux de leur expertise, de nouveaux outils « génératifs » sont déjà en cours de déploiement.

C’est en recrutement qu’ont été formalisées les applications les plus concrètes, à commencer par la rédaction assistée d’offres d’emploi. C’est ce que proposera dès septembre à ses clients le groupe CleverConnect, qui gère notamment le site d’emploi Meteojob. « Cela prend beaucoup de temps pour les recruteurs de rédiger les offres d’emploi. Ils vont eux-mêmes surfer sur le Web, ou alors ils vont prendre une description interne et en faire une offre, décrit Marko Vujasinovic, cofondateur de CleverConnect. Ici, à partir d’informations sur l’entreprise et la description de poste en interne, notre outil rédige une offre d’emploi qui leur correspond. » Enthousiaste, il met en avant les résultats de la phase de test : « Il y a 28 % de candidatures en plus sur les offres générées par IA en moyenne, et les recruteurs observent un gain de productivité de 70 %. »

Confidentialité des données

La start-up Golden Bees, qui accompagne des entreprises dans leur « marque employeur », a dévoilé un outil similaire, GoldenJob. « Le recruteur indique le métier, le profil et les compétences recherchés, s’il veut que l’offre soit conviviale, formelle… Et il obtient une proposition d’annonce, qu’il peut bien sûr modifier, décrit Daniel Morais, directeur général délégué. On aura aussi des intonations différentes selon le site où l’offre sera hébergée : vous n’aurez pas le même ton sur LinkedIn, Pôle emploi ou Welcome to the Jungle. »

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Tri des déchets : ce sous-traitant de Veolia, Suez et Paprec qui exploitait des sans-papiers

Dix des travailleurs qui occupent le centre de tri de Veolia, accompagnés du coordinateur CGT Ali Chaligui (derrière, en tee-shirt blanc), dans le 15e arrondissement de Paris, le 28  août 2023.

Ils sont de ceux et celles qui, dans les centres de traitement des déchets de la région parisienne, trient papiers, cartons et bouteilles en plastique que les Franciliens glissent en vrac dans leur poubelle jaune.

Sans papiers, pour certains même sans contrat de travail, salariés depuis plusieurs années de NTI, entreprise sous-traitante des groupes Veolia, Paprec ou Suez, chargés de ce service public par les collectivités locales, ils ont décidé de dénoncer au grand jour leurs conditions de travail, proches de l’exploitation, avec l’espoir d’obtenir une régularisation.

Huit hommes et trois femmes occupent ainsi, depuis le lundi 28 août, le centre de tri XVEO Veolia à Paris, épaulés par la CGT et des soutiens politiques, comme le député européen Pierre Larrouturou (Nouvelle Donne).

« Je pourrais vous parler quatre heures, quatre ans même, et ce ne serait pas assez pour dire ce que j’ai subi depuis que je travaille pour NTI, confie Aïcha, 37 ans. Maintenant, ça suffit, je veux relever la tête, je veux mes droits, mes papiers. Travailler au tri, d’accord, mais plus dans ces conditions-là. »

Cadences accélérées

Originaires du Maroc, ces salariés ont connu NTI – auparavant EPS – en 2019 ou 2020. Sous-traitante, cette entreprise semble fonctionner comme une agence d’intérim : elle envoie du personnel sur les sites pour compléter les équipes de Veolia ou de Paprec.

Mais dans des conditions de travail et de rémunération bien moins-disantes, selon les témoignages que Le Monde a recueillis, au cœur d’une enquête toujours en cours de l’inspection du travail. Pour eux, racontent-ils, les cadences de la chaîne sont accélérées « au maximum ». Après leur journée au tri, les femmes enchaînent au nettoyage, les hommes à l’entretien des trommels, ces tunnels de tri mécanique. Des heures supplémentaires jamais payées. Corvéables à merci, ils sont prévenus des missions à venir par SMS, toujours au dernier moment. Parfois, elles s’enchaînent sans véritable temps de repos.

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Les salariés se montrent en photo tantôt chez Suez, à Créteil (Val-de-Marne) ou à Paris 17e, chez Paprec, à Nanterre (Hauts-de-Seine) ou à Saint-Ouen-L’Aumône (Val-d’Oise), chez Veolia, à Paris 15e, Vaux-le-Pénil ou Saint-Thibaut-des-Vignes (Seine-et-Marne), entre autres.

Plusieurs ont aussi été affectés à la désinfection des bus ou au nettoyage des hôpitaux pendant le confinement. « Le chef passait nous prendre en camionnette à 4 heures du matin au métro Courtilles à Gennevilliers et nous déposait sur place, sans nous dire où nous allions », se souvient Aïcha.

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Un jeune sur deux formés aux métiers de l’industrie n’y travaille pas

A la centrale nucléaire de Saint-Laurent-des-Eaux, à Saint-Laurent-Nouan (Loir-et-Cher), le 30 mars 2023.

Sur le long chemin de la réindustrialisation, la France se heurte à un obstacle majeur : le manque de main-d’œuvre. Les difficultés de recrutement pénalisent toujours plus de trois entreprises sur quatre, selon le dernier baromètre TPE/PME réalisé par l’institut Rexecode publié en mai 2023. Le problème est particulièrement aigu dans l’industrie.

Pourtant, les filières de formation aux métiers de l’industrie, allant du CAP à bac + 2, comptent suffisamment d’élèves pour répondre aux besoins des entreprises, expliquent Guillaume Basset et Olivier Lluansi, anciens délégués aux Territoires d’industrie, dans une note publiée en juillet 2023 par la Fabrique de l’industrie.

« En fait, les tensions au moment du recrutement s’expliquent pour beaucoup par un taux d’évaporation important des jeunes formés aux métiers industriels », expliquent-ils. Autrement dit, nombre de jeunes, à l’issue de la formation, ne s’inséreront finalement pas sur le marché du travail, ou alors ils exerceront d’autres métiers que ceux pour lesquels ils ont été formés.

Par défaut

Selon les décomptes réalisés par les deux experts, c’est un jeune sur deux qui change de voie une fois son CAP ou son bac professionnels en poche. Les écoles forment ainsi environ 125 000 jeunes chaque année à la métallurgie, à la chimie et à d’autres métiers industriels − pour des besoins évalués entre 80 000 et 90 000 postes à pourvoir par an. Mais seulement 65 000 s’insèrent effectivement dans un métier correspondant à leur formation.

Comment expliquer cette « évaporation » massive ? Première explication, une partie de ces jeunes ont été orientés vers les métiers de l’industrie par défaut, sans motivation réelle. Ensuite, les jeunes sont formés à des spécialités déconnectées de leur bassin d’emploi, et sont donc amenés à être mobiles géographiquement pour trouver à un emploi ou à devoir à changer de filière ou de secteur.

« Après quarante ans de désindustrialisation, le nombre de centres de formation a baissé », remarquent notamment les deux auteurs de la note. Résultat, la distance entre les établissements, les jeunes et les entreprises en mesure de les recruter n’a cessé d’augmenter. Phjlippe Lescarret, proviseur de la cité scolaire Albert-Camus de Mourenx (Pyrénées-Atlantiques), qui compte un lycée professionnel et des filières de formation aux métiers de la chimie et de la sécurité et est proche de Lacq et de ses entreprises chimiques, confirme ce constat.

« Inenvisageable »

« Les jeunes ne sont pas très mobiles, mais, dans les Pyrénées-Atlantiques, ils ne sont pas mobiles du tout. Ils sont nés ici, leurs familles sont ici et ils souhaitent y rester. Aller travailler à Pau, à 20 kilomètres, c’est déjà compliqué, alors Bordeaux, c’est inenvisageable. » A l’inverse, faire venir les jeunes des Landes, département voisin, dans les centres de formation de Mourenx se révèle tout aussi compliqué, assure M. Lescarret.

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Faut-il refonder l’entreprise de presse ?

Entreprises. La longue grève des journalistes du Journal du dimanche n’a pas fait plier la direction de l’entreprise. Pourtant, de nombreux observateurs et acteurs publics avaient soutenu leur lutte contre la nomination d’un rédacteur en chef dont ils rejettent les valeurs. Cette décision heurtait aussi la conception du journaliste comme un professionnel attaché à la liberté d’investigation et au traitement rigoureux de l’information, qualités dont l’absence dans les réseaux sociaux est si dénoncée.

Reste que du point de vue du droit – et au-delà des couleurs politiques des protagonistes –, rien n’empêche une telle décision ! D’où le retour d’un projet ancien : celui d’une entreprise de presse plus respectueuse de ses journalistes. Sauf qu’aujourd’hui la réforme du droit de l’entreprise lui offre de nouvelles pistes.

Le droit de la presse a été avant tout fondé sur la liberté. Liberté de l’entrepreneur qui peut créer une société de presse à sa guise. Liberté pour chacun d’exercer une activité de journaliste comme pigiste ou salarié de ces sociétés. Les législations qui ont suivi n’ont pas dérogé à ce principe. Elles ont voulu protéger le public en garantissant la transparence des actionnaires et des responsables de la publication ; en limitant l’emprise d’un seul financier ou celle des étrangers.

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Le métier de journaliste n’exige ni diplôme ni carte de presse. Et malgré son utilité (accréditations, protections…), celle-ci n’est détenue que par une minorité de journalistes. Certes, une instance nationale valide le statut d’entreprise de presse ou celui de journaliste professionnel et des chartes déontologiques internationales encadrent les droits et les devoirs de la presse. Mais le code du travail ne modifie que marginalement le statut salarial du journaliste et ne lui donne aucun droit de regard sur la direction de l’entreprise de presse (Journalistes, des salariés comme les autres ? Représenter, participer, mobiliser, de Camille Dupuy, Presses universitaires de Rennes, 2016).

Sociétés de journalistes ou montages juridiques

Cette situation a suscité la multiplication des sociétés de journalistes qui portent la voix de la rédaction, mais sans légitimité institutionnelle. Ou le recours à des montages juridiques, à l’instar des quotidiens Libération et Le Monde, où les journalistes détiennent une part de la société détentrice du média. Le droit a aussi instauré une « société solidaire de presse d’information », qui ne peut être détenue que par ses collaborateurs. Mais il s’agit de solutions ad hoc qui soulignent par contraste qu’une entreprise de presse reste une entreprise…

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« Les jeunes diplômés exigent une liberté totale » : la semaine de quatre jours, un appât pour les entreprises

Un nouveau verbe fait fureur parmi les employés d’Accenture. Depuis le 1er juin 2022, la boîte de conseil permet de « flexer » un jour de la semaine. Clémentine Stéphan, 27 ans, embauchée en janvier, « flexe » ainsi son vendredi : « Ce jour-là, je ne travaille pas. Je profite de ma famille, je fais du sport. C’est un vrai atout. » Si elle le souhaite, et sans perte de salaire, l’ingénieure d’études diplômée de l’EMBA Business School peut organiser sa semaine de travail sur quatre jours, et sans perte de salaire : « Quand je flexe mon vendredi, je démarre la semaine avec une autre énergie, car je sais que j’aurai un week-end de trois jours. Maintenant que j’y ai goûté, je pourrais difficilement basculer sur un mode de travail plus conventionnel. »

Rebaptisé « semaine flexible », le dispositif fait figure d’appât pour les milliers de jeunes diplômés recrutés par l’entreprise de conseil chaque année. « Ils s’approprient le dispositif comme ils le souhaitent. On a des “serial flexeurs”, qui optent systématiquement pour la semaine de quatre jours, mais aussi des employés plus prudents, qui le font moins fréquemment. Tous sont ravis. Grâce à la semaine flexible, on reçoit de plus en plus de candidatures spontanées », assure Jacqueline Haver Droeze, directrice des ressources humaines (DRH) du groupe.

Promesse de bouleversement de notre rapport au travail, la semaine de quatre jours est devenue l’argument roi des entreprises soucieuses d’« attirer les talents ». La rareté de ces derniers – près de 30 % des entreprises ont des difficultés à recruter, selon la Grande Consultation des entrepreneurs menée en mars – rend l’idée d’autant plus affriolante. De la fonction publique à la réhabilitation du bâtiment, en passant par les boîtes d’audit, d’informatique, ou les médias, la semaine de quatre jours fait fureur dans tous les secteurs. L’idée n’est pas nouvelle, rappelle la philosophe Céline Marty : « Dans les années 1970-1980, c’est le concept de “week-end de trois jours” qui est débattu… jusqu’à ce que la réforme des 35 heures ne lui coupe l’herbe sous le pied. »

Porté par l’intensification des cas de burn-out et l’impression d’une irruption de plus en plus forte de la vie professionnelle dans le quotidien avec la généralisation des outils numériques, le dispositif intéresse de nouveau, poursuit la spécialiste des questions liées au travail : « Après avoir refait surface dans les secteurs en tension, comme l’hôtellerie ou la restauration, la semaine de quatre jours intrigue désormais les grandes entreprises désireuses d’attirer des jeunes diplômés qui ont confiance en leur employabilité, ceux qui se permettent de dire qu’ils n’iront pas chez TotalEnergies. » En 2022, le PDG de la compagnie pétrolière, Patrick Pouyanné, lui-même, affirmait au journal Les Echos « regarder de près » ce sujet.

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