En France comme en Europe, la pandémie de Covid-19 a bouleversé nos rapports au travail, de nombreux salariés souhaitant trouver un autre équilibre entre vie privée et vie professionnelle. La semaine de quatre jours figure parmi ces aspirations. Alors que les expérimentations se multiplient, 10 000 salariés français profitent d’ores et déjà de cette organisation professionnelle, selon le ministère du travail, même si les modèles varient, en fonction des contraintes de chaque entreprise.
Déjà testée il y a trente ans, cette mesure fait donc son retour dans le débat public. Pour Pierre Larrouturou, eurodéputé du parti Nouvelle Donne et fervent défenseur de la semaine de quatre jours, 2023 s’annonce même comme une année charnière pour la démocratisation de ce modèle.
Nos explications dans cette vidéo de trois minutes. Et si vous voulez en savoir plus sur le sujet, nous vous renvoyons au décryptage ci-dessous.
Casque de réalité virtuelle sur les yeux, Jordan Quilly est bouche bée. Le temps de l’ajuster, le jeune Nordiste est transporté au cœur de l’espace de traite des vaches d’une exploitation de l’arrière-pays dunkerquois. Appliqué, il tourne sur lui-même, comme l’animateur le lui conseille. Une expérience immersive inédite proposée toute la journée sur la place du village de Wormhout (Nord). Cet intérimaire dans la logistique « galère avec les horaires décalés pour aller sur les entrepôts où il n’y a pas de transports en commun ». Il a décroché de ses études à la fin du collège et cherche « un vrai métier et, surtout, un CDI ». Jordan a grandi en ville, ne connaît rien au monde agricole. Fasciné par cette expérience de réalité virtuelle, il en redemande et relance la vidéo « pour bien voir à quoi ça ressemble ».
Maxime Ozaer, chargé de mission RH à Orientaclick, une structure qui regroupe la mission locale et les maisons de l’emploi du Dunkerquois, est persuadé que ces immersions virtuelles cassent les idées reçues sur les métiers agricoles. Sur la base d’un scénario écrit, un tournage dans un élevage de trois cents vaches transporte Jordan au cœur d’un métier dont il ignorait tout : « Ça ne ressemble pas du tout à un élevage industriel, et en même temps c’est très pro. »
Sur le stand d’à côté, une entreprise spécialisée dans les drones agricoles explique comment les appareils aident à analyser les sols et à repérer précisément là où il faut nourrir les terres en azote. Là aussi, les visiteurs se disent impressionnés par la technique. « Le monde agricole a énormément évolué avec les nouvelles technologies, il faut le faire savoir », observe Laëtitia Gomes, responsable du secteur Flandre maritime au RESO, un groupement d’employeurs (des fermes du Nord) qui recrute pour le secteur agricole et organise cette tournée high-tech.
« Dépoussiérer l’image de ces métiers »
Créé dans les années 1970 pour fournir d’abord des remplaçants aux agriculteurs du département, le RESO multiplie les initiatives originales pour recruter, le tout dans un contexte paradoxal. « De plus en plus de personnes, loin du monde rural, veulent se reconvertir dans les métiers de la terre, mais la filière agricole peine à trouver du personnel »,observe Mme Gomes. Le RESO a créé un groupement d’employeurs pour la qualification et l’insertion afin de « former des demandeurs d’emploi à nos métiers et les faire monter en compétence, poursuit-elle. Nous devons dépoussiérer l’image de ces métiers et donner envie. Les expériences proposées avec la réalité virtuelle sont un vrai plus ».
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De la matinée du jeudi 15 juin, on était sorti asphyxié. Devant la cour d’assises de la Drôme, le chef d’enquête venait d’évoquer les milliers de fichiers − dont certains de plusieurs centaines de pages − exhumés de l’ordinateur de Gabriel Fortin. Quinze ans de rancœur et d’obsessions déversés frénétiquement, jusqu’au triple assassinat et à la tentative d’assassinat de janvier 2021. Et depuis, un mutisme absolu, obstiné, opposé par l’accusé à toutes les questions qui lui sont posées. « Avez-vous quelque chose à ajouter sur ce qui a été dit de votre personnalité ? », lui avait demandé le président, Yves de Franca. « Non. »
A la reprise de l’audience, Gabriel Fortin se lève dans le box, son stylo à la main.
« Toute l’enquête de personnalité a été à charge. Ils ont tous dit que j’étais nul, insubordonné, paranoïaque, psychopathe. »
Le président l’invite à poursuivre.
« Non merci. »
Chacun tente à son tour d’entrouvrir la forteresse Fortin. Me Denis Dreyfus, l’un des avocats de la partie civile, s’approche à pas comptés, tend la main :
« Gabriel Fortin, nous voudrions comprendre. Etes-vous un homme qui a souffert, qui a vécu des injustices ? Et qui a envie de le dire ? »
Silence.
Il griffonne avec frénésie
Son confrère de la partie civile, Me Hervé Gerbi, emprunte un chemin détourné.
« J’ai lu que vous alliez souvent au salon du livre de Nancy. C’est vraiment intéressant, cet aspect de votre personnalité. En 2019, je crois, vous y avez rencontré Abd Al Malik, le rappeur, écrivain et metteur en scène. Voudriez-vous nous parler de lui ?
L’avocat général, Laurent de Caigny, tourne autour du box comme le renard cajoleur de La Fontaine au pied de l’arbre du corbeau.
« Gabriel Fortin, ce matin, vous m’avez aidé, vous m’avez corrigé [l’accusé avait consenti à apporter une précision sur une plainte déposée pour… un vol de vélo], et je vous en remercie. Alors j’aimerais que vous m’aidiez encore sur quelques points du dossier. Par exemple, sur votre expérience professionnelle en Allemagne [le premier poste d’ingénieur salarié occupé par l’accusé au début des années 2000]. Il semblerait que vous ayez été heureux, là-bas…
− Je ne répondrai pas.
− Je comprends très bien. Mais vous avez dit aussi à un moment que les fichiers informatiques versés à votre dossier étaient tronqués… [L’accusé avait dénoncé d’une phrase incompréhensible leur « origine douteuse »] Pourriez-vous apporter des précisions ? Parce que, voyez-vous, c’est important, je ne voudrais pas commettre d’erreurs… »
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Alors qu’elles représentent 92 % des entreprises françaises et l’assurance d’une économie dans tous nos territoires, les petites entreprises (TPE) ne peuvent aujourd’hui disposer du poids nécessaire pour créer le cadre social adapté à leurs spécificités et favorable à l’emploi et au développement des compétences de leurs salariés. Actuellement, lorsque sont négociés des accords sur l’apprentissage, la formation, la participation, ou les conventions collectives… une entreprise employant 50 salariés pèse 50 fois plus qu’une entreprise avec un salarié.
Une réalité qui interroge fortement, surtout quand les très petites entreprises (TPE) représentent 92 % des entreprises ! Elle constitue même une profonde injustice que la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment (Capeb) dénonce fermement. Cette organisation professionnelle qui les représente dans le bâtiment, et qui a été reconnue comme étant la première organisation nationale en nombre d’entreprises adhérentes, tous secteurs d’activité confondus, .
L’attachement au dialogue social qui est au cœur de l’engagement syndical de la Capeb, est sérieusement mis à mal par des règles de mesure de la représentativité patronale déséquilibrées. Dans le champ social, l’organisation professionnelle qui a le dernier mot quand une décision ne fait pas l’unanimité, n’est pas l’organisation qui possède le plus grand nombre d’adhérents mais celle dont les entreprises adhérentes emploient le plus de salariés !
Une préoccupante dégradation du dialogue social
Par conséquent, les petites entreprises, bien que représentant la quasi-totalité des entreprises dans le bâtiment sont largement désavantagées par rapport aux grandes entreprises, puisqu’elles comptent chacune bien moins de salariés. Ce sont ainsi les grandes entreprises et par leur intermédiaire l’organisation qui les représentent, qui bénéficient exclusivement du droit d’opposition, précieux sésame leur donnant la possibilité de s’opposer à tout accord, y compris ceux concernant le champ des TPE.
En effet, même si les représentants des TPE parvenaient à négocier un accord avec l’ensemble des organisations de salariés, cet accord, même signé majoritairement, ne pourrait être mis en œuvre si les grandes entreprises en décidaient autrement. En peu de mots, cela revient à dire que les TPE ne sont pas maîtres de leur avenir, et qu’elles sont contraintes de s’aligner sur les orientations d’entreprises qui ne partagent ni leurs prérogativesni leurs spécificités, ni leurs valeurs.
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Les diplômés de la promotion 2022 connaissent « une bonne insertion professionnelle » grâce « à une situation économique et sociale favorable au recrutement ». Ainsi, le taux net d’emploi des diplômés 2022 s’élève à 90,5 % (+0,7 %), dépassant même le taux précédant la crise sanitaire. C’est ce que révèlent les résultats de l’enquête « insertion » présentés mercredi 14 juin. Cette enquête annuelle de la Conférence des grandes écoles (CGE) analyse et compare l’insertion professionnelle des diplômés des grandes écoles six mois après la fin de leur cursus. Cette année, ce sont les diplômés de 2022 et des deux années antérieures, issus de 194 établissements, qui ont participé. Entre un taux net d’emploi en augmentation et des salaires à la hausse, le bilan de l’enquête est positif à quelques exceptions près.
Ainsi, les écarts de salaires entre les femmes et les hommes persistent cette année parmi les diplômés. « Malheureusement, les femmes, dans quasiment tous les secteurs, notamment les diplômées des écoles de commerce, sont moins bien payées que les hommes à leur sortie », constate Nicolas Glady, vice-président de la CGE et directeur de Télécom Paris. Parmi les diplômées 2022, le salaire annuel brut des femmes (hors prime) est en moyenne inférieur de 5,5 % à celui des hommes, en baisse de 0,5 % en un an.
Cet écart va même jusqu’à atteindre 7,3 % chez les manageurs, notamment dans le secteur de la banque et de l’assurance.Aux disparités salariales s’ajoutent celles de l’embauche. Les femmes cumulent ainsi un taux net d’emploi inférieur à celui des hommes (3,2 %) et ont plus de mal à décrocher un CDI que leurs comparses masculins. Elles occupent aussi moins souvent des positions de cadres.
Outre un fort taux d’insertion, « les conditions d’embauche sont très bonnes », appuie l’enquête, tant au niveau de la qualité de l’emploi que de sa rémunération. Ainsi, le taux d’embauche en CDI est l’un des plus élevés des dernières années. Au sein de cette promotion, ils sont 85,5 % à avoir déclaré être embauchés sous ce statut, une hausse de 3,7 points par rapport à l’année 2022 – elle-même en augmentation de 4,7 points par rapport à la précédente. « C’est un très bon signe, cela montre que les emplois sont pérennes », se félicite Nicolas Glady.
De moins en moins de jeunes diplômés s’expatrient
Un résultat qu’il faut tout de même pondérer puisqu’il reste inégal selon la filière d’étude. Selon l’enquête, huit diplômés sur dix des écoles de management et d’ingénieurs sont embauchés en CDI contre six sur dix pour les diplômés des autres écoles. A cela s’ajoute un nombre important de cadres chez ces jeunes diplômés (87,4 %). Côté rémunération salariale, les chiffres sont au plus haut. Une progression observée pour les diplômés de tous types d’école. Les diplômés de 2022 déclarent ainsi percevoir un salaire annuel brut moyen (hors primes) de 38 184 euros, soit une hausse significative de 4,5 % en une année. A cela s’ajoute le fait que l’embauche est toujours plus rapide. 95,8 % des répondants affirment avoir mis moins de quatre mois avant de décrocher leur premier emploi et, pour 68,6 % d’entre eux, le contrat était même signé avant leur sortie d’école. Un chiffre record pour la décennie.
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Soleil radieux sur les comptes de l’Unédic. L’association copilotée par les partenaires sociaux qui gère l’assurance-chômage prévoit des excédents budgétaires pour les trois prochaines années au moins. Après un solde positif de 4,3 milliards d’euros en 2022 – une première depuis 2008 –, le surplus devrait être équivalent en 2023 (+ 4,4 milliards) avant d’atteindre 5,4 milliards en 2024 et 8,7 milliards en 2025, selon des chiffres présentés, mardi 13 juin, par la direction de l’organisme paritaire.
Ces résultats permettraient de « poursuivre le désendettement indispensable du régime pour qu’il continue de jouer son rôle [d’indemnisation des demandeurs d’emploi] », comme l’a rappelé la présidente (CFDT) de l’Unédic, Patricia Ferrand. La dette, qui s’élevait à 60,7 milliards d’euros en 2022, pourrait être ramenée à 42,3 milliards en 2025.
Mais il n’est pas certain que les excédents en question servent exclusivement à éponger le passif. Le gouvernement lorgne avec avidité la cagnotte. A l’heure actuelle, l’Unédic contribue, à hauteur de 11 % de ses recettes, au financement de Pôle emploi. Cette participation « doit être rediscutée », a affirmé, le 7 juin, Olivier Dussopt, le ministre du travail, dans un entretien au quotidien Les Echos. Les syndicats et le patronat ont très bien compris le message : l’assurance-chômage risque d’être sollicitée – au-delà du ratio de 11 % – pour apporter son écot à la réforme du service public de l’emploi, avec la transformation de Pôle emploi en France Travail.
Mainmise de l’Etat accentuée
Cette situation replace sur le devant de la scène un dossier qui est source de frottements entre le gouvernement et les partenaires sociaux, mais aussi entre le patronat et les syndicats – voire parmi les organisations de salariés elles-mêmes : qui fait quoi au sein de l’Unédic ? Le dispositif est censé relever du paritarisme mais l’Etat y est de plus en plus présent. Après la réélection d’Emmanuel Macron, l’idée d’une négociation sur la gouvernance du régime avait émergé. A l’automne 2022, un conseiller de l’exécutif expliquait : « Il ne faut pas traîner. » Depuis, plus rien ou presque. « Les derniers échos qu’on peut en avoir, c’est que [les organisations syndicales et patronales] ne souhaitent pas se saisir de ce sujet », avait prétendu la première ministre, Elisabeth Borne, le 27 avril, lors d’une rencontre avec l’Association des journalistes de l’information sociale.
L’enjeu est de repenser les prérogatives des pouvoirs publics et des acteurs sociaux tout en réfléchissant à la place qui pourrait être accordée au Parlement dans le fonctionnement du régime. En temps ordinaire, il appartient aux organisations d’employeurs et de salariés de fixer les paramètres relatifs au versement de l’allocation-chômage, à travers une « convention » négociée entre elles.
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Et si, plutôt que de demander à des candidats d’envoyer leur curriculum vitæ pour un poste précis, les entreprises inversaient le processus et proposaient leur propre CV aux candidats potentiels en mettant en avant leurs valeurs et leurs projets ? Depuis fin janvier, une vingtaine de sociétés de l’agroalimentaire représentant de nombreuses marques affichent ainsi leur CV sur le site Cv-inverse.fr. Dans un format standard, elles présentent leurs expériences, leurs réalisations, leurs engagements. Les candidats intéressés envoient leur propre curriculum vitæ via le site à une ou plusieurs marques.
Une dizaine de jours après le lancement de cette initiative, cinq cents documents avaient déjà été déposés. A présent, le rythme varie entre vingt et trente par semaine. Dans un secteur qui peine à recruter, c’est déjà un succès. L’idée du « CV inversé » avait été formulée lors d’un atelier collaboratif organisé en septembre 2022 par la communauté « Pour nourrir demain », créée en 2015 par Sylvain Zaffaroni et Marion Mashhady avec l’ambition de « reconstruire collectivement le système agroalimentaire français de façon pérenne ».
La communauté réunit régulièrement des cadres de direction d’une vingtaine de groupes et de marques du secteur agroalimentaire : St Mamet, Arterris, D’Aucy, Candia, Savéol, Cérébos, etc. Lors de rencontres sous forme d’ateliers thématiques, ils partagent leurs préoccupations et cherchent collectivement des solutions. Le CV inversé est né à l’issue d’une de ces journées consacrée à la pénurie de candidats, qui affecte certains métiers de la filière. « Le message que nous avons diffusé sur LinkedIn pour annoncer le lancement de l’opération a été vu 200 000 fois en une journée et a suscité une audience du site d’environ 10 000 visites quotidiennes dès le premier jour », se félicite Sylvain Zaffaroni.
Une pénurie structurelle
Dans le secteur agroalimentaire, les difficultés de recrutement liées au manque de candidats ne datent pas d’aujourd’hui, mais elles se sont aggravées. « A une pénurie structurelle, qui dure depuis plus de vingt ans, s’ajoute une pénurie conjoncturelle liée à la fois à la pandémie de Covid, qui a tari le flux de migrants saisonniers, et à la complexité de l’écosystème, car les sites de production sont souvent localisés dans des villages, ce qui impose aux candidats de trouver un logement et d’avoir un véhicule », précise M. Zaffaroni.
La pénurie structurelle s’expliquerait par l’insuffisance de formations proposées par l’Education nationale et par le niveau de diplôme et de certifications désormais exigé pour exercer les métiers d’éleveurs, de cultivateurs ou de maraîchers. Cependant, le CV inversé ne vise pas les métiers techniques de la production, de l’élevage ou de la récolte, bien que particulièrement pénuriques. Dans ces métiers, les recrutements se font principalement par l’intermédiaire de Pôle emploi ou de sociétés d’intérim, par promotion interne ou auprès d’écoles techniques pour les alternants.
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Dans la foulée des ordonnances travail de 2017, les comités sociaux et économiques (CSE) ont succédé en 2018 aux précédentes instances représentatives du personnel : le comité d’entreprise, les délégués du personnel et le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT).
En 2023, la majorité des CSE arrivent au terme de leur premier mandat : c’est l’heure du bilan. A l’occasion des Rencontres RH, le rendez-vous mensuel de l’actualité du management organisé par Le Monde en partenariat avec ManpowerGroup et Malakoff Humanis, une dizaine de DRH ont débattu, mardi 6 juin, des conséquences de la réforme sur le dialogue social.
En introduction, le sociologue du travail et des relations professionnelles Frédéric Rey, également maître de conférences au CNAM, a présenté les principaux enseignements d’une étude commandée par la CFDT et publiée en janvier 2023, sur l’expérience vécue par près de 3 000 élus depuis la création des CSE : « La rationalisation du dialogue voulue par la réforme a eu des effets pervers dans les entreprises. » Il énumère : « Une diminution des moyens et une multiplication des sujets traités ; l’impression d’un dialogue social de surface, qui respecte les formes mais ne permet pas véritablement de contribuer à la coproduction des règles de l’entreprise ; enfin la transformation de l’exercice des mandats : plus de dossiers, plus techniques, qui touchent un ensemble plus large de problématiques. »
Une simplification et une centralisation des échanges avec les élus
Si l’échantillon n’est pas représentatif car il compte une majorité de répondants cadres, délégués syndicaux, et travaillant dans de grandes entreprises, M. Rey ajoute que « ce que l’on voit, c’est donc ce qu’ont vécu les élus des entreprises qui ont le plus de moyens ! »
De manière générale, les DRH n’ont pas vécu la même expérience : ils saluent une simplification et une centralisation des échanges avec les élus du personnel. « Globalement, on arrive à faire fonctionner correctement nos instances, le CSE a clarifié les choses », estime Valérie Migrenne, DRH du réseau Société générale. En 2024, onze CSE « de régions » y seront créés.
« La rationalisation a permis de favoriser la négociation, témoigne Jérôme Friteau, DRH de la CNAV. On a mis en place des représentants de proximité, pour autant les organisations syndicales ont besoin de tout faire remonter en CSE dès lors que ça doit prendre un caractère visible, car ils veulent échanger avec la direction. »
Jean-Louis Sotton, DRH de l’Hôpital américain de Paris, dit avoir vu disparaître des doublons qui existaient entre CHSCT et CE : « Avec la réforme, toute la partie information consultation est concentrée sur le CSE, et la CHSCT traite deux fois plus de sujets concrets pour améliorer les conditions de travail. Le CSE regroupe tous les avis, c’est un partenaire complet qui donne un avis global. »
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C’était il y a trois ans, presque jour pour jour. Emmanuel Macron promettait la « reconquête de notre pleine souveraineté sanitaire et industrielle », alors que refluait doucement la première vague du Covid-19. « Tout le monde a vu durant cette crise que des médicaments qui paraissaient usuels n’étaient plus produits en France et en Europe », déplorait-il le 16 juin 2020, évoquant, déjà, la nécessité de relocaliser la production de médicaments stratégiques.
Depuis, l’Etat a déployé plusieurs plans d’investissement, mobilisant 800 millions d’euros, a financé une centaine de projets, et a baissé les impôts. Mais cet hiver, des pénuries ont de nouveau frappé l’Hexagone, privé de plusieurs traitements grand public comme l’amoxicilline ou le paracétamol.
Le chef de l’Etat s’est donc voulu volontariste, mardi 13 juin, en annonçant la relocalisation en France de la production d’une cinquantaine de médicaments « essentiels » à l’occasion d’un déplacement en Ardèche chez le laboratoire français Aguettant. Un engagement pour déjouer la « fatalité » de la désindustrialisation du pays et « inverser le sens de l’histoire », a-t-il avancé, alors que deux autres déplacements consacrés à la souveraineté industrielle et stratégique sont programmés dans les prochains jours. « Une dépendance industrielle n’est jamais bonne, a affirmé le président de la République, mardi, et elle est encore moins compréhensible et acceptable quand elle touche la santé et les médicaments », un domaine parmi les « plus spectaculaires en matière de souveraineté ».
Huit projets sont signés
Les cinquante médicaments appelés à faire leur retour sur le sol national ne tiennent pas du hasard. Ils correspondent à des traitements jugés particulièrement critiques sur le plan thérapeutique mais dont les chaînes de production ont montré une telle vulnérabilité qu’une relocalisation s’impose pour en garantir l’approvisionnement.
« On n’a pas le droit d’avoir de faiblesse », a insisté Emmanuel Macron, mardi, avant d’annoncer que la moitié d’entre eux faisaient déjà l’objet d’investissements dans le cadre du plan France 2030. Au total, huit projets ont été signés, représentant un montant de 160 millions d’euros (dont 15 % à 30 % supportés par l’Etat). Ils démarreront dans les « prochaines semaines ».
Parmi eux figure, entre autres, celui du laboratoire Aguettant, spécialisé dans la fabrication de seringues injectables. Dans les Pays de la Loire, à Mayenne, l’usine du britannique GSK étendra ses capacités de production sur l’amoxicilline. A Vertolaye (Puy-de-Dôme), le fabricant de principes actifs EuroApi renforcera quant à lui sa production de morphine, tandis que l’entreprise Seqens, déjà mobilisée sur la relocalisation du paracétamol, ajoutera à son portefeuille la production de quatre autres principes actifs, dont le propofol et le midazolam.
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A côté de réels motifs de satisfaction, des interrogations majeures subsistent après la décision de la Commission européenne d’autoriser sous conditions, vendredi 9 juin, l’acquisition de Lagardère (maison mère d’Hachette Livre, le numéro trois mondial de l’édition) par Vivendi. L’avocate spécialisée en droit de la concurrence Isabelle Wekstein, associée de WAN, qui défend les libraires (le Syndicat de la librairie française, celui des distributeurs de loisirs culturels, et une quinzaine de librairies directement, comme Le Divan à Paris, Passages à Lyon…), les organisations d’auteurs (le Conseil permanent des écrivains et la Charte des auteurs et illustrateurs jeunesse) ainsi que les éditeurs indépendants Actes Sud et L’Ecole des loisirs, ne désarme pas.
« Vivendi a été obligé de renoncer à son projet de fusion des groupes Editis [aujourd’hui encore filiale à 100 % du groupe de Vincent Bolloré] et Hachette. Ce danger, le plus grand, a été définitivement écarté, c’est une très bonne chose », affirme d’emblée l’avocate. Parmi les remèdes imposés par Bruxelles pour mettre la main sur Lagardère, Vivendi devra céder 100 % d’Editis (numéro deux français du secteur et maison mère de Nathan, Pocket, Plon, Bouquins…) et 100 % du magazine Gala. « Ce qui montre que nos préoccupations dans la presse people n’étaient pas absurdes », souligne Isabelle Wekstein, pour qui « la cession de Paris Match aurait peut-être eu plus d’impact en termes de concurrence ».
« C’est le résultat d’une mobilisation sans précédent, depuis plus de deux ans », des auteurs, éditeurs et libraires clients de l’avocate,se sont félicités ces derniers, lundi 12 juin. Ils « approuvent le maintien de deux leaders [dans] l’édition – Hachette [maison mère de Grasset, Calmann-Lévy, Fayard, Stock…] et Editis », mais « demeurent inquiets face aux menaces que fait peser sur le marché français la création d’un duopole ».
Eviter des partages d’informations confidentielles
Aux yeux d’Isabelle Wekstein, « la prise de contrôle exclusive du groupe Lagardère par Vivendi aboutit à un renforcement de la position dominante d’Hachette ». Ses clients rappellent que « dans le secteur du livre, l’hyperconcentration et la financiarisation nuisent aux objectifs de diversité, de liberté et d’indépendance de la création » et « accentuent les déséquilibres entre grands groupes multimédias, d’une part, et auteurs, éditeurs indépendants et libraires, d’autre part ».
Ces derniers seront donc « très attentifs à l’évolution du marché ainsi recomposé » ainsi qu’à la candidature du repreneur pressenti d’Editis, le groupe de Daniel Kretinsky (actionnaire indirect du Monde), précisément parce qu’il est devenu le premier actionnaire de la Fnac (avec 25 % du capital).
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