Archive dans juin 2023

JO de Paris 2024 : quatre groupes de BTP assignés aux prud’hommes

Les groupes de BTP Vinci, Eiffage, Spie Batignolles et GCC, principaux maîtres d’ouvrage des futurs sites olympiques, ainsi que huit sous-traitants, ont été assignés aux prud’hommes de Bobigny (Seine-Saint-Denis) par dix ouvriers sans papiers qui ont travaillé sur les chantiers des Jeux.

Ces travailleurs, qui ont depuis été régularisés, dénoncent depuis plusieurs mois leur « exploitation » sur ces chantiers, où ils ont œuvré sans contrat de travail ni fiche de paie. Ils demandent « la reconnaissance d’un contrat de travail, requalifié en CDI à temps plein », a expliqué à l’Agence France-Presse le syndicaliste Richard Bloch, confirmant une information de Franceinfo. Défenseur syndical à la CGT, ce dernier avait accompagné ces ouvriers dans leur processus de régularisation.

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« Emploi d’étranger sans titre en bande organisée »

Dans le dossier déposé le 31 mars, le syndicat et les ouvriers demandent également le versement des « arriérés » de salaires impayés, la reconnaissance d’un « licenciement sans cause réelle et sérieuse », et que soit engagée « la responsabilité des maîtres d’œuvre » dans le recours à ce travail irrégulier. D’autant que, d’ici à ce que l’affaire soit audiencée au conseil des prud’hommes en octobre, selon la CGT, les sous-traitants pourraient tout simplement s’évaporer dans la nature.

Il y a un an, le parquet de Bobigny avait ouvert une enquête préliminaire, notamment pour « travail dissimulé » et « emploi d’étranger sans titre en bande organisée », après que des contrôles avaient permis d’identifier plusieurs travailleurs irréguliers sur un chantier olympique.

Le Monde avec AFP

Le devoir de vigilance progresse en Europe

Entreprises. Le 1er juin, quelques semaines après le dixième anniversaire de la catastrophe du Rana Plaza, le parlement européen a voté une directive sur le devoir de vigilance des entreprises multinationales. Après la loi française de 2017 et la loi allemande de 2021, cette prise de position ne garantit pas encore son adoption par l’Union européenne, mais elle manifeste avec force la progression en Europe d’une conception française de l’entreprise et de la mondialisation.

Le 24 avril 2013, dans une banlieue proche de Dacca, au Bangladesh, un bâtiment de neuf étages s’effondre, provoquant, avec plus de 1 100 tués et des milliers de blessés, la catastrophe la plus meurtrière de l’histoire de l’industrie textile. L’immeuble abritait des ateliers de couture travaillant pour les grandes enseignes de la mode. La tragédie déclencha une émotion très forte dans le monde entier et la quasi-totalité de ces donneurs d’ordre reconnurent avoir été aveugles face à la mise en danger de ces travailleurs par leurs sous-traitants.

Cette prise de conscience suscita une innovation française : la loi du 27 avril 2017 sur le devoir de vigilance des entreprises multinationales. Elle impose à celles-ci de mettre en place, sur l’ensemble de leur chaîne d’approvisionnement, un plan de prévention des atteintes aux droits fondamentaux des travailleurs. Cette loi n’a pas manqué de provoquer des critiques et des oppositions tenaces. On pouvait en effet contester la faisabilité d’un tel plan de vigilance lorsque les chaînes d’approvisionnement sont longues et complexes.

Une nouvelle approche sociale

Mais l’importance des enjeux humains concernés devait alors motiver la recherche de circuits plus maîtrisables. On reprochait surtout à la loi d’imputer aux entreprises des mises en danger qui n’étaient pas de leur fait. Or, la loi ne disait pas cela et rappelait un principe d’une grande force doctrinale. L’Etat est légitime à imposer des normes de « bonne gestion », lorsque l’activité ou le pouvoir d’une entreprise peuvent entraîner des dangers pour autrui.

Le loueur de voitures doit ainsi vérifier que son client possède un permis de conduire ! Ainsi, la loi n’exige de l’entreprise que la preuve qu’elle prend des mesures de prévention documentées et sérieuses pour éviter de travailler avec des fournisseurs qui ne respectent pas ces droits.

Cette conception a d’abord franchi les frontières de l’hexagone avec une loi similaire adoptée en Allemagne en juin 2021. Le vote récent du Parlement européen confirme donc la diffusion à l’échelle du continent d’une conception plus responsable du rôle des entreprises dans la mondialisation. Certes, la taille des entreprises concernées, l’étendue des droits sous vigilance, les sanctions associées au non-respect des prescriptions, sont encore à fixer et rien ne dit qu’une directive exigeante sera adoptée. Mais qui aurait parié en 2017 sur une telle réception européenne quand beaucoup voyaient dans cette loi un errement français ?

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« Que sait-on du travail ? » : derrière la prétendue « flémmingite », une pandémie de conditions de travail dégradées

37 % : c’est la part de salariés français qui déclarent avoir travaillé au moins une fois en étant malade, sur une période de douze mois, révèle l’étude Eurofound de 2021. La moyenne de l’Union européenne n’est que de 28 %, et ce chiffre n’est que de 22 % aux Pays-Bas. Autre question issue de cette enquête : « Vous arrive-t-il de travailler sur votre temps libre pour répondre aux exigences de votre travail, tous les jours ou plusieurs fois par semaine ? » C’est le cas de 20 % de Français, soit quatre points de plus que la moyenne européenne. Y aurait-il donc vraiment une « épidémie de flemme » dans l’Hexagone ?

C’est l’idée que bat en brèche un article réalisé pour le projet de médiation scientifique « Que sait-on du travail ? » du Laboratoire interdisciplinaire d’évaluation des politiques publiques (Liepp), diffusé en collaboration avec le Liepp et les Presses de Sciences Po sur la chaîne Emploi de Lemonde.fr.

Les sociologues Maëlezig Bigi et Dominique Méda affirment que c’est la dégradation continue des conditions de travail, depuis près de vingt ans, qui explique une relation plus distanciée des Français vis-à-vis de leur emploi, et non un prétendu refus de travailler.

A l’aide de données issues de programmes de recherche européens, les chercheuses rappellent d’abord que les Français ont toujours été majoritaires à déclarer que le travail est très important dans leur vie, ce qui ne les empêche pas de souhaiter en même temps qu’il prenne moins de place. Cette coexistence n’est pas nouvelle, et démontre simplement une exigence à l’égard du contenu du travail.

De ce fait, la France est un des pays où le fossé entre les attentes placées sur le travail et la réalité de ses conditions d’exercice est le plus grand. Déjà au début des années 2000, le travail était considéré, bien plus en France qu’ailleurs, comme épuisant, mal payé, et ne débouchant que sur de faibles chances de promotions.

Ce constat s’est amplifié : en 2019, l’enquête Conditions de travail de la Dares (ministère du travail) met en évidence que le travail est « insoutenable » pour 37 % des actifs occupés français. La comparaison européenne, à l’occasion de l’enquête Eurofound de 2021, est sans appel : 52 % des Français déclarent que leur travail nécessite de travailler dans des délais très stricts et très courts, contre 37 % des salariés néerlandais par exemple.

La pénibilité physique et psychique du travail est bien plus lourde dans l’hexagone : quand 7 % des Danois et 30 % des Européens disent souffrir d’anxiété, c’est le cas d’un Français sur deux. Cette enquête pointe aussi chez les salariés français le faible soutien des collègues, la faible reconnaissance par la hiérarchie, et un écart plus important qu’ailleurs entre les exigences imposées et les ressources pour y faire face.

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« Prendre la mesure de la crise du travail en France »

[Les Français ont-ils mis à distance leur travail en un rien de temps, lors du confinement de 2020 ? Pourquoi l’ont-ils fait ? Ce sont les questions que posent deux sociologues : Maëlezig Bigi est maîtresse de conférences au Cnam, chercheuse au Lise et affiliée au Centre d’études de l’emploi et du travail. Elle travaille sur la reconnaissance et l’organisation du travail. Dominique Méda est professeure de sociologie à l’Université Paris Dauphine. Elle dirige l’Institut de recherche interdisciplinaire en sciences sociales (Irisso) de l’Université Paris Dauphine-PSL.]

C’est sans doute l’une des expressions les plus médiatiques de ces derniers mois : le rapport au travail aurait changé. Les Français ne voudraient plus travailler. La Grande démission serait la preuve qu’un gigantesque mouvement de flemme s’est emparé de nos concitoyens. Dans cet article, nous tentons de prendre une perspective un peu longue pour comprendre ce qui a vraiment changé dans notre rapport au travail, nous revenons sur l’importance accordée au travail par les Français et nous mettons en évidence que la question centrale aujourd’hui est celle des conditions de travail. Nous invitons ainsi nos lecteurs à prendre la mesure de la grave crise du travail française, qui explique en partie l’intensité des réactions à l’annonce du recul de l’âge légal de la retraite de 62 à 64 ans.

1. Les Français sont-ils paresseux ?

Une note de 2019 (Goujard, 2019) commentant les résultats de l’OCDE sur le temps de travail (et revenant sur l’idée que les Français seraient ceux qui consacrent au travail le moins grand nombre d’heures par habitant) a été utilisée par certains journalistes comme une nouvelle preuve du fait que les Français seraient paresseux et n’aimeraient pas le travail, confortant ainsi une théorie partagée et diffusée de longue date par certains économistes : celle de la préférence des Français pour le loisir.

C’est pour mettre à l’épreuve cette théorie, et en particulier l’idée selon laquelle les jeunes seraient les plus atteints par cette épidémie de flemme – un autre poncif du discours voudrait en effet que les jeunes soient particulièrement rétifs au travail, matérialistes, incapables d’engagement… – qu’avait été lancé en 2006 un programme de recherche européen, rassemblant sous la direction de Patricia Vendramin six équipes de chercheurs de France, d’Italie, de Belgique, de Hongrie, d’Allemagne et d’Espagne (Dominique Méda, à l’époque directrice de recherches au Centre d’Etudes de l’Emploi était la responsable de la partie française, avec Lucie Davoine et Béatrice Delay).

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L’argot de bureau : des « ghost jobs », pour sauver les apparences

Après des mois de recherche, vous n’y croyiez plus : le job de vos rêves, à deux rues de chez vous, avec douze semaines de congés et des missions passionnantes. Exalté, vous arrivez en bas de l’annonce, et tombez sur sa date de publication : février 2014. L’entreprise a oublié de la retirer. Saperlipopette.

Il arrive que les petites annonces ne soient plus à la page : si l’on tape par exemple « metaverse » dans un moteur de recherche, on tombera sur nombre de postes d’ingénieurs ou « chief metaverse officer » postés à la va-vite lors du buzz de ce terme, il y a quelques mois… Mais qui n’ont jamais été pourvus, devant le fiasco (mérité) de sa mise en place dans les entreprises. Ces annonces sont des « ghost jobs », des « emplois fantômes » : ce sont ces offres d’emploi qui restent en ligne durant des mois après leur publication, sans que le candidat ne puisse savoir si les postes ont été pourvus.

C’est un sondage qui a réveillé les morts et popularisé le terme outre-Atlantique : A l’été 2022, l’entreprise américaine de prêt en ligne Clarify Capital a interrogé plus de mille manageurs impliqués dans des processus de recrutement. Plus des deux tiers (68 %) des manageurs déclaraient que leur entreprise laissait des offres en ligne durant plus de trente jours, et un sur dix qu’une même annonce pouvait « durer » plus de six mois.

Une manipulation multiple

Ce n’est pas forcément volontaire : le département des ressources humaines (RH) pourra oublier de supprimer sa proposition une fois que le ou les embauches auront été réalisées, ou la plate-forme d’emploi pourra publier en plusieurs exemplaires une offre qui ne recrute qu’une seule personne.

Pourtant, l’effet pour l’employeur de cette manipulation est potentiellement multiple : en premier lieu, naturellement, faire postuler du monde et garder une visibilité sur les plates-formes. Si l’intention de laisser traîner l’annonce est bien présente, ces offres peuvent permettre de garnir le « vivier de talents » si précieux pour les RH. En effet, si l’entreprise a payé un budget publicité sur LinkedIn ou Indeed s’étalant d’un jour A à C, et que tous les recrutements prévus ont été faits au jour B, pourquoi se priver d’une visibilité disponible ?

Les recruteurs peuvent aussi utiliser ces petits fantômes pour garder les CV de bons candidats… Afin de les rappeler du tac au tac le jour où une position se libère, notamment un poste réputé « à fort turnover ». C’est la guerre des talents, disent-ils.

Intentions maléfiques et dysfonctionnements

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Dans l’aéronautique, une deuxième vague de recrutements massifs

L’usine de fabrication de fuselages d’Airbus Atlantic, à Meaulte (Somme), le 4 avril 2023. 

« En 2020, l’aéronautique a été balayée de plein fouet [par l’épidémie de Covid-19]. Les recrutements de cadres ont reculé de 29 %. Aujourd’hui, la dynamique a repris. L’aéronautique joue à nouveau son rôle de locomotive », affirme Cyrille Longuépée, la déléguée régionale de l’Association pour l’emploi des cadres (APEC) en Occitanie. A la fin de l’année, les filières aéronautiques et spatiales devraient compter près de 200 000 emplois, selon le Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales (Gifas). A la fin de 2021, le secteur représentait 188 000 postes, dont quasiment un tiers en Occitanie, avec un réseau de fournisseurs qui s’étend sur toute la France.

L’impact de l’épidémie de Covid-19 sur l’emploi s’est poursuivi jusqu’en 2021 : cette année-là, le secteur a encore perdu 3 % de ses effectifs, malgré le recrutement de 9 300 personnes, dont près des trois quarts (73 %) en CDI. Puis, 2022 a marqué l’amorce d’un basculement avec le retour à la création nette d’emplois, grâce à une première vague d’embauches « massives » : 18 000 CDI et 6 700 alternants. « Une forte remontée des cadences de production a été enclenchée en 2022 », explique le rapport du Gifas sur les métiers de l’industrie aéronautique et spatiale. Avec une deuxième vague de même ampleur attendue en 2023, « le secteur devrait retrouver son niveau d’emploi d’avant la crise en fin d’année ».

Cette très forte demande d’emploi est tirée par trois moteurs : « Le trafic aérien mondial est revenu à ce qu’il était avant le Covid-19, la flotte aérienne doit être renouvelée notamment pour des raisons écologiques, et on a une très bonne conjoncture liée à la défense », explique Philippe Dujaric. « Nos trois grands donneurs d’ordres sont civils et militaires », rappelle le directeur des affaires sociales et de la formation au Gifas.

« Recruter sans se concurrencer »

Sur les 25 000 recrutements (dont 7 000 alternants) prévus pour 2023, les équilibres entre les métiers se maintiennent. Au dernier bilan réalisé dans la filière fin 2021, les effectifs comprenaient, dans des métiers divers à forte compétence technique à partir du niveau bac, à 45 % des ingénieurs et cadres, 31 % des employés, techniciens et agents de maîtrise, et un peu moins (24 %) des opérateurs et techniciens d’ateliers. En 2022, plus de la moitié (58 %) des recrutements ont été des ingénieurs et des cadres. Cette année, les candidats recherchés sont de nouveau pour plus de la moitié des ingénieurs et des cadres, un bon 20 % des techniciens de production et pour le reste des techniciens supérieurs. L’année 2023 sera celle d’« une double bataille de plan de charges en production et en technologie », commente Philippe Dujaric.

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A la tour Eiffel, pendant des années, les travailleurs précaires pointaient à tous les étages

Un employé chargé du nettoyage lors de la réouverture du dernier étage de la tour Eiffel, à Paris, le 15 juillet 2020.

« Il y a beaucoup de choses qui n’allaient pas dans cette entreprise. Le fonctionnement était opaque, on ne savait pas comment les CDI étaient donnés. La fin de la collaboration a été brutale pour beaucoup d’entre nous. » C’est ainsi qu’une ancienne agente d’accueil résume son expérience à la Société d’exploitation de la tour Eiffel (SETE). Comme elle, une quinzaine d’anciens salariés de la tour en CDD et intérim témoignent au Monde de l’existence de nombreuses irrégularités dans la gestion du personnel ; des anomalies que la direction de l’entreprise reconnaît, mais assure avoir fait disparaître récemment.

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Le monument, qui accueille chaque année près de six millions de visiteurs, dont 80 % d’étrangers, et emploie près de 360 salariés, est géré par la SETE, une société publique locale détenue à 99 % par la Ville de Paris (qui perçoit chaque année une redevance de plus de 10 millions d’euros). L’entreprise a particulièrement souffert du Covid-19, avec des pertes de 43 millions d’euros en 2021 et 52 millions en 2020, se sauvant grâce au recours à l’activité partielle, à des prêts et à une recapitalisation. La découverte de forts taux de plomb aux abords du monument a également entraîné des retards sur la dernière campagne de peinture et des surcoûts importants. La SETE est aujourd’hui endettée à hauteur de 110 millions d’euros.

Avant même que la pandémie ne fragilise l’édifice, les comptes et la gestion financière de la société étaient pointés du doigt. La chambre régionale des comptes (CRC) d’Ile-de-France a mis en évidence, dans un rapport publié en 2020, l’augmentation du recours aux emplois précaires (CDD et intérimaires) dans les années 2010, de même que l’augmentation des rémunérations des personnels. La tour embauche des saisonniers lors des périodes de forte affluence ou pour compenser les congés maladie ou de maternité. C’est historiquement la seule porte d’entrée pour travailler à la tour Eiffel, particulièrement en tant qu’agent d’accueil.

« C’était comme être d’astreinte »

« Nous avions des emplois saisonniers, mais on travaillait toute l’année. On enchaînait CDD à la SETE et missions d’intérim pour l’agence Synergie, raconte Elena Riboust, qui a travaillé à la SETE entre 2018 et 2020. En intérim, c’étaient des missions d’une seule journée, on était avertis le matin et le premier qui décrochait obtenait la mission. » Au fil des ans, un vivier de plusieurs dizaines de précaires s’est constitué, pour remplacer les agents en CDI dans les trois équipes qui se succèdent en permanence (une le matin, une le soir, une au repos), rendant de plus en plus incertaine la perspective d’obtenir suffisamment de missions. Parfois, les missions durent seulement trois heures, pour remplacer une pause déjeuner.

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Pour les ouvriers de Lip, il y a cinquante ans, c’était l’heure de gloire

Le syndicaliste Charles Piaget (au centre), qui fut au cœur de la mobilisation, et les employés en grève, dans l’usine Lip, à Besançon, en  1973.

Quand Pierre Messmer assure à l’automne 1973 que « Lip, c’est fini… », le premier ministre de Georges Pompidou ajoute « en ce qui me concerne ». Des propos avisés, car le conflit social qui a débuté le 12 juin de cette même année dans l’usine du quartier de Palente, à Besançon, va s’inscrire dans l’histoire du mouvement ouvrier et des syndicats, notamment de la CFDT. Refusant le dépôt de bilan, les employés s’emparent de l’usine horlogère et fabriquent eux-mêmes les montres, mettant ainsi en pratique une autogestion inédite en France.

Cinquante ans plus tard, le chef-lieu du Doubs n’a pas oublié cet événement en dépit des efforts du patronat et de certains édiles pour gommer du paysage cette grève à l’écho international qui, disaient-ils, « dégrade l’image de la ville et décourage les investisseurs ». A l’inverse, comme ses compagnons de lutte, Charles Piaget, alors militant du Parti socialiste unifié (PSU), délégué CFDT et porte-parole du mouvement, qui aura 94 ans le 23 juillet, en a toujours entretenu la flamme. « Au sein d’un collectif », insiste-t-il, érigé malgré lui en symbole.

Besançon va ainsi célébrer ce souvenir d’un fabricant né en 1867 et qui employa jusqu’à 1 300 personnes quand la « montre de communion » était un incontournable français. Certes, des rancœurs subsistent parmi ceux qui croient encore que « sans le jusqu’au-boutisme syndical, des opportunités de sauvetage auraient pu aboutir » (en 1977, Lip est liquidée, mais la marque ne disparaît pas) ou ceux qui n’ont pas digéré qu’à l’époque du slogan ouvrier « C’est possible, on fabrique, on vend, on se paie ! » les fournisseurs, eux, n’ont pas été payés. Mais la page a pourtant été tournée. Le bâtiment de Palente a été converti en espace d’accueil industriel et artisanal.

Cadran avec le slogan de 1973

Et, surprise, voilà huit ans, grâce à la ténacité de Philippe Bérard, président de SMB Horlogerie (Société de montres Besançon), à Châtillon-le-Duc, et de son fils Pierre-Alain, directeur général, Lip a fait son retour dans le berceau franc-comtois de l’horlogerie made in France. Ils ont acquis, en 2015, auprès du groupe gersois Sensemat, détenteur de la marque depuis 1990, l’utilisation de la licence, prélude à un transfert de propriété (en octobre 2024).

A une dizaine de kilomètres du chef-lieu du Doubs, quantité de montres Lip ont depuis été assemblées avec celles des dix autres marques produites par cette manufacture de 130 salariés où dix ouvriers supplémentaires furent embauchés pour l’occasion.

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Avec Copilot, les développeurs plongent dans la révolution de l’intelligence artificielle

Avec la venue à Paris d’Elon Musk, le patron de Tesla, SpaceX et Twitter, invité de dernière minute, le salon VivaTech, dédié aux nouvelles technologies, a trouvé son invité vedette. Il en est un autre, plus discret, qui était aussi présent porte de Versailles et qui révolutionne également un pan important de l’économie : Thomas Dohmke, le dirigeant de GitHub.

La société, qui s’est fait connaître comme la principale plate-forme d’hébergement de code en libre accès pour les développeurs, a été rachetée en 2018 pour 7,5 milliards de dollars (6,85 milliards d’euros) par Microsoft. Depuis, la compagnie est passée de 28 millions d’utilisateurs à plus de 100 millions et a dépassé depuis le mois d’octobre le milliard de dollars de revenus récurrents.

Mais, depuis un an, avec le lancement commercial de Copilot, elle s’est aussi imposée comme le leader des solutions d’intelligence artificielle générative capables de créer de façon autonome des lignes de code. Le fruit d’une collaboration avec Microsoft et OpenAI, une société à l’origine du logiciel ChatGPT-4 dont le géant de Redmond est actionnaire.

Un million d’utilisateurs

Copilot compte déjà plus d’un million d’utilisateurs, avec des résultats très probants, affirme M. Dohmke. Selon une enquête menée par l’entreprise, les développeurs utilisant Copilot parviennent à réaliser la même tâche 55 % plus vite que ceux qui ne le font pas. En moyenne, ils développent près de 50 % de leurs lignes de code (46 % exactement) en recourant à l’intelligence artificielle.

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Si le dirigeant de GitHub parle d’une adoption très rapide du logiciel – bien que celui-ci soit payant (10 euros mensuels pour les particuliers, 19 euros pour les professionnels) –, dont la marge de progression reste élevée, dans un monde qui se numérise de plus en plus. Le directeur général cite notamment l’exemple d’un grand groupe automobile allemand qui a décidé de former ses ouvriers à Copilot pour qu’ils soient à même de développer des logiciels en se basant sur leur connaissance du métier.

Comme dans tous les domaines que pénètre l’intelligence artificielle, la question de la concurrence entre l’emploi et la machine est posée. M. Dohmke se positionne, sans surprise, du côté des optimistes. « Les développeurs ne seront pas remplacés. Si le logiciel s’appelle Copilot, c’est bien pour affirmer qu’ils resteront les pilotes. Vous aurez toujours besoin de l’intelligence humaine pour être créatif, spécifier les systèmes. »

Plainte collective

Les relations entre les développeurs et GitHub se sont cependant compliquées depuis que ce dernier a lancé Copilot. Une plainte collective a été lancée au mois de novembre reprochant à Microsoft, GitHub et OpenAI d’avoir utilisé des milliards de lignes de code en open source (celles de GitHub) pour entraîner l’intelligence artificielle de Copilot et en faire in fine un service payant. Une compensation de 9 milliards de dollars de dommages est demandée.

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Inquiets pour les salariés, les syndicats activent le droit d’alerte chez LCL

Des collègues sur le départ, des dossiers qui s’accumulent sur les bureaux des conseillers : cette situation, Danièle Gourdet l’a rencontrée un peu trop « fréquemment » à son goût, au sein des agences du réseau bancaire LCL. « Dans une agence de 10 salariés, on a 6 collaborateurs qui partent, et la charge de travail se reporte sur les 4 collaborateurs restants », regrette cette déléguée syndicale nationale FO de LCL.

Marquée par plusieurs réorganisations successives, la filiale du groupe Crédit agricole connaît une cascade inédite de départs. Au point que les syndicats ont lancé, au mois de mai, une procédure de droit d’alerte pour risque grave sur la santé des travailleurs. A l’issue d’une réunion extraordinaire du comité social et économique central (CSEC), les élus du personnel ont décidé à l’unanimité, le 25 mai, de commander une expertise d’évaluation des risques psychosociaux.

« Les effectifs insuffisants créent du mécontentement, constate Vincent Chaudat, délégué central CGT chez LCL. On voit arriver des clients exaspérés, parfois à juste titre. Après avoir eu plusieurs altercations avec un client, on a des collègues en arrêt qui n’arrivent plus à revenir  ».

Hausse inquiétante de licenciements et de démissions

Dans le texte du droit d’alerte, qui reprend les chiffres communiqués dans le bilan social 2022 provisoire de la banque, les syndicats expriment leur inquiétude face aux nombres de licenciements et de démissons, en hausse de 30% par rapport à 2019. Le taux d’absentéisme, quant à lui, connaît une hausse de 24% sur la même période de référence.

En cause, selon Vincent Chaudat : une « politique du chiffre », qui pousserait des « collègues usés par la pression » vers la sortie et les inciterait à « franchir la ligne rouge » pour atteindre leurs objectifs. Selon les élus du personnel, le CSEC avait déjà alerté plusieurs fois la direction sur les conditions de travail des salariés. « Je suis inquiète, car on s’agite depuis plus de deux ans et rien ne bouge, assure Danièle Gourdet. Depuis 2016, on a connu trois plans de fermetures d’agences ».

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D’après la délégué syndicale FO, ce climat social délétère alimente la montée des risques psychosociaux : « les situations de harcèlement se multiplient dans plusieurs régions ». Les salaires demeurent un autre sujet de discorde chez LCL. Alors que la banque a engrangé « 916 millions de bénéfices en 2022 », elle serait « dans le peloton de queue » en termes de rémunération par rapport à ses concurrents, ce qui inciterait ses salariés à « aller voir ailleurs » , estime Vincent Chaudat.

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