Archive dans avril 2023

Le smic va augmenter de 2,19 % au 1er mai du fait de l’inflation, selon le gouvernement

Elisabeth Borne à Rodez (Aveyron), le 6 avril 2023.

La première ministre Elisabeth Borne a assuré, vendredi 14 avril, que le smic augmenterait « d’un peu plus de 2 % » au 1er mai et a appelé les entreprises à « renégocier les grilles salariales ». La première ministre a fait cette annonce lors d’un déplacement dans un hypermarché à Hanches (Eure-et-Loir).

Le smic bénéficie chaque année d’une hausse mécanique au 1er janvier qui tient compte de la hausse des prix pondérée pour les 20 % de ménages aux plus faibles revenus. Mais des revalorisations interviennent aussi en cours d’année dès que l’inflation dépasse les 2 %.

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Or, l’inflation atteint 5,7 % en mars, ce qui va conduire mécaniquement « à une revalorisation du smic au 1er mai d’un peu plus de 2 % ». Cette hausse sera précisément de 2,19 % a précisé à l’Agence France-Presse (AFP) le cabinet du ministre du travail Olivier Dussopt. Le Smic net mensuel sera ainsi revalorisé de 30 euros, à 1 383 euros pour un équivalent temps plein.

Lors de cette visite, Mme Borne a appelé les entreprises à « renégocier au plus vite les grilles salariales » pour les employés afin que les salariés qui gagnent un peu plus que le smic ne soient pas pénalisés.

« Panier anti-inflation »

Accompagnée de la ministre déléguée aux PME Olivia Grégoire, la première ministre a également assuré que le « panier anti-inflation » mis en place par la grande distribution a permis d’éviter une forte hausse des prix.

« Grâce au trimestre anti-inflation, avec cet engagement des distributeurs à rogner sur leurs marges pour protéger le pouvoir d’achat, on a pu éviter cette flambée des prix de l’alimentation et des produits d’hygiène », a affirmé la cheffe du gouvernement.

Ce déplacement intervient après la publication par l’Insee des estimations définitives de l’inflation pour le mois de mars tirée par l’envolée des prix des produits alimentaires, son principal moteur.

Dans les rayons d’un hypermarché, Elisabeth Borne a été interrompue à plusieurs reprises par quelques manifestants. « On ne veut pas des 64 ans », « 49.3, on n’en veut pas », ont crié certains. Mais la première ministre a aussi pu engager le dialogue avec des clients, se disant « lucide » sur la force de la contestation.

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Le Monde avec AFP

Football et ramadan : « Dans les organisations privées, quelle que soit leur forme juridique, c’est la liberté de conviction et de manifester ses convictions qui prime »

Fin mars, la Fédération française de football (FFF) a diffusé un communiqué rappelant l’interdiction de l’arrêt des matchs pour permettre à des joueurs musulmans de rompre le jeûne du ramadan.

L’origine de cette prise de position ne serait pas à chercher du côté d’une demande de joueurs ou de clubs professionnels, mais d’informations remontées indiquant que de telles interruptions se seraient produites durant des matchs amateurs. Pour justifier sa décision, la Fédération a fait référence à ses statuts, qui énoncent un principe de « neutralité du football ». Elle a également souligné, par l’intermédiaire de son président de la Commission fédérale des arbitres, qu’il y a « un temps pour faire du sport, et un temps pour pratiquer sa religion ».

Réactions virulentes

Cette prise de position a rapidement été commentée et a parfois donné lieu à des réactions virulentes, allant jusqu’à en faire d’un côté un exemple d’une supposée islamophobie française et, de l’autre, de l’entrisme de la religion dans le football. Elle a aussi été opposée à celles de fédérations étrangères qui ont accepté ces interruptions de match.

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Si ce contexte précis a ses spécificités, il s’agit d’un cas exemplaire des situations et des questions que suscitent les faits religieux au travail. En effet, les arguments mobilisés par la FFF sont ceux qui reviennent le plus souvent dans le discours des dirigeants d’entreprise et des manageurs, lorsqu’ils sont confrontés au fait religieux dans leurs situations de travail. Cela est particulièrement vrai dans des secteurs d’activité tels que le sport, les loisirs ou le médico-social : le réflexe le plus fréquent est de se référer au principe de laïcité, puis de rappeler que la religion devrait être réservée au domaine privé ou intime.

Sur ce point, il faut redire que la laïcité, dans son volet de neutralité religieuse, concerne le secteur public et l’action publique. Dans les organisations privées, quelle que soit leur forme juridique (sociétés, associations, etc.), c’est la liberté de conviction et de manifester ses convictions qui prime.

Légitimité et proportionnalité

L’organisation peut la restreindre, mais pour des raisons précises (par exemple, des règles d’hygiène ou de sécurité) et dans des circonstances précises : elle ne peut imposer une restriction de liberté générale et non motivée à ses salariés en rendant la neutralité religieuse obligatoire. Deux critères s’imposent donc à toute restriction : la légitimité et la proportionnalité.

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Il faut ensuite rappeler que, au travail, les salariés sont des personnes dans toutes leurs dimensions. Ils ne sont pas simplement des compétences, des bras (des jambes pour les joueurs !), des capacités de calcul ou de vista. Ils viennent au travail tels qu’ils sont, sans laisser à la porte leurs soucis, leur caractère, leur imagination et, bien sûr, leurs convictions.

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Partage de la valeur : les propositions des députés pour une meilleure redistribution des profits

Pour donner des gages aux partenaires sociaux et commencer à tourner la page de la réforme des retraites, le gouvernement compte sur le thème du partage de la valeur. Il est d’ores et déjà prévu que l’accord national interprofessionnel (ANI), conclu en février entre les organisations patronales et syndicales – à l’exception de la CGT –, soit fidèlement retranscrit dans la loi prochainement. L’exécutif pourra aussi s’appuyer sur le rapport parlementaire de la mission d’information sur le partage de la valeur remis par les députés Louis Margueritte (Renaissance, Saône-et-Loire) et Eva Sas (Europe Ecologie-Les Verts, Paris) mercredi 12 avril.

L’accord signé par les partenaires sociaux vise à généraliser les dispositifs existants en obligeant les entreprises de 11 à 49 personnes à instaurer un mécanisme « légal de partage de la valeur » (participation, intéressement mais aussi prime de partage de la valeur) si elles dégagent, durant trois années consécutives, un bénéfice significatif, au moins égal à 1 % de leur chiffre d’affaires. S’agissant des entreprises d’au moins cinquante salariés, des discussions devront s’ouvrir afin de « mieux prendre en compte les résultats exceptionnels » réalisés en France. Une mesure qui doit répondre, en partie, au débat qui agite la société depuis des mois sur les superprofits.

« Effets d’aubaine » sur les salaires

Les rapporteurs « soutiennent la transcription législative » de l’ANI, qui « est la preuve que le dialogue social fonctionne en France ». Ils estiment cependant nécessaire de le compléter. « L’ANI a été salué collectivement et c’est un accord historique », a tenu à rappeler Louis Margueritte lors de la présentation du rapport à la presse, tout en évoquant des pistes pour aller au-delà. Le rapport préconise d’avancer la date d’application prévue d’un an, au 1er janvier 2024. « Faire entrer en vigueur ce dispositif le 1er janvier 2025, en prenant en compte les données chiffrées y compris de 2024, signifierait un premier versement dans le courant de l’année 2025, soit dans des délais insatisfaisants par rapport à l’urgence du pouvoir d’achat », écrivent les auteurs. Outre cette volonté d’aller plus vite, les deux rapporteurs s’inquiètent de l’absence d’obligation de montant minimum à distribuer aux salariés. « Un chef d’entreprise pourrait ainsi satisfaire cette obligation en distribuant une PPV [prime de partage de la valeur] de 1 euro », soulignent-ils.

Les travaux de la mission d’information indiquent que le nombre d’entreprises concernées par la nouvelle obligation de l’ANI « pourrait être relativement restreint ». Selon des estimations des services du ministère du travail sur les données de 2020, « un maximum de 16 750 entreprises, sur les 130 000 entreprises comptant entre 11 et 50 salariés, pourraient être concernées par cette nouvelle obligation, soit entre 180 000 et 840 000 salariés ». En prenant des chiffres d’avant crise sanitaire, ce sont 67 000 entreprises qui auraient rempli les critères des trois années consécutives, « représentant environ 1,5 million d’équivalents temps plein ».

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Le marché de l’emploi dopé par l’apprentissage

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Pour comprendre l’étonnante résistance du marché du travail, dans un contexte de crises multiples − pandémique, puis énergétique et inflationniste − depuis trois ans, il faut s’intéresser aux chiffres de l’apprentissage. Entre 2019 et 2022, une création d’emploi sur trois, soit 400 000 postes sur 1,2 million, était un emploi d’apprenti. La proportion est même montée à trois sur quatre au dernier trimestre 2022. Résultat, fin 2022, la France comptait 980 000 apprentis, soit plus du double qu’en 2018.

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« Le soutien apporté au développement de l’alternance, en particulier l’apprentissage, est le moteur le plus puissant des entrées en emplois aidés au cours des dernières années », écrit l’économiste Bruno Coquet dans une note publiée le 27 mars 2023 sur le blog de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). Ce soutien a également contribué à la baisse du chômage, tombé à 7,2 % de la population active fin 2022.

Mais cela a un coût. Le « véritable boom de l’apprentissage », précise M. Coquet, ne date pas de la réforme de 2018, qui a élargi le dispositif, allégé les procédures et libéralisé l’offre de formation, mais de juillet 2020. Dans le cadre du plan de relance post-Covid, l’Etat a accordé une aide exceptionnelle, d’un montant de 5 000 euros pour un mineur et de 8 000 euros pour un majeur, à tous les jeunes entrant en apprentissage.

Cette aide, qui s’ajoute aux exonérations fiscales et sociales accordées aux employeurs et aux apprentis, a remplacé celle prévue dans la réforme de 2018. Celle-ci était réservée aux jeunes les plus éloignés du marché du travail, sortis prématurément du système scolaire, ou bien peu ou pas diplômés.

Redimensionnement

La mesure a coûté environ 4 milliards d’euros en 2021 et près de 5 milliards en 2022. Un montant qui peut paraître élevé dans une période où le marché de l’emploi se tient bien et qui a provoqué quelques dévoiements. Certaines entreprises en ont sans doute profité pour embaucher de la main-d’œuvre pas chère. « Mais cet effet de substitution n’est pas complet, argumente Yves Jauneau, responsable de la division synthèse et conjoncture du marché du travail à l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), car le taux d’emploi hors alternance chez les jeunes augmente également. »

Pour 2023, l’Etat a réduit un peu la voilure : l’aide exceptionnelle a été ramenée à 6 000 euros pour tous, quels que soient l’âge ou le niveau d’études, et n’est versée que pour la première année de contrat au lieu de trois ans.

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Le Chili passe à la semaine de 40 heures, « ça fait partie de cette idée que tout ne tourne pas autour du travail »

« Que vaut une chanson [à son enfant] le soir ? Que vaut sortir marcher, respirer, après une journée de travail ? (…)  Que vaut passer du temps en famille ou seul, à réfléchir ? Cela n’entre sûrement pas dans les indices standardisés de productivité. » Depuis le palais présidentiel, le 23 août 2022, le président Gabriel Boric (gauche) relançait une mesure visant à réduire le temps de travail à 40 heures hebdomadaires, à salaire égal, contre 45 actuellement. Une promesse de campagne du plus jeune président de l’histoire du pays, 37 ans actuellement, ouvrant la voie à ce changement culturel au Chili : le travail ne doit pas être l’unique gouvernail d’une vie.

Mardi 11 avril, les députés ont adopté la modification du temps de travail, à une large majorité, après une adoption à l’unanimité par le Sénat, le 21 mars. Le fruit d’un dialogue et d’une coopération rares entre les partis, tandis que le Congrès est régulièrement le théâtre de tensions, se soldant parfois par des revers pour le gouvernement, à l’instar du rejet de sa réforme fiscale, le 8 mars. Ce sont au total près de 5 millions de travailleurs, du secteur privé, qui sont concernés. Les employés du secteur public, pour qui régissent les 44 heures hebdomadaires, doivent faire l’objet d’un projet de loi à part. Quant aux 27 % de travailleurs évoluant dans l’informalité, ils demeurent logiquement dans un angle mort.

Le texte n’était pas nouveau. Il avait été présenté pour la première fois au Parlement en 2017, à l’initiative de Camila Vallejo, porte-parole du gouvernement, et de la députée (Parti communiste) Karol Cariola. Mais sa discussion n’avait pas abouti, se heurtant à l’opposition des parlementaires de droite.

Profond processus de dialogue social

La nouvelle mouture introduit notamment la notion de gradualité, avec une semaine de 44 heures la première année, 42 heures la troisième et 40 heures la cinquième année. Un ensemble de professions bénéficie d’une application souple. Les chauffeurs routiers par exemple, peuvent travailler davantage mais compensent les heures additionnelles par des jours de récupération pendant l’année. En outre, la loi permet une concentration des heures de travail, selon un schéma de quatre jours travaillés pour trois jours de repos.

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La discussion du texte au Parlement a été précédée d’un profond processus de dialogue social. Dès juin 2022, trois mois après l’arrivée au pouvoir du nouveau gouvernement, un espace de discussion a été lancé avec des rencontres dans différentes régions du pays. Les experts, partenaires sociaux, universitaires et organismes spécialisés étaient appelés à avancer leurs observations, afin d’apporter des modifications au texte.

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« L’idée d’un service public de l’enseignement supérieur et de la recherche est abandonnée pour être remplacée par un système à l’américaine »

Dénonçant des choix budgétaires qui touchent les étudiants, les enseignants-chercheurs et le rang de la France en matière de connaissances scientifiques, un collectif de militants socialistes, d’acteurs du secteur et d’étudiants appelle, dans une tribune au « Monde », à rendre à l’ESR son statut de service public.

Le secteur public expérimente timidement la semaine de quatre jours

Au jardin du Luxembourg, à Paris, en février 2021.

Le mercredi, Séverine Clémente, 41 ans, profite de son temps libre pour faire de grandes balades avec sa chienne le long de la Marne. « Concentrer ma semaine de trente-sept heures de travail sur quatre jours m’a permis de trouver du temps pour moi et pour ma santé », témoigne cette travailleuse handicapée souffrant de douleurs fibromyalgiques. Le reste de la semaine, elle commence le travail tôt, à 7 heures, pour terminer sa journée à 17 heures, avec une courte pause déjeuner. « Neuf heures quinze par jour, c’est effectivement intense, mais cela apporte un réel bénéfice sur la qualité de vie », soutient cette salariée de la Caisse nationale d’assurance-vieillesse (CNAV).

Comme l’Urssaf de Picardie depuis janvier, la CNAV expérimente depuis février la possibilité de travailler quatre jours par semaine sans réduction du temps de travail. « Beaucoup de Français aspirent aujourd’hui à travailler différemment » et sont « favorables à plus de liberté dans leur organisation », assurait fin janvier Gabriel Attal, le ministre chargé des comptes publics dans L’Opinion, rendant alors publiques ces expérimentations.

Si le dispositif est plébiscité par les salariés du privé, où il est généralement accompagné d’une réduction du temps de travail, il peine à convaincre ceux du secteur public. A ce jour, seuls quatre expérimentateurs sur trois cents agents ont été recensés à l’Urssaf, et une vingtaine sur les 3 600 agents de la CNAV, régis par le droit privé. Mais, loin de chercher à devenir une norme, cette innovation managériale vise plutôt à permettre plus de flexibilité et une organisation du temps de travail quasi sur mesure.

Un questionnaire anonyme

En septembre 2022, après avoir obtenu de nouveau le label de l’Institut Great Place to Work, qui distingue un environnement où il fait bon travailler, l’Urssaf de Picardie a fait circuler dans ses rangs un questionnaire anonyme dont les résultats ont été sans appel. « Il y avait une demande forte de notre personnel d’être plus flexible sur les horaires, malgré cinq modalités d’organisation de la semaine déjà disponibles », rapporte Pierre Feneyrol, directeur de l’organisme.

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Un accord a ainsi été négocié en octobre 2022 avec quatre syndicats, ouvrant la voie à deux nouvelles dispositions expérimentées pendant neuf mois : une semaine à trente-neuf heures avec vingt jours annuels de RTT, et la semaine de quatre jours à trente-six heures, dont le jour chômé est laissé à l’appréciation du travailleur. « Cent vingt personnes sur trois cents nous ont fait savoir qu’elles étaient potentiellement intéressées, et trente-huit qu’elles l’étaient à court ou moyen terme », précise le directeur régional.

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Le « patron des patrons » britanniques, accusé de harcèlement sexuel, est limogé

Le directeur général de la Confederation of Business Industry, Tony Danker, à Birmingham, en Angleterre, le 21 novembre 2022.

La Confederation of British Industry (CBI), principale organisation patronale britannique, traverse sa crise la plus grave depuis sa création, en 1965. Accusé de harcèlement sexuel, Tony Danker, son directeur général, a été licencié avec effet immédiat, mardi 11 avril. A cette affaire s’ajoutent des soupçons de viol et d’agressions sexuelles datant de 2019 et visant d’autres dirigeants de l’organisation. Ces scandales mettent à mal une instance qui avait brandi la lutte contre les discriminations en étendard.

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Le limogeage de M. Danker a été annoncé mardi matin par le biais d’un communiqué lapidaire. L’homme, qui dirigeait la CBI depuis novembre 2020, est formellement visé par « des plaintes spécifiques concernant un mauvais comportement sur son lieu de travail ». La CBI ne détaille pas publiquement les accusations, mais l’affaire a éclaté le 6 mars, lorsque le quotidien The Guardian a révélé qu’une employée avait porté plainte en interne contre M. Danker en janvier.

Elle l’accusait « de contacts non souhaités », qu’elle considérait comme du « harcèlement sexuel ». Dans la foulée, le conseil d’administration de la CBI a suspendu M. Danker et fait appel au cabinet d’avocats Fox Williams pour enquêter. Celui-ci vient de remettre son rapport préliminaire, ce qui a provoqué la décision du licenciement de M. Danker. L’affaire est jugée suffisamment sérieuse pour que la CBI affirme être « en lien » avec la police en vue d’une possible enquête judiciaire. M. Danker, pour sa part, se défend avec virulence, se disant « choqué » de son renvoi et estimant que « de nombreuses accusations contre [lui] ont été déformées ».

« Atmosphère toxique »

La crise au sein de la CBI a été amplifiée par une deuxième affaire, révélée lundi 3 avril. Toujours selon le Guardian, qui a réuni une douzaine de témoignages, une fête de la CBI sur un bateau en 2019, avant que M. Danker ne fasse partie de l’organisation, avait très mal tourné. Une femme accuse un collègue de viol et une autre d’agression sexuelle le même soir. Le tout se serait déroulé dans une « atmosphère toxique », avec utilisation de cocaïne, abus d’alcool et remarques sexistes. Mardi, outre le licenciement de M. Danker, trois salariés de la CBI ont été suspendus.

L’organisation s’expose ainsi aux accusations d’hypocrisie, après avoir publié de nombreux rapports sur la lutte contre les discriminations au travail, qu’elles soient sexuelles, raciales, ou relatives à l’âge. Début mars, M. Danker lui-même insistait sur la nécessité, pour les entreprises, d’avoir une culture « progressiste », « avec de fortes valeurs sociétales, une profonde raison d’être, un engagement à améliorer la vie des employés et une stratégie active d’inclusion et de diversité ».

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Réformes des retraites : « Il est possible d’invalider la vision selon laquelle le travail serait moins pénible »

Il apparaît aujourd’hui assez évident que le débat récent sur la réforme des retraites n’a pas été à la hauteur des enjeux. La mauvaise communication du gouvernement sur le projet de réforme n’est qu’un des échecs du débat actuel sur l’avenir du système de retraite en France. Les erreurs et les imprécisions techniques, soulignées par mon collègue Michaël Zemmour, sont dommageables à la crédibilité de la réforme, mais l’absence d’analyses fondées sur la réalité du travail et de son évolution l’est peut-être encore plus.

Les justifications présentées par le gouvernement comme des arguments de bon sens cachent en réalité une absence de réflexion sur l’évolution du travail et de l’emploi que nos sociétés traversent. Une des justifications souvent avancées est que l’allongement de l’âge de départ à la retraite est justifié par l’allongement de l’espérance de vie. Cet argument peut sembler imparable, mais dès lors que l’on y réfléchit bien, il est très insuffisant, et ce pour plusieurs raisons.

Premièrement, l’avancement de l’âge de départ à la retraite depuis l’après-guerre s’est fait dans une période d’accroissement de l’espérance de vie, tout l’inverse de cette « évidence », donc. Il s’agissait alors d’une des nombreuses formes de redistribution des gains de productivité liés au développement économique, comme l’ont été les principales avancées socio-économiques (salaire minimum, réduction du temps de travail, congés payés, etc.).

Loin de l’imaginaire de la fin du travail

Cela étant dit, le débat actuel sur la réforme n’aborde que très peu la question des conditions de travail, ou alors de manière caricaturale. La phrase récente d’un sénateur sur l’usage d’exosquelettes par les déménageurs, bien que caricatural, est le reflet d’une certaine déconnexion avec les réalités des conditions de travail et des transformations technologiques.

Est-il possible aujourd’hui d’affirmer que le travail est moins pénible que par le passé ? Répondre à cette question n’est pas simple, car les changements technologiques sur le marché du travail sont continus et de natures très différentes selon les catégories de travailleurs. Il est néanmoins possible, en s’appuyant sur plusieurs travaux récents, d’invalider la vision selon laquelle le travail serait moins pénible.

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Que peut-on dire de la situation actuelle et à venir ? Les travaux récents suggèrent une situation bien plus ambivalente qu’attendu. Bien loin de l’imaginaire de la fin du travail, les nouvelles technologies ont tendance à remplacer plus spécifiquement le travail dit routinier. Bien qu’en partie répétitives, ces tâches « routinisées » nécessitent pour certaines un certain niveau de qualification et ne sont pas toujours les plus physiques et pénibles.

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Plates-formes d’emploi : la naissance européenne des autoentrepreneurs

Droit social. Les travailleurs des plates-formes sont souvent des indépendants chargés de la fourniture de biens et de services sous forme rémunérée et non délocalisable, sous-traitants d’entreprises. Ces entreprises qui non seulement rapprochent l’offre et la demande par un algorithme, mais aussi définissent le service et le cadre de travail de ces fournisseurs, et qui, ce faisant, remettent surtout en cause la définition du salarié, fondatrice du droit social.

Au vu de l’ampleur de ce phénomène, cette catégorie intéresse également l’Union européenne. La Commission a ainsi proposé un projet de directive comportant notamment une liste de contrôles pour déterminer si la plate-forme est un « employeur » et, le cas échéant, par déduction, aurait directement le salarié sous sa responsabilité.

Le Parlement européen a, le 2 février 2023, amendé cette proposition en instaurant une présomption légale générale de salariat pour les travailleurs des plates-formes, quelles que soient l’appellation ou la forme de leur contrat. Les Etats membres qui, en Conseil des vingt-sept ministres du travail, doivent également approuver la directive, sont très réticents à adopter une quelconque réglementation, et donc a fortiori le texte du Parlement. La situation est dès lors bloquée.

Un risque d’infraction

Pourtant, une avancée notable à l’initiative de la direction générale de la concurrence de la Commission européenne a été à peine remarquée : le 29 septembre 2022, cette dernière a publié des lignes directrices autorisant des travailleurs indépendants à négocier collectivement de meilleures conditions de travail sans enfreindre les règles de concurrence de l’Union européenne.

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La Commission est, en effet, aussi l’autorité de la concurrence chargée notamment de veiller à l’application des textes prohibant les ententes. Or, les indépendants sont des entreprises, au sens du traité de l’Union européenne, ce qui les place en risque d’infraction lorsqu’ils souhaitent s’entendre sur le prix de leurs prestations… en négociant collectivement leurs conditions de travail et de rémunération.

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Par ces nouvelles lignes directrices, les syndicats agissant dans l’intérêt collectif de ces travailleurs ne peuvent plus être traités comme des « cartels » prohibés, et la négociation collective pour les indépendants qui fournissent principalement leur propre travail ne peut être considérée comme une fixation de prix illicite.

En position de faiblesse

Ce texte européen d’analyse de marché intéresse aussi par ses définitions. Sont visés les indépendants qui dépendent d’une seule société pour au moins 50 % de leurs revenus professionnels (sur moins d’un an, un an ou deux ans), ceux travaillant aux côtés d’autres travailleurs, ceux qui assurent des tâches similaires à d’autres travailleurs œuvrant pour une même société, et enfin ceux offrant leurs services à une plate-forme de travail numérique ou par son intermédiaire.

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