Archive dans avril 2023

Saisonniers : dans les stations balnéaires du Nord, la concurrence belge complique les recrutements

Sur la plage de Blankenberge, en Belgique, le 9 août 2020.

Ce n’est pas une réponse, c’est un cri du cœur. Quand on lui demande s’il retournerait travailler dans la restauration en Belgique, Arnaud Guetache, serveur sur la digue de Malo-les-Bains (Nord) n’hésite pas : « Jamais ! Beaucoup trop d’heures ! » Il en a enchaîné jusqu’à trois cents par mois, soit une moyenne de soixante-quinze par semaine, « de 9 heures à 1 heure », dans un café de plage de Coxyde, à côté de La Panne, en Belgique.

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A Malo-les-Bains, petite ville du littoral, contiguë avec Dunkerque (Nord), la plupart des restaurateurs, cafés, glaciers et campings n’ont pas encore trouvé tous leurs saisonniers pour cet été. En cause, notamment, la concurrence de la Belgique. Malo-les-Bains n’est qu’à 20 kilomètres de La Panne, première station belge après la frontière. Il se dit que les Belges prennent tout le monde, même sans parler le flamand. « Il suffit de savoir dire “bonjour”, “au revoir”, “bon appétit”, assure Kevin Druon, serveur au Koffielicious, à La Panne. J’ai trouvé tout de suite. Mais si cela vaut le coup niveau salaire, il faut avoir la forme… »

Pour un serveur, la différence peut être de près de 3 euros de l’heure. Soit 13 à 14 euros côté Belge, quand, en France, la plupart des annonces actuellement diffusées offrent juste le smic horaire, donc 11,52 euros (salaire brut, à compter du 1er mai).

Une « conception de l’effort qui n’est pas la même »

Hugo Ferfaille, conseiller chargé des ressources humaines à la chambre de commerce du littoral, estime que la concurrence transfrontalière entre restaurateurs joue essentiellement pour ceux qui vivent « vraiment à proximité de la Belgique ». « Dès qu’il faut faire des kilomètres pour aller travailler tous les jours, cela ne vaut plus le coup. »

Ce vendredi 14 avril, il a rendez-vous avec des Belges qui viennent recruter en France. A mots prudents, il parle d’une « mentalité différente » et d’une « conception de l’effort qui n’est pas la même » en Belgique. Comprenez, comme le dit plus crûment cette jeune Française, employée par un glacier de La Panne, « ici, tu bosses vraiment beaucoup et tu acceptes qu’une grosse partie de tes heures soient payées au black. Moi, ça m’arrange ».

Les réputations vont vite sur ce petit territoire franco-belge. Kevin Defive, patron de La Moule rit, un restaurant de Malo-les-Bains, a trouvé son personnel pour cet été. Surtout des étudiants, certains qui reviennent d’une année sur l’autre. « Le bouche-à-oreille va vite. Si tu traites correctement tes équipes, ils reviennent et n’ont pas envie d’aller travailler en Belgique. » Ils pourraient pourtant y gagner plus, mais, comme l’assure Julie Barrois, sa responsable de salle : « En tant qu’étranger, ce n’est pas facile et, ici, on a notre stabilité, des plannings à la semaine. »

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Orange : la réorganisation du réseau de boutiques alourdit le climat social chez l’opérateur

Orange fait face à un second front social. Déjà mobilisés contre le projet de suppression de 670 postes chez Orange Business, la division pour les entreprises, les syndicats de l’opérateur télécoms sont vent debout contre le plan de réorganisation du réseau de boutiques, qui prévoit de transférer, d’ici à fin 2026, jusqu’à 150 des 279 magasins du groupe vers sa filiale Générale de Téléphone (GDT), où les salaires et accords sociaux sont moins avantageux. Environ 1 800 salariés d’Orange pourraient être concernés par ces transferts, calculent les syndicats.

Après un peu plus d’un mois de négociations « tendues et houleuses », selon plusieurs participants, une dernière séance de relecture du texte s’est tenue mercredi 19 avril, en présence des deux dernières organisations encore autour de la table : CFDT et FO. Les trois autres, CFE-CGC, CGT et SUD, avaient toutes claqué la porte ces dernières semaines, rendant peu probable la signature d’un accord, sachant qu’il faut trois syndicats pour atteindre la majorité requise.

Lancée ce jeudi 20 avril, la phase de signature est ouverte jusqu’au 5 mai, le temps pour les organisations syndicales de sonder leurs adhérents sur le terrain avant de se prononcer. « Nous sommes allés au bout de notre mandat de négociation. Mais cela ne veut pas dire que nous signerons l’accord », tonne Kaoutar Schwind, de FO. Sébastien Crozier, président de la CFE-CGC d’Orange, est bien décidé à « ne pas signer un accord qui est en dessous de la loi ».

Prime inférieure aux pratiques

En cas de transfert d’un fonds de commerce d’une entreprise à une autre, les salariés peuvent garder leurs éléments de rémunération. Mais, selon le mode opératoire choisi par Orange, seuls les baux seraient transférés à la GDT, « privant ainsi les personnels de leurs droits », s’inquiète la CFE-CGC. « A défaut de réponse favorable dans un délai de quinze jours, la CFE-CGC fait toute réserve des actions qu’elle pourrait avoir à mener, y compris sur le terrain judiciaire », prévient le syndicat dans un courrier adressé, le 18 avril, à Jean-François Fallacher, le nouveau directeur général d’Orange France.

« Lors de l’annonce du projet de réorganisation, à l’automne 2022, la direction du groupe s’était engagée à proposer un plan exemplaire en matière de reclassements. Or les conditions sont inférieures à ce qui se pratiquait jusqu’à présent lors des transferts de salariés », déplore Abilio da Silva, délégué syndical chez SUD-PTT. Les vendeurs qui accepteront de rejoindre la GDT ou d’aller dans une autre boutique Orange bénéficieront d’une prime de 5 800 euros, inférieure aux pratiques.

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Le sentiment d’agression augmente chez les enseignants

Les demandes de conseils dans le cadre d’agressions verbales et physiques subies par les enseignants sont de plus en plus fréquentes, et ces agressions sont en majorité commises par les parents et les élèves. Telle est la conclusion du baromètre annuel de l’Autonome de solidarité laïque (ASL), une association qui œuvre pour la protection et les conseils juridiques des personnels de l’éducation nationale.

Les dossiers de demandes de « protection juridique professionnelle » concernent à 75,2 % une agression ou un sentiment d’agression (dans les cas non qualifiables juridiquement). Un chiffre « en nette augmentation par rapport au baromètre 2021, où l’ensemble de ces dossiers représentaient 71,1 % ». Dans ce total, 33,5 % des dossiers sont ouverts pour des cas de diffamation, 32,4 % concernent des insultes et des menaces, et 9,3 % concernent des agressions. Ces deux dernières catégories sont en augmentation de près de deux points.

L’Autonome constate une baisse de 5 % des dossiers ouverts pour obtenir la protection juridique, « compensée » par l’augmentation de 5 % des dossiers ouverts pour des demandes de conseils, les « renseignements juridiques personnalisés ». Cette évolution ne signifie donc pas que les conflits sont moins nombreux ou que le sentiment de sécurité progresse, au contraire.

Elèves et représentants légaux

Pour l’association, elle est le produit d’une médiatisation plus forte des problèmes relationnels que rencontrent les enseignants, et d’un « débat public et politique plus accentué concernant leur protection », notamment depuis la mort de Samuel Paty, écrit encore Jean-Louis Linder, vice-président de l’ASL. Les enseignants adopteraient désormais le bon réflexe, celui de prendre attache avec l’Autonome avant que les situations ne s’enveniment au point de devoir demander une protection.

Les principaux auteurs des agressions, qui représentent un peu plus de 9 % des dossiers de demande de protection, sont les représentants légaux des élèves (45 %) et les élèves eux-mêmes (39 %). La proportion d’agressions verbales est plus forte dans les écoles maternelles et élémentaires (65 %) qu’au collège et au lycée, où la balance s’inverse avec 62 % d’agressions physiques.

La différence entre une « agression verbale » et une « insulte ou menace » peut paraître ténue, mais l’ASL justifie ce distingo par la persistance de cas où l’enseignant s’est « senti agressé » alors même que l’incident dont il a été victime n’a pas la qualification juridique d’une agression.

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Service civique : des effets sur l’insertion professionnelle en demi-teinte

Des jeunes volontaires engagés en service civique lors des préparatifs du défilé du 14-Juillet, place de la Concorde à Paris, le 9 juillet 2019.

Depuis sa création, en 2010, plus de 600 000 jeunes de 16 à 30 ans ont effectué une mission d’intérêt général dans le cadre d’un service civique, initialement présenté comme un dispositif répondant aux envies d’engagement de la jeunesse. Les études réalisées depuis sur le sujet montrent que les jeunes s’en saisissent prioritairement pour avoir une expérience professionnelle et enrichir leur CV. Mais avec quelle efficacité ? Une enquête du Centre d’études et de recherches sur les qualifications (Cereq) pour l’Agence du service civique, publiée fin mars, interroge pour la première fois ses effets sur l’insertion professionnelle.

Basée sur les très riches données de l’enquête « Génération 2017 », cette étude met d’abord en avant le pourcentage relativement important de jeunes qui passent aujourd’hui par un service civique, conséquence du fort soutien politique dont le dispositif bénéficie. 9 % de l’échantillon représentatif de jeunes sortis de formation initiale en 2017 en avaient réalisé un. Parmi eux, 15 % n’ont aucun diplôme, 51 % sont diplômés de l’enseignement secondaire (niveau CAP ou bac), 34 % ont un diplôme de l’enseignement supérieur. Le service civique concerne aussi, en moyenne, « plus de femmes, plus de jeunes habitant en quartier prioritaire de la ville et de jeunes en quête de professionnalisation (sortant de filières générales/non professionnalisantes, ou bien ayant arrêté leurs études en cours de route) », note Dominique Maillard, l’une des autrices de l’étude.

Mais l’intérêt de l’enquête tient surtout à la comparaison faite entre le parcours des jeunes ayant effectué un service civique avec leurs homologues (appelés « jumeaux » dans l’étude) ayant le même profil (filière peu professionnalisante, décrochage scolaire, etc.) mais n’en ayant pas réalisé. Il en ressort que l’effet du dispositif diffère fortement selon le moment et l’âge auxquels il est réalisé. Parmi les jeunes qui sortent du secondaire, ceux qui effectuent un service civique le font en général « à la place » du chômage.

Ce sont d’ailleurs souvent des acteurs de l’insertion, comme Pôle emploi, qui proposent à ces jeunes de faire un service civique. Or, ces derniers ont davantage de chances d’être en emploi trois ans après leur sortie du système éducatif que ceux qui ont les mêmes caractéristiques mais n’ont pas fait de service civique. « On peut donc supposer que celui-ci favorise l’accès à l’emploi chez ces jeunes peu diplômés, note Dominique Maillard. Le dispositif joue alors, de toute évidence, un rôle de remédiation pour se donner du temps, explorer un nouveau secteur, trouver une voie d’orientation ou définir un projet, et fait office de première expérience professionnelle. »

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Dans la finance, « au rythme actuel, il faudra 140 ans pour atteindre la parité »

Des acteurs de la finance mondiale lors du Forum économique mondial de Davos (Suisse), le 19 janvier 2023.

En novembre 2019, Christine Lagarde, qui venait de prendre ses fonctions à la présidence de la Banque centrale européenne (BCE), s’est fait prendre en photo entourée des membres du conseil des gouverneurs, l’instance suprême de l’organisation. Elle était la seule femme, entourée de vingt-quatre hommes, tous en costume bleu marine, beige ou gris. Depuis, les représentantes féminines dans cette prestigieuse instance ont… doublé, avec une nomination supplémentaire au directoire, en l’occurrence celle de l’Allemande Isabel Schnabel.

La BCE symbolise l’extraordinaire domination des hommes dans les institutions financières en général, et les banques centrales en particulier. Jeudi 20 avril, un rapport de l’OMFIF (Official Monetary and Financial Institutions Forum), un groupe de réflexion, remue le fer dans la plaie. Sur 336 grandes institutions financières passées au crible (186 banques centrales, 50 fonds de pension, 50 fonds souverains, 50 banques commerciales), seules 14 % sont dirigées par des femmes. En 2021, c’était 13,3 %, en 2022 13,7 %. « Au rythme actuel de progression, il faudra cent quarante ans pour atteindre la parité dans les rôles de direction », note le rapport, acide.

Lire la tribune (2019) : Article réservé à nos abonnés « La banque et la finance restent un univers machiste et sexiste »

Les choses ne semblent guère sur le point de s’améliorer. Dans les échelons inférieurs des instances décisionnaires, en incluant tous les conseils d’administration et les comités exécutifs, seules 22 % des membres sont des femmes. « Les progrès sont presque nuls », se désespère Katarina Liu, l’une des autrices du rapport.

« Un problème de culture »

L’OMFIF a développé un index de parité, où un niveau de 100 indique une égalité exacte entre hommes et femmes dans les instances dirigeantes. Cette année, aucune institution financière n’atteint ce score parfait. La plus proche est la branche du Kansas de la Fed (score de 96), suivi du Victorian Funds Management Corporation (97), qui gère l’argent public de la province australienne de Victoria, et le fonds de pension canadien CPP (94).

Rien de vraiment significatif n’est fait pour changer les choses, souligne le rapport. Les institutions financières respectent les lois sur les questions de garde d’enfants, de congé parental ou même d’égalité salarial, mais vont rarement au-delà. « Il y a un problème de culture, continue Mme Liu. Les départements des ressources humaines de ces institutions ne prennent guère en compte les problèmes spécifiques des femmes, si bien que peu de femmes vont y travailler, et que les ressources humaines ne les prennent pas particulièrement en compte. C’est un cercle vicieux. »

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Go Sport : l’offre de reprise de Frasers inquiète les salariés

Les salariés de Go Sport sont vent debout. Après s’être réjouis d’échapper à Hermione People & Brands, holding de la Financière immobilière bordelaise détenue par l’homme d’affaires Michel Ohayon, qui avait envisagé de présenter un plan de continuation de l’enseigne d’articles de sport en redressement judiciaire depuis février, les représentants du personnel s’inquiètent de tomber dans l’escarcelle du britannique Frasers et de basculer sous son enseigne Sports Direct.

Le groupe du milliardaire britannique Mike Ashley a déposé une offre, en s’engageant à reprendre 75 des 82 magasins et 1 613 des 1 801 employés. Soit 18 postes de moins que l’offre présentée par le consortium Intersport, constitué autour du groupement de détaillants d’articles de sport, numéro deux du marché français. Bien que cette offre soit socialement moins disante, elle avait leur préférence parce que Frasers est un groupe intégré, contrairement à Intersport, groupement de magasins indépendants. Du moins jusqu’à l’audience qui s’est tenue au tribunal de commerce de Grenoble, mardi 18 avril.

« Cette audience a été une vraie surprise », rapporte Me Evelyn Bledniak, avocate des salariés. En anglais, James France, directeur immobilier et représentant de Frasers, dépêché à Grenoble, a expliqué pourquoi il refuse de s’engager à conserver l’ensemble des magasins repris et à ne pas procéder à un plan de sauvegarde de l’emploi, dans les vingt-quatre mois qui suivent l’éventuelle reprise. Cette promesse est un engagement assez habituel dans les instances des tribunaux de commerce lors de la reprise de sociétés en redressement judiciaire, rappelle Me Bledniak.

Une aubaine pour Intersport

Contrairement à Intersport, le représentant de Frasers a refusé de se plier à cet usage, expliquant que le retournement de Go Sport exigera « de la flexibilité » et « du temps ». Or, à en croire le directeur immobilier de Frasers, la situation de l’enseigne « s’est détériorée » dans les dernières semaines « plus que prévu ». La chute de son chiffre d’affaires est de l’ordre de 36 %, selon une source proche du dossier. « C’est un argument totalement fallacieux pour refuser cet engagement », estime Me Bledniak, en rapportant que la trésorerie s’est améliorée en mars et en avril.

Ce refus de Frasers a jeté le trouble chez les représentants du personnel. D’autant que le groupe a exposé un projet de créer plusieurs filiales. Les salariés y ont vu un scénario propre à diviser les instances représentatives du personnel. « Ce n’est pas du tout le cas », assure une représentante du groupe Frasers.

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Carrefour va accorder jusqu’à douze jours d’absence par an pour ses salariées souffrant d’endométriose

Il s’agit du premier grand groupe français à faire une annonce d’une telle ampleur. Carrefour va accorder, à partir de l’été 2023, douze jours d’absence autorisée par an – à hauteur d’un par mois – à ses salariées souffrant d’endométriose, lorsqu’elles disposeront d’un document attestant d’une situation de handicap reconnue par l’entreprise. L’annonce a été révélée mardi 18 avril par Le Parisien, et précisée par le président-directeur général (PDG) du groupe, Alexandre Bompard, mercredi lors d’une conférence de presse.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Endométriose : la longue lutte de patientes invisibles

Trois jours seront également accordés aux salariées en cas de fausse couche, ainsi qu’une journée en cas d’implantation d’un embryon dans le cadre d’une procréation médicalement assistée (PMA). Les salariées concernées devront se faire connaître auprès de leur hiérarchie, mais le motif de leur arrêt ne sera pas inscrit, afin de préserver une certaine discrétion, note Le Parisien. Aucun congé menstruel n’est, en revanche, prévu pour l’instant par le groupe.

« Faire progresser les droits des femmes et l’égalité au travail »

Cette décision est prise « pour faire progresser les droits des femmes et l’égalité au travail », a justifié mercredi M. Bompard. Et ce afin de « lever dans notre entreprise toutes les difficultés qui [l’]empêchent », et « déconstruire les stéréotypes », a-t-il ajouté auprès du Parisien mardi. « Nous allons lancer une grande campagne de mobilisation, car les manageurs ne savent pas toujours ce que les femmes peuvent endurer », tandis qu’« un livret de formation et de sensibilisation sera bientôt délivré », précise-t-il dans le quotidien.

Pour bénéficier de ces jours d’« absence médicale autorisée », les salariées devront présenter soit une reconnaissance de qualité de travailleur handicapé (RQTH), une carte d’inclusion ou une attestation d’invalidité délivrée par l’Assurance-maladie.

Dans l’absolu, « les 50 000 femmes qui travaillent tous les jours dans les magasins de Carrefour en France » pourront en bénéficier, a déclaré mercredi le PDG du groupe, « sans craindre d’être ostracisées pour leur santé ».

Etendre ces mesures à d’autres pays

Alexandre Bompard entend, par ailleurs, « adapter les annonces que nous faisons aujourd’hui à l’ensemble des pays » où Carrefour est présent, alors que « 200 000 femmes travaillent actuellement » pour le groupe, partout dans le monde. Des annonces devraient prochainement être faites concernant l’Italie et l’Espagne, a-t-il précisé.

« Nous avons l’espoir secret que cette décision porte au-delà de Carrefour, qu’elle ait un effet d’entraînement, que d’autres entreprises s’en emparent », a ajouté Alexandre Bompard.

Interrogé par l’Agence France-Presse sur le coût de ces mesures pour l’entreprise, le dirigeant n’a, en revanche, pas voulu les chiffrer, déclarant que ce « coût additionnel n’est pas un sujet pour Carrefour ».

Le gouvernement a, de son côté, salué cette initiative du groupe français, par la voix de son porte-parole, Olivier Véran, interrogé à ce sujet au sortir du conseil des ministres. Ce dernier a estimé qu’il était bénéfique qu’« à la fois des collectivités et des entreprises s’engagent » pour ces sujets, et que la reconnaissance de l’endométriose et la lutte contre cette maladie chronique font notamment partie des combats qu’il reste à mener pour l’égalité femmes-hommes.

M. Véran a toutefois précisé que le gouvernement n’envisageait pas de légiférer sur le congé menstruel ou l’endométriose pour l’instant, rappelant la stratégie nationale pour prendre en charge, faire connaître et diagnostiquer la maladie, lancée par Emmanuel Macron l’an passé. Cette maladie touche près d’une femme sur dix en France.

Le Monde

France Travail : les contours du futur service public de l’emploi se précisent

Le ministre du travail Olivier Dussopt avec Emmanuel Macron, à l’Elysée, le 18 avril.

L’après-retraites commence. Maintes fois repoussé, le rapport de la mission de préfiguration de France Travail – révélé par Les Echos et que Le Monde s’est procuré – devait être présenté aux parties prenantes par le ministre du travail, Olivier Dussopt, mercredi 19 avril. C’est le résultat des huit mois de travaux menés par le Haut-Commissaire à l’emploi, Thibaut Guilluy.

Il arrive finalement dans un moment charnière pour l’exécutif, alors qu’Emmanuel Macron souhaite tourner la page de la réforme des retraites, désormais promulguée. Lundi 17 avril, dans son allocution, le chef de l’Etat a notamment invité les partenaires sociaux à conclure un « pacte de la vie au travail ».

Le lendemain, lors d’une réunion avec les représentants du patronat – les organisations syndicales avaient décliné l’invitation –, Emmanuel Macron a donné quelques précisions. Ce chantier devrait se diviser en trois parties. D’abord une loi sur le partage de la valeur qui doit retranscrire l’accord national interprofessionnel signé en février. Puis un projet de loi « plein-emploi » portant la réforme du lycée professionnel et la création de France Travail. Celui-ci devrait être présenté en conseil des ministres à la fin mai pour un examen en première lecture au Sénat à l’été. Viendra enfin un troisième volet portant notamment sur les conditions de travail ou l’emploi des séniors renvoyé à la négociation entre partenaires sociaux « d’ici la fin de l’année ».

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Promesse de campagne du candidat Macron en 2022, la création de France Travail est un outil primordial pour l’exécutif dans sa quête du plein-emploi – un taux de chômage à 5 %, contre un peu plus de 7 % aujourd’hui – à horizon 2027. Si la nouvelle structure va remplacer Pôle emploi, l’opérateur public actuel, l’ambition va bien au-delà et réforme tout le service public de l’emploi. « Compte tenu de la dispersion des acteurs et des responsabilités, aucun acteur, pas même l’Etat, n’est aujourd’hui en mesure d’identifier l’ensemble des personnes dépourvues d’emploi sur son territoire », déplore le rapport.

Meilleure coordination

C’est pour répondre à ce manque de coordination et sortir d’un fonctionnement en silos que doit être bâti le « réseau France Travail ». Ce dernier doit permettre à tous les acteurs de l’emploi et de l’inclusion de travailler ensemble. Les missions locales deviendront ainsi France Travail jeunes et les Cap emploi, France Travail handicap. Pour simplifier les échanges entre tous ces acteurs, l’opérateur France Travail doit devenir la porte d’entrée unique pour l’ensemble des demandeurs d’emploi avec un partage large des données.

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Management : le chercheur n’est pas un salarié comme un autre

Sous de nombreux aspects, un centre, un institut ou un laboratoire de recherche ressemblent beaucoup à une entreprise. On y trouve une équipe de direction, des outils de production, des objectifs, un budget, des partenaires, des fournisseurs, des clients… Cependant, ils diffèrent sur un point, et pas des moindres : leurs employés sont en très grande majorité des chercheurs et des scientifiques hautement diplômés.

Leur principale motivation est de faire progresser la science en général et le sujet sur lequel ils travaillent en particulier, sans forcément rendre compte de leurs activités, respecter un calendrier ou se préoccuper d’éventuels débouchés commerciaux. Et, même s’ils travaillent de plus en plus souvent en équipe, internationale voire géographiquement éclatée, ils mènent leur carrière personnelle et sont également reconnus individuellement.

Bien sûr, il existe des nuances de temporalité, de finalité, d’évaluation des performances – ou plutôt des résultats – selon qu’il est question de recherche publique ou privée, et en fonction des disciplines. Mener un projet de recherche en physique nucléaire demande d’autres moyens financiers et humains qu’une étude en anthropologie ou en sociologie. La biogénétique progresse grâce au travail d’équipes nombreuses, actives dans le monde entier, qui sont en compétition et qui pourtant échangent et partagent en permanence. Le management de ces équipes impose donc une approche différente de celui d’une direction d’entreprise, d’un service marketing ou de production, pour prendre en compte toutes les spécificités de cet univers.

Les besoins et les aspirations de chacun

« Une équipe de recherche est moins homogène qu’un service commercial ou marketing d’entreprise, où il y a un fort entre-soi, où tous sortent des mêmes écoles de commerce. Le chercheur se différencie d’un collaborateur par la singularité de ses expertises. Il est très important de respecter cette unicité, la grande diversité et l’hétérogénéité des profils. Conséquence, il faut faire un management pour chacun ! », remarque Blandine Thibault-Biacabe, aujourd’hui directrice des ressources humaines de la recherche et de l’innovation du groupe L’Oréal, après avoir été DRH de L’Oréal France. Elle gère actuellement quelque quatre mille collaborateurs, chercheurs et techniciens, dont les deux tiers en France ; les autres se répartissent dans vingt-sept centres dans le monde.

La difficulté consiste à individualiser le management pour prendre en compte les besoins et les aspirations de chacun, tout en maintenant la cohérence de l’équipe et en gardant le cap pour faire aboutir les projets dans les temps et les budgets prévus. « Il faut distinguer recherche et développement, chercheurs et ingénieurs, détaille Chahab Nastar, directeur recherche et innovation au Learning Planet Institute, anciennement Centre de recherches interdisciplinaires fondé par le généticien François Taddei. Le management des équipes de développement ou d’innovation est proche d’un management traditionnel, on dispose de métriques, d’indicateurs, etc. »

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Plus des deux tiers des actifs de plus de 40 ans ne pensent pas pouvoir travailler jusqu’à l’âge légal de départ à la retraite

« Comment les 40-59 ans se projettent-ils dans leur fin de carrière ? » L’enquête barométrique du Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (Crédoc) « Conditions de vie et aspirations des Français », effectuée chaque année en trois temps (janvier, juin, octobre) depuis 1978, menée en 2023 avec la Fondation The Adecco Group, a été réalisée sur fond de débats sur la réforme des retraites : 3 051 personnes de 15 ans et plus ont été interrogées entre le 13 et le 26 janvier, et parmi elles, 960 actifs de 40 à 59 ans qui se sont exprimés sur leurs préoccupations, leurs objectifs personnels et professionnels de fin de carrière.

Les résultats révélés en exclusivité par Le Monde, mercredi 19 avril, annoncent trois enjeux majeurs pour les responsables des ressources humaines en 2023 : la santé des seniors, le maintien de leur rémunération, et l’anticipation de l’évolution professionnelle des salariés dès l’âge de 40 ans.

Plus des deux tiers (68 %) des actifs de 40-59 ans craignent de ne pas être suffisamment en bonne santé pour tenir jusqu’à la retraite, souligne notamment l’étude. En 2019, le ministère du travail indiquait déjà que 37 % de l’ensemble des salariés ne s’estimaient pas capables de poursuivre jusqu’à la retraite. Au-delà des questions de santé, 52 % redoutent aujourd’hui la fatigue, la lassitude et une perte de motivation, en particulier les cadres.

Les possibles difficultés de santé en fin de carrière touchent davantage les femmes (71 %) que les hommes (65 %), même si elles préoccupent toutes les catégories professionnelles, et plus fortement les ouvriers (72 %) que les cadres (62 %). Ces inquiétudes peuvent s’expliquer par l’importante intensification du travail, ininterrompue depuis les années 2000.

Faible succès de la retraite progressive

Mais pour Sandra Hoibian, la directrice générale du Crédoc, c’est le manque de considération des effets de la tertiarisation qui a mis les femmes en première ligne : « Il y a des taux d’inquiétude importants dans les métiers de service, où la pénibilité psychique et physique est peu prise en compte. Les femmes aux carrières hachées et aux doubles journées sont plus nombreuses dans les métiers de service, du soin et du commerce, où il faut travailler vite, répondre aux sollicitations dans l’heure, et toujours avec le sourire. Leur charge émotionnelle est importante. »

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Emploi des seniors : le double discours des recruteurs

Les actifs de plus de 40 ans sont également nombreux (52 %) à craindre une éventuelle dégradation de leurs revenus en fin de carrière. Ce qui explique, entre autres, le faible succès des dispositifs de type temps partiel ou retraite progressive pour les dernières années d’activité professionnelle, qui se traduiraient par une perte de salaire. Le seul dispositif de fin de carrière qui recueille l’intérêt des actifs interrogés par le Crédoc est une réduction du temps de travail avec maintien des revenus. L’inflation est passée par là.

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