Archive dans avril 2023

Nestlé, une décennie de retrait industriel en France

Buitoni à Caudry, c’est fini. Le géant helvétique Nestlé a fait tomber le couperet sur cette usine du Nord, le 30 mars. Ce jour-là, des dirigeants de la filiale française du groupe d’agroalimentaire sont venus annoncer la sombre nouvelle aux représentants des salariés. Depuis, les employés du site ne désarment pas et se relaient plusieurs jours par semaine devant les grilles du site. Si Nestlé s’est engagé à ne licencier personne avant la fin de l’année 2023 et à favoriser les reclassements au sein du groupe, les négociations sur le plan de sauvegarde de l’emploi se sont ouvertes. Les syndicats veulent mettre tout leur poids dans la discussion.

Les projecteurs de l’actualité se sont braqués sur l’usine Buitoni de Caudry il y a un peu plus de un an, le 18 mars 2022. Ce jour-là, elle cessait son activité au moment même où un communiqué était diffusé pour annoncer le retrait des pizzas surgelées à pâte crue vendues sous la marque Fraîch’Up, fabriquées sur ce site. En cause, la détection de bactéries Escherichia coli. Cet agent pathogène présent dans un lot de produits est suspecté d’avoir causé la mort de deux enfants et d’en avoir intoxiqué une cinquantaine.

Quelques jours plus tard, le 1er avril 2022, le préfet du Nord annonçait la fermeture officielle de l’usine de Caudry. Après neuf mois d’arrêt, Nestlé avait décidé de rouvrir partiellement le site à la mi-décembre 2022. Seule la ligne de pizzas à pâte cuite, non concernée par le scandale, avait été autorisée à redémarrer, après un investissement de près de 2 millions d’euros. Las, le géant de l’agroalimentaire a stoppé net la machine en mars, évoquant une chute des commandes.

La carte de la discrétion

Dans le premier temps du scandale sanitaire, Nestlé a tenté de jouer la carte de la discrétion, mettant en avant la seule marque Buitoni. Mais c’est bien le groupe suisse qui s’est retrouvé concerné par l’information judiciaire ouverte, à Paris, en mai 2022, pour homicide et blessures involontaires. La procédure pénale est en cours et l’entreprise n’a pas été mise en examen. Pour clore le volet civil, elle a annoncé, le 17 avril, avoir signé un accord d’indemnisation avec les familles des victimes. Aucun montant n’a été communiqué. L’avocat des plaignants avait chiffré sa demande à 250 millions d’euros.

Cet accord n’a pas manqué de secouer les 125 salariés de Caudry. « Si Nestlé peut verser des millions d’euros aux familles de victimes, il doit aussi nous indemniser. Nous sommes également des victimes », réagit Stéphane Derammelaere, délégué syndical Force ouvrière. Il affirme sans plus de précision que la direction a, pour l’instant, mis sur la table une proposition d’accompagnement financier des salariés licenciés comparable à celle qui avait été faite aux employés d’Itancourt (Aisne). Ce site fabriquait, jusqu’en 2020, les bouillons Maggi avant de fermer ses portes.

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Les négociations salariales 2023 se tiennent dans un contexte inédit de tension

Des salariés du site Vertbaudet de Marquette-Lez-Lille (Nord), en grève depuis le 20 mars, le 24 avril 2023.

« Agir collectivement pour revaloriser les salaires » : c’est l’un des points-clés de la feuille de route présentée par la première ministre, Elisabeth Borne, mercredi 26 avril. Nul doute qu’il fera l’unanimité chez les Français. Car si la réforme des retraites les a médiatiquement éclipsées depuis janvier, les mobilisations pour obtenir des augmentations n’ont pas cessé, dans le contexte des négociations annuelles obligatoires (NAO) qui se tiennent généralement en toute fin ou en tout début d’année.

Citons, par exemple, le mouvement en cours depuis le 20 mars chez Vertbaudet près de Lille, la grève chez Tisséo qui a mis à l’arrêt le réseau des transports en commun toulousain, celle des salariés de la chocolaterie Cémoi dans l’Orne, de Blédina à Brive, des bases logistiques d’Intermarché, de sites Michelin, Amazon, Alstom et même de salariés du géant du jeu vidéo Ubisoft, une première.

Inédits, aussi, les débrayages dans deux jardineries Truffaut, dont le dernier, à Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne), samedi 22 avril. « C’est ma première fois en presque vingt ans. Faut vraiment qu’on nous pousse à bout pour en arriver là », confiait un agent de maîtrise manifestant dans le magasin (les personnes citées dont le nom n’apparaît pas ont requis l’anonymat). « Au smic, on ne s’en sort pas. On vient de me couper mon forfait téléphonique. A 33 ans, j’ai dû demander de l’aide à ma maman », déplorait Hélène, vendeuse en pépinière. « Je suis seule avec trois enfants et 1 000 euros de loyer. Avec un salaire de 1 451 euros net, comment je fais ? », interrogeait Emmanuelle, 47 ans.

Une progression qui ne rattrape pas l’inflation

Mercredi, prenant au mot Elisabeth Borne, qui a rappelé les « employeurs » à leur « responsabilité », ce sont les huit syndicats de la fonction publique qui ont demandé au gouvernement des augmentations salariales « importantes », « dès le 1er mai ».

A ce jour, les hausses négociées dans les entreprises pour 2023 sont, en moyenne, de 4,4 % (contre 2,8 % en 2022 et 1,4 % en 2021), selon une note de la Banque de France publiée mercredi 26 avril. Une progression « significative », mais qui ne rattrape pas l’inflation.

« Ni l’inflation de 2022 [5,9 %] ni celle prévue pour 2023 [5,4 %, selon la Banque de France]. Il y a donc un retard cumulé des salaires sur l’inflation depuis deux ans », souligne Alice Rustique, chargée d’études au centre études & data du Groupe Alpha.

Pour compenser, un tiers des accords prévoient une prime de partage de la valeur (exonérée de cotisations sociales) d’un peu moins de 900 euros, en moyenne, précise la Banque de France. « On note aussi beaucoup de mesures “talons” pour s’assurer que les bas salaires touchent, par exemple, au minimum, 100 euros de plus par mois. Des primes “mobilités” qu’on voyait peu jusque-là. Et beaucoup de clauses de revoyure », constate Alice Rustique, à partir de l’analyse détaillée de 200 accords de NAO 2023.

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« La QVT. En finir avec les conneries » : La santé, rien que la santé

Le livre. C’est l’histoire d’un concept dévoyé. Lorsqu’elle s’impose, au début des années 2010, la « qualité de vie au travail », ou « QVT », doit offrir une version non anxiogène, donc plus acceptable, de la prévention des risques psychosociaux (RPS) en entreprise. Il s’agit, en somme, de « positiver ». Las, « plutôt que leur planche de salut, la QVT a été pour les RPS leur planche de sapin », se désole Vincent Baud, fondateur du cabinet de conseil Master.

Cours de yoga, salles de sieste, panier de fruits bio et baby-foot en salle de pause… « On a assisté à l’explosion d’une offre de services », sorte de « concours Lépine du sujet », poursuit-il. En conséquence, la QVT a été « satellis[ée] (…) en dehors du contenu et du vécu au travail », l’entreprise « concentr[ant] alors ses efforts et ses ressources sur les effets et la périphérie de ses contraintes plutôt que sur leurs causes ».

Solutions cosmétiques

C’est là, plus généralement, tout le drame de la santé au travail, estime M. Baud : trop d’organisations ne vont, à ses yeux, pas au fond des choses, à la racine des problématiques, se contentant de solutions cosmétiques. Un constat qu’il développe dans son ouvrage autoédité au titre volontiers provocateur, La QVT. En finir avec les conneries (Editions Master). L’homme connaît bien le terrain, c’est l’un des principaux atouts de son récit. Il décrit au fil des pages de nombreux dysfonctionnements observés, le déni de certaines entreprises, les frustrations ou la résignation de nombreux salariés. Leurs douleurs aussi.

Il met en lumière les limites de certaines politiques. La « culture du ‘‘zéro accident’’ », par exemple. L’objectif, affiché par nombre d’entreprises, a des effets pervers. Il se concentre tout d’abord essentiellement sur les atteintes physiques à la santé. Il peut par ailleurs inciter à la dissimulation. « On pourra trouver des salariés à qui l’on proposera de prendre des congés, de rester chez eux et de se faire soigner, en attendant de voir si l’accident doit être déclaré, si ça s’aggrave », explique l’auteur. Dans le même temps, des activités à risques ont pu être sous-traitées à des entreprises où « le personnel (…) a plus de contraintes que celui des donneurs d’ordres ».

L’auteur le montre à de nombreuses reprises : certaines entreprises affichent leurs ambitions sur les questions de santé et de sécurité mais, dans le même temps, imposent à leurs salariés des situations de travail en mode dégradé. Un employé s’agace : « Ils sont forts pour nous faire la guerre aux EPI [équipements de protection individuelle] et nous mettre une pression de fou pour qu’il n’y ait pas d’accidents. Après, au moindre retard de production, ils comptent sur nous pour sauver le client coûte que coûte, et là, personne ne parle de sécurité ! »

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Quand la sociabilité exigée en start-up finit par écœurer : « Ils ont du mal à comprendre que pour nous, c’est juste un travail, souvent alimentaire »

Une grande partie des personnes interrogées estiment que les bières et autres parties de baby-foot représentent une « politique sociale à moindre coût ».

« Quand je suis arrivée en stage, on était plusieurs jeunes à devenir une bande d’amis et à obtenir un CDI. L’ambiance était bonne, les boss cherchaient à développer cet esprit de petite équipe de bons potes. » Tout allait alors très bien pour Constance (tous les prénoms ont été modifiés), 25 ans, dans sa start-up en technologie de l’information depuis trois ans. Dîners entre collègues, travail le week-end chez son patron, verres le soir… la jeune diplômée d’école de commerce finit par enchaîner les événements de l’entreprise avec appréhension. « Si tu ne viens pas, il y a des projets dans lesquels tu n’es pas intégrée, parce que tu n’étais pas là le soir. J’ai eu par exemple une opportunité qui aurait pu être pour quelqu’un qui était plus en retrait du groupe. Plutôt que de lui donner, on me l’a filée. Ça se fait beaucoup par affinités », raconte la cheffe de projet.

Constance constate qu’il y a un fort taux de rotation. Et ceux qui se font remercier sont ceux qui sont restés hors de ce schéma « bande de potes ». Au bout de deux ans, après avoir travaillé de 9 heures à 21 heures « comme un chien » chaque jour, elle est victime d’un syndrome d’épuisement professionnel non diagnostiqué : « Une fois, je me suis mise à pleurer en parlant du travail. » La jeune femme décide alors d’écouter les signaux de son corps ainsi que les alertes de ses amis en n’allant plus au-delà de ses horaires. Et en ne participant plus aux sorties professionnelles.

« A partir du moment où j’ai pris mes distances, ça a été la descente aux enfers », confie-t-elle. Les dirigeants lui reprochent de s’être isolée du groupe. « On m’a enlevé certaines tâches, on m’a reproché de mettre une mauvaise ambiance », regrette celle qui est devenue « le vilain petit canard ». « Soit t’es in, soit t’es out. Il n’y a pas d’entre-deux. Soit t’es dans le groupe, à fond dedans, dans le partage, soit tu dis stop pour retrouver ta vie à toi », tranche-t-elle.

Une sociabilité forcée de plus en plus dénoncée

Constance est loin d’être la seule à avoir expérimenté cette forme de violence. La sociabilité forcée dans les start-up est de plus en plus dénoncée. Souvent, dans le domaine du numérique, ces petites structures tâtonnent et recrutent de nombreux jeunes en stage, en alternance ou en contrat. La plupart du temps, il s’agit d’une première embauche en sortie d’études, parfois facilitée par des relations communes. Le recrutement se fait beaucoup par le bouche-à-oreille et la recommandation.

C’est de cette façon que Sarah, âgée de 22 ans à l’époque, trouve son alternance dans une entreprise d’événementiel. En afterwork dans l’espace de travail partagé de son petit ami, elle rencontre des employés de plusieurs sociétés. Sa future collègue la recrute alors en tant que cheffe de projet numérique : « J’ai l’impression d’avoir été recrutée grâce à ma sympathie. Elle voulait une copine à qui raconter sa vie personnelle. Mes missions incluaient d’écouter la vie sexuelle de ma cheffe. »

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Stellantis propose un plan de départs volontaires à des dizaines de milliers de ses salariés en Amérique du Nord

Carlos Tavares, PDG de Stellantis (à gauche), dévoile le Ram 1500 REV au New York International Auto Show, à New York, le 5 avril 2023.

Le constructeur automobile Stellantis a annoncé, mercredi 26 avril, qu’il allait proposer un plan de départs volontaires à certains de ses salariés aux Etats-Unis et au Canada, dans le but de réduire ses coûts et de financer sa transition vers l’électrique. Aux Etats-Unis, ce programme sera proposé à environ 33 500 salariés, a précisé une porte-parole du groupe à l’Agence France-Presse (AFP). L’entreprise n’a pas fourni de chiffres pour le Canada.

« En réponse aux conditions de plus en plus concurrentielles du marché mondial actuel et au passage nécessaire à l’électrification, Stellantis procède à un examen approfondi de ses activités en Amérique du Nord afin d’améliorer l’efficacité, de réduire les coûts et de protéger la compétitivité de nos produits pour permettre de nouveaux investissements stratégiques en vue de soutenir notre transformation », a expliqué l’entreprise dans un message transmis à l’AFP.

Après avoir dû faire face pendant la pandémie à d’importantes difficultés d’approvisionnement et à l’augmentation de leurs coûts, les constructeurs automobiles doivent désormais gérer la hausse des taux d’intérêt, qui renchérit le prix des voitures et pourrait finir par peser sur la demande. Dans le même temps, ils doivent investir des milliards pour la transition vers l’électrique.

Une « insulte », estime le président du syndicat UAW

General Motors, toujours dans le but de faire des économies, avait déjà proposé début mars un plan de départs volontaires. Environ 5 000 salariés y ont souscrit. Invoquant la transition vers l’électrique, Ford avait de son côté annoncé, en février, la suppression de 3 800 postes en Europe d’ici à 2025, après avoir fait part en août 2022 de la suppression d’environ 3 000 postes, principalement en Amérique du Nord et en Inde.

Ces plans de départs sont organisés à quelques mois de l’ouverture de négociations avec le syndicat américain de l’automobile UAW pour un nouvel accord de branche. Dans un communiqué séparé, le nouveau président du syndicat, Shawn Fain, a estimé que l’initiative de Stellantis, après un bénéfice de 16,8 milliards d’euros en 2022, était une « insulte » à ses membres. « Les responsables politiques et les contribuables financent la transition vers le véhicule électrique [avec de nombreuses aides gouvernementales], et c’est comme ça que la classe ouvrière est remerciée », s’est-il insurgé.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Stellantis annonce à nouveau des profits record

En 2022, le salaire en or du PDG de Stellantis avait provoqué une fronde des actionnaires. Ses émoluments auraient grimpé à 66 millions d’euros selon les calculs de Proxinvest, une société qui conseille les détenteurs d’actions sur leur politique de vote en assemblée générale.

Le Monde avec AFP

« L’intérim médical dans les hôpitaux publics est le symptôme d’un mode de pilotage à changer radicalement »

Les ministres du budget et de la santé viennent de fixer un nouveau tarif plafond pour les médecins intérimaires des hôpitaux publics. Les ministres du budget et des transports décident-ils de la rémunération des intérimaires à la SNCF ? Plus de cinq mille médecins hospitaliers préfèrent en effet travailler en intérim, en particulier dans les spécialités les plus en concurrence avec les hôpitaux privés, comme la médecine d’urgence, l’anesthésie, la radiologie, la pédiatrie…

Malgré la précarité de ces contrats et, parfois, le stress lié au travail dans des conditions inconnues, ces médecins ne choisissent pas ce mode d’exercice uniquement pour gagner plus. La plupart veulent surtout rester indépendants d’institutions qu’ils considèrent comme maltraitantes vis-à-vis de leurs confrères titulaires, du fait du nombre de postes de médecin vacants. Un cercle vicieux.

Lire le décryptage : Article réservé à nos abonnés Intérim médical : comment des hôpitaux s’adaptent au plafonnement des tarifs

Face à ce symptôme des maux des hôpitaux publics, cette décision ministérielle apparaît adaptée et courageuse. Adaptée, car le nouveau tarif plafond de l’intérim médical (1 390 euros brut pour une garde de vingt-quatre heures) est supérieur au tarif moyen pratiqué. Il conduit à une rémunération mensuelle brute de 14 000 euros dans le cas de deux gardes par semaine et d’une garde de week-end toutes les trois semaines.

Déduction faite de leurs frais professionnels et de leurs congés, ce nouveau tarif permet encore aux médecins intérimaires d’atteindre, à temps de travail équivalent, un revenu net supérieur à celui des praticiens hospitaliers.

Une épreuve de force

Courageuse, car il n’est pas facile de mettre le couvercle sur la concurrence entre les hôpitaux publics à la recherche de médecins de plus en plus rares, avec son corollaire, l’inflation des coûts de l’intérim. Ainsi, le fait que des médecins intérimaires aient décidé d’engager une épreuve de force en refusant de travailler à ce tarif plafonné rend plus visible la difficulté de très nombreux services hospitaliers sauvés par ces médecins et par d’autres, à diplôme étranger.

Mais cette décision reste parcellaire, car l’intérim médical dans les hôpitaux publics demeure le symptôme d’un mode de pilotage à changer radicalement. Pour ne pas aggraver la situation des hôpitaux publics, la décision prise devrait s’accompagner d’un ensemble d’autres mesures, en particulier :

– l’application du plafonnement de ces tarifs à tout le secteur, y compris les hôpitaux privés et les médecins libéraux qui y exercent ;

– l’augmentation, importante et pérenne, de la rémunération des sujétions les plus pénibles des médecins publics ;

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Viessmann, leader allemand de la pompe à chaleur, forcé de se vendre à son concurrent américain

Dans une usine Viessmann, à Allendorf, en Allemagne, le 9 août 2022.

C’est un tremblement de terre, une affaire qui en dit long sur l’angoisse du « made in Germany », face à une concurrence asiatique de plus en plus menaçante. Le groupe Viessmann, très prospère, spécialiste des systèmes de chauffage, fondé en 1917, a annoncé, mardi 25 avril, son intention de vendre son cœur de métier à un concurrent américain, pour un montant estimé à 12 milliards d’euros, pour créer un « champion mondial des solutions intelligentes pour le climat et l’énergie ».

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Allemagne : le « Mittelstand »  face à l’offensive chinoise

L’événement a provoqué l’émoi outre-Rhin, certains responsables politiques se désolent de voir une entreprise traditionnelle innovante passer entre des mains étrangères, faute de pouvoir s’adapter seule aux bouleversements en cours.

L’annonce du deal survient quelques jours après que Berlin a annoncé les contours de sa « transition chaleur », qui doit permettre de faire baisser rapidement les émissions de gaz à effet de serre des bâtiments : dès 2024, tout nouveau système de chauffage installé devra obligatoirement fonctionner à 65 % d’énergie renouvelable. A partir de l’année prochaine, aucun nouveau chauffage au gaz ou au fioul ne pourra plus être installé outre-Rhin. Et d’ici à 2030, 500 000 pompes à chaleur électriques et neutres en carbone arriveront chaque année dans les bâtiments allemands, subventionnées par l’Etat. Le marché du siècle.

Pour Viessmann, cette réforme a une conséquence paradoxale : alors que le groupe est le leader allemand de la pompe à chaleur, il est incapable d’augmenter sa production suffisamment rapidement pour répondre à l’explosion de la demande à venir, notamment parce qu’il réalise encore une grande partie de son chiffre d’affaires avec des systèmes de chauffage fossiles. Le risque est de laisser un boulevard aux géants asiatiques, comme Daikin, Samsung ou LG, capables de produire en grande quantité des systèmes de climatisation et de pompe à chaleur à des prix très compétitifs.

« Un marché pionnier »

Viessmann a donc fait le choix radical de vendre 85 % de son activité à son concurrent Carrier, originaire de Floride, y compris la très lucrative spécialité pompes à chaleur. Cette alliance devrait permettre au groupe allemand de pousser sa production et de faire baisser ses prix.

L’américain, de son côté, espère pénétrer plus facilement le marché européen. « Pour Carrier, l’Allemagne est un marché pionnier. Je pense qu’ils veulent l’expérimenter, changer d’échelle pour déployer les pompes à chaleur aux Etats-Unis. Le cas échéant, avec l’aimable soutien de l’Inflation Reduction Act [IRA] », estime l’économiste Jens Südekum, professeur d’économie internationale à l’université de Düsseldorf.

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Chômage : Le nombre de demandeurs d’emploi sans activité en baisse de 1,2 % au premier trimestre 2023

Bonne nouvelle pour le gouvernement. Le marché du travail continue de résister malgré l’inflation toujours forte et une croissance en berne. Au premier trimestre, le nombre de demandeurs d’emploi sans aucune activité (catégorie A) a à nouveau baissé, de 1,2 %, selon les statistiques diffusées, mercredi 26 avril, par Pôle emploi et la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares), qui dépend du ministère du travail.

Il y a désormais 3,016 millions de personnes dans cette situation sur l’ensemble du territoire (outre-mer comprise, hors Mayotte), soit 36 000 de moins en trois mois. Si l’on tient seulement compte des variations en métropole, le nombre de demandeurs d’emploi en catégorie A confirme son installation sous la barre des 3 millions, à 2,8 millions exactement. Des chiffres bienvenus pour Emmanuel Macron alors qu’une loi doit arriver d’ici l’été pour permettre au gouvernement d’atteindre son objectif de plein-emploi d’ici à 2027, c’est-à-dire un taux de chômage autour de 5 %, contre 7,2 % actuellement.

Les évolutions sont favorables pour quasiment toutes les tranches d’âge, en particulier pour les inscrits dans la catégorie A de Pôle emploi qui ont 50 ans ou plus : – 1,7 % entre début janvier et fin mars dans l’Hexagone, confirmant le recul observé depuis un an (– 7,3 %). Une diminution particulièrement notable alors que la question de l’emploi des seniors est au centre des débats de la réforme des retraites récemment promulguée. Le sujet doit faire l’objet d’une négociation entre partenaires sociaux d’ici la fin de l’année.

La baisse est à l’œuvre également pour les 25-49 ans, avec – 1,4 % sur trois mois. En revanche, on observe une très légère augmentation (0,5 %) du nombre de demandeurs d’emploi de moins de 25 ans.

Transfert entre catégories

Le phénomène baissier du premier trimestre est toutefois bien moins marqué si l’on ajoute les demandeurs d’emploi en activité réduite (catégories B et C). Car le nombre d’inscrits en France métropolitaine en catégorie B – ceux qui ont travaillé moins de 78 heures sur un mois – continue de croître légèrement (+ 0,3 % par rapport au trimestre précédent ; 6,2 % sur un an). Quant à ceux qui ont travaillé plus de 78 heures (catégorie C), ils augmentent de 0,9 %. Une situation qui s’explique souvent par un transfert entre catégories. Des demandeurs d’emploi auparavant inscrits en catégorie A en sortent en retrouvant un travail, mais souvent à durée déterminée, et continuent donc de pointer à Pôle emploi mais dans les autres catégories.

Au total, le nombre de personnes inscrites à Pôle emploi et tenues de rechercher un emploi (catégories A, B et C) sur tout le territoire, hors Mayotte, s’élève à 5,369 millions de personnes, en baisse de 0,4 % par rapport au trimestre précédent, mais de 3 % sur un an.

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Travail et réchauffement climatique : les recommandations du Conseil économique, social et environnemental

Si les entreprises n’anticipent pas les effets du réchauffement climatique sur leurs salariés, elles doivent être privées d’aides publiques. C’est l’une des recommandations frappantes formulées par le Conseil économique, social et environnemental (CESE) dans un avis qu’il a adopté, mardi 25 avril, « à l’unanimité » avec 125 voix pour – 50 membres n’ayant pas pris part au vote. L’assemblée du palais d’Iéna, à Paris, juge « nécessaire » de sonner la « mobilisation » générale pour relever les « défis écologiques » dans le monde du travail.

Coordonné par Jean-François Naton, membre du groupe CGT au CESE, l’avis rendu mardi se concentre « sur l’exposition aux vagues de forte chaleur ». Sont, bien sûr, concernées les personnes exerçant leur activité « à l’extérieur », soit « environ 3,6 millions » de femmes et d’hommes. Un tiers des ouvriers qualifiés et un quart des agents employés dans des collectivités territoriales se trouvent dans cette situation.

La « répétition des canicules », depuis plusieurs années, se traduit par « l’apparition de nouveaux risques professionnels » et par « l’aggravation » de ceux qui existaient déjà : « hyperthermie majeure » couplée à des « troubles cardiaques » et à une « détresse neurologique », probabilité accrue d’accidents liés à des « pertes de vigilance », plus grande fréquence des cas « d’intoxication chimique » et « de réaction allergique » imputables à des températures élevées… Si les « données épidémiologiques » sur cette thématique manquent en France, des recherches internationales montrent un accroissement « de la mortalité et surtout de la morbidité globale des populations de travailleurs (…) en période estivale ».

Sortir le bâton

De tels problèmes se posent avec une acuité plus ou moins marquée selon les secteurs. La construction et l’agriculture sont, évidemment, en première ligne, mais il y a aussi les sociétés de transport (chauffeurs-routiers, déménageurs…), ainsi que les équipes chargées « des travaux d’infrastructure en extérieur ». Le CESE relève que « les catégories professionnelles qui ont à subir le plus fortement les canicules sont aussi celles pour lesquelles le risque d’accident (…) est identifié depuis longtemps comme important ». Autrement dit, c’est la double peine pour elles. L’avis souligne d’ailleurs « le risque de voir les inégalités dans le travail (…) se creuser davantage dans le contexte du dérèglement climatique et de la dégradation des écosystèmes ».

En préparant son avis, l’assemblée du palais d’Iéna a réalisé une enquête qui cible les représentants des salariés et des employeurs (privés et publics). De cette consultation qui a recueilli presque 2 000 « contributions », il ressort un « décalage considérable » entre l’inquiétude croissante suscitée par le réchauffement de la planète et « le sentiment que des réponses concrètes à la hauteur de cet enjeu ne sont pas apportées ». « Si 80 % des répondants font de ce sujet une préoccupation personnelle, ils sont seulement un peu plus d’un tiers à indiquer [qu’il] est à l’ordre du jour sur leur lieu de travail », constate le CESE.

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L’intéressement favorise le partage de la valeur, mais pas toujours le pouvoir d’achat

L’accord sur le partage de la valeur, signé en février par les partenaires sociaux et destiné à être prochainement retranscrit dans une loi, devrait généraliser les dispositifs d’intéressement aux entreprises de moins de 50 salariés.

Qu’en pensent les principaux intéressés ? A la demande du cabinet de conseil Primeum, l’IFOP vient d’interroger, en mars, 400 dirigeants et DRH d’entreprises de plus de 50 salariés et quelque 1 000 personnes de 18 ans et plus, sur les pratiques des organisations en matière de rémunération, au-delà du salaire fixe.

Il en ressort que l’impact d’une politique de rémunération variable – quelle que soit sa forme – serait positif pour la santé économique de l’entreprise, saluée à la fois par les dirigeants et les salariés. Ils estiment très majoritairement – pour 80 % des dirigeants et 70 % des actifs – qu’elle permet de renforcer la performance globale de l’entreprise. Et 73 % des actifs interrogés et 91 % des dirigeants jugent aussi que c’est une source de motivation pour les salariés concernés.

Dans les entreprises, la rémunération variable est versée sous quatre formes principales, dans l’ordre d’importance suivant pour les salariés : la prime d’intéressement déterminée par accord d’entreprise et liée aux résultats ; la rémunération variable distribuée en proportion du salaire, en fonction de la performance individuelle, ou collective (dite prime ou commission).

Moins de la moitié des actifs interrogés

Elle peut dépendre tout aussi bien du succès d’un projet que de la réalisation d’objectifs collectifs sur la parité au sein d’une équipe, ou sur la décarbonation de l’activité, par exemple ; des avantages en nature (téléphone, vélo de fonction, etc.) ; et enfin des stock-options ou distribution d’actions gratuites.

L’intéressement, directement visé par l’accord national interprofessionnel conclu le 10 février, permet d’améliorer le partage de la richesse produite au sein de l’entreprise, selon 87 % des dirigeants et 74 % des actifs interrogés.

Mais l’opinion des Français est moins tranchée concernant l’impact des dispositifs d’intéressement sur le pouvoir d’achat : si plus de la majorité des sondés (59 %), dirigeants comme salariés, estiment que la rémunération variable versée avec le salaire sous forme de prime ou de commission permet de compenser l’inflation, environ 70 % considèrent que sous forme d’intéressement, elle met le pouvoir d’achat des salariés à la merci de la santé économique de l’entreprise, dans la mesure où elle dépend de ses résultats.

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