Il y a là quelque chose qui « heurte le bon sens », avait affirmé le président de la République, Emmanuel Macron, lors de son discours télévisé de novembre. Qu’au moment « où trois millions de nos compatriotes se trouvent encore au chômage, tous les entrepreneurs disent peiner à recruter ». C’est que la problématique des difficultés de recrutement est une question complexe, « structurelle et récurrente » écrit dans un avis adopté le 12 janvier le Conseil économique, social et environnemental (CESE), saisi du sujet par le premier ministre.
« Les tensions de recrutement existaient avant la crise sanitaire, qui a plutôt agi comme un catalyseur, précise Pierre-Olivier Ruchenstain, rapporteur de l’avis du CESE. Mais comme à chaque fois dans notre histoire, ce sont les crises qui amènent à réfléchir à des problèmes structurants. » Selon le dernier point de conjoncture de la Banque de France, publié le 13 mars, la moitié des entreprises rencontrent des difficultés à recruter. Un « niveau élevé » sur lequel elle a alerté dès septembre. Ce qui ne veut pas dire qu’elles ne recruteront pas, a tempéré Pôle Emploi dans une étude publiée le 10 février. Il faudra peut-être plus de temps ou plus d’efforts qu’imaginé au départ. Mais l’embauche finira par se faire et la plupart du temps dans des délais raisonnables.
Avantages collectifs
Si ces difficultés coexistent avec un taux de chômage élevé, c’est en raison d’une inadéquation entre offre et demande de travail soulignent toutes les études : la qualification ou la localisation des demandeurs ne correspond pas aux profils recherchés. Il faut donc procéder à une « analyse fine par métiers et territoires » souligne le CESE, qui a réfléchi à des leviers structurels pour agir sur plusieurs freins. « Des réponses multiples à un problème multifactoriel », résume Pierre-Olivier Ruchenstain.
Parfois, ce sont les salaires qui sont peu attractifs. Aux branches professionnelles d’abord d’œuvrer à les augmenter, comme l’a fait l’hôtellerie-restauration. Quand les marges sont trop faibles, le CESE suggère de réfléchir à des avantages collectifs (chèque-déjeuner, chèque mobilité), qu’il faudrait défiscaliser. Une femme sur cinq renonce par ailleurs totalement ou partiellement à travailler dès le premier enfant, c’est un tiers dès le deuxième. Il y a donc un enjeu à développer les offres d’accueil des jeunes enfants et à limiter leur coût ou le « reste à charge » pour les familles.
Un levier-clé réside dans l’orientation et la formation
Autre frein : la mobilité. Pour pourvoir les offres d’emplois dans les grandes villes où l’immobilier est cher tandis que le prix de l’essence atteint des sommets, le CESE suggère de recréer de logements de fonction, et plus généralement d’attribuer plus de logements sociaux aux actifs.
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« Vous étiez de ces élèves à qui tout réussit. Aujourd’hui, vous avez un bon poste. Et pourtant rien ne va si bien. Comme si vous n’étiez pas au bon endroit. Pour vous, nous avons conçu une méthode. » Voilà, en résumé, le texte d’une publicité pour une entreprise de coaching parue récemment dans la presse magazine, et qui cible spécifiquement les jeunes actifs. Ce public constitue désormais une cible privilégiée pour ces cabinets, qui se sont multipliés ces dix dernières années sur fond de libéralisation du marché de la formation professionnelle et du compte personnel de formation (CPF) des salariés.
Alors que la quête de sens au travail des jeunes générations fait régulièrement les gros titres, encore plus depuis la crise sanitaire, les témoignages de jeunes reconvertis après seulement quelques années d’exercice se multiplient. Et si certains arrivent à prendre leur virage seul, pour d’autres, la demande d’accompagnement va crescendo, selon nombre d’acteurs du secteur. En la matière, le marché est en tout cas prometteur : le dernier baromètre de la formation et de l’emploi Centre Inffo-CSA, publié en février, fait état de pas moins de 35 % des 18-34 ans qui seraient déjà en train de préparer leur reconversion. Et plus de 75 % de tous les actifs ayant entamé une démarche se font « conseiller ou accompagner » pour cette difficile transition par des organismes publics ou privés.
C’est le cas d’Astrid, la trentaine, responsable financière dans une entreprise lilloise… pour encore quelques semaines. Elle a suivi « sans trop se poser de questions » la voie dite royale, « bac scientifique-classe préparatoire-école de commerce », mais s’est rapidement aperçue après son diplôme qu’elle « ne prenait aucun plaisir » dans un quotidien professionnel pas franchement en accord avec ses valeurs. Quatre changements d’employeur en cinq ans n’y ont rien fait. « Ce n’était pas l’entreprise qui posait problème, mais mon métier. Sauf que je ne savais pas par où commencer pour en changer. J’étais perdue. » Après avoir été « désespérée » par un « test de personnalité et d’orientation “métier” » réalisé avec un acteur associatif, « dont le résultat disait que j’exerçais en fait actuellement mon métier “idéal”, celui-là même qui me fait souffrir », explique-t-elle, elle s’est décidée à pousser la porte de Primaveras pour « prendre le temps de la réflexion ».
Tutorat individuel
Comme d’autres acteurs du secteur, cet organisme de formation propose un accompagnement mêlant une dizaine de journées de réflexion collective avec des séances de tutorat individuel et des heures de cours en ligne. « Avec mon groupe, composé majoritairement de trentenaires comme moi, j’ai multiplié les exercices de réflexion sur mes envies et valeurs, ce qui me distingue, l’environnement professionnel qui me conviendrait, en comprenant petit à petit les blocages ou croyances liées à mon histoire qui m’empêchaient de réfléchir », raconte Astrid. Ça y est : après avoir affiné ses priorités et rencontré des acteurs du secteur, elle se lance prochainement dans une formation de design.
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Observer trois représentants des ressources humaines de l’une des pépites de l’industrie française en pleine opération séduction de jeunes demandeurs d’emploi sans qualification a quelque chose d’étonnant. « On propose des CDD de dix mois et on peut prolonger par un CDI. Chaque année on titularise une vingtaine de personnes », lance comme un appât Régis Perron, l’un des recruteurs, avant d’interroger : « Savez-vous ce qu’on fait chez X-Fab ? » « De la logistique ? », tente celui qui lui fait face, habitué à voir cette activité conquérir le paysage autour de chez lui. « On fabrique des semi-conducteurs, ces puces électroniques qu’on retrouve dans votre téléphone, votre console de jeux. Il y en a partout ! détaille Quentin Graiz, de l’équipe RH. Les voitures électriques Tesla, vous connaissez ? ». Le regard du candidat s’allume. « Eh bien, il y a minimum 40 puces X-Fab dans chaque Tesla ! »
Comme X-Fab, en cette mi-février, La Poste, Carrefour ou Castorama participeront la même semaine à ces job datings organisés par la mission intercommunale vers l’emploi de Corbeil-Essonnes (Essonne). « Le marché s’est retourné, les entreprises ont du mal à recruter. Cela nous ouvre des perspectives qu’on n’avait pas avant pour ces jeunes », confie Djamal Cherad, directeur de la structure.
Si la guerre en Ukraine a momentanément éloigné ce sujet du débat public, elle n’a rien changé aux difficultés de recrutement sur lesquelles la Banque de France avait alerté dès l’automne. Selon son dernier point de conjoncture du 13 mars, elles se maintiennent à « un niveau élevé » et concernent la moitié des entreprises.
Un trésor convoité
L’exemple d’X-Fab révèle combien la question est complexe. L’entreprise est implantée à quelques kilomètres du centre de Corbeil. Du boulevard verdoyant bordé de lotissements pavillonnaires, on ne distingue rien de son immense site. Juste un panneau, qui signale d’emblée qu’« X-Fab recrute ». Dans des locaux qui semblent abriter des bureaux ordinaires, se fabrique un trésor convoité de l’industrie post-Covid : la désorganisation provoquée par la pandémie a fait du semi-conducteur, fabriqué par peu d’usines dans le monde, une denrée rare. Récompensée en janvier par le prix Choose France compétitivité et innovation, X-Fab ne cesse d’augmenter son activité et prépare la relocalisation en Essonne d’une partie de sa production, aujourd’hui en Malaisie.
« Dans l’année, nous aurons environ 150 postes à pourvoir, pour combler les départs à la retraite et absorber la hausse d’activité, explique sa DRH, Laëtitia Guisot. Cela fait beaucoup. Sans compter qu’une partie des candidats qu’on cherche n’existent tout simplement pas. »
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Tribune. Voilà une décennie que les méthodes américaines de la compliance prennent position dans le paysage juridique des pays européens. D’abord issue de la régulation des marchés financiers et du contrôle des opérateurs comme les télécoms, la compliance s’attache à préserver les systèmes en anticipant les risques posés par les entreprises. Ces méthodes organisationnelles d’anticipation où la gestion du risque repose a priori sur l’opérateur plutôt qu’a posteriorisur son contrôleur s’étendent désormais à tous les champs d’activité.
Même le droit pénal, pourtant particulièrement codifié, consécutif et régalien, applique ces méthodes au monde des affaires en matière de corruption, de blanchiment, d’atteintes aux droits humains. Ainsi les grandes entreprises sont-elles désormais tenues d’instaurer une cartographie de leurs risques, une évaluation de leurs partenaires et un système d’alerte interne.
Devant des problématiques d’une technicité accrue, plus internationales et plus systémiques, la compliance se révèle plus efficace que la politique traditionnelle de sanction des infractions. Le terme de « conformité » se montrant insuffisant à traduire la réalité de ce nouveau paradigme juridique qui procède par risques et par systèmes, c’est le concept de « compliance » qui s’est imposé, témoignage éloquent d’une acculturation.
Une singularité institutionnelle
Le Vatican, en tant qu’Etat ou que par mission, est toujours apparu aux antipodes de cette culture anglo-saxonne d’autorégulation du monde des affaires, la récente encyclique Fratelli tutti en dénonçant les limites, voire les compromissions. A l’inverse, comme le montre l’index corruption de Transparency International, les pays de culture protestante s’y montrent traditionnellement plus réceptifs, y trouvant même une des racines du schisme, dont la dénonciation du commerce des indulgences au XVIe siècle offre une illustration.
Trois facteurs peuvent expliquer à l’origine la méfiance du Vatican envers ces méthodes de régulation. D’abord sa singularité institutionnelle, fruit d’un équilibre historique, qui justifie à la fois l’existence de ce micro-Etat et son organisation propre, à rebours de tout contrôle organisationnel, à commencer par la séparation des pouvoirs. Ensuite, sa philosophie de la peine issue du droit canon, qui se veut plus pénitentielle que pénale, en reposant sur l’engagement individuel et le repentir sincère. Enfin, sa défiance traditionnelle pour les affaires économiques, et plus singulièrement pour la finance.
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Le principal fournisseur de la menuiserie savoyarde Pellicier ne livre plus de fenêtres ni de portes en pin ou en mélèze jusqu’à nouvel ordre. « Compte tenu de la situation internationale », les résineux ne sont plus disponibles, est-il expliqué dans un courriel, le 10 mars. Il faudra donc composer avec les réserves des petits fabricants, puis, quand celles-ci seront épuisées, se rabattre sur le chêne ou le bois exotique, réagit Magali Pellicier, dont le mari dirige la menuiserie.
Trois jours plus tard, la femme du patron déjeune avec un commercial d’une usine de carrelage à Modène, en Italie. Les usines arrêtent leur production les unes après les autres. Les fours tournent au gaz, la matière première vient d’Ukraine. « Mon ami n’avait jamais pris autant de commandes en Savoie. De retour à Modène, il a tout annulé. Ils ne pourront plus honorer les commandes. » Lundi, c’est une coopérative qui annonce la fin du parquet massif : tout était fabriqué en Ukraine. « C’est un par jour, et ça va être de pire en pire. Même avec le Covid, on n’a jamais vu ça. Pendant le confinement ? On n’a fermé qu’une semaine. Là, ça fait peur. »
Opérations escargot
De fait, pas un corps de métier, pas une entreprise du bâtiment ou des travaux publics qui ne soit touché par le conflit ukrainien. L’annonce d’une remise de 15 centimes à la pompe avait un peu apaisé les esprits. « Avec mes 5 véhicules, 20 centimes de hausse, c’était 5 000 euros de frais supplémentaires par mois », confirme Michaël Carré, à la tête d’une entreprise générale du Val-de-Marne. Mais tous attendaient les mesures du plan de résilience. La simple demande faite par le gouvernement aux acteurs publics de bien vouloir réviser les prix des contrats, et à tous de ne pas appliquer de pénalités de retard, a fortement déçu. En Bretagne, les dépôts pétroliers de Brest et de Lorient étaient encore en partie bloqués par les artisans tandis que des opérations escargot ont été lancées vendredi 18 mars. En Occitanie, les artisans se disent prêts à retourner sur les ronds-points.
« Pour la menuiserie, on était sur six à huit semaines de délai. Aujourd’hui, on oscille entre vingt-deux et vingt-quatre semaines pour les fenêtres » Pierre-Emmanuel Bossis, gérant de Déclic Bois
Même les grilles d’arbres de la ville de Paris, dont le marché est détenu par les Fonderies Dechaumont, 145 salariés près de Toulouse, sont rattrapées par la guerre. Chaque pièce, comme les plaques d’égout, contient 10 à 20 % de fonte neuve, explique le dirigeant – septième génération – de cette entreprise familiale. Or, 70 % des besoins européens provenaient de Russie et d’Ukraine. Il reste encore un ou deux mois de stock dans les ports d’Anvers, de Bilbao et de La Rochelle, mais les prix ont pris 30 % en une semaine. Les réserves épuisées, il faudra trouver une solution. Acheminer la matière depuis l’Afrique du Sud ou le Brésil en est une. La remplacer par de la ferraille de récupération, une autre. « Mais cela revient à cuisiner sans beurre ou sans huile », explique Jean-Baptiste Dechaumont. Et les Chinois annoncent déjà 20 à 25 % de hausse sur la ferraille, pour mars.
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Est-il possible de travailler sans en avoir l’impression ? C’est l’objet de la quête de Samuel Durand, 25 ans, dans le documentaire Why Do We Even Work ? (« Mais pourquoi travaillons-nous ? »). Un geste original, provenant d’un homme n’ayant jamais été salarié : « J’ai commencé à travailler comme indépendant en école de commerce, puis j’ai fait un rapport d’études sur les nouveaux modes de management, expliquait-il au Monde en marge de l’avant-première du film diffusée le 9 mars à Paris et qui sort sur Internet à partir du 19 mars. Ce rapport m’a amené à faire un premier documentaire en 2020, qui montrait qu’on pouvait s’éclater dans son travail, qu’on soit salarié ou indépendant. »
Pour réaliser son deuxième film, Samuel Durand a approfondi pendant un an ses interrogations sur le travail, puis est parti à la rencontre d’entreprises de différents secteurs d’activité, aux quatre coins du monde.
Du fabricant de glaces Ben & Jerry’s aux Etats-Unis à l’industriel Saint-Gobain au Royaume-Uni, en passant par l’entreprise de développement informatique Mindera au Portugal et le formateur en ligne OpenClassrooms à Paris, le documentaire s’intéresse à la relation d’individus avec leur entreprise. Il dresse un certain nombre de constats sur ce que pourrait être la vie idéale au travail, organisés en trois axes.
Bonheur, autonomie, créativité
Le cadre de travail est la première piste du bonheur, postule l’auteur : nous serions motivés par l’ambiance, le collectif, mais aussi par des avantages plus prosaïques comme la possibilité de télétravailler ou les congés. OpenClassrooms offre ainsi 1 000 euros de bonus au salarié qui prendrait plus de trois semaines consécutives de congés : « On dit à nos équipes que ça va être bon pour eux. L’important c’est d’être performant sur le long terme », justifie le PDG, Pierre Dubuc, devant la caméra.
Les modes de management constituent la deuxième partie : un bon environnement de travail n’étant pas suffisant, il faut aimer la tâche en elle-même, et la manière dont on l’exécute pour être épanoui. C’est le cas des ouvriers d’une usine de verre de Saint-Gobain, heureux de voir les fruits de leur travail, ou d’un artisan fabricant de skis à Chamonix.
Le film invite les entreprises à favoriser l’autonomie et la créativité de leurs employés pour les rendre fiers et acteurs de leur travail, prenant l’exemple de Mindera, à Porto, qui a adopté une organisation horizontale, sans chef : les salariés ont d’ailleurs pour intitulé de poste « artisan du logiciel ».
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Cela pourrait devenir le dossier social « chaud » de la campagne présidentielle. Mise en difficulté par la perte en 2021 d’un important contrat auprès d’Orange, Scopelec, la plus ancienne coopérative de France, spécialisée dans le déploiement de réseaux de télécommunications, a annoncé vendredi 18 mars avoir été placée en procédure de sauvegarde par un jugement du 17 mars rendu par le tribunal de commerce de Lyon. « Face à l’impératif de la situation, nous n’avions pas d’autres choix que de prendre cette décision. Il nous faut maintenant, dans ce nouveau cadre judiciaire, faire valoir nos droits dans l’intérêt de Scopelec et de ses salariés », explique Thomas Foppiani, le président du directoire de Scopelec.
Grâce à cette procédure, la coopérative va pouvoir suspendre le paiement de ses dettes et préserver sa trésorerie au cours d’une période d’observation de 6 mois, renouvelables. Scopelec a une dette financière brute de 85 millions d’euros, dont un prêt garanti par l’Etat de 40 millions. Elle dispose d’une trésorerie d’un peu plus de 50 millions.
Ce sursis sera mis à profit pour étudier avec l’aide du tribunal de commerce différentes possibilités de rétablissement. Si l’une d’entre elles assure la viabilité de l’entreprise, le tribunal pourra alors arrêter d’un plan de sauvegarde avec un étalement potentiel des dettes sur dix ans. En revanche, si aucune solution viable n’est trouvée à la fin de la période d’observation, la sauvegarde passera en procédure de redressement ou en liquidation judiciaire, ce qui conduirait à la cession
Coup de pression sur le gouvernement
Aidée par le ministère de l’économie et le Comité interministériel de restructuration industrielle, Scopelec cherchait depuis plusieurs semaines une solution amiable avec Orange et plusieurs des concurrents afin que ceux-ci reprennent une partie de ses salariés menacés par la perte de ce contrat. Mais « en près de quatre mois, Scopelec n’a reçu que des réponses partielles et peu concluantes », regrette amèrement la société.
Ces négociations ont permis quelques avancées. « Sur la question des transferts de salariés vers les autres attributaires du marché, Scopelec a obtenu de la part de plusieurs repreneurs un cadre contractuel acceptable, avec reprise d’ancienneté et maintien des conditions salariales », apprécie la coopérative. Les discussions portant sur des mesures visant à compenser la perte d’activité de la société grâce à l’attribution de « volumes additionnels temporaires » se poursuivent, ce qui laisse encore un peu d’espoir.
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Jeudi 17 mars, lors d’une conférence de presse au cours de laquelle il a présenté les grandes lignes de son programme en vue de sa réélection, Emmanuel Macron a répété à plusieurs reprises son objectif d’atteindre le « plein-emploi ». Un objectif atteignable en suivant la ligne qu’il a conduite depuis 2017, a-t-il martelé, et qui aurait porté ses fruits en matière de réduction du chômage. Est-ce vraiment le cas ? Si les chiffres lui donnent raison, ils masquent d’importantes inégalités. Explications.
Ce qu’il a dit
« Le taux de chômage atteint son plus bas niveau depuis quinze ans. Le taux de chômage des jeunes, son plus bas niveau depuis quarante ans, et le taux d’activité le plus haut depuis qu’on le mesure. »
Ce qui est plutôt vrai
Le chômage au plus bas depuis 2008
Emmanuel Macron avait déjà affirmé, en novembre 2021, que le taux de chômage n’avait jamais été aussi bas en quinze ans. Les chiffres lui donnent toujours plutôt raison, si l’on s’en tient à l’évolution du taux de chômage au sens du Bureau international du travail (BIT), « indicateur de référence pour l’analyse des évolutions du marché du travail », comme le note le ministère du travail.
Le taux de chômage en France a en effet reculé de 0,6 point au quatrième trimestre 2021 pour concerner 7,4 % de la population active, selon les derniers chiffres de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee). Il s’agit bien du taux de chômage le plus bas depuis quinze ans, ou presque, puisqu’il faut remonter à 2008, il y a quatorze ans, pour retrouver un taux inférieur à 8 %. « Les quatre trimestres précédents, il était resté quasi stable, entre 8,1 % et 8 %. Il est inférieur de 0,8 point à son niveau d’avant crise (fin 2019) et à son plus bas niveau depuis 2008, si l’on excepte la baisse ponctuelle en trompe-l’œil du printemps 2020, liée à la crise sanitaire »,détaille l’Insee.
Concernant le taux d’activité, qui mesure la proportion de la population active (employés comme chômeurs) par rapport à la population totale, l’actuel président de la République dit aussi plutôt vrai.
En effet, cet indicateur a atteint au troisième trimestre 2021 « son plus haut niveau depuis que l’Insee le mesure (1975) », à 73,5 % de la population, détaille l’Institut. Il a toutefois enregistré une baisse au dernier trimestre 2021, minime, de l’ordre de 0,2 %.
Ce qui mérite d’être nuancé
Un taux de chômage pour les jeunes loin des records…
En revanche, le président-candidat joue sur les chiffres lorsqu’il affirme que le taux de chômage des jeunes « atteint son plus bas niveau depuis quarante ans ».
Si l’on regarde le taux de chômage des jeunes en moyenne annuelle, il a nettement baissé au cours des cinq dernières années, passant de 26 % en 2016, à 18,9 % en 2021, selon les données de l’Insee. Mais il reste bien plus élevé qu’en 1975 (7,9 %), qu’en 1990 (16,8 %), ou, plus récemment, en 2002 (17,8 %). De ce point de vue, il aurait été plus correct d’affirmer que le taux de chômage des jeunes est au plus bas depuis dix-neuf ans.
Pour donner raison à M. Macron, il faut s’intéresser non pas à la moyenne annuelle du chômage des plus jeunes, mais à sa moyenne trimestrielle. En effet, au dernier trimestre de 2021, le chômage des 18-24 ans a chuté de 3,6 points pour descendre à 15,9 %, niveau jamais atteint depuis le premier trimestre 1981 (15,3 %).
Cette baisse est à mettre en relation avec une nette progression du nombre de bénéficiaires de contrats en alternance depuis 2016, tendance qui s’est « même accélérée entre fin 2020 et fin 2021 », relève l’Insee dans une note de conjoncture publiée en mars. Elle s’explique par différentes réformes : aides financières aux apprentis, soutien renforcé à l’embauche et mesures visant à simplifier le recours à l’apprentissage pour les employeurs. Ces jeunes alternants contribuent à réduire le taux de chômage des jeunes puisqu’ils sont considérés comme « actifs en emploi » au sens du BIT. Entre fin 2015 et fin 2021, le taux d’emploi des jeunes a augmenté de 5,3 points, dont 2,9 points sont attribués aux contrats en alternance.
Le tableau d’un chômage en chute masque de fortes inégalités. Le chômage des plus jeunes 15-24 ans reste très important, à 18,9 %, contre 23,5 % au début du quinquennat d’Emmanuel Macron. C’est 3,3 fois plus élevé que le taux de chômage des 50 ans ou plus. Ce chiffre, de plus, est reparti à la hausse dernièrement, augmentant de 0,5 point.
Et la tendance ne va pas dans la bonne direction : entre début octobre et fin décembre 2021, la proportion des 15-29 ans qui ne sont ni en activité ni en formation est repartie à la hausse (+ 0,5 point) pour s’établir à 12,2 %, et retrouver son niveau d’avant-crise (12,3 % au quatrième trimestre 2019).
Le nombre de chômeurs reste à un niveau élevé
Même s’il a amorcé une décrue importante au cours des trois derniers trimestres, le nombre de chômeurs reste à un niveau élevé. On comptait 3,336 millions demandeurs d’emploi sans aucune activité (catégorie A) fin 2021, un chiffre qui s’élevait à 5,659 millions en incluant les demandeurs d’emploi à temps partiel (catégories B et C). C’est le niveau le plus bas atteint depuis fin 2012.
L’Insee comptabilise un « halo autour du chômage », regroupant les personnes qui sont sorties du décompte officiel car elles ne répondent plus aux critères de la définition du chômage au sens du BIT, bien qu’elles soient toujours à la recherche d’un emploi.
Au cours du dernier trimestre 2021, ce nombre repart légèrement à la hausse, revenant au niveau d’avant crise. Ce sont ainsi 1,897 million de personnes inactives qui souhaitent travailler, mais qui ne sont pas considérés comme « chômeurs », faute de remplir les critères du BIT (faire des recherches, être disponible immédiatement).
Une explosion de microentreprises et de la précarité
La baisse du taux de chômage cache aussi l’émergence d’une nouvelle forme de précarité : le travail à la tâche, souvent qualifiée d’« ubérisation de la société », est l’un des principaux marqueurs économiques du quinquennat Macron.
Celui-ci s’est en effet caractérisé par l’explosion de l’autoentreprenariat. En 2021, près d’un million entreprises a été créé, dont 641 000 microentreprises, dont le statut est connu pour son instabilité (un tiers seulement survit au bout de cinq ans), sa faible rémunération (environ 590 euros par mois en moyenne) et sa vulnérabilité (dans certains cas, il s’apparente à de la dissimulation d’emploi salarié, souvent subie).
Autre motif d’inquiétude : malgré la vigueur économique de la reprise post-Covid-19, l’année 2022 pourrait être difficile sur le marché du travail, si l’on en croit l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). Dans une note publiée en octobre 2021, ce dernier craint un ralentissement des créations d’emplois et une remontée du chômage, qui pourrait atteindre 8,2 % de la population active en France : « En 2022, les créations d’emplois seraient moins soutenues et la population active progresserait plus rapidement que l’emploi, ce qui se traduirait par une hausse du chômage (+ 45 000 chômeurs en fin d’année par rapport à fin 2021). Le taux de chômage progresserait ainsi de 0,2 point. »
Emmanuel Macron l’a martelé à plusieurs reprises : les Français doivent « travailler plus ». En dévoilant son programme, jeudi 17 mars, à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis), le président candidat a accordé une place centrale à cet objectif, l’inscrivant dans une volonté plus large de redonner de « l’indépendance » à notre pays. Pour lui, une telle démarche implique de renouer avec le plein-emploi « dans les cinq ans qui viennent » et de reculer de 62 ans à 65 ans l’âge légal de départ à la retraite. Plusieurs de ses ambitions convergent avec des dispositions défendues par Valérie Pécresse, sa rivale du parti Les Républicains (LR) dans la course à la magistrature suprême. Au point que celle-ci l’a accusé de « contrefaçon ».
Durant le quinquennat qui s’achève, le taux de chômage a diminué de 2,1 points, pour s’établir à 7,4 % – soit un ratio très proche du but que s’était fixé M. Macron au commencement de la législature (7 %). Désormais, le chef de l’Etat veut que cet indicateur, encore relativement haut, continue de baisser jusqu’au plein-emploi – un âge d’or révolu depuis le premier choc pétrolier de 1973-1974. Quel pourcentage faut-il atteindre ? Le locataire de l’Elysée ne l’a pas dit.
Ce qui est clair, en revanche, dans son discours, c’est la série de mesures qu’il a l’intention de porter. Premier axe : poursuivre la réforme de l’assurance-chômage. M. Macron souhaite instaurer des règles qui « réincitent encore davantage » à la reprise d’un poste, « chaque fois que la conjoncture s’améliore ». Les modalités n’ont pas été précisées, mais cette idée peut signifier, par exemple, que la durée d’indemnisation serait raccourcie lorsque la croissance s’emballe et stimule les besoins de main-d’œuvre des entreprises. A l’inverse, quand l’activité pique du nez, « on doit mieux protéger celles et ceux » qui sont privés de travail, ce qui pourrait se traduire par un allongement de la période pendant laquelle l’allocation est attribuée.
« France travail » et RSA
Combattre le chômage de masse nécessite également un big bang institutionnel, aux yeux de M. Macron. C’est pourquoi il plaide pour que Pôle emploi se mue en « France travail », par analogie avec France compétences – l’instance créée en 2019 pour coiffer le système d’apprentissage et de la formation professionnelle. Le chef de l’Etat veut « mettre en commun » les moyens et l’expertise détenus par de multiples acteurs du service public : Pôle emploi, donc, ainsi que les missions locales et les collectivités territoriales (les régions, notamment, qui ont des prérogatives en matière de formation continue et de développement économique). Il s’agit d’ouvrir une sorte de guichet unique, où seront accueillis tous ceux « qui ont vocation à revenir à l’emploi », afin de leur proposer un accompagnement : bilans de compétences, stages pour élever son niveau de qualification, etc.
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C’est un coup de tonnerre au Royaume-Uni. Dans la matinée du jeudi 17 mars, P & O Ferries a annoncé le licenciement, avec effet immédiat, de 800 marins britanniques. En France, à Calais (Pas-de-Calais), la direction locale de la compagnie l’a confirmé lors d’un comité social et économique extraordinaire à la mi-journée, a affirmé une source syndicale à l’Agence France-Presse. « La direction nous a lu un communiqué de la direction britannique, nous n’en savons pas plus », a ajouté cette source, soulignant « qu’aucun salarié n’est touché en France ».
Contacté par Le Monde, un porte-parole a déclaré que « dans son état actuel, P&O Ferries n’est pas une entreprise viable ». La firme a subi des pertes croissantes, entre la crise du Covid-19, le Brexit, et désormais la hausse du coût du diesel. La maison mère, DP World, basée à Dubaï, explique n’avoir jamais prélevé de dividendes sur P&O Ferries. « Nous avons subi une perte de 100 millions de livres sterling (118,4 millions d’euros) d’année en année, qui a été couverte par notre société mère. Ce n’est pas soutenable, explique le service communication. Notre survie dépend désormais de changements rapides et significatifs. Sans ces changements, il n’y a pas d’avenir pour P&O Ferries. »
Les préavis de licenciement immédiat ont été adressés aux marins, qui devaient être remplacés par une centaine de marins colombiens et une quarantaine d’intérimaires. « En prenant cette décision difficile, nous assurons la viabilité future de notre entreprise, qui emploie 2 200 personnes et soutient des milliards de dollars d’échanges commerciaux à destination et en provenance du Royaume-Uni, ajoute au Monde le porte-parole britannique. Et nous veillons à pouvoir continuer à servir nos clients. »
Pourtant, mardi 15 mars, sur Twitter, la compagnie de ferries annonçait que vendredi, à partir de 4 heures du matin, toutes les restrictions de voyage liées au Covid-19 seraient supprimées pour tous les voyageurs arrivant en Angleterre. De quoi redonner envie de traverser la Manche. Mais jeudi, à 9 heures, c’est sur ce même réseau social que les clients découvraient ce message laconique : « Malheureusement, les services de P&O Ferries ne peuvent pas fonctionner durant les prochaines heures. Nos équipes portuaires vous guideront et le voyage sera organisé via un opérateur alternatif. »
« Le gouvernement britannique doit agir »
En milieu d’après-midi, un nouveau message précisait que bon nombre de (leurs) services ne fonctionneraient pas au cours des prochains jours. Au port de Calais, selon le quotidien régional La Voix du Nord, l’arrêt du trafic a provoqué des ralentissements et la formation d’une file de camions qui remontait sur la rocade portuaire.
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