Archive dans 2022

Redéfinir le statut du dirigeant

Entreprises. Il faudrait remercier le conseil d’administration de Stellantis (fusion de PSA et Fiat Chrysler) pour une décision qui, en faisant l’unanimité contre elle, a sonné l’alerte. Pouvoirs publics, responsables de l’opposition et observateurs ont jugé que la rémunération du PDG, Carlos Tavares, était choquante et injustifiable.

Même les actionnaires de Stellantis ont émis un avis défavorable. Et, si la question des salaires excessifs des dirigeants est ancienne, la réprobation générale a été si forte que le président de la République s’est prononcé, le 14 avril, pour un encadrement de ces rémunérations à l’échelle européenne.

On peut craindre cependant que l’alerte soit vite oubliée. Les administrateurs de Stellantis ne se sont pas souvenus qu’en 2013 Philippe Varin, alors président du directoire de PSA, avait renoncé à une retraite chapeau qui contrastait de façon inacceptable avec les sacrifices demandés aux salariés. Au-delà de l’indignation du moment, cette réforme aboutira si elle repose sur une conception partagée et responsable du chef d’entreprise.

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Il faut d’abord contester les idées reçues habituelles. Comme l’alignement sur un « prix de marché mondial » élevé du dirigeant, ou l’idée que le talent de ce dernier est la seule cause du succès de son entreprise. En effet, les rémunérations excessives étaient rares dans la deuxième partie du XXᵉ siècle, et pourtant rien ne permet de dire que les dirigeants de l’époque étaient moins talentueux ou moins sollicités.

Seuls les résultats financiers comptent

Les rémunérations ont ensuite explosé dans les années 1990, quand la doctrine actionnariale de l’entreprise est devenue dominante et prescrivait d’aligner la rémunération des dirigeants sur l’intérêt des actionnaires. Au fondement du salaire du dirigeant, il n’y avait plus les multiples responsabilités vis-à-vis des personnels, de l’écosystème de l’entreprise ou des territoires. Seuls comptaient les résultats financiers de l’entreprise.

Mais ces critiques ne suffiront pas. Pour justifier la limitation des salaires des dirigeants – par exemple, à un certain multiple du salaire minimal – plusieurs travaux soutiennent qu’il faut inscrire dans le droit une définition différente du « chef d’entreprise », afin que ses devoirs soient reconnus par statut (Stéphane Vernac, « Que peuvent attendre les travailleurs d’un statut du dirigeant d’entreprise ? », Revue de droit du travail, Dalloz, 2017, page 519). Car le droit ne connaît que le gérant de société, défini comme la personne autorisée à signer des contrats au nom de cette dernière, ou le représentant de l’employeur tenu de respecter le droit du travail…

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Pouvoir d’achat, emploi, industrie… Les défis économiques du nouveau quinquennat d’Emmanuel Macron

Face à une société plus fracturée que jamais, Emmanuel Macron devra conduire des chantiers économiques majeurs pendant son second mandat. Dans un contexte de hausse de l’inflation, alors que la guerre en Ukraine fragilise un peu plus encore les chaînes d’approvisionnement mondiales, il lui faudra préserver le pouvoir d’achat des Français et éviter une reprise du chômage, tout en maîtrisant les finances publiques et en poursuivant les efforts entrepris en faveur de la réindustrialisation du pays. Avec, en ligne de mire, l’impératif d’organiser la transition énergétique et de répondre au défi climatique.

Le spectre de la stagflation

Moins de croissance, une inflation plus forte et plus durable et des perspectives entachées d’une très forte incertitude. C’est le cocktail amer promis par le Fonds monétaire international (FMI) pour l’économie mondiale.

Pour son second mandat, Emmanuel Macron ne devra donc pas compter surfer sur la forte reprise économique constatée en 2021, qui s’est traduite par une progression de 7 % du produit intérieur brut (PIB). La croissance française ne devrait guère dépasser 2,8 % en 2022, et encore grâce à la vitalité du début d’année, quand la Russie n’avait pas encore attaqué l’Ukraine et provoqué une flambée des coûts de l’énergie et de certaines matières premières.

L’inflation, qui a atteint 7,4 % dans la zone euro en mars, est contenue pour le moment à 4,5 % en France grâce aux mesures prises par l’exécutif. Mais elle pourrait atteindre 5 % à moyen terme. « On s’oriente de plus en plus vers un conflit durable en Ukraine, argumente Bruno De Moura Fernandes, responsable de la recherche macroéconomique chez Coface. Mécaniquement, les tensions inflationnistes vont rester élevées sur les prochains trimestres. »

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La Banque centrale européenne (BCE) n’aurait alors d’autre choix que de relever les taux directeurs, une décision qu’elle n’a pas encore prise. « Si j’augmente les taux d’intérêt aujourd’hui, cela ne fera pas baisser le prix de l’énergie », car « 50 % de l’inflation est liée aux prix de l’énergie », a déclaré la présidente de l’institut monétaire, Christine Lagarde, dimanche 24 avril, dans un entretien accordé à la chaîne américaine CBS.

La question est de savoir combien de temps la BCE pourra tenir cette position, alors que d’autres instituts monétaires dans le monde ont commencé à relever leurs taux. Le scénario stagflationniste, selon M. De Moura Fernandes, « semble inévitable, surtout si des sanctions plus dures sont prises contre la Russie, notamment un embargo sur le gaz russe ».

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Profession charpentier : le métier « le plus recherché de France » attire de nouveaux profils

L’atelier est saturé par le bruit des scies circulaires. Dotés de protections auditives professionnelles et d’une grande capacité de concentration, dix-huit apprentis charpentiers planchent sur la miniature d’un toit de maison. Penchés sur des panneaux posés à même le sol, ils dessinent avec précision les volumes de l’édifice, ainsi que les caractéristiques des pièces de bois qui le composent. Luc Mabire, formateur charpentier à la maison de l’apprentissage de Gennevilliers (Hauts-de-Seine), sourit face à notre perplexité : « Les non-initiés ne peuvent pas comprendre. Les charpentiers ont leur propre langage. La tradition du tracé dans la charpente française est inscrite au Patrimoine culturel immatériel de l’humanité de l’Unesco. Enseigner cet art, c’est magique. » Le pratiquer est loin d’être évident.

Rita Beillevaire, 30 ans, a quitté son travail d’urbaniste pour passer un CAP charpentier : « J’avais envie de renouer avec la matière. La formation est beaucoup plus complexe que ce que je croyais, c’est extrêmement technique. » Duncan Driffort, 25 ans, fraîchement diplômé en architecture, partage son constat : « Les charpentiers sont loin d’être des bourrins. Le métier demande de solides compétences en géométrie. Même après cinq ans d’architecture, je ne suis pas à l’aise avec le dessin technique pratiqué ici. »

« Du boulot par-dessus la tête »

A Gennevilliers, les profils des inscrits au CAP charpentier sont variés – les élèves ont entre 24 ans et 48 ans, ils étaient cuisinier, ingénieur ou encore journaliste avant de répondre à l’appel du bois. Tous affichent la même détermination lorsqu’ils évoquent leur reconversion dans la charpenterie. « La charpente, c’est du solide. Ce qu’on construit sera encore là dans cent ans. On travaille pour les générations futures. Il n’y a pas d’obsolescence dans une charpente », souligne Luc Mabire. Compagnon du devoir depuis près de trente ans, le formateur voit affluer de plus en plus d’aspirants charpentiers : « En trois ans, on a triplé les effectifs à la maison de l’apprentissage. J’ai 90 élèves cette année, il y a un vrai engouement pour des métiers manuels, une volonté de retour au concret. »

Parmi les élèves, Pierre Boulanger, comédien et réalisateur de 34 ans, s’est ainsi tourné vers la charpenterie, « dans une démarche de revalorisation de l’artisanat français et pour avoir la possibilité de trouver du travail rapidement sans dépendre du désir des autres, comme dans le cinéma ». Il ne croit pas si bien dire : malgré l’afflux de candidats, la profession reste particulièrement en tension. En 2021, plus de 83 % des entreprises du secteur peinent à recruter. Pôle emploi classe le métier de charpentier bois en première position de sa liste.

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L’argot de bureau : la « disruption », pas si révolutionnaire

Depuis une petite dizaine d’années, l’un des mots d’ordre des dirigeants (économiques, et certains, politiques) est de « disrupter », pour ne pas se faire « disrupter ».

« Chez Work’ Innoveo, nous avons eu une vision pour demain » : il a suffi d’une phrase du directeur de l’innovation de ce cabinet de conseil en management imaginaire pour conquérir son audience. Arrivé sur scène équipé d’un casque de réalité virtuelle, il poursuit : « Pourquoi vouloir ménager ses équipes, respecter ses collaborateurs, pourquoi ne peut-on jamais exprimer toute la frustration que l’on ressent au bureau ? »

« Renversons la table avec ce petit casque : dans le métavers, ce champ virtuel de tous les possibles, vous pourrez agresser verbalement et physiquement tous les collègues que vous détestez, mettre le feu aux ordinateurs, sans aucune conséquence dans la vraie vie ! Le résultat ? Des équipes apaisées. Est-ce une simple nouveauté ? Non, simplement la clé d’un management qui déménage sans ménagement, une révolution disruptive ! »

Depuis une petite dizaine d’années, l’un des mots d’ordre des dirigeants (économiques… et certains, politiques) est de « disrupter », pour ne pas se faire « disrupter ». Cet anglicisme, acclamé ou moqué, désigne les nouveaux modes de fonctionnement des entreprises en croissance : grosso modo, c’est ce que l’on peut qualifier d’« innovation de rupture », en gestion.

Court-circuit

Pour comprendre cet esprit de rupture, il faut se tourner vers la physique : dans le champ lexical de l’électricité, une « force disruptive » est une décharge électrique soudaine, qui s’accompagne d’une étincelle. C’est un court-circuit.

Il suffira d’une étincelle pour allumer un secteur tout entier : une idée, donc, accompagnée d’un business model structuré, qui prend le contre-pied des conventions. Le publicitaire Jean-Marie Dru a défini le concept en 1992, mais le professeur américain Clayton Christensen l’a théorisé en 1997 en sciences de gestion. L’innovation incrémentale, qui permet d’améliorer les produits qui existent déjà de manière continue, est trop coûteuse.

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L’invention de nouveaux codes est donc au cœur du concept : dans chaque secteur, une entreprise choisit d’aborder le marché par le bas, de se servir des nouvelles technologies pour proposer des produits ou des services moins chers ou délaissés par les acteurs historiques.

Uber, Airbnb, Lydia, Doctolib

Ils démocratisent une pratique, et finissent par écraser les mastodontes passés pour rafler la mise. Les exemples sont bien connus : Uber a « disrupté » les taxis, Airbnb le marché de l’hôtellerie, et les jeunes pousses françaises savent qu’elles ont mis la main sur leur domaine quand « faire un Lydia » ou « prendre un rendez-vous sur Doctolib » deviennent des phrases du quotidien.

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Pâtissier, fromager, apiculteur, ébéniste… Se reconvertir dans un métier manuel, du fantasme à la réalité

Un élève en formation boulangerie, en France.

Ici le sourire photogénique d’un responsable marketing devenu pâtissier ; là une jeune ingénieure qui a « enfin trouvé du sens en plaquant tout » pour se transformer en apicultrice ; là-bas un ancien comptable penché sur son atelier flambant neuf de céramiste… Depuis une dizaine d’années, on ne compte plus, dans la presse, les médias et les présentoirs des libraires, les dizaines d’histoires « belles » et « inspirantes » de reconversion radicale réussie de jeunes « cadres sup » dans des métiers manuels et artisanaux. Mais ces récits de virage professionnel laissent souvent de côté les difficultés rencontrées et les parcours de reconversion plus tortueux.

« Les reconversions dans l’artisanat sont devenues sexy, ça a dû jouer dans mon envie de sauter le pas. Mais je crois que j’ai finalement eu un peu peur de suivre la mode », dit en souriant Fiona Cohen. Cette Parisienne de 29 ans s’était engagée dans un CAP ébénisterie au lendemain du premier confinement de 2020. En cause l’envie de changer d’air, d’ajouter à son quotidien un « supplément d’âme ». Et puis le télétravail « avait accentué les côtés négatifs » de son poste de directrice de production dans le cinéma d’animation. Passionnée de couture et de bricolage, elle est partie la fleur au fusil. « Je me disais que je pouvais en faire mon métier, pour construire des tiny houses par exemple… »

« Mieux affirmer ses envies »

Quelques stages plus tard, Fiona Cohen a dû se rendre à l’évidence : les ébénistes passionnés rencontrés « travaillaient souvent énormément, avec des horaires bien plus contraignants que les miens, pour gagner deux fois moins ». « Et je ne crois pas que je souhaite travailler plus qu’aujourd’hui. J’ai envie d’avoir des enfants un jour, de leur consacrer du temps… », explique-t-elle. Aujourd’hui de retour dans son secteur initial, mais à temps partiel pour continuer de travailler le bois pour son plaisir, pas une seconde elle ne jugerait négativement cette expérience qui lui a permis « de recentrer [sa] place dans son travail, et d’apprendre maintenant à mieux affirmer [ses] envies dans les missions qui [lui] sont confiées » et dans lesquelles elle retrouve du plaisir.

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Dans ses pérégrinations vocationnelles, Fiona a été accompagnée par l’organisme de formation Primaveras, spécialisé dans les reconversions professionnelles. Son cofondateur et professeur à Centrale Supélec, Laurent Polet, rappelle que « les métiers de l’artisanat, vers lesquels 15 % à 20 % de nos élèves souhaitent se diriger, véhiculent une forte symbolique et des fantasmes ». Notamment auprès des plus diplômés, dont les emplois « peuvent être plus marqués qu’avant par une dimension très abstraite, ou intellectuelle, déconnectée du réel. Ce qui est susceptible de faire surgir chez eux des envies de concret… »

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Justice : un chômeur en formation professionnelle n’est pas un consommateur

Le droit de la consommation est bâti sur l’idée que le consommateur se trouve en situation d’infériorité par rapport au professionnel avec lequel il contracte. Il contient donc des dispositions plus favorables à cette « partie faible » que le droit commun des contrats ou d’autres droits spéciaux. Reste à savoir qui peut en bénéficier : un demandeur d’emploi souscrivant un contrat de formation professionnelle est-il un consommateur ? Telle est la question que pose l’affaire suivante.

Le 10 septembre 2016, Odile X, préparatrice en pharmacie, dont le contrat touche à sa fin, décide de se reconvertir à la naturopathie. Elle signe un contrat de formation avec la société Lomberget, qui exerce sous l’enseigne Ecole de naturopathie appliquée et de médecine non conventionnelle, afin de suivre ses cours pendant deux ans, un week-end sur deux. Le coût total s’élève à 7 700 euros (soit, arithmétiquement, 148 euros par week-end), pris en charge à hauteur de 800 euros par Pôle emploi.

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Las, Odile X ne suit que dix cours, car le lieu de la formation est « plus éloigné que prévu, non chauffé, sale », et son contenu « inadapté ». Arithmétiquement, elle ne doit que 1 480 euros. Mais lorsque, le 1er février 2017, elle résilie son contrat, la société lui réclame 3 500 euros, somme qui comprend une clause de dédommagement, du fait qu’elle a annulé sans « raison de force majeure », telle qu’un accident grave.

Cadre professionnel

Dans le détail, la société réclame : 2 310 euros d’acompte ; plus 944 euros pour les dix cours (soit un sous-total de 3 254 euros) ; plus 1 333 euros, somme correspondant à 30 % du « montant restant dû » (4 446 euros) pour atteindre le coût total de 7 700 euros. Mme X refuse de payer.

Le 7 mars 2019, elle est assignée devant le tribunal d’instance de Dôle (Jura). Son avocat soutient qu’au regard du code de la consommation, l’action de Lomberget est prescrite et la clause de dédommagement abusive, donc interdite. Il assure que le délai pour saisir la justice était de deux ans à partir de la résiliation. L’article L218-2 dit en effet que « l’action des professionnels, pour les biens ou les services qu’ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans ». Et que le contrat aurait dû permettre une annulation pour « motif légitime et impérieux », sans pénalité, comme l’a déjà jugé la Cour de cassation (11-27.766 et 15-25.468).

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Le tribunal lui donne tort, le 5 septembre 2019 : il juge que le contrat n’est pas soumis au code de la consommation. En effet, comme le précise ce dernier dans son article liminaire, un consommateur est une personne physique qui n’agit pas à des fins professionnelles. Or, Mme X « a agi dans un cadre professionnel ». La prescription est donc celle, quinquennale, du droit commun, et le régime des clauses abusives ne s’applique pas.

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Chez Just Eat Takeaway, un premier plan social en vue

Un livreur de Just Eat Takeaway, à Nice, en février 2021.

C’est la douche froide pour les livreurs salariés de la filiale française de Just Eat Takeaway. En janvier 2021, la société avait annoncé en fanfare l’embauche de 4 500 livreurs salariés, en vantant un « modèle de livraison plus responsable », quand ses concurrents recourent, eux, à des autoentrepreneurs. Quinze mois plus tard, alors que l’effectif n’est plus que de 800 salariés, Just Eat a, jeudi 21 avril, précisé son projet de plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) au cours de la première réunion du comité social et économique (CSE) de cette procédure.

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La suppression de 269 postes de livreurs et d’une trentaine d’emplois dans les fonctions support est envisagée. Contactée, la direction justifie ce PSE par « le contexte ultraconcurrentiel [de son marché] et la recherche d’un équilibre financier, afin de garantir une croissance responsable et durable ». Dans sept villes (Paris, Lyon, Marseille, etc.), des salariés continueront à travailler. Dans les vingt autres, « des solutions alternatives » seront mises en place, non précisées par la direction, mais que les syndicats imaginent parfaitement, puisqu’elles coexistent déjà : les propres coursiers des restaurants et ceux de Stuart, la filiale de La Poste, qui recourt à des autoentrepreneurs. Les syndicats, qui avaient déjà dénoncé « les mauvaises conditions de travail et les bas salaires » des livreurs, qui entraînent un fort turnover, ne décolèrent pas.

« Mauvaise qualité de service » à tous les niveaux

Just Eat, qui s’est lancé, en France, fin 2020, aurait perdu « 350 millions d’euros en 2021 », selon Jérémy Graça, délégué syndical FO, première organisation devant la CGT. « Mi-2021, [elle a procédé à] une série de licenciements individuels» Pour M. Graça, « Just Eat perdait beaucoup de clients à cause d’une mauvaise qualité de service » à tous les niveaux : algorithme non performant, retards dans les livraisons par manque de coursiers, etc.

De plus, pour M. Graça, Just Eat n’a pas pris en compte le caractère saisonnier de la livraison et la réouverture des restaurants en juin 2021. Et a voulu « aller trop vite en ouvrant en deux ou trois mois dans 27 villes ». « C’est une erreur stratégique », conclut-il.

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Ludovic Rioux, délégué syndical CGT, estime qu’il « est facile d’afficher des pertes quand il y a eu des investissements énormes ». « Cela ne veut pas dire qu’on est au bord du gouffre. Le groupe a fait un chiffre d’affaires de 5,3 milliards d’euros en 2021, en hausse de 33 % ! On nous présente des pertes en France, mais on ne veut pas nous dire combien la filiale française a perçu du groupe, quelle somme elle a fait remonter au groupe, quelle est la rémunération des actionnaires… C’est se moquer des salariés. »

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L’intérim en hausse de 13,2 % sur un an, mais en recul de 2,4 % sur un mois

Ce matin, comme tous les autres, Gilles Cavallari a écouté attentivement les dernières informations à la radio. Entre la guerre en Ukraine et les rebondissements de la pandémie, le président de Samsic Emploi tente de prédire de quoi sera fait l’avenir des quelque 20 000 salariés employés chaque jour par sa société de travail temporaire. « L’intérim est la première variable d’ajustement des variations de l’activité », rappelle le dirigeant.

Indicateur avancé du marché de l’emploi, l’intérim semblait sorti de la crise en ce début d’année. Les entreprises de travail temporaire ont enregistré un pic de 14 % de recrutements supplémentaires en janvier et de 13,2 % en février, par rapport aux mois équivalents en 2021, indique le baromètre Prism’emploi publié le 14 avril, la fédération des professionnels du secteur. Soit 89 130 équivalents temps plein (ETP) supplémentaires sur un an, pour un total de 762 500 intérimaires.

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En raison de la normalisation de la situation sanitaire, le commerce (+ 20,9 %) et les services (+ 16,8 %) ont été les secteurs qui ont connu la reprise la plus vigoureuse, suivis par l’industrie (+ 16,3 %). Après des mois de quasi-stagnation, due au coût des matériaux et aux difficultés d’approvisionnement, le BTP a connu une hausse timide (+ 4,4 %).

Attentisme

Encourageante, l’évolution de ces derniers mois « ne saurait toutefois présager des tendances à venir, compte tenu des incertitudes géopolitiques et économiques actuelles », prévient Prism’emploi. Les statistiques du ministère du travail en comparaison d’un mois sur l’autre indiquent un léger tassement également en février, mais par rapport à janvier : après six mois consécutifs de hausse, le nombre d’intérimaires a baissé pour la première fois de 2,4 %. « La tendance reste haussière, mais on observe un tassement », constate Gilles Cavallari. De l’avis de ce spécialiste de l’intérim, la guerre en Ukraine et la menace nucléaire ont incité les entreprises à se réfugier dans l’attentisme, « même si la situation semble se normaliser ».

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D’autres facteurs ont pu vider les carnets de commandes : « Le coût des matériaux et la flambée du Covid-19 en Chine, qui a un impact sur toute la chaîne d’approvisionnement ; sans oublier la grippe aviaire », énumère le président de Samsic Emploi. Dans les Deux-Sèvres, 200 intérimaires se sont retrouvés sur le carreau en avril du fait de la réduction drastique des approvisionnements vers les abattoirs, nous apprend Ouest-France.

« Il suffit qu’un sous-traitant soit touché pour que toute la chaîne d’approvisionnement en pâtisse », confirme Alexandre Pham. Le président de la société d’intérim Mistertemp’constate aussi que les répercussions de la guerre en Ukraine se font sentir sur l’activité, mais « de façon très ciblée » : le secteur automobile, qui souffrait déjà de la pénurie de composants en provenance d’Asie, « est quasiment à l’arrêt », dit-il.

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Sous pression occidentale, la Chine renonce officiellement au travail forcé

Les bonnes nouvelles en matière de droits de l’homme en provenance de Chine ne sont pas légion. Aussi faut-il relever que, le mercredi 20 avril, Pékin a annoncé approuver la ratification des deux conventions fondamentales de l’Organisation internationale du travail (OIT) interdisant le recours au travail forcé. Il y a en tout huit conventions fondamentales de l’OIT. Le pays de Xi Jinping avait déjà ratifié les deux textes sur le travail des enfants et les deux sur la discrimination. Reste la ratification de deux conventions sur la liberté syndicale qui, elle, n’est malheureusement pas à l’ordre du jour.

« En approuvant ces ratifications, la Chine renforce son engagement à éliminer toutes les formes de travail forcé dans sa juridiction, à appliquer la liberté de travail pour son 1,4 milliard d’habitants et à respecter les principes et droits fondamentaux au travail de l’OIT », explique l’organisation. La première convention (no 29) interdit l’utilisation du travail forcé sous toutes ses formes et exige que ces pratiques deviennent des infractions pénales. La seconde (no 105) demande spécifiquement l’abolition immédiate du travail forcé ou obligatoire dans cinq circonstances spécifiques.

Ces conventions entreront en vigueur un an après le dépôt de leurs instruments de ratification auprès de l’OIT. « Cette démarche démontre le soutien ferme de la Chine aux valeurs de l’OIT et reflète son engagement à protéger tout travailleur, homme ou femme, contre le piège des pratiques de travail forcé, qui n’ont ni place ni justification dans le monde d’aujourd’hui », s’est félicité dans un communiqué l’ancien responsable syndical britannique Guy Ryder, actuel directeur général de l’OIT.

Préalable explicite

Etonnamment, cette ratification s’est presque faite en catimini. Les médias chinois l’évoquent à peine. « Depuis plus de dix ans, la Chine travaille dur pour améliorer ses propres lois destinées à protéger le droit du travail. Par exemple, elle a maintenant une loi sur le travail, une loi sur le contrat de travail et une loi sur la médiation et l’arbitrage de contentieux liés au travail », explique Cao Yan, un juriste, dans le Global Times du 21 avril. Pour ce journal chinois, cette ratification a « peu » à voir avec d’éventuelles pressions occidentales.

Pourtant, le calendrier semble indiquer le contraire. La ratification des conventions de l’OIT constitue un préalable explicite à la mise en œuvre par l’Union européenne (UE) de l’accord global sur les investissements conclu entre la Chine et l’UE fin décembre 2020, mais jamais entré en vigueur. « Nous ne pouvons que nous féliciter de cette ratification. Elle était nécessaire. Mais elle n’est pas suffisante. Entre-temps, l’imposition de sanctions chinoises à l’encontre de parlementaires européens rend impossible la ratification de l’accord par le Parlement », note un diplomate européen à Pékin.

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Scopelec, le sous-traitant d’Orange, prépare le licenciement économique de 800 salariés

Des employés de Scopelec manifestent à Paris, le 7 avril 2022.

En difficulté depuis la perte d’un gros contrat avec l’opérateur historique de télécoms, le sous-traitant d’Orange, Scopelec, prépare un plan social qui pourrait conduire au licenciement économique de 800 personnes, a fait savoir l’entreprise jeudi 21 avril, confirmant une information du Figaro.

« La direction a fait part du projet de réunir les partenaires sociaux dans les prochains jours pour préparer la mise en place d’un PSE [plan de sauvegarde de l’emploi] qui concernerait 800 emplois » sur 3 600, a déclaré un porte-parole de l’entreprise – la première coopérative de France en nombre de salariés. Une manifestation de salariés de Scopelec doit se tenir jeudi place de la Bastille, à Paris.

L’entreprise assurait pour Orange la pose de la fibre optique et l’entretien du réseau cuivre, dans le cadre d’un contrat arrivé à son terme à la fin de mars, et qui représentait 40 % de son chiffre d’affaires estimé à 475 millions d’euros en 2021.

Le sous-traitant, qui a été notifié à la mi-novembre de la perte de ce contrat, estime n’avoir eu aucun signe avant-coureur d’Orange sur la perte du volume d’affaires, et ne pas avoir eu le temps de s’y préparer.

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Eviter « un des plus lourds plans sociaux »

Depuis novembre où 1 800 emplois menacés étaient évoqués, « 700 personnes ont soit été reclassées en interne, soit sont parties dans d’autres entreprises qui ont gagné les marchés, soit ont quitté le domaine même des télécoms », a poursuivi le porte-parole de Scopelec.

Les salariés associés de l’entreprise ont publié jeudi dans plusieurs journaux une lettre ouverte aux candidats à la présidence, Emmanuel Macron et Marine Le Pen, ainsi qu’aux candidats aux élections législatives, les appelant à agir pour éviter « un des plus lourds plans sociaux qu’ait connus la France depuis des mois ».

L’entreprise, en procédure de sauvegarde depuis un mois, demande qu’Orange l’« accompagne réellement dans [sa] restructuration sociale » et finance une partie du PSE, et que l’Etat actionnaire « joue le rôle d’arbitre impartial ».

Elle compte faire appel de la décision rendue vendredi 15 avril par le juge des référés du tribunal de commerce de Paris, qui l’avait déboutée de sa demande de prolongation du contrat avec Orange, et « va également assigner Orange sur le fond car la rupture des contrats commerciaux ne nous paraît pas avoir respecté les règles du droit commercial », a-t-elle expliqué.

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Le Monde avec AFP