Archive dans 2022

« Nos entreprises prisonnières d’une époque révolue nourrissent un sentiment d’absurdité chez un nombre croissant de travailleurs »

« Donner du sens au travail. » Quoi qu’on en dise, les employeurs ne s’en soucient qu’en minorité et en surface. Même les entreprises qui ont fait l’effort de formuler leur « raison d’être » passent à côté de l’essentiel : le retour des enjeux vitaux, véhiculé notamment par la violence climatique et la précarité des ressources.

À l’exception de quelques actions de sobriété déclenchées par la flambée des prix de l’énergie, le quotidien des employés n’a pas changé durant ces dernières années. La hiérarchie des priorités qu’on leur donne est étonnamment stable. Les indicateurs jugés clés restent les mêmes.

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Les projets internes, les procédures, les outils, les formations… rien de tout cela n’a évolué fondamentalement. En réalité, nos organisations restent prisonnières d’une époque révolue, et nourrissent ainsi un sentiment d’absurdité chez un nombre croissant de travailleurs. Comment expliquer une telle inertie ? Et surtout, comment en sortir pour redonner du sens ?

Du problème de l’obsolescence individuelle

Beaucoup a été dit sur les causes de cette inertie, et il n’est pas question ici de toutes les passer en revue. J’insisterai sur l’une d’entre elles, passée sous silence malgré son caractère déterminant dans les organisations productives. Les projecteurs sont aujourd’hui braqués sur les menaces environnementales et industrielles. Ce choix est compréhensible, mais il laisse dans l’ombre une autre menace : l’obsolescence individuelle.

Pour en mesurer le poids, il faut tout d’abord considérer que chacun de nous a longuement et lourdement investi pour acquérir un savoir-faire. Ce savoir-faire est un ensemble de solutions dont la valeur dépend de la persistance des problèmes qu’il permet de résoudre. Autrement dit, notre existence en tant que producteur dépend entièrement des problèmes qui nous ont vu mûrir.

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Agir vigoureusement en faveur du climat et de la sécurité des approvisionnements revient à abandonner les problèmes passés, donc à dévaluer brutalement les solutions que nous incarnons… Il est vrai que d’autres avant nous ont vécu l’obsolescence individuelle, mais à un moment donné de l’histoire ils n’étaient qu’une minorité dominée.

Le danger du statu quo

Dans le cas présent, la menace concerne un nombre écrasant de décideurs et d’« influenceurs », c’est-à-dire les ingénieurs, les cadres, les professeurs et autres têtes pensantes à l’origine de ce qui structure la vie quotidienne des organisations.

De surcroît, ces acteurs se tiennent les uns les autres. Nous sommes tous entourés de patrons, de clients, d’actionnaires… bref de donneurs d’ordre. Prendre seul l’initiative de sortir de l’immobilisme revient à faire sécession. Cela implique de dire aux donneurs d’ordre : « vos préoccupations anciennes sont dérisoires ». Le verrouillage est systémique !

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« Pour les grands groupes européens, partager les risques avec leurs sous-traitants est la seule manière de s’assurer des approvisionnements stables »

L’envolée des prix de l’énergie en Europe va-t-elle aboutir à une grande migration des industries intensives en énergie vers des cieux où les tarifs énergétiques sont plus bas ? L’explosion actuelle des prix est en train de mettre en difficulté de nombreux secteurs d’activité. L’Allemagne est frappée de plein fouet. En France, des sociétés comme Duralex ou Arc, dans le secteur de la verrerie, ont d’ores et déjà réduit leur production. La métallurgie est globalement à la peine. Partout, en Europe, des aciéries sont mises à l’arrêt.

Certaines de ces industries vendent directement aux consommateurs mais, en réalité, les premiers acheteurs de verre, d’acier, de pièces métalliques ou d’autres productions gourmandes en énergie sont les grands groupes européens du bâtiment, de l’aéronautique, de l’automobile, de l’agroalimentaire…

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Face à la hausse brutale des prix de l’énergie en Europe, et donc des coûts de production de leurs sous-traitants habituels, ces acteurs majeurs de l’économie vont-ils se tourner vers d’autres fournisseurs, recourir par exemple à des producteurs américains qui bénéficient aujourd’hui d’une électricité à demi-tarif, ou à des entreprises asiatiques ou sud-américaines, également moins touchées par la hausse des prix de l’énergie ?

De l’intérêt à se montrer solidaires de ses fournisseurs

Même si le coût du transport peut freiner les velléités de changement de fournisseur, l’optimisation des achats est un réflexe naturel dans les grands groupes, d’ordinaire sans grands états d’âme pour leurs sous-traitants. Pourtant, les donneurs d’ordre européens peuvent avoir intérêt à se montrer solidaires de leurs fournisseurs, comme le montre l’étude de certaines pratiques pendant la pandémie de Covid-19 (Philipp Sauer, Minelle Silva et Martin Schleper, « Supply chains’sustainability trajectories and resilience : a learning perspective in turbulent environments », International Journal of Operations and Production Management, vol. 42, n° 8, 2022).

Les rares grands groupes qui, pendant la période de crise sanitaire, ont « joué collectif », prenant en compte non seulement leurs actionnaires et leurs salariés, mais aussi leurs fournisseurs, y compris lointains, ont en effet été gagnants au bout du compte. En les soutenant, grâce à leur puissance financière, ils ont permis à ces sous-traitants de traverser l’épreuve avec moins de casse, et cela a amélioré leur propre résilience au moment où l’économie est repartie.

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Ceux qui avaient « lâché » leurs fournisseurs du bout du monde, les contraignant à licencier leur personnel sans indemnisation pendant les confinements, se sont trouvés pour leur part très dépourvus lorsque a sonné l’heure de la reprise. Les salariés de ces fournisseurs s’étaient évaporés dans leurs régions d’origine, emportant avec eux leur savoir-faire. La conjoncture est aujourd’hui différente.

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Dominique Méda : « L’exécutif a une conception obsolète des politiques d’emploi »

Conformément aux annonces du candidat Emmanuel Macron lors de la campagne présidentielle en 2022, les trois réformes sociales à l’agenda du second quinquennat (assurance-chômage, RSA et retraites) sont lancées. La première entrera sans doute en vigueur fin 2022, la seconde fera l’objet d’une expérimentation dès janvier 2023, la troisième est en phase de concertation. Mais, alors qu’elles sont censées moderniser et dynamiser l’emploi et le marché du travail, on peut légitimement se demander si ces mesures, en particulier les deux premières, ne relèvent pas d’une conception obsolète des politiques d’emploi.

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Les réformes de l’assurance-chômage et du RSA sont toutes deux guidées par l’idée que les allocataires sont, sinon des fraudeurs – les sources administratives montrent qu’il s’agit d’un phénomène très minoritaire –, du moins des calculateurs qu’il faudrait « inciter » à prendre des emplois en réduisant le montant et/ou la durée de leurs allocations ou en exigeant d’eux des contreparties. Ce raisonnement est peu convaincant. De nombreux bénéficiaires potentiels ne réclament pas les prestations auxquelles ils sont éligibles, le nombre des chômeurs indemnisés est en forte diminution, les emplois vacants sont trop peu nombreux pour satisfaire toutes les demandes, et les difficultés de recrutement concernent en partie des postes dont les conditions de travail et d’emploi ne sont pas de bonne qualité.

De surcroît, nous avons aujourd’hui un recul suffisant pour voir que ces politiques, à la mode au tournant des années 2000 et mises en œuvre par Tony Blair au Royaume-Uni ou par Gerhard Schröder en Allemagne, ont certes donné des résultats spectaculaires en matière de taux de chômage mais se sont accompagnées d’une extension de la pauvreté (y compris des seniors) et d’une forte dégradation de la qualité de l’emploi. En Allemagne, les lois Hartz, qui ont organisé la réduction de la couverture chômage et fusionné l’indemnité chômage et l’allocation d’assistance pour obliger les chômeurs de longue durée à prendre des emplois à bas salaire, ont donné des résultats très mitigés.

Gigantesque gâchis

Est-ce vraiment la politique de l’emploi dont nous avons besoin et qui convient à notre temps ? Sans doute pas. D’abord, parce qu’elle fait porter le poids des choix publics et privés français – celui des délocalisations et de l’insuffisance d’investissement dans les compétences – sur des salariés transformés dans un premier temps en chômeurs, ensuite en demandeurs d’aide sociale et peu à peu stigmatisés ou désignés comme « assistés ». Ensuite, parce que ce malheur et cette injustice, vécus majoritairement par les classes populaires, provoquent ressentiment et vote pour les extrêmes. Enfin, et surtout, parce que cette politique constitue un gigantesque gâchis de compétences, compétences dont nous avons pourtant besoin pour la reconstruction de notre économie.

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Pénurie de carburants, en direct : 28,5 % des stations françaises « en difficulté »

Rassemblement à la raffinerie TotalEnergies de Donges, en soutien aux grévistes

Un rassemblement à l’appel de la CGT et de FO a réuni quelque 200 personnes, principalement des salariés, des représentants syndicaux et des élus, devant la raffinerie TotalEnergies de Donges (Loire-Atlantique), vendredi matin, pour soutenir le personnel de cette raffinerie en grève depuis mardi, a constaté l’Agence France-Presse (AFP).

« Il n’y a pas de blocage (…). Les seuls qui bloquent aujourd’hui, c’est la direction de Total (…). La pénurie, c’est pas les travailleurs en grève qui la causent », a insisté David Arnould, délégué syndical CGT à la raffinerie de Donges.

« C’est quoi, la réalité d’un opérateur en trois-huit ? C’est des horaires décalés, c’est bosser le week-end, c’est bosser la nuit. C’est être exposé de manière continue à des produits chimiques », a énuméré au micro M. Arnould.

Des salariés de la raffinerie, des représentants syndicaux de plusieurs entreprises de la région de Saint-Nazaire (Chantiers de l’Atlantique, Airbus, centrale thermique de Cordemais) étaient présents, ainsi que des membres du collectif Alliance écologique et sociale.

Des élus avaient également fait le déplacement, à l’instar du député La France insoumise de Loire-Atlantique, Matthias Tavel.

« Cette grève, c’est une grève d’intérêt général. Tout le monde sait que si les salariés de Total ne gagnent rien, alors aucun salarié dans le pays ne gagnera, parce que s’il y a bien une entreprise qui peut augmenter les salaires, c’est Total », a déclaré à l’AFP M. Tavel.

Des syndicalistes et des employés en grève devant le site de la raffinerie TotalEnergies de Donges, le 14 octobre 2022.

« L’économie française ne dispose pas des compétences nécessaires à l’accroissement de sa productivité »

On lit parfois que la productivité du travail en France est élevée : ce constat n’est pourtant plus d’actualité, bien au contraire. Les données d’une récente note du Conseil d’analyse économique révèlent un ralentissement marqué depuis une quinzaine d’années par rapport à l’Allemagne et aux Etats-Unis. Alors qu’au milieu des années 2000 la productivité du travail en France était plus élevée qu’aux Etats-Unis et au même niveau qu’en l’Allemagne, quinze ans plus tard, le tableau n’est plus si rose : la productivité du travail en France a décroché, et nous sommes désormais distancés à la fois par l’Allemagne et par les Etats-Unis.

Quelle est l’ampleur du problème ? Pour s’en rendre compte, supposons que le décrochage n’ait pas eu lieu et que la France ait maintenu sa productivité relative par rapport à l’Allemagne et aux Etats-Unis. Dans ce cas, selon nos estimations, le produit intérieur brut (PIB) de la France en 2019 aurait été supérieur de 140 milliards d’euros. C’est là un immense manque à gagner pour le pouvoir d’achat des Français, mais aussi pour les finances publiques, qui engrangeraient 65 milliards de recettes fiscales supplémentaires chaque année si la productivité n’avait pas décroché.

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Ce résultat va à rebours d’un discours encore assez fréquent selon lequel la faiblesse du taux d’emploi en France serait l’alpha et l’oméga des problèmes structurels de notre économie. En fait, les enjeux macroéconomiques du ralentissement de la productivité et de la faiblesse du taux d’emploi sont très similaires. Par exemple, si en 2019 le taux d’emploi en France avait atteint celui de l’Allemagne, c’est-à-dire environ 10 points plus élevé, alors le PIB aurait augmenté d’environ 120 à 170 milliards d’euros (selon la méthodologie retenue), soit un effet proche de celui d’une meilleure productivité. Conclusion : il est au moins aussi important de faire accélérer la productivité que d’augmenter le taux d’emploi.

Dégradation en maths

Pourquoi la productivité connaît-elle un tel ralentissement en France ? L’analyse empirique montre que ce n’est pas le fait d’un petit nombre de secteurs d’activité. Tous y contribuent, y compris l’industrie, la construction, le commerce et les services qualifiés. De même, on ne peut pas dire que certaines catégories d’entreprises expliquent la tendance – les TPE-PME, ETI et grandes entreprises y contribuent.

Si tous les secteurs et toutes les entreprises voient leur productivité décrocher, d’où vient alors le problème ? Notre analyse identifie le « capital humain » comme le facteur principal, selon deux aspects : d’une part, de mauvaises compétences mathématiques et sociocomportementales (la capacité à travailler en équipe, à négocier, à gérer des ressources) ; d’autre part, une insuffisante orientation des jeunes vers les métiers d’avenir, notamment les filières scientifiques.

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Réforme des retraites et taux d’emploi des seniors : état des lieux en quatre infographies

Reçus à Matignon jeudi et vendredi, les chefs des groupes parlementaires ont campé sur leurs positions lors de leurs discussions avec Elisabeth Borne au sujet de la future réforme des retraites, sur fond de tensions sociales grandissantes. Parallèlement, syndicats et patronat étaient invités vendredi au ministère du travail pour y discuter « taux d’emploi des seniors et usure professionnelle ».

Le faible taux d’emploi des seniors en France, qui reste inférieur à la moyenne européenne, est souvent brandi comme un argument contre la réforme des retraites du gouvernement, qui envisage de relever l’âge de départ à 64 puis 65 ans d’ici à 2031, pour assurer l’équilibre financier du régime.

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Pour favoriser le retour à l’emploi des plus de 55 ans, « une des pistes pourrait être de permettre à un senior qui accepte un emploi moins bien payé de conserver une partie de son indemnité chômage afin de compenser le manque à gagner. Nous pourrons y travailler », a déjà fait savoir le ministre du travail, Olivier Dussopt, qui souhaite « également favoriser la retraite progressive et le cumul emploi-retraite ».

Résumé d’un fossé européen et générationnel en quatre infographies.

Avec un taux d’emploi des 55-64 ans de 55,9 %, la France se situe en dessous de la moyenne européenne (60,5 %) et affiche un retard encore plus important en comparaison de l’Allemagne (71,8 %).

Le différentiel est surtout fort pour les 60-64 ans, la tranche des 55-59 ans se situant au-dessus de la moyenne européenne.

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La Poste va recruter 1 000 facteurs en CDI d’ici à la fin 2022

La Poste poursuit ses recrutements. Dans un communiqué publié vendredi 14 octobre, le groupe annonce qu’il embauchera 1 000 facteurs et factrices d’ici à la fin de l’année, « dans toute la France », portant à 3 200 le nombre d’emplois de ce type pourvus en 2022. L’entreprise promet aux candidats potentiels « une rémunération de 10 % au-dessus du SMIC » et un « parcours professionnel évolutif ».

En plus de ces emplois, La Poste prévoit le recrutement de 3 000 CDD et intérimaires « pour être en capacité de gérer l’augmentation d’activité » attendue pour la fin de l’année. Parmi les postes à pourvoir, de novembre à décembre : facteurs, opérateurs de livraison et de tris de colis.

Le Monde

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Depuis un an, l’inflation fait monter la conflictualité sociale

Sur le site de la raffinerie de TotalEnergies, à Gonfreville-l’Orcher (Seine-Maritime), le 13 octobre 2022.

Eclipsée depuis la rentrée par l’inquiétude autour de l’envolée des prix de l’énergie et les craintes de pénurie d’électricité, la grève des raffineurs vient de remettre la question des augmentations de salaires sur le devant de la scène. Ces douze derniers mois, elle n’a pourtant jamais cessé d’être une préoccupation pour les travailleurs, salariés comme fonctionnaires, qui ont vu fondre leur pouvoir d’achat à mesure que montait l’inflation (5,6 % sur un an en septembre).

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Celle-ci, parce qu’elle touche tout le monde, à tous les postes, à tous les niveaux hiérarchiques, a redonné tout son sens à la demande d’une augmentation générale des salaires dans les entreprises, alors que cette mesure n’avait cessé de reculer ces dernières années, au profit d’augmentations individuelles, au mérite.

Elle a, du même coup, revivifié la grève comme mode d’action collectif, pour créer un rapport de force dans l’entreprise. Avant, pendant, ou après les négociations annuelles obligatoires (NAO), cadre des discussions sur les salaires et le partage de la valeur. Et signé le retour de la conflictualité dans les entreprises depuis un an.

Nouvelle effervescence

Il y a eu une première vague de grèves à l’automne 2021 : l’inflation, qui décolle (2,6 % en octobre 2021), est la goutte d’eau qui fait déborder le vase pour beaucoup de salariés déjà en manque de reconnaissance des efforts fournis pendant la crise sanitaire. Les augmentations ont été très limitées en 2020 et souvent gelées en 2021. Les mobilisations inédites dans de grands groupes largement bénéficiaires, comme Decathlon ou Leroy-Merlin, marquent les esprits. Et débouchent sur des accords généreux en primes et parfois en revalorisation de salaire.

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Nouvelle effervescence au printemps 2022, lorsque l’inflation s’envole de 3,6 % à 5,8 % entre février et juin : même dans les entreprises où les NAO ont donné lieu à des revalorisations de salaires, aucune n’atteint ce niveau-là. Les salariés de TotalEnergies n’ont ainsi obtenu que 2,35 % d’augmentation générale en février.

L’inflation, constante depuis un an, a démontré aux salariés les limites de la prime ponctuelle

Grèves et débrayages surviennent alors chez Amazon, Thales, Dassault Aviation, dans des magasins Conforama ou des restaurants Flunch, et dans une multitude de PME ou d’entreprises de taille intermédiaire. Les NAO achoppent chez Renault, Stellantis et Michelin. Et dans le secteur bancaire où l’on refuse toute augmentation générale, malgré des résultats historiques.

Les mobilisations faiblissent à l’été. Pas l’inflation, qui atteint 6,1 % en juillet sur un an, puis 5,9 % en août. Or, dans le même temps, la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques du ministère du travail, note que les salaires n’ont augmenté en moyenne que de 3 %. Un plus haut, certes, depuis dix ans. Mais rapporté en euros constants, l’indice du salaire mensuel de base a en réalité baissé d’autant.

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Pourquoi la productivité des salariés français ralentit-elle ?

Les Français au travail, champions de la productivité ? Une récente note du Conseil d’analyse économique (CAE), organisme rattaché aux services du premier ministre, vient porter un coup à cette idée régulièrement avancée dans le débat économique. Selon les auteurs du document, publié le 29 septembre, le taux de productivité des Français serait en baisse par rapport à l’Allemagne et aux Etats-Unis.

En guise d’explication, les économistes pointent le niveau médiocre des Français en mathématiques et en compétences sociocomportementales. Au vu des statistiques d’Eurostat, les Français se maintiennent dans le peloton de tête des pays les plus productifs en Europe, devançant même l’Allemagne.

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Mais cette avance confortable se voit dopée par l’exclusion du marché du travail français de ses membres les moins productifs : « Le sous-emploi des moins qualifiés en France par rapport à nos voisins crée l’illusion d’une productivité supérieure », avancent les auteurs. L’Insee confirme que le non-emploi des peu ou pas diplômés en France a augmenté plus fortement qu’en Europe entre 2003 et 2018.

Les maths et la croissance

En corrigeant ce biais statistique, les économistes du CAE en arrivent à des chiffres beaucoup moins favorables à l’Hexagone pour affirmer que, sur la période de 2004 à 2019, la France aurait perdu cinq points de productivité par rapport à l’Allemagne et sept par rapport aux Etats-Unis. Soit un manque à gagner en termes de PIB de 140 milliards d’euros pour la France en 2019, avance le CAE.

Le vieillissement de la population et les évolutions structurelles du marché du travail – désindustrialisation, boom des emplois peu qualifiés… − sont des causes traditionnellement avancées pour expliquer la baisse globale de la productivité dans les pays de l’OCDE. En France, tous ces facteurs pèsent sur les chiffres. Entre autres, « on observe une forte baisse du capital humain alloué à l’industrie par rapport à l’Allemagne » alors que la productivité moyenne du travail « est plus forte dans l’industrie que dans les autres secteurs », reconnaissent les auteurs.

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Mais ces derniers choisissent de concentrer leur analyse sur un levier rarement étudié : le niveau en mathématiques et en compétences sociocomportementales (soft skills) des Français. Les auteurs s’appuient notamment sur l’enquête PISA de l’OCDE, pour établir un lien entre niveau en maths et croissance économique. Alors que la part des emplois requérant ce type de compétences a fortement augmenté depuis le début des années 1980 en France, « notre pays souffre d’un décrochage en mathématiques ».

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Pénurie de carburant, en direct : 28,5 % des stations-service en rupture d’un ou plusieurs carburants

Rassemblement à la raffinerie TotalEnergies de Donges, en soutien aux grévistes

Un rassemblement à l’appel de la CGT et de FO a réuni quelque 200 personnes, principalement des salariés, des représentants syndicaux et des élus, devant la raffinerie TotalEnergies de Donges (Loire-Atlantique), vendredi matin, pour soutenir le personnel de cette raffinerie en grève depuis mardi, a constaté l’Agence France-Presse (AFP).

« Il n’y a pas de blocage (…). Les seuls qui bloquent aujourd’hui, c’est la direction de Total (…). La pénurie, c’est pas les travailleurs en grève qui la causent », a insisté David Arnould, délégué syndical CGT à la raffinerie de Donges.

« C’est quoi, la réalité d’un opérateur en trois-huit ? C’est des horaires décalés, c’est bosser le week-end, c’est bosser la nuit. C’est être exposé de manière continue à des produits chimiques », a énuméré au micro M. Arnould.

Des salariés de la raffinerie, des représentants syndicaux de plusieurs entreprises de la région de Saint-Nazaire (Chantiers de l’Atlantique, Airbus, centrale thermique de Cordemais) étaient présents, ainsi que des membres du collectif Alliance écologique et sociale.

Des élus avaient également fait le déplacement, à l’instar du député La France insoumise de Loire-Atlantique, Matthias Tavel.

« Cette grève, c’est une grève d’intérêt général. Tout le monde sait que si les salariés de Total ne gagnent rien, alors aucun salarié dans le pays ne gagnera, parce que s’il y a bien une entreprise qui peut augmenter les salaires, c’est Total », a déclaré à l’AFP M. Tavel.

Des syndicalistes et des employés en grève devant le site de la raffinerie TotalEnergies de Donges, le 14 octobre 2022.