Archive dans 2022

Le télétravail pour prolonger ses vacances

Devant l’Hôtel des Invalides, à Paris, le 31 mars 2021.

Where is Brian ? Dans la cuisine d’un appartement Airbnb, sans doute. Brian Chesky, le cofondateur et PDG de la plate-forme de meublés de tourisme, a décidé, en 2022, de changer de lieu de résidence toutes les deux semaines. Un pari sur sa vie personnelle, mais surtout un coup de publicité pour son entreprise, visant à apporter la preuve par l’exemple d’une révolution majeure du tourisme post-Covid-19 : « Pour la première fois, des millions de personnes peuvent vivre n’importe où. »

Selon lui, l’habitude du télétravail et des réunions par le biais de l’application de visioconférence Zoom prise depuis l’irruption de la pandémie, va créer une large communauté de travailleurs à distance quittant leur domicile pour des semaines ou des mois, installés parfois à l’étranger. Cette « décentralisation de la vie » serait, selon lui, « la plus grande métamorphose du voyage depuis la naissance de l’aviation commerciale ».

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Mise à mal par la disparition d’un grand nombre de voyages d’affaires, l’industrie du tourisme espère avoir trouvé la martingale : le télétravail. Si les cadres supérieurs peuvent organiser des réunions devant leur écran, alors ils sont capables de le faire de n’importe où dans le monde. D’où l’idée que ce qui est perdu dans le voyage d’affaires va être récupéré par le tourisme dans le voyage de loisirs.

Frontière brouillée entre voyage d’affaires et de loisirs

Forcément, le tourisme prise les mots-valises. Il en a créé deux : workation – contraction de work (travail) et vacation (vacances) – et bleisure – mélange de business (affaires) et leisure (loisirs). Le premier concerne les travailleurs nomades, une niche qui ne concerne que certains salariés de secteurs très connectés et sans enfants à charge. Le second est potentiellement plus significatif, car il offre aux touristes la perspective de séjours plus longs : le nerf de la guerre, pour les hébergeurs.

Les chaînes hôtelières investissent aujourd’hui dans des destinations et des hébergements plus décontractés

Sébastien Bazin, le PDG d’Accor, déclare au Monde entrevoir un tiers de nuitées supplémentaires dans les déplacements de loisirs : « Depuis septembre, c’est très clair : on voit de plus en plus de gens arriver le jeudi soir et repartir le mardi, en travaillant de l’hôtel le vendredi et le lundi. Cela va augmenter considérablement la durée des week-ends, alors que l’on a un mal fou, aujourd’hui, à rentabiliser le dimanche soir. » Une évolution qui doit amener les hôtels à proposer des espaces de travail, voire à mettre à disposition les chambres tôt le matin et tard l’après-midi. L’évolution est attestée par la SNCF, pour qui « la pointe du week-end » s’étend désormais du jeudi au lundi soir. Autre indice : la baisse de la nuit du jeudi dans l’hôtellerie d’affaires.

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Des résultats mitigés pour le très coûteux plan « 1 jeune 1 solution »

Une débauche de moyens avec un résultat « inégal » à la clé. Dans son rapport annuel rendu public mercredi 16 février, la Cour des comptes estime qu’il faut « relativiser » le « succès » du plan « 1 jeune 1 solution », lancé en juillet 2020 par l’Etat dans le but de soutenir l’emploi des moins de 25 ans. La situation de cette catégorie de la population a, certes, été « préservée », voire améliorée, mais l’efficacité de certaines mesures pose question à l’aune des sommes dépensées, d’après la haute juridiction.

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Peu après le début de la récession liée à l’épidémie de Covid-19, le gouvernement a engagé un vaste programme, assorti de budgets colossaux, afin de conjurer la menace d’une génération de jeunes « sacrifiés » sur le marché du travail. « Sans équivalent dans les pays comparables », selon la Cour, cette action s’est appuyée sur « une large palette d’instruments », certains étant nouveaux et provisoires tandis que d’autres existaient déjà : instauration de primes en faveur des entreprises qui recrutent en CDI, en CDD longs ou sous le statut d’apprenti, relance des contrats aidés, augmentation des entrées en formation, recours accru à la « garantie jeunes », qui propose des mises en situation professionnelle, etc. Le coût total « avoisinerait in fine 9,7 milliards d’euros », cette estimation ne prenant pas en considération le prolongement jusqu’au 30 juin 2022 de subventions à l’embauche.

La question des « invisibles »

Une telle mobilisation semble avoir eu des retombées positives. Au troisième trimestre 2021, le taux de chômage des jeunes, comparé à son « niveau d’avant-crise », était en baisse de 1,2 point – tout en restant très élevé (20 % contre 8,1 % pour l’ensemble de la population active). De même, la proportion des 15-29 ans qui n’étaient ni en poste, ni en formation, ni inscrits dans un établissement d’enseignement, avait reculé de 0,8 point par rapport à la fin 2019, se situant à 11,6 %.

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Mais il faut se garder de tout triomphalisme, aux yeux de la Cour, qui pointe des carences ou des orientations discutables dans ce plan. Pour elle, il y a trop peu de réponses « à la question des “invisibles” », ces jeunes qui sont sortis de l’écran radar des institutions. La haute juridiction s’interroge également sur le retour en grâce des contrats aidés dans le secteur non marchand – un outil dont la valeur ajoutée est jugée peu probante, si l’on regarde les reprises d’activités qu’il déclenche.

En se fondant sur plusieurs études, le rapport conclut que l’incidence de « 1 jeune 1 solution » demeure « difficile » à apprécier. Le nombre d’apprentis a beaucoup augmenté, mais cette tendance concerne « surtout » des diplômés du supérieur dont l’accès au marché du travail « n’est, le plus souvent, pas problématique ». La prime à l’embauche, elle, a joué en faveur des CDD longs et des CDI, mais au détriment du travail non salarié et des missions d’intérim, si bien qu’elle n’aurait pas influé sur le taux d’emploi global des moins de 25 ans. Quant à la garantie jeunes, ses « performances d’insertion (…) se sont dégradées pendant la crise ».

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La fonction publique face à l’enjeu de la transformation managériale

« Plutôt qu’être rivé sur les performances, j’ai simplement voulu libérer les énergies des agents. » En 2011, éreinté par les procédures, Patrick Négaret, ex-directeur général de la Caisse primaire d’assurance-maladie (CPAM) des Yvelines, a souhaité « transformer le service public » avec ses 1 600 agents. Les fonctionnaires se sont répartis en unités de travail de dix à quinze personnes, et un système d’innovation participative a vu le jour : « N’importe qui dans la caisse pouvait faire sortir une idée, et on voyait pour la mise en œuvre. Puis l’on a défini ensemble un management bienveillant et exigeant. J’ai commencé avec du lean [une méthode de gestion née au Japon], même si c’est un gros mot dans le public ! »

Lean management, travail hybride, « flex office »… Face au besoin de se moderniser et pour gagner en efficacité, les administrations doivent opérer des transformations managériales. Elles sont souvent pointées pour leur rigidité et la faible marge de manœuvre de leurs agents, qui traversent une crise de sens : 80 % des 4 500 agents interrogés en septembre 2021 par le collectif « Nos services publics » se déclarent « confrontés à un sentiment d’absurdité dans l’exercice de leur travail ».

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Les administrations en quête d’innovation s’inspirent en premier lieu des entreprises. Patrick Négaret a, par exemple, organisé des visites d’« entreprises libérées » pour familiariser ses agents au travail en autonomie. Placée sous l’autorité de la ministre de la transformation et de la fonction publiques, la Direction interministérielle de la transformation publique (DITP) a publié en 2019 un rapport sur ce que « peuvent apprendre les entreprises libérées aux administrations et organismes publics ». La région Île-de-France, qui a rassemblé en 2018 ses 1 800 agents dans un nouveau siège à Saint-Ouen, a organisé des visites dans les locaux d’Axa ou de Danone, mais s’est surtout inspirée d’une autre administration publique, la Sécurité sociale belge.

Les expérimentations locales

En effet, comme les méthodes du privé ne sont pas toujours facilement adaptables au public, les innovations viennent surtout des collectivités. Ainsi, dans son projet d’administration 2021-2026, la ville de Caluire-et-Cuire (Rhône) a instauré la subsidiarité comme base d’organisation pour ses 600 agents : « cela veut dire qu’il faut faire confiance. Il faut que ce soit l’agent qui dispose de la bonne information et du contact avec les usagers qui puisse prendre des décisions du quotidien, explique Bernard ­Agarini, directeur général des services. Avant, il y avait une organisation en silos étanches, et des services qui communiquaient assez peu entre eux. Il a fallu un long parcours pour faire comprendre qu’on était plus riches à réfléchir à plusieurs ».

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Démission-reconversion : c’est toujours compliqué

Carnet de bureau. Marie Clairambault, 36 ans, envisage d’ouvrir son cabinet d’expert-comptable et commissaire aux comptes. Renseignement pris auprès de Pôle emploi, elle est éligible au dispositif démission-reconversion qui lui permettra de démissionner et d’être indemnisée le temps du lancement de son projet de création d’entreprise. Enfin, c’est ce qu’elle croyait.

Car sept mois plus tard, il semble qu’il y ait eu une erreur d’interprétation de la part de l’opérateur public qui se dédit, alors que Marie a déjà démissionné. Elle voit alors son projet réduit à néant. Plus d’emploi, ni d’indemnité : c’est l’impasse. « Si j’avais reçu un refus de la cellule démission-reconversion de Pôle emploi, je n’aurais pas pris la liberté de démissionner de mon dernier poste, j’aurais négocié une rupture conventionnelle », témoigne-t-elle.

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L’ouverture de l’assurance-chômage aux démissionnaires « pour reconversion » avait été décidée, en 2018, pour sortir du paradoxe qu’il y avait à refuser un soutien à des actifs qui œuvraient à leur retour à l’emploi. « Cette nouvelle ouverture de l’assurance-chômage était notamment justifiée par la complexité des dispositions en vigueur et par le faible pourcentage de démissionnaires parvenant à obtenir un revenu de remplacement », indique un rapport d’évaluation de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel présenté à l’Assemblée nationale le 2 février.

Un maigre bilan

Annoncé à l’origine comme une belle idée pour soutenir les reconversions professionnelles, ce dispositif encore peu connu est un élément de réponse aux pénuries de candidats sur certains métiers, dans la comptabilité par exemple. Il affiche pourtant un maigre bilan. Le rapport parlementaire présenté le 2 février indique que seules 14 443 ouvertures de droit au chômage se sont faites dans ce cadre en deux ans, contre un objectif de 17 000 à 30 000 bénéficiaires par an.

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Encore trop de peu projets aboutissent. La crise due au Covid a, certes, pu reporter quelques projets, ou ralentir la prise en main d’un dispositif peu connu. Mais « la condition de cinq ans d’activité continue est une véritable barrière à l’entrée », estime Laetitia Ternisien, avocate associée du cabinet Jeantet.

La difficulté d’accès à l’indemnisation pour démission-reconversion en vigueur depuis le 1er novembre 2019 n’a, semble-t-il, pas touché que Marie Clairambault. En octobre 2021, « sur 18 943 demandes, réalisées sur le simulateur de Pôle emploi, seules 52 % remplissaient cette condition », indique le rapport parlementaire. « Bon nombre de candidats à ce nouveau droit découvrent à la fin d’un parcours fastidieux qu’ils ne sont pas éligibles (…) alors qu’ils ont déjà démissionné », ajoute le médiateur national de Pôle emploi dans son rapport d’activité pour 2020.

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Justice : les présidents de tribunaux estiment qu’il faudrait 35 % de juges en plus

Les présidents des tribunaux judiciaires ont sorti leur calculette et leur verdict est à la hauteur du malaise de la justice : selon eux, il manque aujourd’hui 1 500 magistrats du siège (ceux qui jugent) dans les juridictions de première instance, soit 35,5 % des effectifs.

Ce chiffre choc est le fruit d’un référentiel national de la charge de travail des magistrats, qui vient d’être élaboré avec une méthodologie prudente par la Conférence nationale des présidents de tribunaux judiciaires basée sur l’activité de la justice en 2021. Autrement dit, il ne tient pas compte des stocks de dossiers en souffrance ni des délais de traitement, seulement de la nécessité de traiter le flux dans de bonnes conditions. Il ne comptabilise pas non plus les besoins pour combler les absences conjoncturelles (arrêts maladies, congés maternités, etc.).

Le ministère de la justice a de son côté accéléré ces derniers mois, singulièrement depuis le cri d’alarme de la « tribune des 3 000 magistrats », publiée le 23 novembre dans Le Monde, son vaste chantier de l’évaluation de la charge de travail des magistrats. Mais il ne devrait pas être achevé avant la fin de l’année. « Il s’agit d’un chantier ambitieux, de long terme. A titre de comparaison, l’Allemagne, qui s’est dotée d’un tel système, a mis quatre années à le bâtir », justifie-t-on à la chancellerie. Un outil de mesure est actuellement expérimenté dans vingt juridictions auprès de 1 000 magistrats, précise le ministère. Les présidents de tribunaux judiciaires l’ont donc devancé.

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« Nous n’avons rien contre ce travail du ministère et nous y sommes associés. Le référentiel que nous avons élaboré n’est peut-être pas parfait, mais il a l’avantage d’être prêt. Il pourra évoluer chaque année et être corrigé », explique Benjamin Deparis, président du tribunal d’Evry et de la conférence des présidents. « Le travail qu’ils ont fait n’est pas dans la surenchère, il est sérieux et s’inscrit dans ce que réclame en vain depuis des années la Cour des comptes », se réjouit Jean-Michel Hayat, premier président de la cour d’appel de Paris. Selon lui, si le ministère de la justice n’a pas mené à bien ce chantier ouvert dès les années 1990, « c’est que tout le monde savait que cela déboucherait sur des besoins de création de postes ».

Un référentiel basé sur les tâches réelles des juges

Côté méthodologie, la conférence des présidents a choisi de ne pas se référer aux comparaisons européennes calculées par la Commission européenne pour l’efficacité de la justice (Cepej) en fonction du nombre de magistrats par habitant, car les systèmes judiciaires ne sont pas comparables… et le retard de la France y apparaît vertigineux. Son « référentiel national d’évaluation des activités des magistrats du siège » se base sur les tâches réelles effectuées par les juges. Quatre-vingts ont été ainsi isolées, des audiences de contentieux post-divorce aux audiences d’assistance éducative des juges pour enfant, en passant par la présidence des comparutions immédiates ou les décisions du juge de l’application des peines.

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Plus d’autonomie et de liberté d’organisation du travail : les manageurs jouent l’individualisation contre l’individualisme

Le travail à la carte est-il d’actualité ? Les salariés pourront-ils à l’avenir choisir leur lieu de travail, leur organisation personnelle, voire leur statut d’emploi ? Les Rencontres RH, le rendez-vous mensuel de l’actualité du management créé par Le Monde en partenariat avec ManpowerGroup, ont réuni mardi 8 février, à Paris et en distanciel, une dizaine de responsables des ressources humaines pour échanger sur la place de l’individu dans leurs entreprises.

L’aspiration des salariés à plus d’autonomie n’est pas nouvelle, mais elle va bien au-delà depuis la crise sanitaire qui, une fois encore, a servi d’accélérateur à une tendance de fond. Dans les entreprises, « durant la période de Covid, on a vu la montée de l’individualisme. Les DRH ont été confrontés à des prises de liberté de collaborateurs, qui ont déménagé sans le signaler par exemple. Pour 40 % de nos entreprises membres, les liens avec le collectif de travail se sont distendus. On a dû rappeler que l’individuel ne doit pas l’emporter sur le collectif », témoigne Laurence Breton-Kueny, vice-présidente de l’Association nationale des DRH.

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Dans la petite entreprise de sécurité Panthera, « on s’est intéressé de plus en plus aux préoccupations de nos salariés. Ils n’hésitent plus à faire des demandes personnelles sur le logement ou le salaire. Ce sont autant de frustrations quand elles ne sont pas acceptées », déplore le DRH, Alexis Berthel. « Il y a lindividualisation souhaitable et celle qui l’est moins », résume Franck Bodikian, le DRH de ManpowerGroup France.

Individualisation croissante

Le renforcement de la place de l’individu dans son rapport au travail recouvre en fait deux notions, a introduit André-Yves Portnoff, spécialiste de la sociologie des organisations. « Il faut distinguer l’individualisme qui désigne le repli sur soi du salarié qui cherche à progresser pour lui-même, sans se soucier des autres, de l’individualisation, à savoir l’aspiration à plus de liberté pour construire sa vie selon ses propres valeurs et ses impulsions. C’est cette deuxième notion qui progresse. »

Les statistiques d’European Values Survey confirment que l’individualisation ne cesse de croître. Elle est ainsi passée de 27 % à 35 % entre 1999 et 2017, tandis que l’individualisme a reculé de 65 % à 54 % sur la même période dans les vingt-deux pays européens étudiés. « Beaucoup plus qu’il y a vingt ans, les salariés veulent réussir quelque chose, prendre des initiatives et aussi, évidemment, être bien rémunérés. Près du tiers des Français déclarent qu’un bon travail doit être utile pour la société, pas seulement pour l’entreprise », ajoute M. Portnoff. L’individualisation serait ainsi le vecteur de la recherche d’un meilleur équilibre vie privée-vie professionnelle, constatée par la majorité des DRH présents, et d’une quête de sens.

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Les infirmières françaises découvrent l’eldorado québecois

Les stagiaires Kenza Hadjiat et Arnito Kodjoakou lors d’un excercice à l’hôpital Jean-Talon de Montréal (Canada), le 9 février 2022.

Kenza Hadjiat, 24 ans, est arrivée à Montréal le 25 janvier, dûment équipée : double legging, double doudoune et chaussures fourrées. Car du Québec, où elle pose pour la première fois les pieds, tout juste sortie du cocon familial, cette jeune femme originaire de Seine-Saint-Denis ne sait que deux choses : il y fait froid l’hiver (– 30 °C à la sortie de l’aéroport), et la province lui ouvre grand les bras pour y exercer sa profession, infirmière.

Diplômée de l’Ecole nationale d’infirmières française depuis juillet 2020 – « Je suis une diplômée Covid », dit-elle avec humour –, Kenza n’a qu’une courte expérience en clinique et en crèche, mais le goût de l’aventure l’a poussée à traverser l’Atlantique. « Il paraît qu’ici les infirmières sont plus autonomes dans leur travail », croit-elle savoir, avant même de débarquer à l’hôpital Jean-Talon, dans le centre-ville de Montréal, où va se dérouler son stage d’intégration. Il durera soixante-quinze jours, durée indispensable pour obtenir la reconnaissance définitive de son diplôme et être titularisée.

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La pénurie de personnel soignant est une réalité de longue date au Québec. Avant la pandémie de Covid-19, en avril 2019, le gouvernement estimait déjà qu’il lui faudrait recruter, sur cinq ans, 30 % de l’effectif global des 75 000 infirmières en poste à l’époque. La crise sanitaire a fait exploser le nombre de postes vacants et provoqué la quasi-embolie du système de santé : au plus fort de la vague Omicron, mi-janvier, il a manqué ponctuellement jusqu’à 20 000 travailleurs de santé dans les hôpitaux, sans possibilité de les remplacer.

Des salaires plus attractifs

A coups de primes et d’assouplissements de leurs conditions de travail, le gouvernement québécois a tout fait pour convaincre les jeunes retraités et ceux qui avaient changé de voie de reprendre du service pour colmater les brèches. Mais à l’automne 2021, le ministère de la santé est passé à la vitesse supérieure en lançant une mission visant à recruter 3 500 infirmiers étrangers en 2022. Du jamais-vu. Même si, en 2019, un millier d’infirmiers et infirmières françaises avaient déjà fait le grand saut vers la Belle Province.

« Les infirmiers français ont une très bonne formation, nous sommes preneurs de leur expertise notamment en soins intensifs », Florent Verjus, infirmier français installé au Québec

Depuis novembre 2021, Florent Verjus, infirmier français installé au Québec depuis 2005, est responsable du tout nouveau Bureau de recrutement international créé par l’un des cinq grands centres hospitaliers de Montréal. Fort de l’expérience acquise en aidant d’abord à titre bénévole de jeunes collègues français débarqués à Montréal, parfois poussés à se reconvertir en vendeur de crêpes ou épicier avant de trouver une place dans un hôpital québécois, Florent Verjus a déjà recruté cent infirmiers en ce début d’année, dont quatre-vingts Français.

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« La perception d’un candidat par un recruteur est plus favorable quand la rencontre se tient en présentiel »

Tribune. Depuis le début de la pandémie, les entretiens d’embauche en ligne se sont multipliés pour éviter les rencontres directes, potentiellement contaminantes. Mais les conditions sanitaires n’ont fait qu’accélérer un mouvement déjà bien enclenché au niveau mondial.

Plusieurs sociétés proposent aujourd’hui des plates-formes d’entretien en ligne, confiant à des algorithmes d’intelligence artificielle l’analyse des comportements des candidats. Leurs réponses orales, enregistrées, sont automatiquement retranscrites sous forme de textes et étudiées. Les variations de leur voix et leurs expressions faciales sont mesurées et interprétées.

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Pour minimiser encore les coûts, les humains qui animent d’ordinaire ces entretiens cèdent même parfois la place à des recruteurs virtuels, capables de s’exprimer par oral, à la manière de Siri ou Alexa, mais, cette fois, pour poser des questions aux candidats sur leurs parcours et leurs aspirations.

Les atouts du présentiel

La croissance annuelle à deux chiffres des sociétés qui proposent ce type de service témoigne de leur succès. On estime que le chiffre d’affaires des sociétés d’analyse automatique des comportements des candidats devrait atteindre les 4 milliards de dollars d’ici cinq ans. Des entreprises aussi importantes que Walmart, Microsoft, Adecco, Unilever, Nissan et Sodexo font désormais appel à leurs services.

Mais ces pratiques posent aussi de sérieux problèmes. Une société comme HireVision (plus de 700 entreprises clientes) a été attaquée en justice à plusieurs reprises aux Etats-Unis par des candidats pour atteinte à la vie privée. L’opacité des algorithmes pose aussi un problème majeur. Nos récentes recherches devraient inciter à encore plus de prudence face à ces outils et… face à l’idée même d’entretiens de recrutement en ligne.

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Dans cette étude, nous montrons, en effet, que la perception d’un candidat par un recruteur est en moyenne beaucoup plus favorable lorsque la rencontre a lieu en chair et en os que lorsque les interactions s’effectuent par l’intermédiaire d’un écran. Lorsqu’ils sont « en présentiel », les candidats, confrontés aux mêmes interlocuteurs, apparaissent plus ouverts d’esprit, avec plus de facilité de contact, plus d’amabilité et de conscience professionnelle et plus de stabilité émotionnelle que lorsque le contact est « en distanciel ».

L’importance du premier entretien

L’écran empêche, en réalité, les connexions émotionnelles qui font que le recruteur se souviendra de l’individu. Il ne voit que son tronc, n’a pas de contact visuel direct, ce qui lui donne l’impression que le candidat lui cache quelque chose. La mauvaise qualité des écrans peut également donner aux visages des couleurs aberrantes, interprétées comme des signes physiques de nervosité.

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