Un collectif de plus de mille membres issus principalement de la recherche et de l’enseignement, parmi lesquels Eric Fassin ou François Héran, mais aussi des personnalités comme la romancière Annie Ernaux, prend position en défense de la philosophe Sophie Djigo, cible de menaces de l’extrême droite qui ne supporte pas son engagement en faveur des migrants.
Le Conseil de l’Union européenne (UE) a entériné, le 28 novembre, la directive sur le reporting extra-financier adoptée par le Parlement européen le 10 novembre. La responsabilité sociale et environnementale des entreprises (RSE) va devenir une affaire de comptabilité normée, où la performance écologique et sociétale sera sérieusement mesurée.
Cela fait déjà vingt ans qu’en France on demande aux entreprises de rendre des comptes sur autre chose que leurs performances financières. En 2001, la loi sur les nouvelles régulations économiques (loi NRE) fixait dans son article 116 l’obligation, pour les seules sociétés françaises cotées sur un marché réglementé, de rendre compte dans leur rapport annuel de la manière dont elles prennent en compte les conséquences sociales et environnementales de leurs activités.
Cette loi instituait le concept de reporting extra-financier, mais en faisait un sport réservé aux quelque sept cents grandes entreprises cotées en Bourse. En 2010, le concept s’est démocratisé à la faveur des lois Grenelle I et II qui, tout en listant les engagements du gouvernement en faveur de la transition écologique, élargit l’obligation de reporting à toutes les entreprisesde plus de cinq cents salariés affichant un bilan supérieur à 100 millions d’euros. La directive européenne de 2014 sur la publication des informations non financières introduit quant à elle la déclaration de performance extra-financière (DPEF) pour toutes les entreprises européennes de plus de cinq cents salariés.
Aujourd’hui, avec cette directive Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD), l’Union européenne va plus loin, en l’appliquant à toutes les entreprises de deux cent cinquante salariés et plus. Le tout sur la base d’indicateurs qui ne pourront souffrir de partialité, de dissimulation ou de biais d’interprétation, puisque Bruxelles a mandaté une autorité spécialisée, l’European Financial Reporting Advisory Group (Efrag), pour normaliser l’exercice.
De nombreux bénéfices
Ainsi, à l’application de la directive fin 2024, un fabricant d’acier pour l’aviation, par exemple, devra déclarer ses émissions de gaz à effet de serre, les quantités de gobelets recyclés ou son taux de collaboratrices et collaborateur handicapés sur un périmètre et selon une méthode de calcul strictement identique à ceux d’une autre entreprise spécialisée, par exemple, dans les data centers pour le secteur hospitalier…
Multipliez cela par 50 000 entreprises dans vingt-sept pays : la RSE va devenir une science de la donnée et une industrie de la vérification, comme l’est depuis longtemps le reporting financier avec ses bilans, ses experts-comptables, ses auditeurs et ses commissaires aux comptes.
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Les syndicats s’immergent peu à peu dans une ambiance de veillée d’armes. Lundi 5 décembre, huit organisations de salariés et cinq mouvements représentant les lycéens et les étudiants devaient, une fois de plus, se réunir au sujet de la réforme des retraites. L’un des principaux points à l’ordre du jour est d’avancer dans la préparation d’une action collective contre le projet de l’exécutif, que les protagonistes dénoncent unanimement.
La rencontre était prévue alors qu’Emmanuel Macron vient de réaffirmer le caractère « indispensable » des transformations à entreprendre, afin de « sauver le système [de pensions] ». « Le seul levier que nous avons, c’est de travailler plus longtemps », a martelé le président de la République, samedi, sur TF1, en soulignant que « les besoins de financement sont massifs et vont continuer de s’accroître ». Dans un entretien fleuve accordé au quotidien Le Parisien de dimanche, le chef de l’Etat reconnaît que l’« effort » demandé ne réjouit personne, tout en insistant sur les mesures de « justice et d’équité » qui sont à l’ordre du jour : relèvement de la pension minimale pour les personnes ayant accompli une carrière complète, prise en compte de la pénibilité des métiers, dispositions dérogatoires pour ceux qui sont entrés tôt dans la vie active…
Les déclarations de M. Macron s’ajoutent à celles faites par Elisabeth Borne dans une interview au Parisien, daté de vendredi. Esquissant les contours de la réforme, la première ministre indique que celle-ci sera dévoilée « avant les vacances de Noël », pour être examinée au Parlement durant le printemps 2023 puis mise en œuvre à partir de l’été. Mme Borne soutient par ailleurs qu’aucune décision n’a été arrêtée, s’agissant du relèvement de l’âge légal de départ à la retraite, tout en rappelant que « l’engagement » de M. Macron, durant la campagne présidentielle, était d’aller progressivement vers 65 ans.
Cette prise de parole a beaucoup irrité les syndicats, car elle leur a donné l’impression que la messe était dite alors même que l’exécutif vient d’ouvrir un dernier « cycle de concertation » sur « l’équilibre » financier des régimes de pensions avec les organisations de salariés et d’employeurs. « Nous ne comprenons pas la stratégie de la première ministre quand celle-ci s’exprime par voie de presse pour présenter des éléments pas vraiment ficelés de la réforme des retraites, confie Yvan Ricordeau, secrétaire national de la CFDT. Il s’agit d’un non-sens, d’autant que les discussions entre le gouvernement et les partenaires sociaux sur ce dossier se poursuivent. »
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Thierry Marx a un peu délaissé son piano de grand chef étoilé pour se jeter dans l’arène politique : il a pris, en octobre, la présidence de l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie (UMIH) pour défendre un secteur qui n’est toujours pas remis de l’hémorragie de salariés liée à la pandémie de Covid-19. Avec sa gueule d’ancien parachutiste – qu’il fut au Liban –, et sa voix douce, il dit les choses sans détour. Son combat d’aujourd’hui, c’est la « régularisation rapide » des nombreux étrangers sans-papiers travaillant dans des activités importantes pour l’économie française.
« Carences »
Vieille revendication de son syndicat, il la réitère dans un entretien au Journal du dimanchedu 4 décembre. M. Marx estime à deux cent mille le nombre de postes non pourvus en cuisine et en salle dans la restauration, une situation identique dans l’hôtellerie pour le service, le ménage ou la réception. « Ces carences de personnel empêchent le développement de l’activité », alors que « les besoins vont augmenter », prévient-il.
A sa grande surprise, ces activités ne figurent pas sur la liste des « métiers en tension », où les travailleurs sans-papiers pourront bientôt bénéficier d’un titre de séjour « spécifique », une des mesures-phares du projet de loi sur l’immigration soumis, début 2023, au Parlement.
Cette liste, créée en 2008, sera mise à jour au gré du marché de l’emploi. Les salariés n’auront plus à demander une nouvelle autorisation de travail s’ils changent d’employeur. Le gouvernement affirme vouloir faire du travail « le premier lieu de l’intégration des étrangers ». L’hôtellerie-restauration n’est pas la seule à recourir à des clandestins, souvent présents en France depuis de longues années avec leur famille. Ils occupent aussi les emplois boudés par les Français dans les services à la personne, le bâtiment, les travaux agricoles, la propreté ou la logistique.
A l’extrême droite et à une partie de la droite, qui dénoncent un « appel d’air » migratoire, M. Marx rappelle qu’un salarié sur cinq de son secteur vient d’ailleurs. Le chef de l’Etat, Emmanuel Macron, enfonce le clou, dimanche, dans Le Parisien-Aujourd’hui en France, en se voulant « lucide » : nombre de métiers ne tourneraient pas sans l’immigration. Cette longue histoire remonte à la fin du XIXe siècle, quand l’exode rural n’a pas empêché Italiens et Polonais de venir travailler dans les mines et les usines françaises. Depuis, elle n’a cessé de se réécrire.
Depuis la mi-septembre, Alexandre Le Corre n’a qu’une priorité : trouver les douze personnes qui pourront, cet hiver, faire tourner sa taverne savoyarde. Et cette tâche lui donne des sueurs froides. « Il y a quelques années, quand je mettais une annonce sur Pôle emploi, j’avais cent CV, on pouvait vraiment sélectionner. Depuis le Covid, c’est complètement différent », raconte le patron de ce restaurant situé à La Plagne (Savoie). Les canaux de recrutement, les attentes et les profils des candidats ont changé.
Aujourd’hui, nombre de deals se nouent sur des groupes Facebook spécialisés dans ces emplois, sur lesquels le candidat propose ses services, précise ses disponibilités et ses conditions, photo et CV à l’appui. Certains postulent en couple, en groupes d’amis, d’autres posent en photo avec leur chien, qui voyagera avec eux. « Ensuite, c’est à nous de les démarcher,relate Alexandre Le Corre. J’y passe trois, quatre heures par jour depuis deux mois. Les meilleurs profils sont ultrademandés, le rapport de force n’est plus le même. »
Cuisiniers, serveurs, responsables de boutiques, animateurs dans les garderies, femmes de chambres, skimen, perchistes… Environ 80 000 personnes sont recrutées chaque année en tant que saisonniers à la montagne, avec un important turnover d’une année sur l’autre. Et alors que les stations s’apprêtent à accueillir les premiers vacanciers, les recruteurs affrontent, pour la seconde année, des difficultés inédites – même si la situation est un peu moins critique qu’en 2021, selon Jean-Luc Boch, le président de l’Association nationale des maires des stations de montagne.
« Ras-le-bol de ces conditions de vie »
A l’origine de ce trou d’air : la pandémie de Covid-19, qui a rebattu les cartes. Alors que les stations de ski ont été quasiment à l’arrêt pendant l’hiver 2020-2021, une partie des habitués des « saisons » ont profité de ces périodes de chômage pour trouver un travail plus durable, ou se reconvertir. « Les motifs sont multiples, des difficultés pour se loger aux horaires décalés », observe la direction générale de Pôle emploi.
Myriam Vazart est ainsi devenue caviste, après dix ans comme vendeuse en fromagerie ou serveuse à Avoriaz, Morzine (Haute-Savoie), Valloire, La Plagne, Tignes (Savoie)… Sans regrets.« En mars 2020, nous avons été brutalement chassés de stations que nous avions servies tout l’hiver,explique-t-elle. C’était la panique pour se confiner. Pour la plupart, nous n’avions pas d’adresse à nous ! A cela s’ajoutait le ras-le-bol de ce rythme effréné, de ces conditions de vie spartiates… Je me suis dit : trop pour moi, je raccroche. »
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Le 17 novembre 2022 s’est tenue la journée annuelle du DuoDay. Initiative française, elle permet à une personne en situation de handicap de partager, pendant une journée de travail, sa vie quotidienne avec une personne valide. La session 2022 a été un réel succès : les entreprises et administrations ont fait preuve d’un enthousiasme rare et encourageant. Le DuoDay offre l’occasion d’un coup de projecteur, voire d’un coup de communication.
Le recrutement de travailleurs ou demandeurs d’emploi en situation de handicap ne peut cependant pas servir de moyen de s’acheter une bonne conscience ou de limiter les versements de pénalités aux fonds consacrés tels le Fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP) ou l’Association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées (Agefiph).
Trop souvent encore les travailleurs en situation de handicap sont perçus avec une vision compassionnelle et utilitariste par les employeurs et les recruteurs. Dotés de diplômes, de formations et d’expériences comparables à ceux des valides, issus des mêmes écoles que les valides ou d’écoles spécialisées permettant d’acquérir les compensations nécessaires à la vie quotidienne, les personnes en situation de handicap, souffrent pourtant de discrimination à l’embauche, à l’accès à la formation continue et aux évolutions de carrières.
Les handicapés ont besoin d’un syndicat pour se défendre
Ce triste record appelle un sursaut pour donner aux travailleurs et professionnels en situation de handicap un porte-voix dans le dialogue social à même hauteur que leurs collègues. Pour faire entendre la spécificité de l’embauche de ces travailleurs handicapés et défendre leur intérêt dans le monde du travail, l’action associative ne suffit plus. Elle doit trouver un débouché dans l’action syndicale !
Ce 3 décembre 2022, Journée internationale des personnes handicapées, marque le lancement du Syndicat national des personnes handicapées (SNPH). Ce syndicat se donne pour objectifs de défendre les droits des actifs en situation de handicap, de plaider pour un environnement de travail inclusif tout en sensibilisant les employeurs et le grand public. Nous souhaitons également favoriser le maintien dans l’emploi des personnes étant confrontées directement ou indirectement à une situation de handicap en cours de carrière et lutter contre les mises en invalidité imposées.
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[La politique de l’emploi s’appuie sur des dispositifs créés au fil des besoins, qui restent parfois méconnus longtemps après leur création. Quelle est leur efficacité contre le chômage ? Elle n’est pas toujours évaluée. Le Monde publie une série d’articles sur les aides à l’emploi, pour tenter d’estimer ce qu’on en sait – leur objectif initial, leurs résultats.]
Que faire lorsqu’un manutentionnaire vieillissant n’est plus capable de porter des charges lourdes ? Quand un salarié ayant subi un accident du travail ne semble plus en mesure de reprendre son ancien poste ? Bien que l’employeur soit tenu de faire tout son possible pour conserver ses employés, les licenciements de salariés devenus inaptes à exercer leur travail sont encore trop fréquents, alertait l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) dans un rapport paru en 2018.
L’objectif du dispositif
Il existe pourtant de nombreuses aides pour favoriser le maintien dans l’emploi de salariés souffrant de problèmes de santé, mises en lumière à l’occasion de la Semaine européenne pour l’emploi des personnes handicapées, en novembre.
Pour évaluer la capacité du salarié en arrêt-maladie à reprendre son poste ou à en occuper un nouveau, deux nouveautés sont venues avec la loi du 2 août 2021 sur la réforme de la santé au travail. D’abord, la mise en place d’un essai encadré de retour à l’emploi de 14 jours maximum. Renouvelable une fois, cette période de test peut se dérouler dans l’entreprise du salarié (CDD, CDI, intérimaire…) ou dans une autre entreprise, en tant que stagiaire de la formation professionnelle.
Le fonctionnement
La demande s’effectue auprès de l’Assurance-maladie, à l’initiative du salarié. Comme cette période se déroule pendant son arrêt-maladie, le salarié continue à être pris en charge par la Sécurité sociale. L’essai est soumis à l’accord du médecin traitant, du médecin-conseil et du médecin du travail, chez qui une visite est réalisée en amont. Pendant le stage, le salarié est suivi par un tuteur. A l’issue, un bilan est communiqué par l’employeur au médecin du travail, à l’Assurance-maladie et, selon les cas, au Cap emploi ou à l’association d’insertion Comète France.
Autre mesure phare de la réforme, la convention (ou contrat) de rééducation professionnelle en entreprise (CRPE). Il s’agit d’un contrat de travail à durée déterminée (CDD), renouvelable une fois, pour une durée 18 mois maximum. Conclu à l’issue de l’arrêt-maladie, ce dispositif est une « période de test » de longue durée pour voir si le salarié arrive à retrouver ses marques dans son poste ou pour le former à un nouveau métier. Il concerne les salariés déclarés « en risque d’inaptitude » ou inaptes par le médecin du travail.
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Plusieurs fois par semaine, Léa Chaussinand, 25 ans, se connecte sur How I Met Your Planet, une plate-forme d’emploi « à impact positif », qui propose des centaines d’offres émanant d’entreprises dont les valeurs coïncident avec les siennes. La jeune diplômée d’un master de management de l’université Paris-I Panthéon-Sorbonne a paramétré son compte en fonction des thèmes qui lui tiennent à cœur et mène sa recherche quasi exclusivement sur le site. « Je veux que mon futur employeur fasse quelque chose de positif pour l’environnement ou la société ; ici, je sais que je ne vais pas tomber sur n’importe quelle entreprise, confie-t-elle. C’est rassurant de ne pas devoir me poser mille questions sur l’authenticité de l’engagement de ces employeurs potentiels. »
C’est précisément pour « simplifier » la vie de Léa et d’autres diplômés qui se lancent sur le marché du travail qu’Edouard Ewbank et son associé Thibaud Halpern, 27 ans tous les deux, ont créé How I Met Your Planet. Après leurs études dans une école de commerce, avec une spécialisation en RH pour l’un et en gestion de projet pour l’autre, les jeunes gens s’interrogent sur leur avenir.
« La lecture du Manifeste étudiant pour un réveil écologique, publié en 2018, a été un électrochoc, détaille Edouard Ewbank. Je me souviens d’une phrase en particulier :“A quoi cela rime-t-il de se déplacer à vélo quand on travaille par ailleurs pour une entreprise dont l’activité contribue à l’accélération du changement climatique ou de l’épuisement des ressources ?”On s’est dit qu’il fallait absolument réussir à trouver des employeurs et des métiers qui correspondent aux attentes de la jeunesse actuelle. »
Le nom de la plate-forme, lancée en 2019, est un clin d’œil à la série américaine How I Met Your Mother, dans laquelle un personnage raconte à ses enfants la genèse de son histoire d’amour avec leur mère. Ici, l’ambition est de permettre aux candidats de pouvoir dire à leur descendance comment ils ont participé à la sauvegarde de la planète grâce à leur emploi. « Nous ne travaillons qu’avec des entreprises désireuses de résoudre un enjeu social ou environnemental, poursuit Edouard Ewbank. Consommation alternative, mobilité durable, insertion et inclusion… L’impact peut prendre plusieurs formes. »
Un plus grand besoin de sens
La start-up, qui compte six salariés à temps plein et deux indépendants, n’est pas la seule à avoir investi le segment du recrutement engagé. L’autre site de référence se nomme Jobs That Make Sense, émanation de l’association Make Sense, qui entend donner aux jeunes le pouvoir d’agir à travers le bénévolat ou l’entrepreneuriat social. Depuis son lancement en 2014, elle attire un public de plus en plus important. « Avec la crise du Covid-19, on perçoit encore plus ce besoin de sens, analyse Fabien Secherre, chargé du marketing et de la communication. Le profil des candidats évolue et l’on voit davantage de trentenaires en reconversion, même si la majorité de nos utilisateurs sont des bac + 5 en insertion professionnelle. »
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Age de départ, pénibilité, régimes spéciaux, la première ministre, Elisabeth Borne, a dévoilé jeudi 1er décembre dans un entretien au Parisien les contours de l’épineuse réforme des retraites, qui sera présentée aux partenaires sociaux à partir du 15 décembre.
« Les chiffres sont là, ils sont implacables. On a un déficit qui dépassera les 12 milliards d’euros en 2027 et continuera à se creuser si l’on ne fait rien », a expliqué la première ministre en préambule. L’âge de départ à 65 ans est donc bel et bien l’objectif de l’exécutif et demeure un « engagement porté dans la campagne », rappelle Mme Borne.
Qui sera concerné par cette réforme ? La locataire de Matignon affirme que « la réforme s’appliquera à partir de l’été 2023 », en commençant par ceux nés « au deuxième semestre 1961 ». Un « report progressif » à « 65 ans d’ici 2031 » permettrait « de ramener le système à l’équilibre dans les dix ans », a insisté Elisabeth Borne.
Autre question qui semble tranchée, celle des régimes spéciaux. « La logique de cette réforme, c’est que les nouveaux recrutés des régimes spéciaux seront affiliés au régime général d’assurance-vieillesse, comme tous les salariés du privé », a lancé Mme Borne.
Quid des carrières longues ? « Le principe sera maintenu et même assoupli pour ceux qui ont vraiment commencé à travailler très tôt », promet Elisabeth Borne. « On souhaite également dans ce cadre prendre en compte les périodes de congé parental dans le calcul de la durée de cotisation. » La cheffe du gouvernement a également suggéré que les jobs d’été soient désormais pris en compte.
Mais « on peut discuter » d’un « autre chemin », a assuré la cheffe du gouvernement, tout en excluant d’emblée « de baisser le montant des retraites ou d’alourdir le coût du travail par des cotisations supplémentaires ». La première ministre s’engage néanmoins à maintenir « l’âge d’annulation de la décote » à 67 ans comme aujourd’hui.
Une fois passés les rendez-vous avec les syndicats, la première ministre, Elisabeth Borne, dévoilera ses arbitrages dans le courant de la deuxième semaine de décembre. Juste avant les vacances de Noël, période peu propice à la mobilisation des salariés.
Ils n’échappent pas à la vague. Comme leurs homologues d’Agro Paris Tech, de HEC ou d’autres grandes écoles qui ont fait valoir, lors de discours de remise des diplômes, leurs attentes et leurs inquiétudes, la nouvelle génération d’ingénieurs du bâtiment nourrit des ambitions différentes de celles de ses aînés. « Le salaire n’est plus la première motivation, constate Joël Cuny, directeur général de l’Ecole spéciale des travaux publics, du bâtiment et de l’industrie (ESTP Paris) et délégué général du Réseau de l’enseignement supérieur de la construction. Aujourd’hui, les ingénieurs veulent intégrer une entreprise en lien avec les enjeux environnementaux et en cohérence avec leurs valeurs. C’est un phénomène à la fois très présent et très récent. S’ils sont conscients que les entreprises ne peuvent évidemment pas changer du jour au lendemain, ils accordent au moins de l’importance à un discours de sincérité. »
C’est ainsi que Loïck Rauscher Lauranceau, 25 ans, diplômé de l’Ecole nationale supérieure des mines de Nancy, a préféré se détourner du grand groupe où il postulait. Quand, en entretien, à la question rituelle sur les qualités du candidat, le jeune homme a déclaré être intègre et défendre l’écologie, il a senti le léger malaise de son interlocuteur. « Néanmoins, on m’a dit que si je voulais installer des poubelles recyclables dans les bureaux, on me soutiendrait », relève-t-il avec ironie. Sarah (certains de nos interlocuteurs ont requis l’anonymat), 22 ans, en cinquième année à Centrale Nantes, a remarqué, au cours d’un stage dans un important bureau d’études, « qu’il était difficile de changer les choses de l’intérieur ».
Quant à Antoine, 27 ans, diplômé de l’Ecole nationale supérieure des mines d’Albi, il a préféré quitter son emploi au sein d’un grand bureau d’études d’ingénierie revendiquant pourtant une fibre verte. « La tendance à faire du “greenwashing” m’insupportait. Systématiquement, nos chefs nous disaient qu’il fallait respecter la volonté du client. Que s’il ne voulait pas s’engager dans une démarche plus franchement écologique, il ne fallait pas le forcer. La peur de le perdre était trop grande. » En période de réflexion après un burn-out, Antoine envisage de se reconvertir dans l’enseignement, la gestion d’un bar à jeux de société ou la rénovation énergétique.
« La tendance à faire du “greenwashing” m’insupportait », Antoine, diplômé des Mines d’Albi
Rénovation énergétique. Les mots sont lâchés. Comme le rappelle Dominique Naert, directeur du mastère spécialisé « immobilier et bâtiments durables » à l’Ecole des ponts Paris Tech, d’ici à 2030, ce sont vingt millions de logements qui seront à rénover. « Nous connaissons une véritable révolution constructrice, avec le plan de rénovation énergétique, la RE 2020, l’extension de la loi antigaspillage pour une économie circulaire, souligne-t-il. Nous savons que de nombreux bâtiments sont énergivores. Et que le confort a été remis en question par le froid, la chaleur. Nous avons traversé une pandémie qui a causé de la souffrance dans les logements. Il y a des choses à faire ! »
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