Archive dans 2021

Europe de l’Est, Turquie, Maghreb… La production française de voitures s’exile de plus en plus

Avis de gros temps sur les sites automobiles… A Renault Flins (Yvelines), qui n’assemblera plus de véhicules d’ici à la fin de vie de la Renault Zoe ; à Onet-le-Château (Aveyron), où l’usine Bosch aura perdu 1 300 emplois en moins de cinq ans ; à l’usine Stellantis de Rennes, qui, contrairement à la tradition, ne produira pas les nouvelles grandes DS9 et Citroën C5X ; à Caudan (Morbihan), où Renault vend la Fonderie de Bretagne.

D’autres fonderies, Alvance dans la Vienne et l’Indre, MBF Aluminium dans le Jura, sont en difficulté. Celle de Villers-la-Montagne (Meurthe-et-Moselle) vient d’être liquidée. Tandis que chez BorgWarner, à Eyrein (Corrèze), des ouvriers hongrois se forment sur les lignes d’assemblage de pièces pour boîtes de vitesse qui seront déménagées en Hongrie. Les 360 salariés du site français sont licenciés. Des cas parmi d’autres…

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A l’heure du Covid-19 et de ses bouleversements économiques, c’est comme si une tornade s’abattait sur l’industrie automobile française et ses emplois. L’Union des industries métallurgiques et minières (UIMM), la branche du Medef englobant l’automobile, le dit elle-même dans une étude publiée mercredi 21 avril, où elle évoque une « dégradation considérable de la situation » depuis 2008.

« Le phénomène n’a rien de nouveau »

Les dirigeants du secteur craignent, si la dynamique négative demeure, de voir disparaître, d’ici à 2035, plus de 50 % des emplois industriels automobiles ; seuls 90 000 actifs demeureraient dans le secteur, contre un peu moins de 200 000 aujourd’hui. « Ce scénario ferait sortir la France des grandes nations de la construction automobile, y compris au seul niveau européen », assènent les auteurs.

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Le Monde a cherché à dresser un tableau détaillé de cette crise. Nous avons compilé des données de la société d’études internationales IHS Markit, du Comité des constructeurs français d’automobiles et des industriels pour établir un historique de la production française de voitures. Sur l’évolution de l’emploi, outre des chiffres extraits de l’étude de l’UIMM, nous avons fait appel aux ressources du cabinet Trendeo, spécialiste de la veille en matière d’évolution de l’emploi dans l’industrie.

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Les données révèlent un problème majeur. Les voitures vendues en France sont de moins en moins fabriquées dans l’Hexagone : une sur cinq aujourd’hui, contre une sur deux au début des années 2000. « Le phénomène n’a rien de nouveau, fait remarquer Denis Schemoul, directeur associé chez IHS Markit. Le gros de cette migration s’est produit au début des années 2000, avec une première vague importante de localisations en Espagne. Puis, il y a eu une période de stabilisation, avec même une hausse des volumes dans certaines usines françaises, entre 2016 et 2018. A partir de 2019, on retrouve cette tendance baissière et des destinations de production plus lointaines : Europe de l’Est, Turquie, Maghreb. »

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Comment lutter contre le chômage avec son épargne

L’épargne explose : en 2020, les Français ont mis de côté quelque 100 milliards d’euros de plus qu’en 2019, d’après l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee). Une manne que Bercy aimerait mobiliser pour relancer la croissance dans l’Hexagone. C’est même l’objectif du label « Relance », lancé par le gouvernement fin 2020. Les fonds labellisés – ils étaient 161 au 2 avril – doivent en effet consacrer au moins 30 % de leur actif au financement d’entreprises françaises.

Alors que le taux de chômage devrait s’envoler à 10,1 % en France fin 2021, selon l’Unédic, l’épargnant désireux de soutenir l’emploi peut-il se fier à ce nouveau label ? Pas forcément, estime Anne-Catherine Husson-Traore, la directrice générale de Novethic. « Il ne suffit pas de se déclarer “Relance” pour participer à la création d’emplois en France, attention à ne pas tomber dans le social washing. »

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Car si les fonds « Relance » doivent prendre en compte des critères d’investissement environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG), la création d’emplois n’est pas spécifiquement recherchée.

Comment trouver, dès lors, des produits d’épargne intégrant la création d’emplois ou, plus globalement la lutte contre le chômage, dans leurs critères d’investissement ? On peut se tourner vers les fonds solidaires, ces fonds qui doivent consacrer de 5 % à 10 % de leur actif au financement d’entreprises et autres entités de l’économie sociale et solidaire (ESS), le reste du portefeuille étant placé en actions et obligations. Car l’emploi est l’une des thématiques sur lesquelles les acteurs de l’ESS interviennent.

Quels critères pour mesurer la création d’emplois ?

« Parmi nos investissements solidaires, 56 % sont consacrés à des structures œuvrant pour l’accès à l’emploi, au logement ou à la création d’entreprise, trois domaines indispensables pour réussir l’insertion professionnelle des personnes en situation d’exclusion », illustre Marie-Geneviève Loys-Carreiras, responsable des investissements solidaires de BNP Paribas AM. En 2020, précise-t-elle, les acteurs de l’ESS soutenus par sa société de gestion ont ainsi accompagné 23 000 personnes vers un retour à l’emploi.

Certains de ces fonds solidaires vont par ailleurs plus loin en mettant aussi l’accent sur la création d’emplois pour leur « poche non ESS » – les 90 % à 95 % du portefeuille investis classiquement en valeurs cotées en Bourse. Un défi, tant la création d’emplois est complexe à appréhender. Par exemple, quand une entreprise rachète une activité, l’opération ne doit pas être comptabilisée comme une création nette d’emplois puisque ceux-ci existaient déjà.

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Quand le Covid-19 réhabilite le travail

Le livre. Au printemps 2020, le confinement généralisé de la population a mis entre parenthèses beaucoup d’activités professionnelles en confiant à quelques-unes d’entre elles le soin d’assurer l’existence de tous. Les soignants ont été en première ligne, les livreurs et autres acteurs de la logistique des transports ont approvisionné le pays coûte que coûte, les caissières et caissiers ont garanti avec les agriculteurs et les maraîchers la continuité de notre alimentation, les agents de la propreté publique ont veillé à l’entretien journalier de l’espace public.

« Le travail réel a fait la démonstration de sa valeur économique pour la vie collective au-delà du seul marché. Il a aussi montré sa fonction psychique vitale pour chacun d’entre nous », souligne Yves Clot dans Le Prix du travail bien fait (La Découverte).

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Des travailleurs d’habitude invisibles ont enfin pu éprouver le sentiment d’un peu de reconnaissance sociale. Ils ne sont pourtant pas dupes de l’héroïsation qui a enflammé les discours du moment, et le professeur émérite en psychologie du travail au Conservatoire national des arts et métiers (CNAM) nous invite à ne pas être plus naïfs qu’eux.

Un lourd tribu

Au nom de l’urgence, beaucoup de leurs droits ont sauté, que ce soit en matière de durée du travail, d’organisation des congés ou de prérogatives des représentants du personnel. « L’après-crise ne laissera pas une situation pacifiée et les héros d’un jour risqueront bien de redevenir invisibles. » A moins que tous les protagonistes de la situation réagissent pour se mesurer au problème que pose cet essai, qui s’appuie sur le récit de trois longues expériences de travail collectif : « celui d’ouvrir les lieux de décision à d’autres professionnels venus du “terrain”, celui, en quelque sorte, de revoir les frontières entre dirigeants et dirigés. »

Les soignants se sont acquittés d’un lourd tribut à l’épidémie. En septembre 2020, Amnesty International estimait que 7 000 d’entre eux étaient morts du virus dans le monde. Ils ont enduré des efforts démesurés, et, paradoxalement, ils ont aussi, malgré la fatigue, « éprouvé les vertus de l’action, celles du “pouvoir d’agir”, retrouvé au bénéfice de leur santé mentale ».

Pendant la première vague de l’épidémie, le virus a fait sauter les cloisons de la division du travail, l’administration hospitalière est redevenue une ressource au service du soin. « Les médecins ont repris les rênes et l’administration s’est conformée au traitement prescrit par les soignants. » L’hôpital est gouverné par l’intelligence des situations. « Lorsque cette souveraineté du travail a été rétablie, on a recommencé à discuter et à s’épauler là où, avant, on avait pris la mauvaise habitude de se parler parfois “comme des chiens” pour faire un travail de fou. »

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« On m’a conseillé d’enlever la photo pour cacher que je suis noir » : la France malade de ses discriminations

Manifestation contre les discriminations et les violences policières, à Marseille (Bouches-du-Rhône), en juin 2020.

C’est une histoire française. Celle de Wilfried Mahouto, né près de Bordeaux, qui en dépit de son master en entrepreneuriat, a envoyé des centaines de CV pendant des mois, sans jamais décrocher d’entretien. « On m’a conseillé d’enlever la photo pour cacher que je suis noir, j’ai toujours refusé », confie l’homme, qui a fini par obtenir un poste de directeur d’agence bancaire, grâce au soutien de l’association Nos quartiers ont des talents.

C’est l’histoire de Saïd Hammouche, fils d’immigrés marocains qui, lassé de voir des jeunes comme lui galérer pour trouver un emploi, a créé Mozaïk RH, un cabinet de recrutement alternatif, pour les aider.

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Celle, encore, de Samira (les personnes citées dont le nom n’apparaît pas ont souhaité garder l’anonymat), responsable marketing dans l’agroalimentaire. Le jour où elle s’est étonnée de gagner 20 % de moins que ses collègues, malgré d’aussi bons résultats, son manageur lui a répondu : « Pour une fille comme toi, c’est déjà bien d’être là. » « Il voulait dire “pour une fille d’origine maghrébine”, comme si je devais le remercier d’avoir ce poste », dit-elle en soupirant. Mehdi, lui, n’a jamais de retour des agences immobilières, alors que son ami Antoine, avec qui il cherche une collocation près de Lyon, n’a aucun mal à décrocher des rendez-vous. « Je gagne pourtant plus que lui, mais les propriétaires ne veulent pas d’Arabes. »

« La volonté politique fait défaut »

Ce sont des histoires de tous les jours, tristement banales et graves, que les difficultés économiques liées au Covid-19 exacerbent un peu plus encore. « On ne connaîtra l’ampleur qu’a posteriori, mais on sait que les personnes immigrées et d’origine immigrée sont surexposées au risque sanitaire et au chômage, en raison des inégalités qu’elles subissent dans l’emploi, le logement et la santé », s’inquiète Nicolas Kanhonou, qui travaille au Défenseur des droits, l’institution chargée de veiller au respect des droits et des libertés.

Les données publiées par l’Insee à partir des décès enregistrés à l’état civil montrent déjà que la Seine-Saint-Denis enregistre le plus fort taux de surmortalité en Ile-de-France (130 % entre le 1er mars et le 19 avril 2020, contre 74 % à Paris). Cela, en raison des conditions de vie plus précaires, mais aussi de la surreprésentation des immigrés dans les emplois de première ligne et de leur moindre accès à la santé, estiment les chercheurs de l’Institut national d’études démographiques (INED).

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Il faut « responsabiliser les entreprises dont les chaînes de valeurs sont associées à des violations de droits humains et de l’environnement »

Tribune. Huit ans quasiment jour pour jour après le drame du Rana Plaza qui fit 1 135 victimes le 24 avril 2013, c’est encore le secteur textile qui est en première ligne sur les enjeux de droits humains.

Lundi 11 avril les associations Sherpa, Ethique sur l’étiquette, l’Institut ouïgour d’Europe et une victime ouïgoure ont annoncé le dépôt d’une plainte auprès du tribunal judiciaire de Paris, contre plusieurs entreprises du secteur pour recel de travail forcé et crime contre l’humanité. Des bases légales pénales inédites qui, articulées avec la notion de devoir de vigilance, font peser sur les marques visées une quasi-présomption de responsabilité.

Pression juridique et réputationnelle

Elles doivent se préparer à une charge de la preuve très lourde pour convaincre les juges et l’opinion du sérieux de leurs dispositifs de prévention et d’atténuation des risques de violations de droits humains.

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Cette pression juridique et réputationnelle vise aujourd’hui les marques Zara, Bershka, Pull and Bear et Massimo Duti appartenant au groupe Inditex, les marques Sandro, Maje, Claudie Pierlot et De Fursac, détenues par SMCP, ainsi qu’Uniqlo. Les organisations non gouvernementales (ONG) annoncent d’ores et déjà que la plainte sera progressivement élargie à d’autres marques ainsi qu’à des enseignes de distribution.

A l’heure où le pouvoir chinois montre de manière explicite sa volonté d’imposer ses valeurs au monde, l’existence même de cette initiative montre que cela ne dissuade pas les organisations de la société civile d’agir.

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Elle envoie aussi un message fort aux marques internationales, comme Tommy Hilfiger, Calvin Klein, Abercrombie & Fitch ou The North Face qui ont ces derniers jours retiré leurs engagements sous la pression du gouvernement chinois, Hugo Boss allant jusqu’à annoncer fièrement poursuivre ses achats de coton provenant de la province du Xinjiang.

Boycottage

Une volte-face qui les expose à une nouvelle vague de boycottages dans le sillage de la campagne portée depuis 2020 notamment par le député européen (S & D) Raphaël Glucksmann, présent à la conférence de presse annonçant le dépôt de plainte.

Cette initiative judiciaire illustre aussi un alignement d’intérêts avec les autorités européennes dont les récentes sanctions visant plusieurs dignitaires chinois sont inédites, plus de trente ans après les mesures d’embargo qui avaient suivi la répression du mouvement de la place Tiananmen.

Tommy Hilfiger, Calvin Klein, Abercrombie & Fitch ou The North Face ont retiré leurs engagements sous la pression du gouvernement chinois, Hugo Boss allant jusqu’à annoncer fièrement poursuivre ses achats de coton provenant du Xinjiang

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Dans le Loir-et-Cher, la ville de Mer renaît grâce à la logistique

L’entreprise Aosom MH France, à Mer (Loir-et-Cher), dans la zone d'activité des Portes-de-Chambord, le 6 avril 2021.

Le colza est déjà bien fleuri dans cette partie légèrement vallonnée de la Beauce, bordée par l’A10, reliant Paris à Bordeaux. A toute heure s’y engouffrent des semi-remorques aux plaques estoniennes ou slovaques. Ces cinq dernières années, Mer, 6 200 habitants, a vu sa zone d’activité sortir de sa léthargie grâce aux mastodontes de la logistique. Une douzaine de plates-formes sont aujourd’hui en place et emploient 1 180 salariés. Cinq autres sont en projet : des entrepôts monochromes pouvant dépasser les 50 000 mètres carrés, percés de quais d’embarquement.

Ce territoire revient de loin. Entre 1937 et l’an 2000, le cœur de Mer battait pour Epéda. Dans les années 1980, son usine de matelas et sommiers salariait plus d’un millier de cols bleus. Et encore près de 300 l’année de l’annonce brutale de sa fermeture, en 1999. En 2012, Mer réussit à faire revenir une petite production de literie, du haut de gamme cette fois.

Les élus célèbrent alors le retour de l’industrie. Mais un redressement judiciaire suivi d’une reprise en 2016, d’une vague de licenciements en 2018 et enfin d’une procédure de sauvegarde – toujours en cours –, n’en finit plus de fragiliser son existence.

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Foncier accessible

En 2007 naît la zone d’activité des Portes-de-Chambord – le château n’est qu’à 11 kilomètres –, grâce à 160 hectares de terrains achetés à des agriculteurs. La Poste débarque en 2011, avec un centre de tris de colis hors normes, aujourd’hui fort de 500 salariés et capable de traiter 400 000 paquets par jour. « Notre zone d’activité a pris son envol à partir de 2015. Les plates-formes de logistique pure ont fait leur entrée, suivies par celles liées à l’e-commerce », estime Pascal Huguet, agriculteur de son état et président en charge du développement économique de la Communauté de communes Beauce-Val de Loire (CCBVL).

La région Centre-Val de Loire emploie actuellement 26 556 salariés dans la logistique, pour 6 millions de mètres carrés d’entrepôts. Elle met en avant un foncier accessible et un bon maillage routier. A Mer, le groupe But dispose ainsi de trois plates-formes, totalisant 133 000 mètres carrés de stockage et 165 employés. Pour Emmanuel Bénichou, directeur général d’Aosom.fr, filiale française d’une entreprise basée dans le Zhejiang (Chine), une installation dans le Centre est un atout pour qui s’appuie sur la livraison en un jour ouvré.

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Sa société commercialise des jeux, des produits d’animalerie et de décoration sur son site propre mais aussi et surtout sur Amazon.fr, La Redoute, Cdiscount et ManoMano. « Etre ici nous permet de recevoir des commandes et d’expédier nos colis jusqu’à tard dans la journée, pour une livraison le lendemain partout en France », indique M. Bénichou.

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Vaccination : des créneaux spécifiques aux métiers de la « deuxième ligne »

Environ 400 000 travailleurs de plus de 55 ans vont bénéficier d’un accès prioritaire à la vaccination en raison de leur exposition plus grande au nouveau coronavirus. Cette annonce a été faite, mardi 20 avril, par la ministre du travail, Elisabeth Borne, et le secrétaire d’Etat chargé des retraites et de la santé au travail, Laurent Pietraszewski, lors d’une réunion avec des responsables syndicaux et patronaux. Des rendez-vous spécifiques seront organisés à partir du samedi 24 avril pour que les personnes concernées puissent se voir administrer une injection, l’opération devant se dérouler sur « au moins deux semaines ».

Caissières, chauffeurs de bus ou de taxis, agents d’entretien, ouvriers des abattoirs dans l’agroalimentaire, employés des pompes funèbres… Ce sont au total une vingtaine de métiers qui ont été choisis, en partant d’un travail d’analyse que les services de Mme Borne avaient commandé dans le cadre d’une concertation consacrée aux salariés dits « de la deuxième ligne » : grâce à cette expertise, une première liste, regroupant 4,6 millions d’individus, avait été dressée.

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Un deuxième tamisage a été effectué en ajoutant trois critères « complémentaires » : accomplir sa tâche en milieu clos ; être placé dans des situations qui compliquent le respect des gestes barrières ; occuper une activité identifiée comme « profession à risque » par une récente étude de l’Institut Pasteur. L’objectif de ces tris successifs était de parvenir à un nombre total de sélectionnés (400 000, donc) qui ait « du sens », selon la formule employée par une source au sein de l’exécutif. Autrement dit, il fallait aboutir à des effectifs d’une taille raisonnable, faute de quoi les intéressés auraient dû prendre leur mal en patience.

Concrètement, les bénéficiaires du dispositif auront droit à des « créneaux » réservés dans des centres de vaccination. Un justificatif leur sera demandé : un bulletin de paye pour les salariés, une carte professionnelle s’agissant des indépendants (une déclaration sur l’honneur pouvant également être présentée, pour ces deux catégories). L’entourage de Mme Borne précise qu’il restera évidemment possible de recevoir une dose par le biais d’un médecin de ville, d’un service de santé au travail ou d’une pharmacie. C’est le vaccin fabriqué par AstraZeneca qui sera utilisé, le recours à ce produit étant recommandé pour les plus de 55 ans par la Haute Autorité de santé. Ayant été à l’origine de plusieurs cas de thrombose, il inspire toutefois de la méfiance chez une partie de la population, ce qui pourrait avoir une incidence sur la réussite de l’opération.

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Dans l’Aveyron, mobilisation pour sauver la fonderie automobile SAM

Des employés de la SAM, lors d’une manifestation, à Decazeville, dans l’Aveyron, le 10 mars 2021.

Dans l’ancien bassin houiller de Decazeville, dans l’Aveyron, sur le site de Viviez, la SAM, qui produit des pièces sous pression en aluminium pour l’automobile, a cessé la production depuis le 14 avril, et les salariés ne reprendront pas le travail, « sans aucune piste concrète ». Mardi 21 avril, près de 2 000 personnes, dont des élus locaux de tous bords politiques, étaient rassemblées en fin d’après midi sur le site pour maintenir la pression sur l’Etat et le groupe Renault – son principal donneur d’ordre.

Le site est placé en redressement judiciaire depuis décembre 2019, et le groupe espagnol CIE Automotive s’est positionné, le 8 mars, pour reprendre 150 emplois sur les 357 salariés actuels, sur une base de 30 millions d’euros de chiffres d’affaires octroyés par an par Renault. Depuis, les fortes mobilisations en février et en mars ainsi que les tables rondes successives ont permis à ce que Renault assure 10 millions d’euros de chiffre d’affaires supplémentaires et soutienne aussi l’activité d’assemblage de petites pièces dont CIE voulait se séparer, permettant de reprendre 50 employés en plus.

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Mais salariés et syndicats jugent la position du groupe espagnol bancale et soulignent le manque de transparence : « C’est 150 emplois, sinon rien. Ils ne souhaitent pas non plus accepter de subventions de la région ou de l’Etat. Ils ne disent pas combien ils vont investir, sur quelle durée, ils disent que cela ne nous regarde pas, qu’il faut accepter et qu’après, on verra », regrette Sébastien Lallier, secrétaire du comité social et économique (CSE) et représentant des salariés au tribunal de commerce.

« Les investissements promis ne sont jamais arrivés »

L’Etat était pourtant prêt à accorder une enveloppe de 800 000 euros dans le cadre du plan de relance, et la région Occitanie, plusieurs centaines de milliers d’euros.

Le blocage est tel que CIE Automotive a retiré son offre le 8 avril, tout en laissant la porte ouverte si les salariés acceptaient leur position.

Mais, pour ces derniers, impossible de céder. Il faut dire qu’ils ont déjà connu des projets de reprise et leurs lots d’incertitudes. En décembre 2017, le groupe chinois Jingjiang rachète SAM, avant, finalement, de jeter l’éponge deux ans plus tard.  « Les investissements promis ne sont jamais arrivés. Beaucoup disent ici que c’était calculé. Ils ont racheté les bâtiments pour 1 million d’euros, puis sont repartis en demandant 4 millions. On avait trente machines, il n’y en a plus que quinze, ils ont tout revendu, alors qu’ils auraient pu les entretenir », raconte, amer, Sébastien Segond, salarié depuis trente ans.

« On a acté entre nous le sacrifice de 107 familles »

« Un grand groupe chinois n’a pas investi dans la SAM, alors qu’il en avait les moyens financiers. Nous sommes donc frileux quand on voit un groupe espagnol qui vient avec de telles annonces, cela nous laisse craindre le pire », confie David Gistau, secrétaire départemental de la CGT. Les salariés souhaiteraient surtout qu’on leur offre des pistes de diversification : « On peut aussi fabriquer des pièces pour l’aéronautique, le médical, des bouchons de parfum, il y a une multitude de possibilités en fonderie. »

Dans un discours, Ghislaine Gistau, secrétaire du syndicat CGT et déléguée syndicale, ne cache pas non plus son amertume : « Nous avons décidé en assemblée générale que 250 salariés devaient être repris. On a acté entre nous le sacrifice de 107 familles qui se retrouveraient sans travail. On n’ira pas en dessous », a-t-elle fustigé, applaudie par la foule.

Si la mobilisation reste encore forte dans cette ancienne cité minière de 5 000 âmes, qui, en quarante ans, a perdu les deux tiers de ses habitants, c’est que les restructurations se succèdent. A 40 kilomètres de là, l’usine Bosch de Rodez a annoncé, début mars, la suppression de 700 emplois. Jean-Christophe, originaire de la région, a fait le trajet depuis le Pays basque : « Ma mère a travaillé ici, ma sœur, mes amis d’enfance, c’est important de se soutenir. »

Aurore Cros

Le Monde

« C’est un carnage ces offres de reprise » : l’avenir des 1 500 salariés d’Office Depot France repoussé au 25 mai

Une enseigne Office Depot à Parthenay, en Nouvelle Aquitaine, le 25 aoüt 2020.

Ils sont venus de la région parisienne, de Strasbourg, du Loiret ou du Pas-de-Calais et sont repartis sans réponse. Une centaine de salariés d’Office Depot, spécialiste américain de la fourniture de bureau, ont fait le déplacement mardi 20 avril devant le tribunal de commerce de Lille Métropole, à Tourcoing, pour connaître le nom du repreneur de leur entreprise placée en redressement judiciaire le 5 février dernier.

Après plusieurs heures d’attente, ils ont eu la confirmation de la décision d’un renvoi au 25 mai, après une audience d’étape prévue le 11 mai pour lever les conditions suspensives avec l’actionnaire. « C’est une bonne nouvelle, car ça va nous laisser plus de temps pour améliorer les offres », a confié Sébastien Fournier, secrétaire du CSEC (comité social et économique central) et délégué UNSA, à la sortie du tribunal. Autre annonce : la vente, lundi, du siège de l’entreprise, à Senlis, dans l’Oise, qui va permettre à la trésorerie de tenir jusqu’à fin mai.

Avec 60 magasins, 22 plates-formes, un site administratif à Villepinte (Seine-Saint-Denis) et trois entrepôts à Senlis, Meung-sur-Loire (Loiret) et Saint-Martin-de-Crau (Bouches-du-Rhône), l’enseigne Office Depot a attiré 13 repreneurs parmi lesquels Fiducial, Monoprix, Rougier & Plé, Lidl ou Bureau Vallée. Mais aucune des offres annoncées n’a convaincu l’administrateur judiciaire et les représentants du personnel.

« Faire monter les offres »

L’une d’elles a toutefois suscité de nombreux commentaires de la part des salariés, celle de Guillaume de Feydeau. Le président actuel d’Office Depot France a proposé de conserver 875 salariés sur 1 500, loin devant les autres offres qui proposent le maintien de 5 à 380 salariés au maximum, mais cela reste insuffisant pour les syndicats.

« C’est un carnage ces offres de reprise, a lancé Sébastien Fournier à ses collègues, juste avant l’audience. On a rencontré quatre repreneurs potentiels, il faut désormais faire monter les offres. On ne soutient pas Guillaume de Feydeau, on soutient le mieux-disant, donc si quelqu’un demain propose mieux en gardant l’entité comme elle est, on le soutiendra. »

L’homme d’affaires Guillaume de Feydeau a été nommé manageur de transition par le fonds d’investissement allemand Aurelius en mars 2019. Ancien directeur général de la compagnie maritime SNCM, où il a piloté une restructuration opérationnelle et financière, il a ensuite mené un plan de redressement opérationnel et financier du groupe de chaussures JB Martin avant de rejoindre la société de gestion d’actifs spécialisée dans les marchés de crédit et de financement Chenavari Investment Managers.

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En Amérique du Nord, les cols bleus face à la révolution du véhicule électrique

« Je suis excitée », s’exclame Karen Weldon, 58 ans, dont l’usine sera bientôt convertie au montage de véhicules électriques. La responsable de la santé et de la sécurité du site de General Motors d’Ingersoll en Ontario, au Canada a récemment passé quelques jours de formation dans le Michigan, pour comprendre comment allait être assemblée la fourgonnette électrique EV600, qui succédera au modèle Equinox. « C’est incroyable, s’enthousiasme-t-elle. Le véhicule fait plus de 7 mètres de long et le bloc-batterie est énorme. Pour travailler dessus, il faudra utiliser des leviers et accéder par le haut, nous qui avions l’habitude de nous glisser sous les voitures. »

Le pilote d’assemblage Jeff Roberts, qui, à 48 ans, fait lui aussi partie des vingt salariés sélectionnés pour aller se former aux Etats-Unis, anticipe de grands changements. « Il faudra apprendre la haute tension et revoir l’ergonomie des postes de travail, détaille-t-il. Je suis un peu inquiet mais j’ai confiance. Nous allons faire cette révolution, plutôt que de lui courir après. » La mutation de l’automobile vers l’électrique transforme l’organisation du travail et les besoins en compétences.

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Les syndicats essaient d’y préparer les salariés. Jeff Roberts, qui a vingt-sept ans d’usine derrière lui, se veut prudemment optimiste. Ça n’a pas toujours été le cas. « Lorsqu’en août 2020, nous avons entamé des négociations collectives, nous avons compris qu’aucun investissement dans les voitures électriques n’était prévu au Canada, se souvient Dino Chiodo, directeur auto du syndicat Unifor. Beaucoup d’usines allaient fermer et le Covid accélérait le mouvement. C’est pourquoi nous avons consciemment décidé de nous inscrire dès le début dans la stratégie électrique. »

« Besoins différents en personnels »

Les syndicalistes ont dorénavant un rendez-vous technologique trimestriel avec les constructeurs, General Motors, Ford et Stellantis. Ils visent ainsi la préservation d’un maximum d’emplois « décents » pour leurs 44 000 adhérents chez les constructeurs et les équipementiers canadiens.

La tâche n’est pas aisée. Les experts de l’industrie ont tous noté l’intérêt croissant des grandes marques pour ce qu’on appelle les EV (Electric Vehicles). General Motors s’est récemment fixé pour objectif de passer au tout-électrique d’ici à 2035. A la même époque, la Californie a promis de bannir les nouveaux véhicules à essence. Et le président américain Joe Biden a évoqué la construction de 500 000 stations de recharge.

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