Selon le CNRS, les stratégies les plus efficaces pour limiter la propagation sont en ordre décroissant : la rotation des équipes semaine par semaine, la rotation jour par jour, le on-off semaine par semaine et le on-off au jour le jour. DPA / PHOTONONSTOP
Carnet de bureau. Parfois le télétravail est salvateur, mais tout dépend du mode d’organisation qui réduit plus ou moins le risque de propagation du Covid-19 dans l’entreprise. C’est ce qu’a prouvé le CNRS en construisant un modèle statistique à partir des caractéristiques de circulation du virus : durée de l’infection, durée d’incubation, etc. « Notre modèle a permis pour chaque personne infectée d’observer combien elle risquait de contaminer de collègues en fonction du mode d’organisation du télétravail », explique Simon Maurras, coauteur de l’étude « Mitigating COVID-19 outbreaks in workplaces and schools by hybrid telecommuting », publiée jeudi 26 août.
De la généralisation du travail à distance aux déconfinements successifs, les entreprises n’ont eu de cesse d’améliorer la sécurité sanitaire de leurs salariés. Une fois les mesures de distanciation établies, elles ont adapté les organisations de télétravail à leurs besoins, en tenant compte des métiers plus ou moins éligibles, de la maîtrise du poste et de l’environnement numérique, et évidemment de la nécessité d’assurer la continuité de l’activité.
Ce qui a produit tantôt des systèmes de rotation des salariés, avec le partage des équipes en deux groupes distincts A et B qui se succèdent sur une base quotidienne ou hebdomadaire, comme dans l’industrie chezRémy-Cointreau par exemple ; tantôt des systèmes où toute l’équipe se retrouve régulièrement, en alternant des périodes « on » d’interactions de travail normal avec du « off » en 100 % télétravail, le désormais fameux « full remote » (télétravail systématique).
Stratégies les plus efficaces
« L’ensemble des collaborateurs de Nespresso France sont deux jours par semaine présents tous ensemble et ceci jusqu’au 1er octobre. Les trois autres jours sont en télétravail », indique ainsi la DRH Hélène Gemähling.La préoccupation des manageurs étant que tout le monde se croise afin de préserver la cohésion d’équipe mise à mal par l’isolement à domicile. Dans les deux cas, le temps de présence sur le lieu de travail est partagé, mais en rotation, le salarié ne croise que la moitié des gens, tandis qu’en alternance « on-off », il contacte tous ses collègues.
Les conclusions de l’étude du CNRS révèlent que les stratégies les plus efficaces pour limiter la propagation sont en ordre décroissant : la rotation des équipes semaine par semaine, la rotation jour par jour, le on-off semaine par semaine et le on-off au jour le jour.
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La rentrée 2021 rime avec hausse des prix réglementés du gaz (+ 8,7 % HT en moyenne). CÉCILE BERTRAND/CARTOONBASE / PHOTONONSTOP
Ce mois de rentrée est notamment marqué par une forte hausse des tarifs réglementés du gaz ainsi que par de nouvelles modalités d’indemnisation de l’activité partielle.
Les tarifs réglementés du gaz augmentent de près de 9 %
Les hausses se succèdent pour les tarifs réglementés du gaz commercialisés par Engie, qui croissent à nouveau fortement en ce 1er septembre, de 8,7 % (HT) en moyenne. Dans le détail, l’augmentation « est de 2,7 % pour les clients qui utilisent le gaz pour la cuisson, de 5,5 % pour ceux qui ont un double usage, cuisson et eau chaude, et de 9,0 % pour les foyers qui se chauffent au gaz », a précisé la Commission de régulation de l’énergie (CRE).
Depuis le 1er août 2020, les évolutions mensuelles se sont toutes traduites par des hausses (près de 10 % en juillet 2021, notamment), à une exception près, le 1er avril 2021 (– 4,1 %). Au final, la hausse moyenne des tarifs est de près de 16 % depuis le 1er janvier 2019, de 31 % depuis le 1er janvier 2020 et de presque 40 % depuis le 1er janvier 2021.
« Cette hausse d’une ampleur inédite est observée dans tous les pays européens et asiatiques, indique la CRE. Elle s’explique par la reprise économique mondiale (…) et par la forte augmentation des prix du gaz sur le marché mondial. » En cause : « des prix asiatiques en hausse continue, conduisant à diminuer fortement l’offre en Europe », mais aussi les « niveaux des stockages européens au plus bas depuis des années », qui « doivent être reconstitués rapidement pour l’hiver » et qui rendent le marché très « sensible aux problèmes de maintenance ».
Les titres-restaurant 2020 sont périmés, mais les 38 euros sont prolongés
« Les surstocks de titres épargnés du fait des restrictions sanitaires de ces derniers mois ne sont pas encore complètement résorbés », précise le communiqué. « Le stock (…) détenu par les salariés est, d’après les émetteurs, supérieur de plusieurs centaines de millions d’euros par rapport à la normale. »
Ce 1er septembre marque toutefois la fin de la validité des titres-restaurant estampillés 2020, qui avait été exceptionnellement prolongée. Les salariés disposant de titres « papier » ont jusqu’au 15 septembre pour rendre ces titres périmés à leur employeur et obtenir en échange des tickets « 2021 ».
L’indemnisation du chômage partiel diminue pour certains
Le 1er juillet, les salariés en activité partielle ont vu leur indemnité passer de 70 % à 60 % du salaire brut (d’environ 84 % à 72 % du salaire net) dans le cas général et en l’absence d’accord d’activité partielle de longue durée (sauf pour les rémunérations au smic, pour lesquelles l’indemnité est toujours de 100 %). Les salariés des entreprises des secteurs dits « protégés », les plus touchés par la crise sanitaire, n’étaient toutefois jusqu’ici pas concernés par cette baisse. Ils doivent l’être à partir de ce 1er septembre.
Le taux de 70 % doit néanmoins être maintenu pour l’heure dans certaines situations, en cas de forte chute du chiffre d’affaires de l’entreprise, si elle relève des secteurs protégés, et dans les entreprises administrativement fermées.
Impôts : un nouveau taux de prélèvement à la source
Ne soyez pas surpris quand vous recevrez votre paie de septembre : à partir de ce mois-ci, votre taux de prélèvement à la source pourra avoir changé, en fonction de vos revenus 2020, que vous avez déclarés avant l’été. La substitution se fait automatiquement.
Si en début d’année vous étiez intervenu dans votre espace personnel du site des impôts pour modifier votre taux, celui-ci continuera à s’appliquer, sauf si le taux issu de votre dernière déclaration est supérieur.
SNCF : un « forfait télétravail »
Un nouvel abonnement SNCF est utilisable à compter de ce 1er septembre sur les TGV et les trains Intercités : le « forfait annuel télétravail ». S’adressant à ceux qui voyagent sur la même ligne deux à trois fois par semaine, il permet de réserver jusqu’à 250 trajets, « avec un tarif 40 % inférieur au forfait annuel classique », annonce la SNCF. Attention toutefois à ne pas télétravailler le vendredi car le forfait est valable du lundi au jeudi.
Les tarifs dépendent de la ligne. Exemple donné par la SNCF pour le trajet Paris-Lille : 351 euros par mois avec cet abonnement, contre 586 euros avec le forfait annuel classique.
Autre nouveauté dans les transports en commun ce 1er septembre : en Provence-Alpes-Côtes d’Azur, les trains et bus du réseau « Zou » seront gratuits durant quatre mois pour les 18-26 ans domiciliés dans la région (l’offre ne concerne ni les bus de transport scolaire, ni les trains sortant de la région, ni les transports urbains – les modalités ici).
Aide au logement et contrats de professionnalisation
A compter de septembre, les personnes en contrat de professionnalisation bénéficieront, pour le calcul de leur aide au logement, d’un abattement de leurs revenus équivalent au smic. Cette mesure a été instaurée pour contrer les effets, sur cette population, de la réforme du mode de calcul des aides au logement intervenue le 1er janvier 2021 (le « calcul en temps réel). « Cela porte sur les droits de septembre payés en octobre », précisent les services de la ministre déléguée au logement, Emmanuelle Wargon.
Pas de « forfait urgences » avant 2022
Le 1er septembre devrait être marqué par l’entrée en vigueur d’une modification de la tarification des services d’urgences, prévue dans le budget 2021 de la Sécurité sociale : l’instauration d’un « forfait patient urgences » facturé aux patients dont la prise en charge par ces services n’est pas suivie d’une hospitalisation. Ce tarif forfaitaire, qui doit remplacer le système de tarification actuel, avait été annoncé d’un montant proche de 18 euros, et de 8 euros pour le tarif réduit (montants non encore confirmés par arrêté).
Les dates à retenir en septembre
– 13 septembre. La SNCF a assoupli ses conditions de remboursement et d’échange et il est actuellement possible, jusqu’au 12 septembre, de se faire rembourser ou d’échanger sans frais son billet de TGV ou de train Intercités avant le départ, et jusqu’à 1 heure 30 avant le départ pour les trains Ouigo. Pour les voyages à partir du 13 septembre, les conditions normales devraient toutefois s’appliquer à nouveau.
– 27 septembre. Date du prélèvement par l’administration fiscale de l’impôt sur la fortune immobilière (dans le cas général) et du solde de l’impôt dû au titre des revenus 2020, s’ils sont prélevés automatiquement. Sinon, la date limite est fixée au 20 septembre pour payer en ligne, et au 15 septembre pour payer de façon non dématérialisée.
En cas de solde de l’impôt sur le revenu supérieur à 300 euros, la somme sera étalée sur quatre prélèvements, du 27 septembre au 27 décembre.
Cette réforme serait toutefois reportée au 1er janvier 2022, selon les informations de l’association de consommateurs UFC-Que Choisir.
Un employé en télétravail à Vertou (Loire-Atlantique), près de Nantes, en mai 2020. LOIC VENANCE / AFP
En cette rentrée, DRH et manageurs ont du pain sur la planche. « Clairement, le défi est de recréer le collectif de travail », assure Audrey Richard, présidente de l’Association nationale des DRH (ANDRH). La crise sanitaire a fait des dégâts et, notamment, « le télétravail qui a exacerbé les inégalités entre cols bleus et cols blancs », constate Aurélie Leclercq-Vandelannoitte, chercheuse au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et professeure de management à l’Ieseg.
Une étude réalisée par l’Insee dès la première année de Covid-19 établissait que plus de 57 % des cadres, 28 % des professions intermédiaires, près de 21 % des employés et 1,5 % des ouvriers étaient, en mai 2020, en télétravail complet.
Mais Florence Cauvet, DRH de Sanofi France, récuse cette dichotomie : « Le fait de pouvoir télétravailler n’est pas lié à un statut, mais à un métier. »« Avant la crise, le télétravail était déployé de façon très inégale et concernait surtout les cadres et l’Ile-de-France, note Anne-Sophie Godon, directrice innovation de Malakoff Humanis. Aujourd’hui, il s’est démocratisé et touche notamment les non-cadres en régions. »
Deux vitesses
Quoi qu’il en soit, le risque est de créer un système à deux vitesses, entre les télétravailleurs et les autres. En effet, la situation « exceptionnelle » durant la crise va désormais perdurer.
Les entreprises penchent dans leur grande majorité pour une formule hybride. L’ANDRH conseille aux entreprises d’opter pour deux jours par semaine en télétravail et trois jours sur site « pour justement maintenir le collectif », précise Audrey Richard.
Salariés et directions ont conscience du problème. Ainsi, selon le Baromètre annuel Télétravail 2021 de Malakoff Humanis, 60 % des salariés et 42 % des dirigeants interrogés s’accordent à dire que le télétravail risque de créer de nouvelles fractures au sein de l’entreprise entre ceux qui peuvent télétravailler et ceux dont les fonctions ne le permettent pas.Or, note Anne-Sophie Godon, « le besoin d’équité est très fort ».
« Pour surmonter ce risque, il est fondamental de rappeler que le télétravail n’est ni un droit ni une obligation, ce que précisent 90 % des accords de télétravail,expliqueBruno Mettling, président fondateur du cabinet Topics et ancien DRH d’Orange. Il s’agitsimplement d’une modalité d’organisation du travail. »
Une modalité sur laquelle certains essaient de surfer. Ainsi,Pierre & Vacances (résidences de tourisme) tente de donner au travail à distance les apparences d’une situation privilégiée en proposant aux télétravailleurs « des résidences partout en France avec piscines, des hébergements tout équipés avec vues imprenables… », détaille un communiqué de presse du 16 juin. Un « privilège » dont tous les salariés ne pourront pas bénéficier
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Des visiteurs munis de passes sanitaires devant l’entrée du Musée du Louvre à Paris, le 21 juillet 2021. SARAH MEYSSONNIER / REUTERS
Après les visiteurs, les employés. Alors que l’entrée au musée se fait uniquement sur présentation d’un passe sanitaire valide depuis le 21 juillet, c’est désormais au tour des personnels de devoir montrer patte blanche. Depuis le 30 août, les salariés, prestataires et concessionnaires des établissements accueillant du public sont également tenus de justifier de leur statut vaccinal ou virologique. La mesure concerne 1,8 million de personnes, tous secteurs confondus. A l’instar des cafés et restaurants, les lieux de culture, notamment les musées, doivent ainsi s’assurer que leurs employés en contact avec le public disposent d’un passe sanitaire valide. Comme pour les visiteurs, trois types de preuve sont admis : un certificat de vaccination, un test négatif ou un test positif d’au moins onze jours et de moins de six mois, servant de preuve de rétablissement.
Au MuCEM, à Marseille, on récolte les fruits de l’anticipation. Selon Vanessa Hen, responsable du département des bâtiments et de l’exploitation, la configuration des lieux et la perméabilité entre les espaces ouverts au public et l’administration rendent « difficile voire impossible » la distinction entre les employés. Entre les salariés, les prestataires et les concessionnaires, 300 à 350 personnes se retrouvent ainsi concernées par la mesure. Cet été, la direction du musée a donc installé dans ses locaux un centre de vaccination éphémère pour son personnel. « On sent une bonne volonté de la part des employés, commente Vanessa Hen. Les rares personnes qui s’opposent à la vaccination jouent le jeu et acceptent de se faire tester régulièrement pour pouvoir accéder au site. »
« Une mesure de santé publique »
Pour faire respecter ce nouveau protocole, un référent doit être désigné dans chaque musée. En principe, si un salarié ne dispose pas de passe sanitaire à compter de ce lundi 30 août, un entretien devra être organisé entre celui-ci et son employeur pour trouver une solution. Il pourra notamment poser des jours de congés le temps d’obtenir le précieux sésame, voire se mettre en télétravail si son activité le permet ou être temporairement affecté à un poste ne nécessitant pas la présentation d’un passe, c’est-à-dire sans contact avec le public. Si aucun accord n’est trouvé et que le salarié refuse de s’y soumettre, il encourt la suspension immédiate de son contrat de travail et de sa rémunération.
Du côté du gouvernement, on annonce néanmoins « une semaine de souplesse et de pédagogie avant les sanctions ».« C’est une mesure de santé publique, pas de gestion des ressources humaines, a justifié lundi 30 août Roselyne Bachelot sur Franceinfo. Elle est proportionnée, exceptionnelle et temporaire [et vise à] protéger les salariés et ceux qui fréquentent ces lieux. » Par ailleurs, s’il est désormais facultatif dans les lieux où le passe sanitaire est obligatoire, la ministre « conseille » toujours le port du masque.
« Il serait heureux que le toilettage de la loi Pacte qui s’annonce permette de redéfinir la place du comité de mission. Plutôt qu’une instance supplémentaire, il s’agirait d’en faire un comité du CA, au même titre que les comités d’audit ou de nomination. » ROY SCOTT/IKON IMAGES / PHOTONONSTOP
Gouvernance. La loi Pacte (plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises) de 2019 a institué un comité indépendant chargé d’évaluer les engagements pris par l’entreprise qui choisit le statut de société à mission. Le pouvoir de ce comité reste néanmoins flou, chaque entreprise pouvant le composer à sa guise en respectant la seule obligation d’intégrer au moins un membre de son personnel. Cette ambiguïté est assez typique de la manière dont les réformes de fond sont conçues en France en matière de gouvernance d’entreprise.
Il existe en effet deux voies pour faire évoluer celle-ci.
La première consiste à renforcer la responsabilité des structures existantes, et en premier lieu celle du conseil d’administration (CA).
La seconde conduit à multiplier les instances de gouvernance pour confier à chacune d’elles une partie des responsabilités de l’entreprise à l’égard de son écosystème.
La première voie a été utilisée par les lois successives sur la parité hommes-femmes qui ont défini un quota minimal de 40 % de membres de l’un ou de l’autre sexe dans les CA des entreprises de plus de 250 salariés.
La seconde voie a été privilégiée par la loi Pacte, qui a donc créé un comité distinct du CA et consacré exclusivement au suivi de la mission de l’entreprise.
Cette manière de procéder par empilement de lieux de pouvoir avait déjà été adoptée par les lois Auroux de 1983. Celles-ci avaient cherché à réévaluer le pouvoir du comité d’entreprise pour en faire un lieu de décision attentif au travail, contrebalançant le CA supposé orienter les stratégies au nom des intérêts du capital. Sur la même question, les Allemands ont choisi, eux, la première voie en instaurant, depuis 1976, la parité entre les travailleurs et les actionnaires au cœur de leurs conseils.
Petite modification, grande portée
Or le doublement des instances n’a jamais vraiment fonctionné pour deux raisons : d’une part, le CA reste ultimement responsable des choix stratégiques de l’entreprise, ce qui réduit le poids des instances alternatives ; d’autre part, tout étant lié, le CA se doit d’intégrer l’ensemble des contraintes et des responsabilités de l’entreprise s’il prétend assumer sérieusement sa stratégie. La multiplication des instances complexifie donc la gouvernance des entreprises sans remettre en cause le pouvoir prépondérant du CA.
La même logique risque de jouer avec le « comité de mission ». Comment distinguer son apport propre de celui du CA dont le rôle est aussi d’intégrer la mission de l’entreprise dans sa stratégie et, mieux encore, d’en faire un facteur de différenciation concurrentielle ? Le dédoublement des instances peut laisser entendre qu’il existe deux rôles, encourager la mission d’une part, conduire la stratégie d’autre part, alors que cela ne constitue qu’une seule réalité.
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Laurent Berger au siège de la CFDT, à Paris, le 31 août 2020. JEAN-LUC BERTINI / PASCO POUR « LE MONDE »
Les partenaires sociaux doivent être reçus à Matignon par le premier ministre, Jean Castex, du mercredi 1er au vendredi 3 septembre, pour discuter de la réforme des retraites, au point mort, et de celle de l’assurance-chômage.
Pour le secrétaire général de la Confédération française démocratique du travail (CFDT), Laurent Berger, la priorité du gouvernement doit être d’apporter des réponses aux préoccupations concrètes des salariés, notamment en matière de télétravail, de formation et d’accompagnement des chômeurs de longue durée.
Depuis ce lundi, des centaines de milliers de salariés sont tenus d’avoir un passe sanitaire pour pouvoir exercer leur activité. Craignez-vous des tensions entre des travailleurs qui ne respectent pas cette obligation et leurs patrons ?
Il faut que ce dispositif soit instauré en bonne intelligence avec les salariés concernés, par le dialogue et avec une procédure qui garantisse de ne pas conserver de données personnelles sur leur état de santé. Si des employeurs commettent des abus, ils devront être sanctionnés. Nous serons vigilants.
Quel regard portez-vous sur le mouvement anti-passe sanitaire, qui a suscité, en plein été, une mobilisation significative ?
La CFDT ne va pas faire d’agitprop sur ce sujet. Nous sommes pour la vaccination, car c’est le seul moyen de sortir de cette pandémie.
Une partie des manifestants anti-passe sanitaire se recrute dans les rangs de l’extrême droite la plus nauséabonde, associée à quelques réseaux sectaires et à des « gilets jaunes » radicalisés. Pour nous, il est hors de question de marcher aux côtés de ces gens-là.
Mais d’autres ont défilé car ils sont las, fatigués de voir que leur vie est régie par le virus et par des mesures dictées de façon verticale, ce qui montre qu’un fossé démocratique s’est creusé. Il faut le prendre en compte : la manière dont les citoyens sont associés aux prises de décisions et à leur application est fondamentale.
Va-t-on assister à un « déconfinement des colères » ?
La fatigue démocratique dont je parle s’ancre dans l’inquiétude et l’incertitude. Certes, la reprise économique est là, mais le nombre de demandeurs d’emploi demeure supérieur à celui qui prévalait avant 2020.
De plus, la question du réchauffement climatique s’est encore posée avec acuité au cours des derniers mois, et l’actualité internationale nourrit l’anxiété.
Dès lors, une des façons de lutter contre cette fatigue démocratique, c’est d’apporter des réponses aux préoccupations concrètes des citoyens : le retour sur le lieu de travail après de longues périodes d’activité à distance, la mise en place de lieux d’expression des salariés, l’avenir des jeunes, etc. La rentrée sociale doit se dérouler autour de ces thèmes, avec des mesures à hauteur de femmes et d’hommes, qui soient négociées et partagées. Si le gouvernement et les employeurs procèdent seuls, le débat va rester à l’état de brouhaha, en n’effleurant que l’écume des choses. Et la conflictualité va repartir, dans les entreprises comme au sein de la société.
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La rentrée sociale aura lieu le 5 octobre. Une intersyndicale réunissant la Confédération générale du travail (CGT), FO (Force ouvrière), la FSU (Fédération syndicale unitaire), l’union syndicale Solidaires et les organisations de jeunesse telles que la FIDL (Fédération indépendante et démocratique lycéenne), l’UNEF (Union nationale des étudiants de France) et L’UNL (Union nationale lycéenne) a appelé, lundi 30 août, à une journée de mobilisation le mardi 5 octobre, pour la défense des salaires, des emplois, des conditions de travail et d’études.
Ces organisations « s’opposent à ce que la situation sanitaire soit utilisée par le gouvernement et le patronat pour accélérer la remise en cause des droits et des acquis des salariés et des jeunes », écrivent-elles dans un communiqué lu au cours d’un point presse au siège de la CGT à Montreuil, lundi soir. « L’élargissement et l’accélération indispensable de la vaccination demandent de renforcer l’accès à la santé, les moyens de l’hôpital public et de la médecine du travail. Cela nécessite de convaincre et de rassurer, et non de sanctionner les salariés », poursuivent-elles.
La CFE-CGC (Confédération française de l’encadrement-Confédération générale des cadres), qui a participé à la réunion organisée lundi à l’invitation de la CGT, n’a pas souhaité s’associer à cette journée de grève et de manifestations. La CFDT (Confédération française démocratique du travail), avait pour sa part décliné l’invitation de la centrale de Montreuil.
Réforme de l’assurance-chômage
Un sommet social est prévu pour le 2 septembre à Matignon, où Jean Castex recevra à tour de rôle les dirigeants des syndicats et du patronat. Au menu, la réforme des retraites, pour l’instant au point mort, et la réforme de l’assurance-chômage, qu’Emmanuel Macron veut faire appliquer dès le 1er octobre, les signaux étant, selon lui, au vert pour l’emploi.
Dans son communiqué, l’intersyndicale met en garde contre le « retour de la réforme des retraites » et contre « la réforme de l’assurance-chômage ».
De son côté, la ministre du travail, Elisabeth Borne, a promis la semaine dernière sur la chaîne BFM Business de revenir prochainement « vers le Conseil d’Etat avec un nouveau décret », de manière à « avoir un texte opérationnel au 1er octobre ». La plus haute juridiction administrative avait suspendu, le 22 juin, une partie de la réforme en raison des « incertitudes sur la situation économique ».
Le ministre de l’économie et des finances, Bruno Le Maire, lors d’une conférence de presse le 30 août 2021. ERIC PIERMONT / AFP
Le fonds de solidarité mis en place par le gouvernement français en mars 2020 pour soutenir les entreprises pénalisées par la crise sanitaire sera supprimé le 30 septembre, a annoncé, lundi 30 août, le ministre de l’économie Bruno Le Maire.
Il sera en revanche maintenu, avec les autres dispositifs de soutien, pour les départements et territoires d’outre-mer, où la situation sanitaire impose encore des restrictions très strictes, a précisé le ministre lors d’un point de presse à l’issue d’un rendez-vous de plusieurs membres du gouvernement avec les représentants des secteurs encore pénalisés par la crise.
Le fonds de solidarité sera remplacé à partir du 1er octobre par un dispositif permettant l’indemnisation de 70 à 90 % des coûts fixes non couverts par les recettes, dans les secteurs dont l’activité reste pénalisée par les restrictions sanitaires. Il a ajouté que le dispositif sera étendu à toutes les entreprises, alors qu’il était limité à celles réalisant plus d’un million d’euros de chiffre d’affaires.
Plusieurs réunions prévues
Une première réunion avec notamment les représentants du commerce, du tourisme et de l’événementiel s’est tenu à 9 h 30, tandis que le ministre avait promis aux entrepreneurs une clause de revoyure à la fin d’août. M. Le Maire était accompagné par ses homologues du travail, Elisabeth Borne, des PME, Alain Griset, et du tourisme, Jean-Baptiste Lemoyne.
A 14 h 30, le monde de la culture, dont des représentants du cinéma et du spectacle vivant, seront ensuite reçus séparément par les ministres Le Maire et Griset et leur collègue de la culture, Roselyne Bachelot. Cette dernière a annoncé lundi sur Franceinfo une aide « sur mesure » au secteur, mentionnant, sans précision, le maintien de « certaines mesures transversales » d’aide aux entreprises, tout en notant que le secteur de la culture est dans une « période de reprise ».
A la question de savoir si l’aide serait attribuée selon la situation de chaque théâtre ou cinéma, la ministre a répondu : « Exactement. » Et pour cela les services de l’Etat vont « regarder le chiffre d’affaires et la fréquentation » des entreprises concernées, en utilisant comme périodes de référence « ce qui s’est passé avant l’instauration du passe sanitaire, et par rapport aux années sans crise sanitaire ».
Evoquant le secteur de la presse, qui a « rencontré de grandes difficultés », elle a annoncé un effort « pour un certain nombre d’acteurs et en particulier pour les photojournalistes et photodocumentaristes ». Un programme de commande publique, doté de 5 millions d’euros et piloté par la Bibliothèque nationale de France (BnF), va en sélectionner 100 en novembre et 100 en mars 2022. Ils recevront une bourse de 22 000 euros pour réaliser une « radioscopie de la France de la crise sanitaire et après ». Leurs travaux seront exposés ensuite « à la BnF et dans toute la France ».
240 milliards d’euros depuis mars 2020
Les mesures de soutien pour aider les entreprises à surmonter la crise se sont élevées à 240 milliards d’euros depuis mars 2020, dont un tiers de subventions et deux tiers de prêts, a également précisé le ministre de l’économie. L’argent donné « aux entreprises ou aux salariés pour protéger le pouvoir d’achat, c’est 80 milliards d’euros », a-t-il détaillé. « A cela s’ajoutent des prêts, mais c’est des prêts, ça n’a rien à voir, économiquement, avec des subventions, de l’ordre de 160milliards d’euros, les prêts garantis par l’Etat, plus d’autres formes de prêt », a ajouté Bruno Le Maire.
Il a rappelé que le Fonds de solidarité avait coûté environ 35 milliards d’euros, tout comme la prise en charge par l’Etat de l’activité partielle, tandis que les exonérations de charges se sont élevées à dix milliards d’euros.
Depuis le début de la crise sanitaire, plus de 685 000 de prêts garantis par l’Etat (PGE) ont été accordés pour un montant de 139,3 milliards d’euros, selon le ministère de l’économie. D’autres prêts, notamment participatifs, ont également été accordés par l’Etat, expliquant le chiffre de 160 milliards rapporté par Bruno Le Maire.
Le ministre a mis en avant la bonne santé de l’économie française, qui « tourne à 99 % de ses capacités » et la reprise de la consommation pour justifier la fin des aides massives aux entreprises. Il a fait savoir que les demandes de PGE sont tombées de 500 000 au mois de mai, alors que toutes les entreprises y étaient encore éligibles, à 50 000 en juillet.
Le ministre a dit croire que l’embellie économique « va continuer », car « la consommation est bien orientée ». Le ministre a reconnu que le passe a eu un « effet temporaire » notamment sur les cinémas, sur les parcs à thèmes et les zoos… « et puis ça s’est rétabli plus ou moins rapidement selon les secteurs », d’après lui.
Alors que près de 160 000 personnes ont défilé samedi pour le septième week-end de manifestations d’affilée, le passe sanitaire entre, lundi 30 août, dans une nouvelle étape de son déploiement. Les personnes travaillant en contact avec le public dans les bars, restaurants, cinémas, théâtres, musées ou encore dans les trains grandes lignes, doivent désormais aussi en disposer. Il n’était jusque-là obligatoire que pour les clients.
La loi relative à la gestion de la crise sanitaire, adoptée le 25 juillet, prévoit que les 1,8 million de salariés concernés doivent dès à présent, et jusqu’au 15 novembre, fournir une preuve de leur vaccination contre le Covid-19, un test de dépistage négatif – à renouveler tous les trois jours – ou un certificat de rétablissement de moins de six mois.
Le porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal, a promis, dimanche, « une semaine de souplesse, de pédagogie, de rodage, de tolérance », mais il a également prévenu qu’il y aurait « évidemment des sanctions ensuite ».
Ces sanctions s’appliqueront à l’employeur d’abord, s’il refuse de contrôler les passes sanitaires. « Si vous êtes le responsable d’un établissement et que manifestement vous ne voulez pas contrôler le passe sanitaire et l’appliquer, vous vous exposez d’abord à un avertissement, une mise en demeure, et potentiellement une fermeture administrative », a expliqué M. Attal.
Suspension du contrat de travail pour les salariés
Quant aux salariés qui ne seraient pas vaccinés ou refuseraient de réaliser des tests de dépistage réguliers, ils ne pourront « plus exercer [leur] activité », prévient le site du ministère du travail, de l’emploi et de l’insertion. La loi prévoit qu’à l’issue du troisième jour de la suspension du contrat, un entretien soit organisé avec le salarié pour examiner les moyens de régulariser la situation.
La personne concernée pourrait alors, en accord avec son employeur et dans la mesure du possible, prendre des jours de congés payés, télétravailler ou encore être affecte à un poste ne nécessitant pas de passe sanitaire.
Jusqu’à deux mois de suspension, pas de licenciement possible
Si le blocage persiste, le contrat peut être suspendu jusqu’à deux mois – le passe sanitaire est censé s’appliquer au moins jusqu’au 15 novembre. Dans sa décision du 5 août, le Conseil constitutionnel a exclu la possibilité de licencier un salarié pour absence de passe sanitaire.
Alors que sonne l’heure de la rentrée et du retour en entreprise, c’est aussi de la fin du « nombre de jours minimal » de télétravail fixé par l’Etat dans les entreprises : elle sera effective à partir de mardi 31 août au soir, a affirmé lundi la ministre du travail Elisabeth Borne sur BFM-TV.
Les organisations syndicales et patronales souhaitent « toutes qu’on redonne la main aux entreprises pour fixer les règles en matière de télétravail, qu’on n’ait plus un nombre de jours minimal, c’est ce qu’on va faire », a-t-elle expliqué. Un nouveau protocole sera publié « demain soir », mardi, qui permettra « à la direction de l’entreprise, en discussion avec les représentants des salariés, de définir les règles en matière de télétravail ».
Le 9 juin, les règles entourant le télétravail avaient été assouplies, un nouveau protocole permettant aux entreprises de faire revenir plusieurs jours par semaine leurs salariés au bureau, tout en préconisant qu’un « nombre minimal de jours » soit fixé « dans le dialogue social ».
Le gouvernement avait sondé la semaine dernière les organisations patronales et syndicales. La CGT avait dit son souhait que le télétravail « rentre dans un cadre régulier, qu’il fasse l’objet d’accords ». « Il ne peut pas être géré par l’Etat au moyen du protocole sanitaire. Il faut qu’on passe d’une mesure de gestion de la pandémie à une mesure d’organisation du travail, par des accords négociés dans les branches et les entreprises », avait déclaré Fabrice Angei, membre du bureau confédéral de la CGT.
« Nous garderons des dispositifs de soutien au cas par cas », a-t-il néanmoins rappelé, ainsi qu’il l’avait dit la semaine dernière à l’occasion de la Rencontre des entrepreneurs de France organisée par le Medef. « Nous sommes passés au sur-mesure, nous continuerons à soutenir ceux qui en ont besoin », avait-il alors annoncé.
Une réunion doit se tenir à Bercy ce lundi pour décider du maintien au-delà du 31 août de certaines aides à des secteurs spécifiques, notamment ceux touchés par la mise en place du passe sanitaire.