La difficile entrée en scène des jeunes diplômés du cirque
Embouteillage de spectacles, annulations d’événements, salaires en baisse… Les débuts de carrière des jeunes circassiens sont devenus encore plus compliqués depuis la crise sanitaire.
Embouteillage de spectacles, annulations d’événements, salaires en baisse… Les débuts de carrière des jeunes circassiens sont devenus encore plus compliqués depuis la crise sanitaire.
RécitUn an après avoir repris l’établissement historique du centre de la cité bretonne, le propriétaire s’est volatilisé, laissant derrière lui une boutique endettée et des salariés sans ressources.
Depuis des semaines, l’ardoise navigue sur le comptoir du Flambard, ce café situé à deux pas de l’hôtel de ville de Lannion (Côtes-d’Armor). Sur l’écriteau : « Une cagnotte est à votre disposition pour soutenir les salariés de la boucherie abandonnée. » Après avoir réglé leurs consommations, les habitués glissent mécaniquement le reste de leur monnaie dans la tirelire. Dans la sous-préfecture bretonne, tout le monde connaît l’énigmatique histoire de la Boucherie du Miroir. Cette boutique à la devanture beige et bordeaux se trouve dans la rue pavée qui longe les halles, puis dévale en direction des quais.
Cette institution locale ouverte en 1930 est fermée depuis la disparition d’Eric Nouricier. Ce boucher, qui a repris l’affaire fin 2020, est introuvable. « La dernière fois que je l’ai vu, il m’a dit s’absenter quelques jours pour gérer des papiers dans le Sud, témoigne Aurore Thomas, employée du magasin depuis douze ans. Après plusieurs jours sans nouvelles, nous avons commencé à nous inquiéter. Malgré son absence, nous continuions d’ouvrir jusqu’à ce que le syndicat de la boucherie nous recommande d’arrêter. En cas de problème, nous étions responsables. » Avec Jordan Da Mota, son collègue, la trentenaire s’est résolue à tirer le store de la boutique, le 27 octobre 2021. D’autant que les salariés ont compris que la disparition de leur responsable devait désormais être qualifiée de fuite.
Devant une tasse de café, Aurore Thomas triture ses mains lorsqu’elle raconte sa stupéfaction en découvrant l’état des comptes de ce commerce jusqu’alors prospère – vides et à découvert de plusieurs milliers d’euros, pour certains. La banque n’avait donc pas rejeté les chèques des salaires de septembre et d’octobre par erreur, comme l’arguait le patron. Les fréquents appels de fournisseurs en colère n’étaient pas l’œuvre de grincheux. Quant aux nombreuses lettres recommandées, elles cachaient une accumulation de dettes.
Depuis la fermeture, des vagues de questions submergent les salariés. Où est passé Eric Nouricier ? Qu’a-t-il fait de la trésorerie de cette boutique au chiffre d’affaires annuel de 342 000 euros (pour son dernier exercice connu, en 2013) ? Qui est vraiment cet Héraultais de 57 ans roulant en Porsche Cayenne dans les rues de Lannion ? Et, plus urgent, quel avenir pour cette entreprise sans patron ?
« Eric nous a embarqués dans sa galère sans scrupule. Il connaissait nos situations et savait pourtant qu’on ne roulait pas sur l’or », s’agace Florian Lageat, compagnon d’Aurore Thomas. Depuis septembre, les employés sont sans ressources. Impossible de postuler à un autre emploi ou de prétendre au chômage tant que leurs contrats de travail à la Boucherie du Miroir perdurent. Parents de deux enfants, Aurore Thomas et Florian Lageat vivent des indemnités de ce dernier, maçon actuellement en arrêt maladie à la suite d’une fracture du poignet.
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Face aux fortes difficultés de recrutement, le patronat de l’hôtellerie-restauration affiche sa volonté de casser sa tirelire. Lors de la deuxième séance de négociation avec les syndicats de salariés, l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie (UMIH), principale organisation patronale du secteur, le Groupement national des indépendants (GNI), le Groupement national des chaînes hôtelières (GNC) et le Syndicat national de la restauration thématique et commerciale (SNRTC) ont annoncé, jeudi 16 décembre, une nouvelle grille des salaires assurant une rémunération minimum supérieure de 5 % au smic. Cela se traduira « par une augmentation moyenne de 16,33 % par rapport à la grille actuelle », précise un communiqué commun.
Cette grille, validée par tout le collège patronal, sera soumise à la signature des organisations syndicales de salariés à partir de lundi et jusqu’au 17 janvier 2022. Elle assure « une rémunération minimum supérieure de 5 % au smic dès le premier niveau de la grille », selon les représentants des employeurs, qui parlent d’un « effort historique ».
« On est bien loin du compte, l’attractivité des métiers de ce secteur exige un investissement important, tant le retard accumulé en matière de rémunération est important », a pourtant déploré la CGT (premier syndicat de la branche) dans un communiqué.
« On ne peut pas donner plus dans un contexte sanitaire qui se durcit, avec des entreprises encore très fragiles, pas sorties du tunnel : il faut savoir arrêter une négociation, on a fait le maximum », a déclaré Thierry Grégoire, le négociateur de l’UMIH.
« La grille va commencer à 11,01 euros, contre 10,57 euros, au 1er janvier [2022], a déploré Nabil Azzouz, le négociateur de FO (troisième organisation de la branche). Cela représente seulement 4 % d’augmentation pour le premier niveau, en sachant que 80 % des effectifs se retrouvent dans les deux premiers niveaux. »
Les organisations patronales affirment avoir proposé un « calendrier social pour le premier semestre 2022, afin de continuer la discussion portant sur l’attractivité de la branche ». « Le patronat a refusé de s’engager sur son contenu, alors on a demandé au ministère d’y intégrer officiellement le 13e mois, la rémunération des coupures et la majoration du dimanche », a ajouté M. Azzouz.
« Après quinze années de dialogue social inconsistant, cette négociation est une triste parodie destinée à cautionner les milliards d’euros d’aides publiques qui tiennent le secteur sous perfusion depuis deux ans », estime enfin la CGT.
L’épidémie due au nouveau coronavirus flambe à nouveau en France et elle n’épargne pas le monde de l’entreprise. « En un mois, on est passé de “ça va à peu près” à “c’est la merde” », résume avec amertume Claire, salariée d’une agence de communication à Strasbourg. « Est-ce que c’est dû au nouveau variant [Omicron] ? A un relâchement des gestes barrières ? En tout cas, ces deux dernières semaines, sur mes onze collègues, quatre ont eu le Covid-19. Ça donne vraiment l’impression que l’étau se resserre », raconte la jeune femme de 34 ans, vaccinée, qui se dit « épuisée nerveusement » par une pandémie qui n’en finit plus.
La circulation rapide du virus dans l’entreprise de Claire illustre l’explosion des cas dans le pays : avec un peu plus de 45 000 nouvelles contaminations au 6 décembre – en moyenne par jour sur les sept jours précédents –, cette cinquième vague a d’ores et déjà dépassé les pics des deux précédentes (environ 24 000 cas mi-août et 35 000 début d’avril). Le nombre de patients en réanimation devrait quant à lui « atteindre les 4 000 autour des fêtes », a affirmé, mercredi 15 décembre, le porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal.
D’après les témoignages recueillis par Le Monde, une majorité de salariés redoutent de voir le virus gâcher le réveillon. A une semaine de Noël, ils sont nombreux à vouloir se claquemurer pour limiter les risques de transmission et faire des agapes sereinement.
Pour le moment, au sein des entreprises privées comme dans la fonction publique, le gouvernement préconise « deux à trois jours de télétravail par semaine » lorsque cela est possible. L’exécutif recommande également de « limiter les réunions en présentiel ». Ce nouveau protocole sanitaire, publié le 8 décembre, insiste sur le respect de la distanciation physique, l’aération des locaux, le port du masque et la vaccination. Comme il n’est pas obligatoire, il est différemment appliqué et malgré la reprise épidémique, les chefs d’entreprise semblent privilégier le statu quo.
« Mon patron fait l’autruche, il refuse de voir les courbes remonter », s’agace Malik, un Isérois de 37 ans, employé dans une entreprise de formation. « Mes chefs ont décidé qu’on resterait à un seul jour de télétravail par semaine. Ils se sont complètement braqués. Quand on voit la situation sanitaire actuelle, c’est désolant », déplore Sylvie, 52 ans, qui travaille dans le quartier de La Défense, en région parisienne. « L’arrivée de la cinquième vague et les annonces de [Jean] Castex n’ont rien changé. A part l’annulation du repas de Noël avec toute l’équipe, c’est comme si de rien n’était », dit Lynda, personnel administratif à Toulouse. Plusieurs employés jugent « incompréhensibles » les réticences de leurs supérieurs à augmenter le travail à distance. Tous affirment en effet être aussi productifs à la maison qu’au bureau. Ce que confirme une étude réalisée par trois chercheurs français.
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Le PDG de la SNCF, Jean-Pierre Farandou, revient sur l’arrivée de la concurrence en France, dans une période de crise sanitaire et d’agitation sociale cheminote. Il détaille aussi les besoins du système ferroviaire français, qui, selon lui, sont nécessaires pour doubler la part du train dans les transports.
Cette grève se produit à un très mauvais moment, avec un sentiment de lassitude générale, sur fond de cinquième vague de Covid-19 et d’arrivée de la concurrence sur la grande vitesse. Cette grève est locale, puisque c’est un mouvement des conducteurs de TGV du Sud-Est. Quand je regarde le nombre de cheminots concerné, ce n’est même pas 1 % des personnels SNCF. Et je ne voudrais pas que ce 1 % abîme l’image de tous les autres cheminots… Mais, forcément, cela se remarque, puisque des millions de Français voulaient prendre ces trains. Depuis la rentrée, la SNCF était partie pour rebondir. Nous avons vendu plus de 3 millions de billets pour les fêtes de fin d’année. Il y a une espèce de paradoxe, pour les syndicats, à être contre la concurrence, puis à la favoriser.
Sur l’axe Sud-Est, la grève est liée à des sujets de rémunération, de hausse de salaires. Je rappelle que la SNCF est en perte à cause de la pandémie : 3 milliards d’euros en 2020. Cette année, ce sera encore entre 1,5 milliard et 2 milliards de pertes. Dans ces conditions, envisager une augmentation salariale n’est pas chose aisée. On ne peut pas être hypergénéreux à la SNCF en ce moment. Il faut bien comprendre que j’emprunte de l’argent sur les marchés financiers pour payer les salaires du mois de décembre. Or, la concurrence, elle se jouera aussi sur les prix et sur les coûts. Il faut qu’il y ait une forme d’ajustement salarial si nous voulons rester compétitifs, sinon, le laisser-faire d’aujourd’hui, nous le paierons demain par des pertes massives de marché, et donc par des pertes d’emplois.
L’enjeu, ce sont des parts de marché. Je crois que Trenitalia arrive avec deux allers-retours, pour commencer. De ce fait, nous sommes obligés, c’est mécanique, d’abandonner des sillons [créneaux horaires], puisque la ligne TGV entre Paris et Lyon est saturée. Ce sera un concurrent redoutable. SNCF Voyageurs a organisé sa riposte, avec une proposition de service très forte et très attrayante auprès de la clientèle d’affaires. Le match va se jouer dans quelques semaines. On verra ce qui se passe. Notre atout est aussi que, si le client Trenitalia manque son train, il faudra qu’il attende assez longtemps le suivant. Nous, nous avons un train toutes les heures, voire toutes les demi-heures. C’est un élément qui interviendra dans le choix de la clientèle d’affaires pour se déplacer entre Lyon et Paris.
Il y a des règles du jeu à respecter. Il faut demander les sillons suffisamment tôt, acheter du matériel roulant. Côté technique, c’est d’abord à l’opérateur étranger de s’adapter aux règles de signalisation françaises. C’est ce que nous faisons en Espagne. Nous avons dépensé beaucoup d’argent pour adapter les trains français aux normes de sécurité espagnoles. Les Italiens l’ont fait chez nous, ils ne nous ont rien demandé. Ce n’est pas à SNCF Réseau, qui ne s’occupe pas de matériel, d’intervenir sur le matériel, et ce n’est pas à SNCF Voyageurs de venir aider son concurrent à mettre au point son matériel.
La route, c’est aujourd’hui 85 % du marché. Je veux prendre 10 points de ces 85 %. Cela me semble accessible. Je ne dis pas que c’est facile ; il faut de la qualité de service, de l’innovation, des politiques d’offre, mais, si nous y parvenons, cela donnera corps à notre projet de transporter deux fois plus de monde d’ici une dizaine d’années, malgré la concurrence.
Pour y parvenir, j’ai deux références. La première est la Suisse, souvent présentée comme un eldorado ferroviaire. C’est un magnifique réseau qui fonctionne très bien, car il a beaucoup d’argent. Cela vient de la vision d’un président de la confédération, qui a décidé, il y a quelques années, que, dans l’intérêt général de la Suisse, il ne fallait plus que les camions la traversent. Il s’est dit : « Pour le bien-être des Suisses, il faut mettre les camions dans des trains, et que les trains leur fassent traverser la Suisse dans des tunnels. » Il a eu le courage politique de proposer à ses citoyens des suppléments d’impôts fléchés, directs, pour alimenter un fonds permettant le financement du percement de ces tunnels. Les Suisses ont fait leurs deux tunnels. La beauté de la chose, c’est que ce fonds ferroviaire est toujours là.
Mon collègue suisse a des soucis, mais pas financiers. L’âge moyen du réseau français est de 33 ans, avec des rails qui ont 60 à 70 ans, celui du réseau suisse, c’est 15 ans, parce que tous les rails suisses sont changés tous les trente ans. C’est un fait. Forcément, quand le réseau est aussi neuf, il est plus performant, plus fiable, et la régularité est meilleure.
La seconde idée, qui est plus près de chez nous, c’est la Société du Grand Paris.
Quand l’exécutif de l’époque a convergé sur un projet de percement de 100 kilomètres de métro automatique dans les sous-sols de l’Ile-de-France, ils ont fait passer une loi au Parlement qui a créé les instruments fiscaux pour financer les 35 milliards d’euros du projet. Pourquoi ne trouverait-on pas ainsi de l’argent pour faire du réseau ferroviaire français l’un des meilleurs d’Europe ? Il appartient aux politiques de s’emparer du sujet et de trouver les instruments pour arriver à financer dans la durée une rénovation en profondeur du réseau ferroviaire français.
Pour faire la commande centralisée, qui remplacera les 2 000 aiguillages par 15 centres, il faut à peu près 6 milliards d’euros. Côté fret, il faut une dizaine de milliards pour revenir à niveau. Au total, avec une vingtaine de milliards supplémentaires sur les dix ans, on ne serait pas loin d’avoir un réseau très moderne, capacitaire, à la hauteur des enjeux de la transition écologique.
Il faut savoir ce que l’on veut. Nos amis suisses le font tous les trente ans, alors que nous, on n’a pas mis assez d’argent dans le réseau classique à cause du TGV, qui a absorbé toute la capacité financière. Je rappelle que c’est la SNCF qui a payé quasiment seule les 100 milliards d’euros du TGV. Ce serait la seule solution si on veut cesser d’opposer le TGV au RER et le voyageur au fret, parce qu’on a besoin de tout.
Même si le dénouement est conforme aux pronostics, il suscite de l’amertume parmi les syndicats. Mercredi 15 décembre, le Conseil d’Etat a rejeté le recours d’une dizaine d’organisations de salariés contre les nouvelles règles relatives à l’assurance-chômage. Cette décision va dans le même sens que les appréciations de la rapporteuse publique, lors de l’audience qui s’était tenue il y a un mois. Pour le gouvernement, il s’agit d’une victoire, qui valide l’une des réformes les plus controversées du quinquennat.
Le litige tranché mercredi dure depuis deux ans et demi. En juillet 2019, l’exécutif avait pris un décret qui entraînait une forte réduction de l’indemnisation mensuelle des demandeurs d’emploi « abonnés » aux contrats courts. Contesté par les syndicats, le texte avait été partiellement annulé en novembre 2020, le Conseil d’Etat estimant que le mode de calcul de la prestation portait « atteinte au principe d’égalité ».
Le ministère du travail avait réécrit sa copie afin d’atténuer la diminution des sommes versées. Un nouveau décret, en date du 30 mars, avait été publié. Les organisations de salariés s’y étaient, une fois de plus, opposées en saisissant le Conseil d’Etat. C’est sur cette requête que les juges du Palais-Royal ont statué mercredi.
Dans leur arrêt, ils rappellent que l’allocation des personnes ayant travaillé de manière fractionnée devrait être en moyenne inférieure de 17 % à celle des chômeurs « ayant un parcours d’emploi continu ». Cette baisse, ajoutent-ils, « s’accompagne d’un allongement de la durée d’indemnisation pouvant aboutir à un capital de droits supérieur » pour les individus ayant alterné petits boulots et périodes d’inactivité. Dès lors, « la différence de traitement » entre les bénéficiaires du régime « n’est pas manifestement disproportionnée au regard de l’objet du décret », celui-ci visant à encourager les contrats de longue durée.
Le même raisonnement est adopté pour ceux qui perçoivent une fraction d’allocation tout en ayant une activité – donc un salaire. Les montants octroyés par l’assurance-chômage peuvent, certes, varier « en fonction du jour » où la personne prend son poste. Mais « l’écart (…) demeure limité et n’induit la perte d’aucun droit » : en cas de prestation plus faible, la durée d’indemnisation, elle, est « étendue ».
Numéro deux de la CFDT, Marylise Léon déplore cette décision qui « n’est pas une bonne nouvelle pour les demandeurs d’emploi ». « La réforme va avoir un impact préjudiciable pour plus d’un million de personnes », enchaîne Michel Beaugas, secrétaire confédéral de FO. « Le Conseil d’Etat a fait de la politique, dénonce-t-il. Il a répondu aux injonctions du président de la République. »
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Le chômage constitue un problème de santé publique qui requiert des actions à la fois préventives et curatives. Déjà énoncé dans de précédents rapports, cet impératif est réaffirmé dans une étude rendue publique mardi 14 décembre et conduite à l’initiative de plusieurs associations. Elle met à nouveau en lumière l’ampleur des dommages que la privation d’activité cause sur l’état physique et psychologique des personnes concernées.
A l’origine de cette initiative, il y a quatre organisations qui sont connues pour leur implication dans le champ du social : Force femmes, La Cravate solidaire, Solidarités nouvelles face au chômage, Territoires zéro chômeur de longue durée. L’enquête repose sur un sondage auquel 977 personnes sans emploi ont participé, de mars à juin. L’échantillon retenu n’est pas représentatif, notamment parce qu’il compte 80 % de femmes, ce qui est très supérieur à la place qu’elles occupent dans la population des inscrits à Pôle emploi. Compte tenu de ces limites méthodologiques, les résultats de la recherche, exprimés en pourcentages, s’avèrent fragiles et peuvent difficilement être donnés en tant que tels. Il en ressort néanmoins des tendances intéressantes à évoquer.
Ceux qui disent avoir constaté une dégradation de leur santé depuis qu’ils recherchent un poste constituent une minorité, dont le poids est significatif. Le pourcentage d’individus qui observent une évolution négative de leur état est plus élevé quand ils sont sans activité depuis plus de trois ans.
Sans surprise, le chômage porte un violent coup au moral des femmes et des hommes qui en sont victimes. Beaucoup de sondés se sentent isolés et déclarent avoir « une moins bonne image » d’eux-mêmes depuis qu’ils cherchent du travail. Le fait d’être chômeur « favorise la dépression, l’anxiété et l’angoisse », tout en contribuant à l’émergence de pratiques addictives (alcool, tabac).
Cette recherche montre également les difficultés rencontrées par certains inscrits à Pôle emploi pour aller chez le médecin. Une petite minorité explique, en effet, avoir renoncé à des soins ou à des examens médicaux « pour des raisons financières », alors qu’elle en avait besoin. Une situation douloureuse pour les intéressés, qui a, de surcroît, des « conséquences, à long terme sur les dépenses publiques de santé ».
Pour les commanditaires de l’enquête, « la prise en charge de la santé de ces personnes est un défi primordial » qui doit être relevé promptement. Dans cette optique, plusieurs propositions sont faites : « accès gratuit et régulier à un service d’aide psychologique », instauration d’une « visite médicale périodique tout au long du parcours de recherche d’emploi », fourniture gratuite de « produits d’urgence et d’hygiène de base » (protections féminines, soins dentaires…). Les quatre associations préconisent aussi de simplifier l’octroi de la complémentaire santé solidaire, un dispositif qui aide les personnes, ayant des ressources modestes, à payer les dépenses médicales.
C’est sous les auspices du patron – Luca de Meo, le directeur général du groupe Renault – que trois des quatre organisations syndicales représentatives du Losange ont signé, mardi 14 décembre, un nouvel accord social triennal 2022-2024 pour la France, promettant aux usines tricolores du constructeur français un avenir industriel assorti d’embauches. En échange, le texte prévoit une réorganisation du travail et de nouvelles suppressions d’emplois dans les activités tertiaires et l’ingénierie. Baptisé « Re-nouveau France 2025 », le texte a été signé par la CFE-CGC, la CFDT et FO, trois syndicats représentant 76 % des 30 000 salariés de Renault en France (sur 170 000 dans le monde).
Le moment ne manque pas de solennité. Il s’agit du premier accord social d’envergure signé par la nouvelle direction depuis la chute de Carlos Ghosn, en 2018, lequel avait imprimé sa marque sur les deux précédents textes paraphés en 2013 et 2017. Ce dénouement, après treize semaines de négociations, constitue un succès pour M. de Meo et sa direction des ressources humaines. Le patron a convaincu les trois quarts de ses partenaires sociaux, y compris la CFE-CGC, premier syndicat de l’entreprise, dont l’électorat naturel – les ingénieurs, les équipes tertiaires, les fonctions supports – n’a pourtant pas été épargné par la direction depuis 2020. Seule la CGT a refusé d’entériner l’accord.
Précisément, que contient ce texte ? D’abord, la promesse de produire 700 000 véhicules par an à l’horizon 2025, ce qui constitue, selon Renault, une hausse de 38 % par rapport au niveau de 2020 et de 12 % si on compare avec la moyenne des douze dernières années. Neuf véhicules seront affectés aux usines françaises, essentiellement des voitures électriques au pôle ElectriCity du nord de la France (Douai, Maubeuge) et des véhicules utilitaires eux aussi souvent électrifiés. L’usine de Cléon (Seine-Maritime) sera le centre de production du nouveau moteur électrique de 100 kilowattheures.
Pour accompagner cette montée en charge, 2 500 personnes seront recrutées, dont 2 000 dans la production et 500 dans l’ingénierie, en donnant la priorité aux profils rares dans le groupe : les spécialistes des données, des logiciels, de la chimie des batteries. Un plan de formation massif de 10 000 personnes sera mis en œuvre. « L’accord place la France au cœur des activités de Renault », a résumé Maximilien Fleury, directeur des ressources humaines pour la France.
L’accord prévoit, en contrepartie, des mesures de productivité : allongement de quatre heures du temps de travail annuel pour atteindre trente-cinq heures par semaine, flexibilisation en cas de baisse ou de hausse des volumes à produire, six samedis obligatoires travaillés par an, pauses de vingt minutes non payées pour les nouveaux embauchés et les intérimaires. Surtout, 1 700 emplois seront supprimés dans les deux ans dans l’ingénierie (1 300) et les fonctions support (400), qui viennent s’ajouter à l’hémorragie du plan de restructuration du printemps 2020. Ce dernier prévoyait la disparition de 4 600 postes en France, dont 2 500 pour les employés Renault du tertiaire.
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« Le monde d’Amazon, basta ! » Dans le Gard, le slogan aura eu raison du géant américain. Après la région nantaise, c’est au tour de Fournès de fermer la porte au géant américain. Lundi 13 décembre au soir, le maire de cette petite commune du sud de la France, située entre Nîmes et Avignon, et à quelques encablures de l’emblématique Pont du Gard, l’a officiellement annoncé à la presse : Amazon renonce à son centre de tri des colis.
Lancé en 2019, le projet prévoyait la construction d’un bâtiment de 280 mètres de long et de 170 mètres de large pour une hauteur d’environ six étages, à proximité d’une sortie de l’autoroute A9, et à une heure de Marseille comme de Montpellier. Un emplacement quasi parfait pour la société de Jeff Bezos, qui avait presque tout prévu : les plans, le permis de construire, l’accord du conseil municipal…
L’américain annonçait déjà la création de 150 à 200 emplois, que les soutiens d’Amazon ont vite gonflée à 600, dans un département où le taux de chômage avoisine 15 %. Et le maire de Fournès, Thierry Boudinaud, de compléter : « Il s’agissait d’un investissement de 80 millions d’euros sur le territoire. Pour notre petite communauté de communes, ce n’était pas anodin. » La société Argan, promoteur immobilier qui portait le programme, contactée, mardi 14 décembre, par téléphone, « n’a pas de commentaire à faire sur cette décision ».
Si le scénario semblait au départ bien ficelé, c’était sans compter sur la fronde tenace et opiniâtre d’une poignée de citoyens, qui, durant le premier confinement, s’intéressent d’un peu plus près à cette enquête publique de 450 pages. « Jamais elle ne précise le nom d’Amazon. Sacrée performance ! », ironise Patrick Fertil, de l’Association pour le développement de l’emploi dans le respect de l’environnement (Adere). Lui y voit, depuis le départ, « un projet surdimensionné, sécuritairement catastrophique, déplorable au niveau de l’environnement et politiquement lamentable ».
La colère monte au fil des mois. Les députés Philippe Berta (MoDem) et Annie Chapelier (LRM) ou l’ancienne ministre Delphine Batho annoncent leur opposition. Puis Carole Delga, la présidente socialiste de la région Occitanie, se positionne du côté des anti. L’Adere enregistrera jusqu’à 36 000 signatures sur une pétition et réunira, à plusieurs reprises, des milliers de manifestants sur le site. « Nous n’avons jamais rien lâché : 600 camions par jour, six jours sur sept dans une petite commune, qui peut accepter cela ? », interroge M. Fertil, docteur en pharmacie de formation, qui ne se réclame d’aucun parti politique. Au-delà de cette mobilisation citoyenne, l’Adere, une vingtaine d’adhérents au compteur, rassemble la somme de 28 000 euros pour financer les actions en justice.
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Après avoir crié leur souffrance dans une tribune au Monde qui a fait l’effet d’une déflagration, magistrats et greffiers appellent à la grève, mercredi 15 décembre, et à se rassembler partout en France aux côtés des avocats, afin de réclamer des moyens « dignes » pour la justice.
Cette « mobilisation générale pour la justice », à l’appel de 17 organisations, s’annonce massivement suivie, le malaise semblant avoir gagné tous les acteurs judiciaires.
Les deux principaux syndicats de magistrats ont déposé des préavis de grève – « une première » pour l’Union syndicale des magistrats (USM), majoritaire – et appellent avec les représentants des greffiers et des avocats à des « renvois massifs » des audiences.
Des rassemblements sont prévus à la mi-journée devant la plupart des cours d’appel et certains tribunaux. A Paris, l’intersyndicale a choisi de converger vers Bercy, où elle souhaite être reçue par le ministre de l’économie et des finances, Bruno Le Maire, afin d’obtenir un budget « bien plus ambitieux pour la justice ».
Le procès des attentats du 13 novembre 2015, qui se tient à la cour d’appel de Paris, « commencera exceptionnellement à 14 heures pour permettre à tout le monde de participer à la mobilisation », a précisé mardi le président de la cour d’assises spéciale, Jean-Louis Périès.
Cette mobilisation intervient trois semaines après la parution d’une tribune qui proclamait : « Nous ne voulons plus d’une justice qui n’écoute pas, qui raisonne uniquement en chiffres, qui chronomètre et comptabilise tout. »
Ecrit par neuf jeunes magistrats après le suicide, à la fin août, d’une de leurs collègues, Charlotte, ce cri d’alarme dénonce souffrance au travail et perte de sens. Le texte a eu un succès aussi fulgurant qu’inédit : en trois semaines, la tribune avait été signée par 7 550 professionnels, dont 5 476 magistrats (sur 9 000) et 1 583 fonctionnaires de greffe.
Un grand nombre de juridictions s’y sont associées, en votant à l’issue de leurs assemblées générales obligatoires de décembre des motions réclamant des moyens supplémentaires, certaines annonçant, par ailleurs, l’arrêt des audiences au-delà de 21 heures.
La contestation a même gagné la Cour de cassation : les magistrats de la plus haute juridiction de l’ordre judiciaire ont, en une rare prise de position, dénoncé lundi « une justice exsangue, qui n’est plus en mesure d’exercer pleinement sa mission dans l’intérêt des justiciables ».
Le constat dressé dans la tribune est également partagé par la hiérarchie judiciaire : dans un communiqué commun, les présidents des quatre « conférences », qui représentent les chefs des cours d’appel (premiers présidents et procureurs généraux) et des tribunaux judiciaires (présidents et procureurs), alertent sur une « situation devenue intenable ».
Natacha Aubeneau, secrétaire nationale de l’USM, fait valoir :
« Cela fait des années qu’on dénonce la souffrance au travail, la justice rendue en mode dégradé. Nous sommes arrivés à un point de rupture. »
« On sent une unanimité assez inédite. Tout un corps qui partage le même constat, cela fait extrêmement longtemps qu’on n’a pas vu ça », renchérit Katia Dubreuil, présidente du Syndicat de la magistrature (SM, classé à gauche).
Le garde des sceaux, Eric Dupond-Moretti, qui avait heurté de nombreux magistrats et greffiers en affirmant que la justice avait été « réparée » grâce à un budget « historique », a tenté lundi de calmer la fronde, venue percuter les Etats généraux de la justice lancés à la mi-octobre par le gouvernement.
Lors d’une conférence de presse, donnée à la chancellerie, le ministre a défendu son bilan, le mettant en perspective, chiffres à l’appui, avec les « abandons des décennies passées », et a promis de maintenir « les efforts ». Il a notamment annoncé l’augmentation du nombre de places au concours de l’Ecole nationale de la magistrature, pour permettre l’arrivée de 380 auditeurs de justice dans les juridictions dès 2023, ainsi que la pérennisation de quelque 1 400 postes créés dans le cadre de la justice de proximité.
En 2017, la justice était dans un « état de dénuement, de « clochardisation » », a renchéri Eric Dupond-Moretti mercredi matin sur France Inter. A propos de la surcharge de travail des personnels de la justice, le garde des sceaux a ajouté qu’« un tiers des stocks est dû au manque de moyens », le reste à des problèmes « de répartition du travail », « de management ».
Dans un message adressé mardi à l’ensemble des magistrats et des agents judiciaires, le ministre a assuré avoir « entendu le mal-être » et les « attentes légitimes » exprimées, assurant qu’il était « déterminé à améliorer durablement [les] conditions de travail et le fonctionnement de la justice ».