Archive dans 2021

« Ni le fric, ni le temps, ni la reconnaissance », les sages-femmes dénoncent des conditions de travail « infernales »

Manifestation de sages-femmes, à Paris, le 26 janvier 2021.

Elles se battent depuis des années, avec le sentiment de ne pas être entendues. La crise sanitaire et le sentiment d’être laissées pour compte pendant le Ségur de la santé ont servi de détonateur à la colère des sages-femmes. Des centaines d’entre elles (ce sont majoritairement des femmes) ont fait grève mardi 26 janvier, partout en France, à l’initiative de l’Organisation nationale syndicale des sages-femmes (ONSSF), de l’Union nationale et syndicale des sages-femmes (UNSSF) – les deux syndicats professionnels –, et de la Confédération générale du travail.

Devant les maternités et les agences régionales de santé, qu’elles travaillent dans l’hôpital public, dans le privé, ou en tant que libérales, elles se sont mobilisées pour que leur profession soit mieux reconnue et rémunérée. 

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« Sages-femmes : méconnues, méprisées, oubliées », « Métier formidable, statut fort minable ! », et « Cigogne, mais pas pigeonne », pouvait-on lire sur les banderoles et pancartes de la centaine de sages-femmes qui protestaient mardi à quelques pas du ministère de la santé à Paris. Bonnets et capuches sur la tête pour se protéger du froid glacial, les maïeuticiennes ont rappelé que leurs compétences ne se limitaient pas au suivi de grossesse et que leur mission ne se résume pas à l’accouchement. Depuis 2009, elles font également du suivi gynécologique. Et depuis 2016, elles peuvent pratiquer une interruption volontaire de grossesse médicamenteuse.

Salaire moyen de 1 750 euros

« Nos compétences se sont élargies, mais on ne nous donne pas les moyens humains et financiers de pouvoir suivre », dénonce Caroline Combot, secrétaire générale de l’ONSSF. D’un côté, le décret de périnatalité n’a pas été mis à jour depuis 1998, ce qui signifie que les effectifs minimum fixés par l’Etat n’ont pas changé depuis vingt-trois ans, pointe la responsable syndicale. De l’autre, les sages-femmes souhaitent depuis plusieurs années la mise en place d’un statut médical qui leur permettrait une hausse de salaire. « Il n’y a qu’un seul endroit où notre caractère médical est reconnu, c’est dans un tribunal, car on peut être poursuivi en justice », s’agace Caroline Combot.

« On a la vie de l’enfant et de la maman entre les mains, mais on est invisibilisé et si peu considéré », se navre Naïs Mottet, qui exerce dans une clinique privée. « Est-ce que c’est parce qu’on est majoritairement des femmes au service des femmes ? », s’interroge-t-elle.

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Après cinq ans d’études, le salaire moyen d’une sage-femme est de 1 750 euros nets en début de carrière, une rémunération bien inférieure aux médecins et chirurgiens-dentistes, classés dans la même catégorie au regard du code de santé publique. A l’issue du Ségur de la santé, les sages-femmes ont obtenu une revalorisation de 183 euros par mois, une prime similaire à celle accordée aux professions non médicales. Une provocation supplémentaire qu’elles jugent insupportables.

Epuisement émotionnel et physique

L’épuisement émotionnel et physique se fait sentir. En juin 2020, le Conseil national des sages-femmes dressait un bilan inquiétant dans une enquête : 40 % des cliniciennes salariées, 31 % des cliniciennes libérales et 37,5 % des enseignantes sages-femmes françaises souffrent de burn-out, peut-on lire.

Une fatigue généralisée et des conditions de travail dégradées qui finissent par avoir des conséquences sur l’aspect psychologique d’un métier profondément humain. « Par manque de temps, on passe à côté de dépressions postnatales qui pourraient être dépistées », se désole Sophie Nivault, sage-femme depuis 28 ans dans la région parisienne. « Plus le temps de poser une main sur l’épaule d’une patiente pour la réconforter », « d’avoir un regard ou un mot de compassion », toutes disent que ces petites attentions sont essentielles durant un accouchement.

La réalité d’une garde, c’est souvent trois accouchements à gérer, sans compter les urgences. En novembre 2020, la journaliste Clémentine Sarlat et la sage-femme Anna Roy ont donc lancé une pétition « 1 femme = 1 sage-femme », aujourd’hui signée par près de 70 000 personnes. A travers une vidéo, Anna Roy a aussi témoigné de son désarroi en lançant un mouvement de libération de la parole sur les réseaux sociaux à travers les mots-clés #JeSuisMaltraitante et #NousSommesMaltraitees.

« On n’a ni le fric, ni le temps, ni la reconnaissance, c’est normal que ça explose, dit au Monde Anna Roy, chroniqueuse de l’émission des Maternelles sur France 5 et autrice du podcast Sage-Meuf. C’est le plus beau métier du monde, mais je ne le souhaiterais jamais à ceux que j’aime car on travaille à des cadences infernales. »

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L’enseigne de restaurants Flunch demande à être placée sous procédure de sauvegarde

Dans un Flunch de Villeneuve-d’Ascq, le 1er mars 2013.

L’enseigne de restauration française Flunch, qui compte 227 restaurants, a demandé à être placée sous procédure de sauvegarde « pour faire face aux difficultés majeures liées à la crise sanitaire », a-t-elle annoncé mercredi 27 janvier, dans un communiqué.

Vendredi 29 janvier aura lieu une audience au tribunal de commerce de Lille, qui examinera l’ouverture de la procédure de sauvegarde. Celle-ci « devrait permettre à l’entreprise de se donner du temps en termes de trésorerie en attendant la reprise de l’activité commerciale dont la date reste toujours incertaine, et de poursuivre son plan de transformation », souligne le communiqué.

Sur près de 5 000 salariés, « un maximum de 1 300 postes devraient être concernés » par le projet de « redimensionnement » du parc de restaurants de l’enseigne, dont une soixantaine d’établissements pourraient sortir, « avec la possibilité d’ouvrir un plan de sauvegarde de l’emploi, après consultation des représentants du personnel », a précisé l’entreprise détenue par le groupe Mulliez dans un communiqué.

« On ne s’attendait pas à un plan d’une telle ampleur »

Ces restaurants seront « proposés à la reprise, en priorité aux collaborateurs de l’enseigne et aux franchisés actuels », puis dans un second temps à d’autres professionnels de la restauration, a précisé une porte-parole à l’Agence France-Presse (AFP). « L’idée est de proposer un projet pour redresser l’entreprise », qui va se recentrer sur ses établissements les mieux placés et les moins déficitaires du fait de la pandémie de Covid-19, afin de redémarrer en position financière plus favorable, lorsque les restaurants pourront rouvrir.

L’option de procéder à un plan de sauvegarde de l’emploi ne serait envisagée que pour certains des collaborateurs des restaurants qui ne feraient pas l’objet d’une reprise, et des « fonctions support », à savoir les salariés du siège, a précisé la porte-parole.

Durement éprouvée par la crise sanitaire, l’enseigne a vu son chiffre d’affaires plonger de près de 212 millions d’euros (− 57 %) l’an dernier, pour les 161 restaurants détenus en propre en France. Sur les 227 restaurants Flunch que compte l’enseigne, 66 sont des franchisés, et ne sont pas concernés par ce projet, a ajouté la porte-parole.

« On ne s’attendait pas à un plan d’une telle ampleur, a déclaré à l’AFP Grégory Dubois, délégué syndical central CFDT. Soixante restaurants, c’est quand même énorme. »

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Le Monde avec AFP

Chômage: embellie au quatrième trimestre 2020

Le marché du travail vient de connaître une embellie, certes très relative mais un peu inattendue. Au cours des trois derniers mois de 2020, le nombre de demandeurs d’emploi sans aucune activité (catégorie A de Pôle emploi) a baissé de 2,7 % par rapport au trimestre précédent sur l’ensemble du territoire (outre-mer compris) pour atteindre 3,816 millions, d’après les données publiées, mercredi 27 janvier, par la Dares – la direction des études du ministère du travail.

Un tel recul était loin d’être évident, avec les mesures de reconfinement appliquées durant un mois à l’automne, qui ont pénalisé les entreprises. Pour autant, la situation demeure dégradée, au terme d’une année sans équivalent depuis la seconde guerre mondiale : entre la fin 2019 et la fin 2020, les effectifs des personnes émargeant dans la catégorie A se sont accrus de 7,5 %.

Six millions de demandeurs d’emploi toutes catégories

Le mouvement de baisse enregistré durant les trois derniers mois de l’année écoulée concernent toutes les tranches d’âge, mais il s’avère plus marqué chez les moins de 25 ans :  – 5,2 % en métropole, contre  – 3,1 % pour les 25-49 ans et – 0,5 % chez ceux qui ont au moins plus de 50 ans.

En revanche, le nombre de personnes à la recherche d’un poste tout en ayant travaillé (catégories B et C) a connu la tendance inverse pendant le quatrième trimestre 2020, avec une augmentation de 1,2 % par rapport à la période allant de début juillet à fin septembre 2020, en métropole.

Au total, les effectifs d’individus en quête d’un poste, qu’ils aient exercé une activité ou non (catégories A, B et C), reculent sur les trois derniers mois de 2020 (– 1,3 % par rapport au troisième trimestre), tout en se situant à un niveau plus important qu’à la fin de 2019 : un peu plus de six millions sur l’ensemble du territoire, soit une progression de 4,5 %.

Autre gros point noir : le nombre de personnes à la recherche d’un contrat de travail depuis au moins un an (dans les catégories A, B et C) s’est encore accru : + 1,7 % au dernier trimestre 2020 (+ 8,6 % sur l’ensemble de l’année passée). Il est proche, désormais, des trois millions.

Le Monde

Musique : vers une nouvelle répartition des revenus du streaming

C’est peu de dire que l’étude du Centre national de la musique (CNM) sur le mode de rémunération des artistes dont les œuvres sont diffusées sur les plates-formes de streaming, rendue publique mercredi 27 janvier, est attendue comme le messie. Les artistes du monde entier se plaignent d’être payés une misère par Spotify, Deezer, Apple Music, Amazon Prime et surtout YouTube. Aujourd’hui, 90 % reçoivent moins de 1 000 euros par an, même si leurs titres sont « streamés » jusqu’à 100 000 fois, selon Aepo-Artis, l’association européenne des sociétés de gestion des droits des artistes-interprètes.

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Avec l’appui du cabinet Deloitte, le CNM décortique cette question passionnelle : faut-il changer le système existant pour un autre, plus juste ? Celui appliqué depuis l’origine des plates-formes, le Market Centric Payment System (MCPS), consiste à répartir les revenus générés par le streaming aux ayants droit en fonction de leur part de marché. Ce qui favorise une poignée d’artistes comme Drake, Ed Sheeran, Post Malone, Ariana Grande ou Eminem, les plus écoutés, souvent en boucle, par un public jeune.

Selon la société d’analyse américaine Alpha Data, sur 1,6 million d’artistes dont la musique était en ligne sur les plates-formes en 2019, 1 % ont capté 90 % des écoutes globales. Et dans ces 1 % d’élus, 10 % ont concen­tré 99,4 % des écoutes. Une autre option soutenue par Deezer, le User Centric Payment System (UCPS), consisterait à ne rémunérer que les artistes écoutés par les abonnés des plates-formes. Et pas, comme aujourd’hui, ceux qu’ils n’écoutent pas.

Pas de miracle

L’étude Deloitte affirme que l’UCPS « aurait pour effet d’atténuer fortement les redevances touchées par le top 10 des artistes », qui perdraient 17,2 % de revenus, « de stabiliser le milieu du classement avec une faible augmentation des redevances perçues, et d’augmenter de 5,2 % les redevances des artistes les moins écoutés (au-delà du 10 000e rang) ».

Si les pourcentages de hausse semblent a priori élevés, ils s’appliqueront à des assiettes si faibles que les artistes n’en verront pas la couleur

Par ailleurs, l’UCPS redonnerait des couleurs à la diversité musicale, puisqu’un plus grand nombre de genres musicaux bénéficierait d’augmentations importantes, comme « la musique classique (+ 24 %), le hard rock (+ 22 %), le blues (+ 18 %), la pop-rock (+ 17 %), le disco (+ 17 %) ou le jazz (+ 10 %) ». A contrario « le rap (− 21 %), le hip-hop (− 19 %) et, dans un moindre degré, l’afro-beat (– 9 %) et le new age (− 7 %) verraient leurs redevances baisser ». De plus, les titres mis en ligne il y a plus de dix-huit mois seraient mieux rémunérés.

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Avec le Covid-19, les grands déménagements d’entreprise ont dû s’adapter

« Les entreprises dont le déménagement a coïncidé avec l’épidémie ont été pionnières malgré elles dans ce questionnement avant-gardiste. »

Camions et pelles mécaniques s’affairent à l’entrée d’Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine). Un paquebot de 56 000 mètres carrés a surgi en face de l’île Saint-Germain, et s’apprête à accueillir, d’ici juillet 2021, près de 3 000 collaborateurs. Une esthétique brute, tout en bois, métal, pierre et béton ; des balcons à foison, une terrasse à perte de vue et une grande halle Eiffel réhabilitée…

Pour son nouveau siège social – le projet Bridge –, Orange met les petits plats dans les grands. L’immense atrium – 22 000 mètres carrés parsemés de ficus et inondés de lumière par de larges verrières – est conçu comme une place de quartier, où collaborateurs et visiteurs pourront discuter de façon informelle : autour d’un café, installés sur un canapé, ou même posés sur les grandes marches des escaliers, équipées de prises électriques.

En musardant dans l’auditorium de 280 places où s’invite le frénétique brouhaha des ouvriers sur un des plus grands chantiers franciliens, on en oublierait presque la pandémie de Covid-19, et son corollaire de pronostics apocalyptiques sur l’avenir des bureaux. « Mettre 7 000 personnes dans un immeuble pourrait être du passé », alerte ainsi Jes Staley, le patron de la banque britannique Barclays, cité par Reuters. Jack Dorsey, le patron de Twitter, autorisera certains de ses salariés à travailler depuis leur domicile de façon permanente, et cela même une fois que l’épidémie ne sera plus qu’un mauvais souvenir. La conception pré-Covid des immeubles de bureau a dû être adaptée.

Les entreprises dont le déménagement a coïncidé avec l’épidémie ont été pionnières malgré elles dans ce questionnement avant-gardiste. « Si c’était à refaire, je choisirais une tour plus haute encore ! », ose Régis Blugeon. En effet, selon le DRH France de Saint-Gobain, « les salariés auront plus que jamais envie de retrouver leur environnement professionnel, il faut donc prévoir de grands espaces. Voilà la leçon du Covid-19 ». L’entreprise a troqué en pleine pandémie l’ancienne tour des Miroirs à La Défense, occupée par 1 100 employés, pour un nouveau gratte-ciel qui peut en accueillir plus du double : 2 700 personnes.

Distanciation sociale

Le déménagement avait débuté au dernier trimestre 2019, « et patatras, le Covid est arrivé. Une partie des collaborateurs s’était installée, les autres sont restés au milieu du gué. Le déconfinement nous a enfin permis d’installer tout le monde », raconte le DRH. Si l’ancien immeuble comptait de nombreux bureaux individuels, c’est tout l’inverse dans la nouvelle tour Saint-Gobain. Quarante pour cent des tables sont « collaboratives », à savoir en forme de boomerang, rondes ou ovales ; et 60 % des postes sont individuels, détaille le directeur des affaires sociales du groupe : « Je pense que dans le futur, on ira vers 90 % de tables partagées. On viendra au bureau pour se retrouver. »

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Il faut « construire des solutions adaptées afin de préserver l’emploi »

Tribune. Après l’activité partielle, le chômage de masse ? Pour éviter le recours au plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) – autrement dit aux licenciements –, les entreprises disposent aujourd’hui de nombreux outils qui permettent de répondre à des crises conjoncturelles ou à des évolutions structurelles. Choisir les dispositifs adaptés à chaque situation suppose de s’appuyer sur un dialogue social fort et transparent. Tous les acteurs de l’entreprise ont à y gagner.

Actuellement, les entreprises des secteurs les plus exposés à la crise ont placé la quasi-totalité de leurs salariés en activité partielle. Une respiration artificielle qui ne peut être que temporaire. Comment les entreprises vont-elles survivre au choc de son arrêt ?

La reprise d’activité sera réduite dans certains secteurs, et les entreprises qui n’avaient pas su se réorganiser au cours des dernières années auront du mal à retrouver leur niveau de performance antérieur. Pour d’autres, une partie des difficultés conjoncturelles pourraient devenir structurelles.

Solution de facilité

Certains observateurs craignent une multiplication des PSE, qui accroîtrait un chômage déjà en hausse de 10 % depuis le début de la crise. Cela semble être la solution de facilité : les entreprises savent qu’elles peuvent l’imposer, même sans signature d’un accord, et atteindre leurs objectifs de réorganisation dans un délai précis. Mais c’est aussi le choix le plus radical, car il implique des départs contraints, et aussi le plus onéreux pour les entreprises.

D’autres dispositifs peuvent être mobilisés, comme l’accord de performance collective (APC) et l’activité partielle de longue durée (APLD)

Face à une crise inédite, l’Etat a su prendre ses responsabilités. En 2020, le coût de l’activité partielle pour l’Etat et l’Unédic devrait atteindre 29 milliards d’euros, selon l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). Le « quoi qu’il en coûte » est un lourd investissement que la collectivité devra assumer tôt ou tard. Les entreprises doivent aussi jouer leur rôle. Certaines prennent conscience que le PSE n’est pas la seule solution. En accroissant son chômage, le pays ne pourra pas se redresser et les entreprises en pâtiront inévitablement. Et quand la croissance reviendra, les compétences perdues manqueront.

Lire la chronique : Dominique Méda : « Territoire zéro chômeur : pour la généralisation d’un dispositif d’utilité sociale »

Beaucoup d’autres outils existent et peuvent être combinés pour répondre à des enjeux souvent multiples dans une même entreprise.

Pour éviter les départs contraints du PSE, on peut bien sûr choisir des dispositifs de départs volontaires, comme le plan de départs volontaires (PDV) ou la rupture conventionnelle collective (RCC) créée récemment. Ou encore, si le calendrier le permet, la gestion des emplois et des parcours professionnels (GEPP), qui favorise les mobilités et les reconversions professionnelles.

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Marie-Jo Zimmermann : « Les quotas de femmes dans les conseils d’administration ont transformé la gouvernance des entreprises »

Marie-Jo Zimmermann à l’Assemblée nationale, en 2016.

Elle est à l’origine du texte portant son nom, la loi Copé-Zimmermann, qui fêtera ses 10 ans le 27 janvier. Pour féminiser les conseils d’administration des grands groupes, à l’époque chasse gardée des hommes, celle-ci instaura un quota de 40 % de femmes à atteindre au 1er janvier 2017. Marie-Jo Zimmermann, ancienne députée de Moselle (1998 à 2017, à l’époque UMP), revient sur sa création, et sur le travail qu’il reste à faire pour améliorer la représentation des femmes à la tête des entreprises. Mais aussi pour limiter les freins auxquels elles font face dès le début de leur carrière.

Pourquoi, il y a dix ans, avoir choisi d’agir au niveau des conseils d’administration des entreprises ?

En 2001, la députée socialiste Catherine Génisson avait porté la loi relative à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, complétant celle de 1983, et encourageant à des mesures de rattrapage au sein des entreprises. Ce fut une loi importante, mais nous avons constaté qu’elle était difficile à faire appliquer, car la volonté politique était absente. A partir de là, au sein de la Délégation aux droits des femmes dont j’étais présidente, j’ai ciblé les conseils d’administration (CA), en espérant insuffler un changement par le haut, qui pourrait se diffuser à d’autres échelons de l’entreprise.

Lire la tribune : Dans les entreprises, la longue lutte contre l’invisibilité des femmes

« Le CA est le cœur battant de l’entreprise, le point névralgique où les grandes orientations sont prises : il est essentiel d’avoir de la mixité en son sein »

Le CA est le cœur battant de l’entreprise, le point névralgique où les grandes orientations sont prises : il est essentiel d’avoir de la mixité en son sein. A l’époque, en 2011, les femmes représentaient moins de 10 % des membres de ceux des grandes entreprises. Pour être efficace, le seuil à atteindre au 1er janvier 2017 a été fixé à 40 % pour les sociétés cotées et les entreprises de plus de 500 salariés, avec un point d’étape de 20 % en 2014. Ce quota a ensuite été étendu aux entreprises de plus de 250 salariés, pour un objectif de 40 % au 1er janvier 2020.

Vous êtes-vous inspirée d’un exemple étranger ?

Oui, de la Norvège, qui fut le premier pays à instaurer un quota de 40 %, en 2003. J’étais allée voir le ministre à l’origine de cette loi, Ansgar Gabrielsen. Il m’avait conseillé le pourcentage de 40 %, plutôt que 50 %, car plus souple à appliquer. Angela Merkel, la chancelière allemande, l’avait également sollicité pour réfléchir sur le sujet. Mais finalement, nous avons légiféré avant l’Allemagne.

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Dégressivité des allocations-chômage : une « incitation au déclassement », selon l’OFCE

Une mesure frappée au coin du bon sens peut entraîner de nombreux effets « délétères » pour les demandeurs d’emploi. C’est l’un des enseignements qui se dégage d’une étude récemment publiée par Bruno Coquet, chercheur associé à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). L’auteur de cette note décortique une des dispositions les plus décriées de la réforme de l’assurance-chômage, instaurée par décret en juillet 2019 : la dégressivité des allocations. Une innovation à nouveau débattue, lundi 25 janvier, lors d’une séance de concertation entre la ministre du travail, Elisabeth Borne, et les partenaires sociaux.

Entré en vigueur au début de novembre 2019 avant d’être suspendu à cause de la crise, le mécanisme en question s’applique à une partie des bénéficiaires du régime : les moins de 57 ans, gagnant au moins 4 500 euros brut par mois quand ils exerçaient une activité, ce qui leur donne droit à une indemnisation plus importante que la moyenne. Si ces personnes sont toujours prises en charge par l’assurance-chômage six mois après y être entrées, la somme versée baisse, à partir du début du septième mois, dans des proportions pouvant aller jusqu’à − 30 %. Un plancher a cependant été prévu : la prestation ne peut pas descendre sous une barre située aux alentours de 2 500 euros par mois.

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Le but, comme l’explique Bruno Coquet, est d’inciter le chômeur à prospecter « plus activement » pour obtenir un poste. La dégressivité obéit ainsi à une logique de « pression financière », qui possède « la force de l’évidence » et recueille un « fort soutien populaire ».

Economies

Une telle approche est toutefois très discutable, aux yeux de l’économiste, d’abord parce que dans près de 90 % des cas, les personnes inscrites à Pôle emploi « satisfont à leurs obligations » en matière de recherche d’une activité. Ces démarches dans le but de décrocher un contrat s’avèrent, qui plus est, « nettement plus forte[s] parmi les populations dont on peut présumer qu’elles ont des allocations supérieures à la moyenne », notamment les « cadres » ainsi que les « diplômés » et les « qualifiés ». Autrement dit, ce sont des publics parmi les plus prompts à essayer de se remettre en selle que la dégressivité « veut stimuler », s’étonne Bruno Coquet. Où est la cohérence ?

Certes, la mesure incriminée produit « indéniablement » les résultats qui « en sont attendus » : « Le montant des allocations baisse » et les individus « concernés sortent plus vite » du régime, ce qui permet à l’assurance-chômage de « faire des économies ». Mais ces incidences « immédiates » sont contrebalancées par d’autres « effets indésirables qui prennent le dessus à moyen terme ». Ainsi, des demandeurs d’emploi visés par le dispositif se voient contraints « d’accepter une offre d’emploi à un niveau de salaire beaucoup plus faible que celui auquel il[s] pourrai[en]t prétendre, au regard de [leurs] qualifications ou de [leur] expérience » : il s’agit donc d’une « incitation au déclassement ».

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