Télétravail : faut-il allumer la caméra ?
Droit social. Le développement du télétravail a conduit à la multiplication de réunions professionnelles en distanciel. L’employeur peut-il exiger que tout participant à une visioconférence ouvre sa caméra, ou le salarié peut-il légitimement le refuser au motif d’une éventuelle atteinte à la vie privée ?
L’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales énonce que « toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile ». L’article 9 du code civil proclame que « chacun a droit au respect de sa vie privée ». L’article 226-1 du code pénal punit d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende l’atteinte à l’intimité de la vie privée d’autrui notamment « en fixant, enregistrant ou transmettant, sans le consentement de celle-ci, l’image d’une personne se trouvant dans un lieu privé ».
Pour sa part, le code du travail, concilie, en son article L. 1121-1, ce droit inhérent également à la personne du salarié et le pouvoir de direction et d’organisation de l’entreprise de l’employeur. Sont admises les seules restrictions qui sont « justifiées par la nature de la tâche à accomplir » et « proportionnées au but recherché ».
Principe dit « de minimisation »
Le télétravail justifie-t-il une obligation d’allumer sa caméra ? Une abondante jurisprudence a tracé, parfois non sans hésitations, revirements ou ajustements, les contours de la sphère privée du salarié : lors d’entretien d’embauche, de fouilles du lieu de travail ou de casiers de rangement, de contrôles d’alcoolémie, d’utilisation d’informations sur la vie personnelle, de contenu de messageries, de propos sur des réseaux sociaux ou lors de la mise en œuvre d’une gestion algorithmique du personnel (au moyen de mégadonnées ou « big data » RH).
La Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) a tranché le débat entre, d’une part, le souhait d’avoir une qualité proche de l’interaction dans un même lieu en facilitant la communication visuelle et non verbale, unanimement considérée comme très utile en réunion d’équipe pour repérer les désaccords, l’étonnement ou l’enthousiasme et, d’autre part, la volonté du salarié de ne pas donner une vue même partielle de son lieu de séjour.
Dans ses « questions-réponses sur le télétravail du 12 novembre 2020 », cette autorité administrative indépendante s’appuie sur le principe dit « de minimisation », selon lequel les données à caractère personnel doivent être « adéquates, pertinentes et limitées à ce qui est nécessaire au regard des finalités pour lesquelles elles sont traitées », figurant à l’article 5. 1. c du règlement général de l’Union européenne 2016/679 sur la protection des données (le RGPD).
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