Travailler dans les Big Four ? Pour Jeanne Montot, 25 ans, c’était niet. « Dans les grands cabinets [d’audit], le fonctionnement est très hiérarchisé », regrette-t-elle. « En tant que junior, on ne peut y effectuer aucune mission sans être accompagné d’un senior. Et si on n’a pas passé tant de temps dans tel département, impossible d’évoluer au niveau supérieur. » Au diable le prestige, le beau salaire et la carrière toute tracée.
A la sortie de Grenoble Ecole de management, Jeanne préfère intégrer Nicomak, un petit cabinet de conseil et de formation en innovation managériale et responsabilité sociale des entreprises (RSE), qui déploie un mode de management agile, inspiré de l’entreprise libérée. « Tout nouvel embauché choisit lui-même son manageur », explique-t-elle. Les objectifs ne sont pas fixés d’en haut par les cofondateurs mais définis collégialement. « Au quotidien, aucune méthodologie ne nous est imposée », complète-t-elle. « Chacun a la responsabilité d’agir sur ses propres missions. Si un collaborateur rencontre une difficulté, c’est à lui d’aller demander de l’aide. »
« Confiance et autonomie »
Qu’on se le dise : le management à la papa ne fait plus recette chez les jeunes diplômés. C’est ce que confirme une étude publiée en janvier 2021 par l’Edhec Business School et le cabinet BearingPoint. Sur les quelque 954 étudiants et jeunes professionnels issus de l’enseignement supérieur interrogés, 47 % disent vouloir travailler dans une entreprise de type innovatrice, où les salariés sont organisés en équipes pluridisciplinaires et agiles fonctionnant en « mode projet », 17 % plébiscitent les structures entrepreneuriales, simples et flexibles.
« Les millénials vivent assez mal de se retrouver infantilisés dans le monde professionnel », Isaac Getz, professeur de leadership et d’innovation à l’ESCP
« Les millenials sont nés avec Internet et la liberté qu’il procure », rappelle Isaac Getz, professeur de leadership et d’innovation à l’ESCP Business School. « La plupart ont reçu une éducation assez souple et responsabilisante. Ils vivent donc assez mal de se retrouver infantilisés dans le monde professionnel. Ils aspirent à évoluer dans un climat de confiance et d’autonomie. »
Le nouveau Graal des jeunes générations ? L’entreprise libérée. « Un mode de management où tous les collaborateurs sont considérés comme égaux et ont la liberté d’entreprendre des actions qu’ils jugent bonnes pour le collectif de travail », explique Isaac Getz, qui a théorisé le concept dans son livre Liberté & Cie (Fayard, 2012).
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Tribune. La crise du Covid-19 nous a montré à quel point nos chaînes d’approvisionnement mondiales sont fragiles et peu durables. A l’échelle mondiale, les effets directs et indirects de la pandémie entraînent le retour de nombreux enfants dans les mines, les champs et les usines. En 2021, pour la première fois depuis vingt ans, les experts de l’Organisation internationale du travail (OIT) nous disent que le travail des enfants a augmenté pour atteindre 160 millions.
Travail des enfants, travail forcé, salaires de misère… Cette face sombre de la mondialisation, celle de l’appauvrissement et de l’asservissement des plus fragiles à l’abri des regards, ne peut plus être tolérée par la puissance publique. Le combat pour une mondialisation plus humaine doit devenir la grande matrice politique de ces prochaines années, toute notre énergie doit s’y consacrer au nom de la dignité humaine et de la protection de notre maison commune.
La France, la première
Pour cela, des instruments existent déjà et doivent désormais être utilisés, diffusés et améliorés. Parmi eux, le devoir de vigilance : l’obligation faite aux multinationales de prévenir de façon effective les atteintes graves aux droits humains et à l’environnement, au bout de la rue comme au bout du monde.
Le 27 mars 2017, la France a été la première à se doter d’un tel instrument en adoptant la loi relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre. Cette loi « passe‑muraille » prévoit donc de lever le voile juridique qui organise l’impunité des donneurs d’ordres face aux victimes invisibles de leurs filiales, de leurs sous‑traitants et de leurs fournisseurs. Avec du recul, cette loi apparaît comme un processus générateur de droit : la mise en lumière des atteintes aux droits humains et aux biens communs a vocation à provoquer des réponses structurelles dans les régions et les filières impactées.
Contrairement à ce qui fut avancé par les partisans du statu quo, avec cette loi la France n’était pas isolée mais pionnière pour le processus européen.
En juin 2021, le Bundestag allemand a adopté la « loi sur les obligations de diligence des entreprises visant à prévenir les violations des droits de l’homme dans les chaînes d’approvisionnement », dans laquelle l’Allemagne met en œuvre un devoir de diligence obligatoire en matière de protection des droits de l’homme et de l’environnement pour les entreprises établies en Allemagne.
Des millions d’euros d’amendes
Ce sont les sociaux-démocrates allemands qui, en tant que principal moteur, ont soutenu une telle loi dès le début et ont initié un changement de paradigme en Allemagne : passer des mesures volontaires à des règles contraignantes pour la protection des droits de l’homme et de l’environnement pour les entreprises.
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Le gouvernement a fait des efforts considérables pour former les chômeurs, mais les résultats de son action s’avèrent, à ce stade, en demi-teinte. C’est ce qui ressort du rapport présenté, jeudi 25 novembre, par le comité scientifique chargé d’évaluer le plan d’investissement dans les compétences (PIC). Mis en œuvre depuis un peu plus de trois ans, cet ambitieux programme n’a, pour le moment, pas produit d’impact majeur en faveur des personnes peu ou pas diplômées.
Présenté fin 2017 et réellement lancé dans les mois qui ont suivi, le PIC est censé former, sur cinq ans, un million de demandeurs d’emploi ayant un niveau de qualification très bas et un million de jeunes éloignés du monde du travail. Près de 15 milliards d’euros sont prévus pour concrétiser cette promesse de campagne d’Emmanuel Macron.
Cette démarche a contribué au net accroissement des « entrées en formation » des individus recherchant un poste : 1,018 million en 2019, contre 805 000 deux ans plus tôt. Le PIC s’est traduit par la mise en place de plusieurs « programmes nationaux » d’accompagnement (« Prépa compétence », « Prépa apprentissage ») dont la montée en charge a été bénéfique, quelque 113 000 femmes et hommes ayant été aiguillés vers ces filières en 2019.
1,11 million d’actions dispensées
Malheureusement, la dynamique a été brisée en 2020 par la récession liée à l’épidémie de Covid-19 : les effectifs de stagiaires ont dégringolé de 200 000 en une année, du fait, notamment, de la « fermeture des organismes » qui les accueillent. Une chute toutefois compensée par le bond du nombre de « personnes en recherche d’emploi » qui ont mobilisé leur compte personnel de formation (CPF) de façon « autonome ». Mais ce dispositif ne s’inscrit pas dans le cadre du PIC et « il porte massivement sur des formations courtes », comme le relève le rapport, alors que le but de l’exécutif est de privilégier des parcours qualifiants et de longue durée.
Au total, près de 1,11 million d’actions ont été dispensées, en 2020, pour développer les compétences de demandeurs d’emploi (en prenant en considération le CPF). La probabilité d’obtenir un stage dans l’année suivant la perte d’emploi s’est accrue pour les chômeurs, tout en demeurant faible : de 8 % en 2017, elle est passée à 11 % en 2019.
Aujourd’hui, les personnes qui n’ont pas le bac intègrent plus aisément qu’avant le système de formation, grâce – en particulier – aux « programmes nationaux ». Mais ce ne sont pas elles « qui ont le plus bénéficié de l’augmentation des entrées (…) sur le champ des stagiaires de la formation professionnelle », souligne le comité scientifique. Leur part n’a quasiment pas varié au cours de la période étudiée : de l’ordre de 52 %, alors quelles représentent 56 % des demandeurs d’emploi.
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« Trop de fonctionnaires ? Histoire d’une obsession française (XIXe-XXIe siècle) », d’Emilien Ruiz, Fayard, « L’épreuve de l’histoire », 272 p., 22 €, numérique 16 €.
En proposant récemment la suppression de dizaines de milliers de postes de fonctionnaires, Valérie Pécresse sait-elle ce qu’elle doit à Saint-Just ? Celui-ci fustigeait en 1793 la prolifération de « vingt mille sots » qui corrompaient la République et appelait à diminuer partout le nombre des agents publics.
Bien sûr, la candidate à l’investiture des Républicains et le membre du Comité de salut public ne se situent pas sur le même registre et ne parlent pas vraiment du même Etat. Celui-ci est bien plus imposant aujourd’hui que pendant la Révolution française, au cours de laquelle la critique de la bureaucratie, un néologisme alors récent, faisait pourtant déjà florès pour mettre en cause le pouvoir des bureaux et le trop grand nombre des employés de l’Etat. La coriace stabilité de ce discours dans toute la durée de l’époque contemporaine a inspiré à l’historien Emilien Ruiz un petit livre vif, Trop de fonctionnaires ?
Croissance de l’Etat
Il ne s’agit pas pour l’auteur de répondre par oui ou par non à cette question trop souvent posée de façon simpliste, mais d’en éclairer les enjeux de longue durée et d’en débusquer les non-dits. C’est entrer, après Pierre Rosanvallon, Guy Thuillier ou Jeanne Siwek-Pouydesseau, entre autres, dans une histoire de l’Etat contemporain en France et de ses agents. Cet essai démonte nombre de lieux communs du discours contre le « fonctionnarisme », un terme très à la mode à la fin du XIXe siècle, et remet en perspective la croissance de cet Etat du XIXe au XXIe siècle et l’évolution du nombre de fonctionnaires.
Tout, en effet, doit être précisé. La définition même du terme « fonctionnaire » a toujours été floue : selon que l’on choisisse la définition la plus restrictive – les agents titulaires de la fonction publique de l’Etat – ou la plus extensive – tous les employés des secteurs de l’administration publique, de l’enseignement, de la santé et de l’action sociale dans des structures de droit public comme privé –, on comprend sous ce mot de 1,5 à 7,5 millions d’individus pour la même année 2018.
Croissance du nombre des agents
Armé de moult précautions méthodologiques, Emilien Ruiz n’en affronte pas moins les questions les plus courantes posées à notre Léviathan. Il reconstitue autant que faire se peut la croissance du nombre des agents de l’Etat et montre le rôle d’accélérateur des deux guerres mondiales dans ce phénomène, un propos très intéressant, malheureusement mal servi par des graphiques trop petits pour être vraiment lisibles.
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« Bénéfices records pour les actionnaires, 0 euro pour les salariés », « Bernard Arnault, partage le magot ! », « Je ne vois aucune trace de LVMH sur mon salaire ! », clament leurs pancartes en carton. Une centaine de salariés en grève, très majoritairement des femmes, de la chaîne de cosmétiques et de parfums Sephora (groupe LVMH) se sont rassemblés à l’appel de la CGT, jeudi 25 novembre, devant le magasin de la Défense (Hauts-de-Seine).
C’était, pour beaucoup, la première grève de leur vie. L’arrivée de chaque grappe de salariés de différents magasins d’Ile-de-France − dont ceux de gare du Nord, gare Saint-Lazare, ou des centres commerciaux Le Millénaire à Aubervilliers ou Vélizy-2, d’autres étant mobilisés en Gironde − était ainsi saluée par des vivats nourris. « On attendait ça depuis longtemps ! On est contentes de voir qu’on n’est pas seules et que d’autres ont eu le courage de sortir », confie Nicole, venue avec douze salariées du Sephora du centre commercial Rosny-2 (Seine-Saint-Denis).
« On était 35 CDI, aujourd’hui on est 13 »
« On en a marre, ras le bol ! », lancent, en chœur, Justine, 29 ans, Gaëlle, 32 ans, et Sanae, 34 ans, résumant l’état d’esprit général. « Il y a eu beaucoup de départs non remplacés. Avant le Covid, à Vélizy, on était trente-cinq CDI, aujourd’hui on est treize. La surcharge de travail est énorme », explique Justine. « On était vingt-deux CDI, aujourd’hui on est neuf, témoigne, de son côté, Ilhame, du Sephora du boulevard Saint-Germain à Paris. Il y a moins de touristes, mais ça ne justifie pas une telle baisse. Nous ne sommes pas assez pour répondre aux clients. »
« Et, à côté de ça, le salaire est minime », insiste Gaëlle, qui touche « à peine quelques euros de plus que le smic » après cinq ans d’ancienneté.Les femmes présentes témoignaient de salaires allant du smic à 1 700 euros net, après parfois quinze ans chez Sephora. « Avec la hausse des dépenses du quotidien, les courses, l’essence, si le salaire ne suit pas, nous, on coule », insiste Cassandra, 29 ans.
« Ça m’a fait 7 euros net de plus par mois, c’est tellement ridicule que ça fait mal de le dire », souligne une salariée
« La question du pouvoir d’achat de nos salariés a toujours été au cœur des préoccupations de Sephora », répond l’entreprise au Monde, évoquant une grève marginale, observée par 3 % des CDI en magasin. L’entreprise renvoie aux négociations annuelles obligatoires prévues début 2022 mais souligne que, lors des fermetures dues au confinement, elle a compensé le chômage partiel à 100 % et qu’il y a bien eu des augmentations des salaires et des primes.
« On a obtenu 0,5 % d’augmentation fin 2020, sauf pour les cadres, qui ont eu 0 % », rétorque Jenny Urbina, déléguée CGT. « Ça m’a fait 7 euros net par mois, c’est tellement ridicule que ça fait mal de le dire », souligne une salariée. Des primes jusqu’à 15 euros brut par jour sont prévues quand les objectifs quotidiens et mensuels de chiffre d’affaires sont atteints. « Mais on ne les fait pas ! », précise Mildred, 25 ans. « Ils sont de plus en plus inatteignables », insiste Véronika, onze ans chez Sephora, 1 400 euros net par mois.
« On est fatiguées d’être mal payées. La direction nous parle de prime Macron, mais nous, ce qu’on veut, c’est 180 euros d’augmentation pour tous et un 13e mois, lance Jenny Urbina devant l’assemblée. Les salariés de LVMH ne devraient pas être payés au smic, alors que notre PDG, Bernard Arnault, est l’un de ceux qui se sont le plus enrichis pendant la crise. »
Le groupe LVMH a annoncé, en juillet, un bénéfice net de 5,3 milliards d’euros, en hausse de 62 % par rapport au premier semestre 2019, avant la crise. Si Sephora a connu une baisse d’activité pendant la pandémie – ce qui explique, selon l’entreprise, des départs non remplacés –, l’enseigne a cependant, selon un communiqué de LVMH publié en octobre, retrouvé son niveau d’activité de 2019, les ventes en ligne connaissant, par ailleurs, une « forte progression ».
Deuxième année de pérégrinations dans l’Amérique de la pandémie. Brittany Bir et son mari, un jeune couple franco-américain installé depuis 2016 dans la Silicon Valley, ont déjà parcouru le Texas, la Louisiane, la Floride, la Caroline du Nord, le Colorado, l’Idaho, le Montana, l’Oregon… Un tour entier des Etats-Unis avec leur Toyota Camry. D’un Airbnb à l’autre, toujours en télétravail.
« Puisqu’on ne pouvait pas voir de gens, autant voir la nature », résume Brittany, 32 ans, program manager à Salesforce, le géant du logiciel dont le siège – toujours aux trois quarts vide – se trouve à San Francisco. Avant de quitter la Californie, le couple a gardé trois meubles, remplis de « tout ce qu’on pouvait mettre dedans ». Le reste a été vendu ou donné à l’organisme de charité Goodwill. « On a fait le ménage dans notre vie », décrit-elle.
Brittany et son mari terminent l’aventure en beauté par Hawaï. La dernière fois qu’ils sont passés par San Francisco, ils se sont amusés à constater que l’appartement hors de prix qu’ils louaient à Palo Alto était toujours sur le marché. Née en Californie, en attente de naturalisation française, Brittany prévoit quand même de revenir : « On a envie de se poser. Et pour nos carrières, ça reste bien d’être dans la Silicon Valley. » Retour à San Francisco début 2022, c’est promis.
L’expatriation toujours appréciée
La pandémie n’y a rien changé. Les jeunes Français de l’étranger sont toujours aussi intéressés par l’expatriation. Depuis mars 2020, la plupart ont bourlingué, changé d’emploi, angoissé souvent pour des questions de visa, certains ont dû rentrer, faute de stage, mais ils n’ont pas renoncé à vivre à l’étranger. A San Francisco, beaucoup ont rejoint le groupe des « nomades de la pandémie ». Rien ne les retenait plus dans leurs entreprises, ils ont profité du télétravail pour découvrir de nouveaux horizons, horaires, voire continents si leur visa le leur permettait. Selon un sondage de l’Observatoire de l’expatriation, les jeunes continuent d’avoir une vision positive de l’expatriation, et 41 % d’entre eux ont conçu de nouveaux projets professionnels pendant la pandémie.
« Nombre de Français sont dans la tech. La tech va bien ; ils vont bien. » Frédéric Jung, consul général de France à San Francisco
Faute de statistiques, l’impact de la pandémie est difficile à mesurer sur la communauté française à l’étranger, et particulièrement sur les jeunes, qui ne se déclarent pas aux institutions. Les seuls chiffres disponibles émanent du ministère des affaires étrangères mais ils ne concernent que les Français qui font la démarche de s’inscrire sur les registres consulaires.
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L’automatisation détruit-elle des emplois ? Les manageurs seront-ils remplacés par des algorithmes ? Comment recruter avec l’intelligence artificielle sans discriminer ? La manière dont des « machines apprenantes », capables de traiter des quantités pharamineuses de données, se substituent peu à peu à l’analyse humaine dans les entreprises, suscite des questionnements « vertigineux », selon Elisabeth Borne.
La ministre du travail est revenue sur les conséquences encore mal mesurées de l’automatisation dans le monde du travail pour annoncer, vendredi 19 novembre, le lancement de « LaborIA », un laboratoire destiné à mesurer l’impact de l’intelligence artificielle sur l’emploi et les conditions de travail. D’après l’OCDE, 32 % des emplois sont amenés à être profondément transformés par l’automatisation.
Le ministère du travail s’est associé à l’Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique (Inria) pour mettre au point ce programme de recherche afin de ne pas être pris de court par ce qui est annoncé comme la prochaine révolution industrielle. Prévu sur cinq ans, le projet est mené par l’institut Matrice, un incubateur et un centre de formation autour des nouvelles technologies.
Créations d’emploi
Plusieurs intervenants invités à s’exprimer sur le projet ont survolé les multiples bouleversements introduits par l’utilisation croissante de la data dans le monde du travail. Pierre de Sahb, cofondateur de l’entreprise de traitement des données UNiFAi, a tenu à rappeler que l’intelligence artificielle était aussi créatrice d’emplois : « On automatise 90 % du job pour les gens qui sont là, mais avec un rythme de croissance [des données] tel qu’on accompagne des créations d’emplois. »
Rappelant la nécessité de sensibiliser les travailleurs à l’utilisation des algorithmes, Salima Benhamou, économiste à France Stratégie, a souligné que le salarié « a besoin de comprendre comment s’élabore une donnée et comment elle s’inscrit dans le processus ; sinon, la data ne sert à rien ». Le gouvernement s’est fixé comme objectif de former au moins 3 700 étudiants spécialistes de l’IA d’ici à 2025.
Au-delà de l’impact sur les besoins en main-d’œuvre, plusieurs intervenants sont revenus sur l’utilisation des algorithmes dans le recrutement. Prenant l’exemple de l’expérimentation « la bonne boîte » menée par Pôle emploi, qui s’appuie sur un algorithme exclusif pour détecter les entreprises qui vont probablement embaucher ces six prochains mois, l’économiste Dominique Meurs a rappelé que les algorithmes utilisés à bon escient se révélaient des outils efficaces pour lutter contre le chômage : « Cette expérimentation a montré que cela marchait, en particulier pour les catégories les plus défavorisées. »
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Le jour où Thibault Ponthier va se marier, il sait que les invités viendront des quatre coins de la planète et que des camarades de la promotion 2020 du Master of Business Administration (MBA) de Harvard feront le déplacement. L’heureux événement n’est pas d’actualité, mais le jeune homme de 32 ans utilise cette formule pour prouver que son récent diplôme dans la prestigieuse business school américaine lui a apporté beaucoup plus que des connaissances. Son MBA, c’est aussi de « solides amitiés ». Un réseau international.
Malgré un retour en France précipité par la pandémie de Covid-19 et un projet de création d’entreprise contrarié, le Corrézien garde de son séjour outre-Atlantique un souvenir enchanté. Après six années passées la tête dans le guidon à la direction de la PME familiale spécialisée dans la transformation de fruits, Thibault et ses proches ont revendu l’affaire. De quoi lui donner le temps et les finances (frais de scolarité : 130 000 euros les deux ans) pour s’envoler vers l’un des masters les plus réputés au monde. « Je voyais ça comme un passeport magnifique pour l’international, explique-t-il avec enthousiasme. Sur le plan humain, c’était une opportunité hors norme de pouvoir mener une réflexion sur moi et sur mon parcours pendant deux ans. Combien de fois a-t-on l’occasion de faire ça dans sa vie ? » Depuis son retour, il a renoué avec les études en suivant un cursus en œnologie et viticulture pour réaliser son rêve : acheter un domaine viticole dans le sud de la France. « Sans le MBA, je ne me le serais pas autorisé. Mais la confiance en soi, c’est contagieux. »
Epanouissement intérieur
Thibault n’est pas le seul ancien étudiant de MBA à tenir un discours où les bienfaits personnels et professionnels d’une reprise d’études se confondent. Les témoignages de ses homologues ont des accents de récits de voyages. « J’ai eu la sensation d’apprendre des choses sur mon fonctionnement que je n’aurais jamais pu saisir en restant dans mon quotidien de boulot », confie Carolina Schmollgruber, responsable communication de la marque Lancôme au sein du groupe L’Oréal, qui vient d’achever une année et demie – presque deux à cause de la pandémie – d’Executive Master of Business Administration (EMBA) sur le campus de HEC dans les Yvelines. La quadragénaire s’est lancée dans ce projet pour se défier elle-même. « Je voulais élargir mon champ des possibles », raconte-t-elle. Elle convainc son employeur de lui financer cette formation, qu’elle mène en parallèle de son poste et de sa vie de famille. Des mois aussi intenses qu’enrichissants. « On quitte l’opérationnel pour de la connaissance, on cherche à faire plus, à exceller. On ouvre à nouveau des ouvrages d’économie et ça fait du bien », raconte Carolina, qui ressent aussi qu’elle ne « dégage plus la même chose dans [sa] boîte ».
« Désormais, on entend parler de vision de l’existence, d’engagement. » Andrea Masini, directeur délégué du MBA de HEC
Les programmes de ces MBA et EMBA ont beau prévoir des études de cas, de mises en situations concrètes, du coaching et des notions à apprendre – sans le moindre passage sur le divan d’un analyste –, l’épanouissement des participants et participantes semble tout aussi intérieur que professionnel. Andrea Masini, directeur délégué du MBA de HEC, a vu passer des centaines de profils comme celui de Carolina. De son bureau, il mesure l’évolution des attentes et des parcours des cadres qui retrouvent temporairement les bancs de l’école. « Il y a dix ans, l’enjeu d’un master en management était de doubler son salaire. Désormais, on entend parler de vision de l’existence, d’engagement. Le MBA permet de changer de fonction ou de secteur d’activité, mais aussi de s’enrichir humainement et de se transformer. »
Matthieu Pouget-Abadie repense souvent à ce que sa scolarité à l’Institut européen d’administration des affaires (Insead), en 2014, a modifié dans le cours de son existence. Première chose, et non des moindres : il y a rencontré son épouse. L’histoire ne dit pas s’il y avait beaucoup d’ex-camarades de promo à la noce, mais c’est probable. Avant de reprendre ses études, ce diplômé de Sciences Po Paris travaillait dans le conseil et ne s’y plaisait pas vraiment. Aujourd’hui à la tête du marketing de la plate-forme de formation en ligne OpenClassrooms, il se sent solide sur ses appuis.
« J’y ai gagné un sentiment de légitimité, raconte-t-il d’une voix tranquille. Je n’ai plus peur de décrocher mon téléphone pour appeler un CEO [directeur général]. » Il se souvient avec amusement de ce jour où lui, frais trentenaire et néoétudiant, avait eu la possibilité de déjeuner avec Yves Carcelle, ex-PDG de Louis Vuitton et ancien de l’Insead, décédé peu après. Une rencontre marquante que seule la fréquentation d’une école renommée permet. « Avec un tel label sur le CV, les gens sont plus disposés à vous accorder du temps ou à vous ajouter sur LinkedIn », résume Carole-Anne Bassignot, consultante au sein du cabinet RH Partners. Sur les comptes LinkedIn et Facebook de Matthieu Pouget-Abadie, les anciens et anciennes de l’Insead sont présents et actifs. « Je peux appeler une vingtaine de personnes si j’ai un problème très concret de management à résoudre, expose-t-il. Et j’ai gardé des liens proches avec une dizaine d’autres que je vois une fois par an, et avec qui on parle projets et perspectives de carrière. C’est plus utile que les anciens de Sciences Po qui ont tous pris des chemins différents. »
Un sésame très onéreux
Se rencontrer soi-même et rencontrer ses semblables : serait-ce donc ça, la recette du MBA réussi ? La création d’un réseau constitue l’un des atouts majeurs de la reprise d’études. « Je fais un métier de connexions, avance Anne-Claire Bootz, ancienne de l’EMBA de l’Essec (promo 2015). A l’époque, je travaillais dans un cabinet qui réfléchissait aux opportunités de construction d’hôtels. Mon passage à l’Essec m’a permis de mieux comprendre mon secteur professionnel et de renforcer ma connaissance des acteurs-clés. » Quelques mois après l’obtention de son EMBA, elle décroche un poste au sein d’un groupe hôtelier où elle s’occupe du développement de nouveaux lieux. Une évolution professionnelle doublée d’un gain de salaire de 30 %. La progression salariale ne fait peut-être plus partie des motivations affichées, mais elle reste, malgré tout, un horizon souhaité par de nombreux candidats.
« A la sortie, ce n’est pas forcément la voie royale. On est perçus comme chers et on a souvent un prêt à rembourser. » Matthieu Pouget-Abadie, ancien du MBA de l’Insead
Mais gare aux espoirs décorrélés de la réalité. « Si vous vous mettez en tête de faire un MBA pour gagner plus ou parce que ça fait joli dans votre palmarès, ça ne sert à rien », prévient Anne-Charlotte Caudy, associée senior au sein de la division RH du cabinet Michael Page. D’autant que l’obtention du sésame coûte très cher : 76 000 euros pour un MBA de HEC. Un investissement sur soi qui, en plus, ne rapporte pas systématiquement. « A la sortie, ce n’est pas forcément la voie royale, on est perçus comme chers par les employeurs. Et, en plus, on a souvent un emprunt à rembourser », analyse Matthieu Pouget-Abadie. Anne-Charlotte Caudy poursuit : « L’obtention d’un master n’a pas vocation à faire monter la valeur d’un candidat de façon mécanique. Mais comme il apporte une meilleure connaissance de soi et de ce qu’on vaut, il peut avoir des retombées bénéfiques. »
Regain d’optimisme
Florian Faucher, 31 ans, a fini son MBA à HEC en décembre 2020. Il ne s’attend pas à faire fortune dans l’année à venir. « Je gagne bien ma vie comme consultant, mais je sais que, de toute façon, aucun retour sur investissement ne se fera dans l’immédiat. On verra dans dix ans. » Il mûrit sa trajectoire sur le long terme. « Je veux travailler dans le luxe ou le monde des spiritueux, et je manque d’expérience. Grâce au MBA, j’ai pu affiner ma stratégie et mon aisance », se félicite-t-il, en précisant tout de même que, s’il avait fait une école de commerce et non pas un master d’informatique, il ne serait pas passé par la case MBA.
Elisa Dierickx a, elle aussi, choisi de reprendre ses études pour ajouter des cordes à son arc, pourtant bien fourni. Après des études de biologie, un doctorat en zoologie et la création d’une ONG de défense de l’environnement, la jeune femme de 32 ans souhaitait agir encore plus pour la planète. « Je voulais être à l’interface entre la protection de la nature et le business, au cœur des décisions. Et pour cela, il me fallait des connaissances poussées en la matière et une meilleure vision des postes possibles », détaille la nouvelle diplômée du MBA de l’Insead.
Deux camarades lui parlent d’un cabinet de conseil, Systemiq, qui aide les grandes entreprises et les Etats à améliorer leurs actions pour devenir pleinement durables. Elle envoie une candidature spontanée et obtient un poste, qu’elle occupe depuis mi-octobre. « Ce MBA m’a apporté beaucoup d’espoir et de motivation, explique-t-elle. Je pense pouvoir faire changer les choses concrètement, alors qu’avant j’étais plus pessimiste. » Un regain d’optimisme ressenti aussi par Carolina Schmollgruber, toujours chez L’Oréal. « Cette expérience m’a donné un nouvel élan pour les dix prochaines années. »
« Le Monde » organise, samedi 27 novembre 2021, son salon des MBA et des masters pour les cadres souhaitant se réorienter ou progresser dans leur carrière. L’accès est gratuit, sur inscription en ligne.
Amir est inquiet : ce jeune Bruxellois va devoir ranger au garage sa belle Mercedes Classe E noire alors qu’il n’a pas encore remboursé le tiers de son crédit. Vendredi 26 novembre à 18 heures, il devra se conformer, comme quelque 2 000 autres chauffeurs Uber, à un arrêt de la cour d’appel de Bruxelles qui a ordonné, mercredi 23 novembre, l’arrêt de l’application Uber X. Au bout de six années de combat judiciaire, Les Taxis Verts, l’une des principales compagnies de la capitale belge, ont obtenu gain de cause. Ils estimaient qu’Uber violait la réglementation de la région.
« C’est absurde, car la législation en question date de 1995, quand les smartphones et les applications n’existaient pas », commente-t-on, consterné, du côté de la filiale belge de la plate-forme américaine qui, faute de mieux, parle d’un éventuel recours devant la Cour de cassation. Et mise, peut-être, sur le « plan taxi » évoqué par le gouvernement régional. Cette réforme pourrait décréter un statut unique pour les chauffeurs professionnels, tout en instaurant un éventuel accès limité à la profession et en laissant quelques privilèges aux sociétés de taxis classiques. Problème : le texte est à l’examen depuis sept ans et ne semble pas près d’être entériné.
Contrats artificiels
Faute d’une décision politique, c’est donc la justice qui a tenté de réglementer ce qui était, au départ, un système dit de covoiturage entre particuliers. En septembre 2015, elle interdisait l’application UberPop et ordonnait des astreintes en déniant tout droit de transporter des clients à des chauffeurs ne possédant pas une licence de taxi.
C’est une autre plate-forme, Uber X, qui faisait alors son apparition, s’appuyant sur de prétendus « contrats de transport préexistants » entre un client et un chauffeur de limousine. Un premier juge a refusé de suivre l’argumentation des Taxis Verts, qui voulaient voir l’interdiction étendue à Uber X, la cour d’appel leur a donc finalement donné raison. Elle estime que les contrats passés entre les propriétaires de limousines et la plate-forme sont artificiels et que leur principe ne vise qu’à contourner l’obligation légale de détenir une licence de taxi pour transporter des personnes.
Les chauffeurs Uber ont annoncé des actions de protestation et ont perturbé le trafic en certains endroits de la capitale
La Fédération belge des taxis a, elle aussi, intenté une action contre Uber et, saisie d’un troisième dossier, la cour d’appel a décrété, au printemps 2021, l’illégalité des courses conclues avec un smartphone, celles-ci ne pouvant être transmises, selon les juges, que par des radioémetteurs, lesquels sont réservés aux taxis. Saisie à son tour par Uber, c’est désormais la Cour constitutionnelle qui devra trancher cette question.
Pris à la gorge, les chauffeurs Uber ont, en tout cas, annoncé des actions de protestation et ils ont perturbé le trafic en certains endroits de la capitale dès jeudi matin. Dans l’urgence, le ministre-président de la région, Rudi Vervoort, leur a promis, jeudi, l’examen d’un projet destiné à sauver leur emploi. « C’est trop tard », ont répondu les responsables de la plateforme.
Porté par la députée Agnès Firmin-Le Bodo (Agir ensemble, centre droit), membre de la majorité, le texte a été voté une dernière fois à l’Assemblée nationale, à l’unanimité.
Elargie aux autres maladies chroniques, cette proposition de loi concernait au départ les plus de 4 millions de diabétiques, qui ont l’interdiction, pour des raisons de sécurité, de pratiquer certaines professions (hôtesse de l’air et steward, conducteur et condutrice de train, marin, contrôleur et contrôleuse SNCF, militaire, pompier et pompière).
Les parlementaires jugent que ces interdictions de principe ne prennent pas suffisamment en compte l’évolution des traitements et demandent une appréciation au cas par cas. La proposition de loi affirme ainsi le principe de non-discrimination dans l’accès à l’emploi ou aux études pour les personnes atteintes de maladies chroniques.
Pour établir si les conditions de santé sont réunies ou non pour accéder à une profession, le texte insiste pour que soit menée « une appréciation médicale individualisée » qui tienne bien compte des « possibilités de traitement ou de compensation du handicap ».
Cette loi met aussi en place, pour une durée de trois ans, un comité chargé d’évaluer les textes encadrant l’accès au marché du travail de ces malades : il devra proposer d’« actualiser » les règles en vigueur au regard de l’évolution des traitements, afin d’améliorer l’accès à certaines professions.
La rédaction de la proposition de loi a été en partie édulcorée durant la navette parlementaire avec le Sénat.
Le texte voté par l’Assemblée en première lecture affirmait : « Nul ne peut être écarté d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ou à une période de formation au seul motif qu’il serait atteint d’une maladie chronique, notamment de diabète. » Une phrase qui ne figure plus dans la version définitive.
Tout au long de l’élaboration du texte, les parlementaires ont souvent évoqué le combat d’Hakaroa Vallée, un jeune diabétique qui multiplie les actions pour lutter contre les discriminations.