Archive dans 2021

« Le point de non-retour de la crise climatique approche : il est temps d’agir pour les entreprises »

Tribune. Responsables et dirigeants d’entreprises ou d’institutions financières, chercheurs et professeurs d’université, nous saluons et encourageons les efforts déployés aux quatre coins du monde pour que le concept de développement durable soit intégré aux initiatives, aux codes et aux lois sur la gouvernance d’entreprise.

Nous sommes convaincus que la soutenabilité des entreprises, la finance soutenable, la raison d’être et la création de valeur sur le long terme passent d’abord par les conseils d’administration et les systèmes de gouvernance auxquels les entreprises sont assujetties.

Des associations d’administrateurs d’entreprise reconnaissent l’urgence climatique et la nécessité d’accélérer les progrès dans la mise en œuvre de l’accord de Paris et la réalisation des objectifs de développement durable. A cette fin, il est essentiel que les administrateurs s’orientent vers la création de valeur à long terme plutôt que vers la maximisation des profits à court terme.

Entraves

Des entreprises sont engagées pour sortir du paradigme de la valeur actionnariale et prendre pleinement en compte les enjeux de soutenabilité, garantir qu’aucune partie prenante ne soit gravement lésée. Bien que le droit accorde déjà aux membres du conseil d’administration une forte latitude pour prendre en compte ces enjeux dans l’entreprise, les schémas de gouvernance actuels les empêchent trop souvent de mettre en œuvre concrètement leurs intentions.

Des investisseurs soutiennent cette démarche, insistant pour que les entreprises intègrent les considérations environnementales, sociales et de bonne gouvernance dans leur gestion des risques.

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Mais tant que les schémas de gouvernance d’entreprise n’auront pas été réformés en ce sens, la réalisation des objectifs de soutenabilité sera entravée.

Le point de non-retour de la crise climatique approche : il est temps d’agir.

L’enjeu n’est pas simplement de doter les entreprises d’une « stratégie de développement durable » ou de publier des rapports de « responsabilité sociale et environnementale », mais de faire que les systèmes de gouvernance s’attachent avant tout à ce que les entreprises créent et préservent de la valeur pour elles-mêmes et leurs parties prenantes.

Cohérence

Nous exprimons notre soutien à la consultation lancée par la Commission européenne et à l’examen des propositions faites en matière de gouvernance d’entreprise durable, en particulier le rôle que doit exercer le conseil d’administration dans son contrôle, l’obligation de « diligence raisonnable » (due diligence) et la mise en cohérence de la rémunération des dirigeants et des cadres avec les objectifs de développement durable.

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Dans la Manche, une expérimentation pour aider les petits patrons à bénéficier de procédures de sauvetage

Pour un petit patron dont l’entreprise est en perdition, c’est un peu la quadrature du cercle. Comment avoir recours aux mandataires judiciaires, qui pourraient l’aider à redresser la barre et lui éviter peut-être le naufrage, quand il n’y a plus un sou dans la caisse ? C’est l’une des difficultés identifiées dans le rapport sur la justice économique rédigé par Georges Richelme, ancien président de la Conférence générale des juges consulaires de France, et remis le 19 février au garde des sceaux.

De très nombreuses entreprises – environ 6 000 par an, selon une estimation de la mission Richelme – « n’ont pas recours aux procédures amiables qui pourraient les protéger lorsque leur situation se dégrade », constate le rapport. En cause, le coût de ces procédures, qui peut atteindre plusieurs milliers d’euros. Résultat, lorsque l’entreprise arrive au tribunal de commerce, c’est souvent pour aller directement à la liquidation, sans bénéficier de procédures de prévention, type mandat ad hoc ou conciliation.

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Pour « ne pas abandonner de petites entreprises viables, mais non solvables en raison de la crise », le conseil général de la Manche a décidé d’aider les TPE du département à financer ces procédures, en particulier les honoraires des mandataires de justice. Un budget de 300 000 euros a été débloqué en ce sens. Les aides sont octroyées aux entreprises au cas par cas par l’intermédiaire du centre d’information sur la prévention des difficultés des entreprises (CIP) Ouest-Normandie.

« Parent pauvre »

Ces centres, créés en 1995, rassemblent des experts de l’entreprise (avocats, experts-comptables, anciens juges…) qui accompagnent bénévolement les patrons en difficulté. « La préoccupation de ce département plutôt rural est de voir disparaître tout un pan du tissu économique, constitué de toutes petites entreprises », explique Thierry de Robien, président du CIP Ouest-Normandie.

Depuis le lancement de l’initiative, six TPE en ont bénéficié : parmi elles, un commerce de chaussures, une entreprise spécialisée dans l’entretien des immeubles, une entreprise de sécurité… Le CIP finance entre 1 500 euros et 3 000 euros en fonction de l’effectif de l’entreprise. De son côté, le mandataire désigné par le tribunal s’engage à limiter ses honoraires à 500 euros s’il s’avère que la liquidation est la seule option possible.

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Cette expérimentation fera l’objet d’une évaluation au bout de quelques mois. Si elle s’avérait concluante, elle pourrait être étendue à d’autres régions. « Si cela marchait, ce serait une aide pour les toutes petites entreprises, qui sont le parent pauvre » de la justice économique, veut croire Thierry de Robien.

En Franche-Comté, la sauvegarde de l’ingénierie de l’énergie passera par un incubateur

Lors d’une manifestation contre le désengagement de General Electric, devant le site du groupe américain, à Belfort, le 24 octobre 2020.

Alors que General Electric (GE) se désengage progressivement des activités d’ingénierie systèmes et d’intégration, ces compétences à haute valeur ajoutée, qui concourent à la prospérité du nord de la Franche-Comté depuis des décennies, pourraient disparaître à jamais. Or le territoire ne veut pas laisser filer ce savoir-faire industriel. Pour le conserver, l’Association de préfiguration de sociétés d’intégration et ingénierie systèmes (Apsiis) a été créée par une dizaine de personnes aux profils hétéroclites : des membres de l’intersyndicale CFE-CGC/SUD de GE Belfort, l’un de ses anciens directeurs, des chefs de projets de l’agence économique régionale de Bourgogne-Franche-Comté et un consultant en innovation.

Cette escouade entend fédérer toutes les bonnes idées, évaluées au sein d’un comité consultatif et scientifique, pour identifier de nouveaux développements. Euro-CFD, une PME spécialisée dans la modélisation, le cabinet de conseil en technologie Altran, la société d’ingénierie Ekium ou l’université de technologie de Belfort-Montbéliard (UTBM) se sont très vite associés à sa démarche. La liste continue de s’étoffer.

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Apsiis n’aurait sans doute pas vu le jour sans la réduction de l’empreinte de GE, qui, après avoir réduit ses effectifs dans sa division gaz en 2019, continue de supprimer des postes. Mais le contexte mondial de la transition énergétique lui est favorable. Deux marchés porteurs sont ciblés : l’hydrogène et le nucléaire, qui évolue vers la conception et la fabrication de réacteurs de petites dimensions.

PME, coentreprises, partenariats…

« Ces marchés sont en quête de compétences d’intégration pour concevoir des centrales électriques clé en main de tous types », assure Philippe Petitcolin (CFE-CGC), l’une des chevilles ouvrières d’Apsiis. Cela passera par la création de PME et de coentreprises, par des partenariats entre des industriels venant de tous horizons, de France et de l’étranger. « Nous ne sommes pas en concurrence avec GE, nous aspirons à travailler avec lui », complète Alexis Sesmat (SUD), un autre artisan d’Apsiis.

A la fois incubateur, collectif de travail et plate-forme collaborative, cette association se donne de neuf à dix-huit mois pour effectuer un premier tour de table financier avec les projets les plus mûrs. Elle a d’ores et déjà déposé une demande de subvention auprès du fonds qui gère la pénalité de 50 millions d’euros versée par GE à la suite du non-respect de son engagement, pris lors du rachat de la branche énergie d’Alstom en 2014, de créer plusieurs centaines d’emplois à Belfort.

Egalité femmes-hommes : « Quand le juge consent à reconnaître le principe d’une discrimination, il réduit l’indemnité au minimum »

Nature morte sur le thème de la différence de salaires entre les hommes et les femmes.

Clara Gandin, avocate chez Boussard-Verrecchia et Associés, défend des femmes victimes de discrimination au travail.

Votre cabinet est spécialisé dans la défense des salariés discriminés, notamment des femmes. Quel est le thème majeur de discrimination dans vos dossiers ?

Le grand thème, c’est l’évolution de la carrière avec ses conséquences sur les rémunérations. Souvent, survient un événement après lequel la carrière décline. Par exemple, la maternité. Mais les femmes sans enfants sont aussi concernées, quand elles atteignent la trentaine, parce que l’entreprise s’attend à ce qu’elles fassent des enfants. Il y a une sorte d’anticipation de l’employeur pour qui les femmes seraient moins orientées vers leur carrière que les hommes.

Souvent, malgré une égalité apparente entre les femmes et les hommes, dans la majorité des entreprises, plus on s’élève dans la hiérarchie, plus l’écart de salaire est fort. De plus, si les écarts se réduisent, les femmes mettent davantage de temps au cours de leur carrière pour atteindre le même niveau de salaire et de responsabilités que les hommes.

Comment les juges accueillent-ils ces sujets sur l’inégalité ?

L’idée qu’il existe une discrimination systémique dans une entreprise, un ensemble de règles et de pratiques qui désavantagent les femmes, n’est pas encore reconnue, parce que l’on est dans des contentieux individuels. Les juges prennent rarement en compte les éléments collectifs que nous apportons comme étant un des éléments de preuve dans tel ou tel dossier.

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On s’appuie notamment sur les données du rapport annuel de situation comparée des conditions générales d’emploi et de formation des femmes et des hommes, qui est obligatoire dans les entreprises de plus de 50 salariés. Dans une décision du conseil des prud’hommes de Nanterre, par exemple, cet élément a été pris en compte. Il a été reconnu que la situation de la salariée illustrait ce contexte général. Mais c’est rare.

Quelle conséquence a cette non-prise en compte du contexte de discrimination dans une entreprise ?

Dans certains dossiers, le juge retient que toute comparaison entre salariés est impossible, parce que chacun a eu son propre parcours de carrière. Pourtant, pour prouver qu’une salariée a été discriminée, il faut pouvoir évaluer les postes que lui a proposés l’entreprise. Cela implique la comparaison de son parcours avec celui des hommes embauchés en même temps à un niveau similaire.

Si on refuse ce principe de comparaison à l’embauche, aucune réparation intégrale du préjudice n’est possible pour ces femmes aux carrières brisées. Et quand le juge consent à reconnaître le principe d’une discrimination, il réduit l’indemnité au minimum. Quant au préjudice moral pour une femme qui, pendant vingt ou trente ans, a vu tous ses collègues hommes évoluer plus qu’elle, ce qui lui a créé une souffrance, il n’est pas du tout indemnisé. Ce n’est pas dissuasif pour les entreprises, qui font, là, une économie sur le dos des femmes.

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Déjà en avance, la Finlande devrait pérenniser le télétravail après la crise du Covid-19

Siège de la société Fortum, à Espoo, en Finlande, le 18 août 2017.

Avant la pandémie de Covid-19, Johanna Holmström travaillait à la maison « un ou deux jours par mois au maximum ». Le 16 mars 2020, cette directrice financière d’une société immobilière suédoise en Finlande venait de se mettre en quarantaine, après une visite au siège social de son entreprise à Stockholm, quand le gouvernement, à Helsinki, a demandé aux Finlandais de travailler à distance. Depuis, elle n’est retournée que trois fois au bureau, « dont deux dimanches soir, pour faire des cartons, quand on a changé de locaux », précise-t-elle.

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Comme Johanna, un million au moins de salariés finlandais, soit la moitié d’entre eux, sont passés au télétravail au printemps 2020 : un des chiffres les plus élevés de l’Union européenne. Les économistes y voient une des raisons de la résilience de ce pays de 5,5 millions d’habitants face à la crise sanitaire. Non seulement la Finlande est l’Etat qui a enregistré le moins de contaminations en Europe proportionnellement à sa population, mais son PIB n’a reculé que de 3,2 % en 2020.

Près d’un an plus tard, pour Johanna, l’heure est au bilan : « Mes collègues me manquent un peu. On essaie de se voir de temps en temps. Mais ce n’est pas comme si nous étions très sociables en Finlande », plaisante-t-elle. Pour le reste, elle est agréablement surprise : « Je suis aussi efficace ou même plus qu’au bureau. Personne ne vient me déranger, et je peux m’organiser comme je veux. Parfois, je fais des réunions en me promenant dehors. »

Plus de cols blancs

Elle n’est pas la seule à avoir apprécié l’expérience. Selon une enquête réalisée par un groupe de chercheurs de différentes universités finlandaises auprès de 1 164 salariés, dont deux tiers ne travaillaient jamais ou rarement à la maison avant l’épidémie, 85 % étaient très satisfaits en mars 2020, et 86 % en octobre. « En général, les gens ont le sentiment d’avoir augmenté leur productivité, tout en améliorant l’équilibre travail-vie personnel », résume Kirsimarja Blomqvist, professeure de gestion des connaissances à l’université de technologie de Lappeenranta, dans le sud-est du pays.

« En général, les gens ont le sentiment d’avoir augmenté leur productivité, tout en améliorant l’équilibre travail-vie personnel », Kirsimarja Blomqvist, professeure de gestion des connaissances

Le pays avait déjà pris une longueur d’avance avant l’épidémie. En 2018, selon le centre national des statistiques, 28 % des Finlandais travaillaient déjà régulièrement à la maison (59 % pour les CSP +). Ils n’étaient pourtant que 4 % en 1997. Pour Matti Vartiainen, professeur de psychologie du travail et des organisations à l’université Aalto (Helsinki), « la crise économique du début des années 1990 et la déconstruction créatrice qu’elle a entraînée » sont en partie responsables. Les entreprises ont modifié leur organisation du travail. Nokia, en plus de faire office de moteur de l’économie finlandaise, « a créé une atmosphère propice à l’innovation et au développement technologique », constate M. Vartiainen.

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Journée internationale de lutte pour les droits des femmes : l’égalité économique au menu des députés LRM

A l’occasion de la journée internationale de lutte pour les droits des femmes, les députés La République en marche (LRM) ont déposé lundi 8 mars une proposition de loi visant à « accélérer l’égalité économique et professionnelle » entre les femmes et les hommes.

« L’argent des femmes a souvent été considéré comme un revenu d’appoint, parfois un argent de poche. Il faut que toutes les femmes, quel que soit leur parcours, qu’elles aient ou non des enfants, puissent bénéficier d’une autonomie financière et prétendre à une égalité économique avec les hommes », pour leur bénéfice, mais aussi celui « de la société », soutient la députée Marie-Pierre Rixain, présidente de la délégation aux droits des femmes à l’Assemblée, qui porte ce texte. Mme Rixain espère un examen du texte en mai pour une adoption avant la fin de l’année.

Dans ses premiers articles, la proposition de loi prévoit « l’obligation » de verser le salaire ou les prestations sociales sur un compte bancaire « dont le salarié est le détenteur ou le codétenteur ». Ce n’est que le 13 juillet 1965 que le Parlement a voté une loi autorisant les femmes à ouvrir un compte en banque à leur nom et à travailler sans le consentement de leur mari, rappelle la députée. Mais aujourd’hui encore, sur autorisation écrite, les revenus peuvent être versés sur le compte d’un tiers.

Le texte s’adresse aussi aux 85 % de femmes à la tête de familles monoparentales, pour qui la charge parentale est « décuplée », en permettant l’accès à des dispositifs de formation et en réservant des places en crèche pour ces familles bénéficiaires de l’allocation de soutien familial.

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« Lutter contre les biais de genre »

Le texte vise également à « lutter contre les biais de genre » dans les choix professionnels, alors que les femmes ne sont que 26 % en écoles d’ingénieur, en proposant de concevoir un « index de l’égalité » dans les établissements d’enseignement du supérieur et de favoriser la mixité des jurys. Il prévoit que les entreprises de plus de mille salariés publient chaque année une « photographie genrée » des 10 % de postes à plus haute responsabilité.

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Il entend aussi introduire des « objectifs de mixité » dans le soutien aux entreprises de la banque publique Bpifrance, alors que les femmes ont « 30 % de chances en moins » que les hommes d’obtenir des financements pour leur entreprise. Alors qu’Emmanuel Macron et la majorité entendent mettre l’accent sur le volet social qui doit rééquilibrer un quinquennat marqué par de grandes lois sécuritaires, Mme Rixain explique que ce texte s’inscrit « dans une logique d’égalité des chances et de justice économique ».

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Index égalité femmes-hommes : en progression, mais 53 entreprises épinglées trois ans de suite

De plus en plus d’entreprises respectent l’obligation de publier leur index d’égalité professionnelle femmes-hommes, créé en septembre 2018, selon le bilan publié lundi 8 mars par le ministère du travail, mais une cinquantaine d’entre elles obtiennent pour la troisième année de suite une très mauvaise note, qui les expose à des pénalités.

Cette note comprend cinq critères : l’écart de rémunération femmes-hommes (40 points), l’écart dans les augmentations annuelles (20 points), l’écart dans les promotions (15 points), les augmentations au retour de congé maternité (15 points) et enfin la présence de femmes parmi les plus gros salaires de l’entreprise (10 points).

Depuis 2019, les entreprises de plus de 250 salariés ont l’obligation de publier leur note globale sur 100. Pour les entreprises de 50 à 250 salariés, l’obligation date de mars 2020. Cette année, 70 % des entreprises de plus de 50 salariés ont publié leur note, contre 59 % l’année dernière. En dépit de la crise, « les entreprises sont au rendez-vous de l’index, signe que la démarche est rentrée dans les mœurs », se réjouit-on au ministère.

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Le Monde avec AFP

Cecilia Garcia-Peñalosa : « La réintégration des femmes sur le marché du travail doit être un aspect fondamental des plans de relance »

Tribune. Au cours du XXsiècle, malgré leurs effets dévastateurs, les guerres et les récessions ont fait avancer l’égalité entre les femmes et les hommes dans les pays à haut revenu : le départ des hommes au front a généré un manque de main-d’œuvre, poussant entreprises et gouvernements à faire appel au travail des femmes en dépit des normes sociales en vigueur à l’époque. Ainsi, des femmes éduquées pour devenir mères et épouses se sont retrouvées livreuses de charbon, conductrices de camion, ouvrières industrielles, et cryptanalystes.

Au retour des hommes, la plupart d’entre elles sont retournées au foyer. Mais ces expériences ont montré que le travail féminin pouvait être aussi valable que celui des hommes. Elles ont laissé envisager aux pères et époux qu’il était possible d’avoir une activité en dehors de la maison en restant « respectable », et, par-dessus tout, elles ont transformé à jamais les aspirations des femmes.

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Si les guerres ont créé des occasions pour les femmes de travailler, les crises du XXe siècle ont engendré du besoin. Le concept de « travailleur supplémentaire », développé par le statisticien russe Wladimir Woytinsky (1885-1960), selon lequel la femme ne travaille que lorsque le ménage a besoin d’un revenu supplémentaire, explique l’augmentation de l’emploi des femmes mariées après la crise de 1929.

Jusqu’aux années 1920, les femmes qui travaillaient en dehors de la maison étaient jeunes et célibataires, et la norme sociale exigeait que, une fois mariées, elles quittent ces emplois pour se consacrer à leur famille. Le krach boursier de 1929 va questionner ces comportements.

Maintenir les revenus du foyer

L’effondrement du système financier secoue le secteur industriel, dont la production va chuter à tel point que le taux de chômage des hommes est multiplié par trois au moins selon les pays. Dans ce contexte, leurs épouses tentent de maintenir les revenus du foyer en cherchant un travail, et l’industrie va les accueillir à bras ouverts : une femme pouvait, à l’époque, être payée bien moins qu’un homme pour le même travail, ce qui a permis une réduction des coûts en temps de crise. Les femmes ont ainsi accédé à des métiers jusque-là inaccessibles pour elles.

Ce type de mécanisme, présent dans la plupart des récessions du XXe – car le chômage a toujours touché principalement les hommes, notamment les cols bleus –, a été particulièrement important lors de la « Grande Récession » : quand la crise mondiale frappe en 2008, la situation des femmes dans les pays à haut revenu est bien différente de celle de 1929. Elles sont aussi éduquées que les hommes et représentent autour de 45 % des emplois.

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« Il n’y a pas de leadership “au féminin”, le prétendre, c’est nourrir les stéréotypes sexistes »

Tribune. Je fais un pari facile : à l’approche de la Journée internationale du droit des femmes, lundi 8 mars, vont refleurir les propos lénifiants sur les dirigeantes d’entreprises et les habituelles rengaines sur le fait que les sociétés dirigées par des femmes délivreraient de meilleures performances, parce que managées sur la base des soft skills qu’on leur attribue généralement : fort quotient émotionnel, capacité d’écoute, intelligence du collectif, dépassement de l’ego…

Il faut en finir avec cette approche : c’est avec ce discours qu’on enferme encore davantage les femmes dans les stéréotypes que l’on prétend par ailleurs dénoncer. En insistant sur ces qualités, on les renvoie à leur statut de femme. Il en est de même pour la « féminisation » des instances de direction. On se donne bonne conscience en affirmant haut et fort avoir atteint son « quota », en oubliant de dire que beaucoup de ces postes confiés aux femmes sont également en rapport avec ces fameuses soft skills. Celles-ci seraient particulièrement adaptées aux fonctions de communication, de ressources humaines ou de développement durable qui sont des fonctions essentielles, mais auxquelles on ne confère pas le poids qui devrait leur revenir.

Les « bénéfices de la mixité »

Pendant ce temps-là, ceux que l’on considère comme des postes de « pouvoir » continuent d’être confiés majoritairement à des hommes. Combien de femmes sont à la tête de directions opérationnelles ? Combien sont chargées des fusions-acquisitions ? Il serait bien utile, par exemple en s’appuyant sur les capacités de l’intelligence artificielle, de développer un outil d’analyse et de mesure du poids des différentes fonctions de l’entreprise en matière de pouvoir réel. Ce serait la meilleure façon de créer un véritable indice de parité.

«  Plutôt que le terme de “diversité”, c’est celui d’“égalité” qu’il faudrait privilégier. Car c’est bien cela dont il est question : traiter à égalité les femmes et les hommes »

Parmi les arguments souvent avancés en faveur de « l’ouverture » de postes de direction ou d’administration aux femmes figure celui de la performance : une entreprise présentant un fort taux de féminisation de ses dirigeants aurait de meilleurs résultats. C’est une justification que l’on présente aux actionnaires mais que l’on relie non aux performances des femmes dirigeantes mais aux bénéfices de la mixité. En filigrane, on décèle l’idée que les femmes viendraient « compléter » un état-major, par leurs qualités propres. Outre qu’il est bien difficile de corréler scientifiquement le taux de féminisation d’une entreprise à ses performances, cette approche renvoie également aux stéréotypes féminins. Plutôt que le terme de « diversité », c’est celui d’« égalité » qu’il faudrait privilégier. Car c’est bien cela dont il est question : traiter à égalité les femmes et les hommes. Les entreprises qui réussissent sont celles qui placent au même niveau les compétences des hommes et des femmes, qui représentent 50 % des talents.

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Covid-19 : transformer son entreprise, parfois radicalement, pour surmonter la crise

Philippe Mella parle à toute vitesse, et on ne sait pas si c’est parce qu’il est encore pris dans la tempête qui a dévasté l’événementiel en 2020, ou si c’est parce qu’il est débordé par l’euphorie de ses nouveaux projets. « Mon médecin m’a dit de me calmer, je n’ai jamais autant travaillé que cette année », déclare cet homme de 56 ans, jouant les guides à travers les entrepôts de sa société, Lomarec, installée dans une zone d’activité de Sevran (Seine-Saint-Denis).

Fondée par ses parents en 1969, elle était jusqu’ici spécialisée dans la location de matériel pour cocktails et réceptions. Sur les palettes s’érigeant sur plusieurs mètres, toutes sortes de modèles de couverts, tables, plateaux en inox et argenterie sont stockés, en attendant la demande. Mais, depuis un an, l’heure n’est plus à la fête. « En 2020, on a fait 95 % de chiffre d’affaires en moins par rapport à 2019. » Malgré un prêt garanti par l’Etat de 1,6 million d’euros, le recours au fonds de solidarité et au chômage partiel à hauteur de 85 %, il n’a pu éviter le licenciement économique de neuf de ses 64 salariés.

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Puisque l’activité ne va pas repartir de sitôt, Philippe Mella a entrepris de se diversifier, avec l’aide de consultants spécialisés (Suppleo) : quand l’e-commerce explose, disposer de 4 700 m2 d’entrepôts à 15 km de Paris est un atout. Alors, l’un de ses deux hangars géants va devenir une plate-forme logistique. « On vient de signer avec une grande marque de café », dit le chef d’entreprise. Il a également lancé Ecosystème évènementiel 93, une agence événementielle écoresponsable, qui regroupera des acteurs du département, lorsque l’activité redémarrera.

« Il a fallu faire le deuil du monde d’avant »

Un an après l’instauration du premier confinement, en mars 2020, nombre d’entreprises au sein des secteurs les plus pénalisés – notamment le tourisme, la culture, l’hôtellerie-restauration – sont toujours paralysées par les difficultés. « Beaucoup tiennent grâce aux aides et attendent que l’économie reprenne, ou bien consacrent toute leur énergie à la mise en place du télétravail et du chômage partiel », constate Michel Rességuier, président du cabinet Prospheres, spécialisé dans la transformation d’entreprises.

Mais d’autres ont opté pour une stratégie différente : pour occuper les longues semaines de confinement, pour garder le lien avec leurs clients ou parfois même pour survivre, elles ont entamé une mutation. « Malgré les difficultés, certains entrepreneurs ont réussi à faire évoluer leur modèle d’affaires face à la crise, en transformant leur mode de production, en diversifiant leur clientèle ou en pivotant vers une activité un peu différente », observe Denis Dauchy, professeur de stratégie d’entreprise à l’école de commerce Edhec. Ils ont en commun d’avoir traversé une douloureuse remise en question – que faire si la pandémie se prolonge ? –, aboutissant au même constat : la nécessité de changer.

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