Archive dans novembre 2021

Le Medef et le département du Nord font cause commune en faveur de l’emploi

C’est inédit en France. Le conseil départemental du Nord et le Medef ont signé, le 18 octobre, un partenariat pour permettre à des allocataires du revenu de solidarité active (RSA) de trouver un emploi. « On ne veut pas faire le travail de Pôle emploi, souligne Yann Orpin, le président du Medef Lille Métropole, mais on parle le langage des entreprises, donc on les comprend. » Pas de quoi froisser la directrice territoriale de Pôle emploi Nord, Séverine Delong, qui précise : « On n’est pas l’un contre l’autre. Si des acteurs-relais portent le même message que nous, on gagne en force de frappe. »

Le dispositif vise 17 000 jeunes sur les 35 000 allocataires de moins de 35 ans de la métropole lilloise. Tous vont être appelés individuellement. « D’ici la fin décembre, 6 000 allocataires auront déjà été contactés par notre partenaire, l’association Tous tes possibles », explique Sonia Tita, chargée de mission inclusion au Medef. Mais tous n’auront pas forcément une offre d’emploi, en raison de leurs problèmes de mobilité, de garde d’enfant ou de santé. « Il faut lever ces freins car le RSA ne peut pas être une solution à vie », juge le nouveau président du département, Christian Poiret, qui présentait, lundi 15 novembre, la troisième édition de « Réussir sans attendre », autre dispositif destiné à ces allocataires.

Une vingtaine de sociétés, dans les domaines de la restauration, de la grande distribution, de l’aide à domicile ou encore des transports, proposent déjà 140 postes

Ce sont donc les personnes étant « prêtes et motivées pour aller à l’emploi » que Sonia Tita va orienter vers des entreprises dont elle connaît les besoins et « qui acceptent de casser les codes du recrutement classique CV et entretien ». Une vingtaine d’entre elles, dans les domaines de la restauration, de la grande distribution, de l’aide à domicile ou encore des transports, proposent déjà 140 postes.

Ainsi, Cleaning Bio, groupement d’entreprises spécialisées dans le nettoyage, recherche une dizaine d’agents d’entretien. « On a trois salariés à l’essai par ce dispositif », note la DRH, Charlotte Dollé. Les entreprises s’engagent à prendre les allocataires pendant deux semaines. « La découverte se fait en binôme, et on a mis en place un parrainage avec des anciens salariés », ajoute-t-elle.

« Tous les secteurs recrutent, dans tous les métiers »

Les besoins sont importants. Dès septembre, le président de la chambre de commerce et d’industrie des Hauts-de-France, Philippe Hourdain, indiquait que 33 % des sociétés interrogées rencontraient des difficultés de recrutement. Selon Frédéric Danel, directeur régional de Pôle emploi à Lille, 60 000 offres sont proposées dans les Hauts-de-France, dont plus de la moitié en CDI. « Nous sommes en train de battre tous nos records. Tous les secteurs recrutent, dans tous les métiers. On n’a pas vu cela depuis vingt ans », constate-t-il. Toutefois, malgré une baisse de 4 % dans la région en trois ans, le taux de chômage reste le plus important de France, à 9 %, soit 572 000 personnes, contre 7,6 % au niveau national.

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Le taux de chômage reste stable en France, à 8,1 % au 3e trimestre, selon l’Insee

Le taux de chômage est resté quasi stable au troisième trimestre 2021 (+ 0,1 point par rapport au trimestre précédent), pour s’établir à 8,1 % de la population active en France (hors Mayotte), selon les chiffres publiés, vendredi 19 novembre, par l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee). C’est moins bien que ce qu’avait prévu ce dernier dans sa dernière note de conjoncture, au début d’octobre, anticipant un taux de chômage à 7,6 % au troisième trimestre.

Au troisième trimestre, le nombre de chômeurs au sens du Bureau international du travail (BIT) en France (hors Mayotte) atteint 2,4 millions de personnes, soit 52 000 de plus sur le trimestre.

Le taux de chômage « oscille entre 8 % et 8,1 % depuis le quatrième trimestre 2020, au même niveau qu’au quatrième trimestre 2019, avant la crise sanitaire », précise l’Insee. Et de poursuivre : « Cette quasi-stabilité du taux de chômage au troisième trimestre 2021 résulte tout à la fois du fort dynamisme de l’emploi et de celui de la population active, comme au trimestre précédent ».

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Paradoxe

« C’est d’abord une bonne nouvelle, puisque le nombre de Français qui ont un travail n’a jamais été aussi élevé depuis 1975 », a commenté dès la publication des chiffres la ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion, Elisabeth Borne. « Le paradoxe, c’est que le taux de chômage ne baisse pas. Pourquoi ? C’est parce que, avec la reprise économique et le nombre important d’offres d’emploi, certaines personnes qui ne cherchaient plus de travail se sont remises à chercher » et apparaissent de nouveau dans les statistiques du chômage, a avancé Mme Borne.

Sur le trimestre, le taux de chômage augmente de 0,3 point pour les 15-24 ans et se stabilise pour les 25-49 ans et les 50 ans et plus, détaille l’Insee. Par rapport aux niveaux respectifs d’avant la crise sanitaire due à la pandémie de Covid-19, soit à la fin de 2019, il est nettement au-dessous pour les jeunes (– 1,2 point) et quasi identique pour les personnes d’âge intermédiaire (– 0,1 point) et les seniors (+ 0,1 point).

S’agissant du « halo autour du chômage », soit les personnes sans emploi qui en souhaitent un mais qui ne satisfont pas les autres critères du BIT pour être considérées comme chômeurs, il « diminue nettement », note l’Insee, avec 1,9 million de personnes dans cette catégorie, en recul de 175 000 sur le trimestre.

Le taux de chômage de longue durée est stable. Parmi les chômeurs, 700 000 déclarent être sans emploi et en rechercher depuis au moins un an. Le taux de chômage de longue durée s’établit à 2,4 % de la population active au troisième trimestre 2021, au même niveau qu’au trimestre précédent et supérieur de 0,2 point à son niveau de la fin de 2019.

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Le Monde avec AFP

Le « conseil en transition » attire les jeunes diplômés des grandes écoles

Devenir consultante n’était pas forcément sa vocation au départ. En sortant de Grenoble Ecole de management, Jeanne Sié, 28 ans, se voyait faire carrière comme responsable RSE (responsabilité sociétale des entreprises). « Mais ce type de poste est difficilement accessible pour un jeune diplômé », regrette-t-elle. C’est ce qui l’a poussée à postuler au département « climate change and sustainability » d’EY & Associés (ex-Ernst & Young). « Le conseil en transition est un métier intéressant qui me permet d’acquérir un vernis en développement durable en me frottant à une multitude d’entreprises et de projets », souligne-t-elle.

Longtemps marginal, le secteur est aujourd’hui en plein développement. « Auparavant, la plupart des entreprises se moquaient des enjeux environnementaux et sociaux », analyse Yves Rannou, professeur de finance à l’ESC Clermont Business School. « Mais l’opinion publique y étant de plus en plus sensible et les législations françaises et européennes de plus en plus dures en la matière, elles n’ont plus le choix désormais que de s’en préoccuper. »

Depuis 2017, toutes les organisations de plus de 500 salariés ont ainsi l’obligation de publier une déclaration extra-financière, ce qui les oblige à adapter leur organisation et à sensibiliser leurs équipes. Une aubaine pour les cabinets de conseil. Décarbonation par-ci, transition sociétale par-là… Tous les poids lourds du secteur investissent le champ du développement durable.

« Contribuer à changer le modèle »

Certains ont senti le vent venir depuis longtemps. Ernst & Young a ainsi créé un département spécifique, il y a vingt-cinq ans. « Quand j’ai rejoint le cabinet en 2002, nous étions à peine 10 dans l’équipe », sourit Alexis Gazzo, associé et responsable du département. L’activité était alors non seulement petite mais aussi considérée comme secondaire pour le groupe. Aujourd’hui, elle mobilise un effectif de 130 personnes en France et 1 400 dans le monde.

« Le développement durable est devenu un sujet stratégique non seulement en termes de business mais aussi en termes de recrutement », souligne Laurent De Cock, DRH d’Accenture France et Benelux. « Les jeunes d’aujourd’hui cherchent certes à se développer mais pas n’importe comment ni à n’importe quel prix. Ils veulent avoir un impact sur la planète et sur la société », assure le DRH.

C’est le cas de Baptiste Pécresse, diplômé de l’école de commerce londonienne CASS et titulaire d’un master de management à l’ESCP Business School de Paris. « J’ai toujours voulu travailler dans les affaires », témoigne le jeune homme de 25 ans. Il s’est rendu compte assez vite que faire du business ne lui suffirait pas. « J’avais besoin de contribuer à changer le modèle tel qu’il était conçu et de participer à la société de demain. »

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Dans les entreprises, l’art de séduire une jeune génération « impatiente » et « exigeante »

« Nous savons que nous, diplômés de grandes écoles de commerce, avons la chance de pouvoir choisir nos employeurs… et donc avons également l’opportunité de mettre la pression sur eux », estime Alice Pégorier. Cette étudiante en master à l’université Paris-Dauphine PSL est membre du collectif « Pour un réveil écologique », qui exerce depuis trois ans une forme de lobbying des jeunes diplômés engagés pour le climat auprès des entreprises. Inscrite dans un pacours spécialisée dans l’énergie et la finance, la jeune femme fait partie – à l’image de nombreux de ses condisciples – de ceux qui veulent « avoir comme mission, dans leur métier, de participer à la transition écologique ». « Ça ne sert à rien d’aller travailler à vélo pour aller travailler chez Total », affirmait déjà, en 2018, le Manifeste étudiant pour un réveil écologique, signé par près de 30 000 jeunes.

Une enquête du cabinet de conseil en stratégie BCG à laquelle 2 242 étudiants et alumni de 138 établissements ont répondu, confirme cette tendance. « Deux tiers des jeunes interrogés préfèrent un emploi plus précaire mais porteur de sens », souligne Vinciane Beauchene, directrice associée du cabinet.

« Ces jeunes ont envie de missions qui les fassent grandir. » Elodie Gentina, chercheuse en sciences de gestion à l’Iéseg School of Management

Quand on leur demande dans quel secteur ils souhaiteraient travailler, 71 % des étudiants citent l’environnement. « Non seulement c’est une aspiration, mais c’est aussi un critère de choix, car ils sont prêts à des renoncements, notamment sur leur rémunération, jusqu’à 12 % du salaire », ajoute l’experte.

Cette tendance se ressent dès leur période de formation. « Ces jeunes ont envie de missions qui les fassent grandir, note Elodie Gentina, chercheuse en sciences de gestion à l’Iéseg School of Management et autrice de plusieurs livres sur la génération Z. Ils ont envie d’être utiles à la société. Des éléments qu’on trouvait moins, par le passé, en école de commerce, mais qui apparaissent maintenant, dans le cadre d’années de césure, pour des missions humanitaires ou d’engagement associatif. »

Une entreprise qui « nourrit »

Avec un engouement pour ces sujets qui se poursuit dans les choix professionnels, où les débouchés dans l’entrepreneuriat social, l’économie sociale et solidaire, et les projets à impact social ou environnemental ont désormais leur place. Les étudiants d’aujourd’hui veulent une entreprise qui leur ressemble, en résonance avec leurs valeurs. « L’entreprise doit les nourrir. Ils sont très méfiants à l’égard des discours qu’ils considèrent vite comme du greenwashing. Ils attendent des preuves de la part de leurs employeurs », poursuit Elodie Gentina.

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A Grigny, l’usine Bergams liquidée sur fond de tensions entre salariés

Deux manifestantes devant l'usine Bergams de Grigny (Essonne), le 22 septembre 2021.

C’est dans un contexte de tensions et de déchirements rarement vus au sein d’un collectif de salariés que le tribunal de commerce d’Evry-Courcouronnes a décidé, mercredi 17 novembre, la mise en liquidation de l’entreprise Bergams, en cessation de paiements depuis quinze jours. C’était le premier employeur de Grigny (Essonne), l’une des villes les plus pauvres de France.

Des 283 salariés de la société spécialisée dans le « snacking ultra-frais », qui préparaient des salades et des sandwichs triangle pour la SNCF, Monoprix, Servair, Starbucks et pour de nombreux restaurants d’entreprises en région parisienne, une centaine (35 %) étaient en grève depuis deux mois pour dénoncer un accord de performance collective (APC) appliqué depuis janvier.

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Celui-ci a accru le temps de travail et baissé les rémunérations d’une partie des salariés, en particulier sur les chaînes de production. Le seul moyen, selon la direction, de sauver cette société frappée par la crise sanitaire, ses clients ayant sensiblement réduit leurs commandes. Tout juste rentable avant la pandémie de Covid-19, après des années de perte, elle a vu son chiffre d’affaires chuter de 55 % en 2020, et a fini sur un déficit de 8,6 millions d’euros. Ses fonds propres sont négatifs.

L’activité de l’entreprise était quasiment à l’arrêt depuis le premier jour de la contestation, le 14 septembre. Car bien que minoritaires, la plupart des grévistes travaillaient sur les chaînes de production (à 90 % en grève) et à la préparation de commandes. La direction les accuse en outre d’avoir totalement bloqué les livraisons et les expéditions dès le début du mouvement, ce qu’ils contestent. Le titre du communiqué publié par Bergams jeudi est sans détour : pour l’entreprise, la liquidation judiciaire est « la conséquence directe » du blocage de son site de production à Grigny.

Impact sur la feuille de paie

Cinq jours plus tôt, pancarte « blocage = chômage » autour du cou, un front de salariés non-grévistes était venu donner de la voix face aux grévistes réunis devant le tribunal de commerce d’Evry, alors que s’y déroulait l’audience. « C’est à cause des grévistes que la boîte a coulé, pas à cause des patrons », assénait une salariée. « L’APC, ils l’ont signé ! Oui, certains ont perdu du salaire, mais il y a eu un référendum, on a fait un choix. On a décidé ce sacrifice pour garder nos emplois. L’activité était bien repartie, ils ont tout fait capoter ! », lançait une autre. « Vous êtes manipulés par la direction ! Vous croyez qu’on a perdu deux mois de salaire pour voir fermer la boîte ? », rétorquait une gréviste.

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L’usine Ascoval ne délocalisera pas une partie de son activité en Allemagne

L’entrée du site de l’usine Ascoval, à Saint-Saulve (Nord), en janvier 2018.

Au terme de deux jours intenses, la mobilisation semble avoir payé autour de l’emblématique usine d’aciérie électrique Ascoval de Sainte-Saulve (Nord), menacée de voir une partie de son activité transférée en Allemagne par son propriétaire, Saarstahl.

Après plusieurs rencontres et à l’issue d’une nouvelle réunion dans la soirée au ministère de l’économie avec le groupe sidérurgique allemand, le cabinet de la ministre déléguée chargée de l’industrie, Agnès Pannier-Runacher, a fait savoir à l’Agence France-Presse (AFP), jeudi 18 novembre, que « Saarstahl a[vait] indiqué son accord pour renoncer à son projet de transfert d’activité d’Ascoval vers son site allemand ».

Mercredi, les représentants des syndicats CGT et CFDT du site racheté il y a quatre mois par Saarstahl avaient affirmé que l’aciérie pourrait voir 40 % de sa production temporairement transférée en Allemagne. En cause : la hausse des prix de l’électricité qui alimente le site, à la pointe en matière environnementale.

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Le charbon moins cher, mais plus polluant

Saarstahl n’avait pas confirmé, affirmant n’avoir pris « aucune décision », mais le groupe avait reconnu qu’il étudiait des « options temporaires » pour « limiter les effets négatifs » de cette hausse, quand ses hauts fourneaux en Allemagne tournent au charbon, bien moins cher.

Le gouvernement avait rapidement réagi, après plusieurs années de mobilisation pour sauver le site et encore un récent prêt de 20 millions d’euros en début d’année pour payer les salaires. Le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, avait affirmé, jeudi matin, qu’il n’était « pas question » que l’aciérie voie son activité délocalisée « définitivement » en Allemagne.

Rappelant qu’il s’était « battu avec beaucoup d’énergie » pour sauver cette usine employant 270 salariés et produisant des barres d’acier destinées à la fabrication de rails, notamment pour la SNCF, et lui trouver un repreneur, il avait assuré que le gouvernement n’avait pas l’intention de « la laisser tomber ».

A en croire Bercy, le branle-bas de combat a même débuté il y a « plusieurs semaines » pour alléger les coûts des entreprises touchées par la hausse des prix de l’énergie, avec notamment l’annonce, au début de novembre, d’une aide aux entreprises les plus consommatrices d’électricité, dont Ascoval.

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Une délocalisation « scandaleuse »

Les réactions politiques n’avaient pas tardé, en pleine précampagne électorale, alors que le gouvernement a fait de la réindustrialisation et de la décarbonation de l’industrie un de ses objectifs prioritaires. Dès mercredi, le député du Nord et candidat communiste à la présidentielle Fabien Roussel avait écrit à Bruno Le Maire pour lui demander d’« intervenir sans délai ».

Les candidats à l’investiture du parti Les Républicains Valérie Pécresse et Xavier Bertrand étaient eux aussi montés au créneau, la première fustigeant une délocalisation « scandaleuse et ubuesque, surtout quelques jours après la COP26 de Glasgow ».

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Cette menace tombait en effet mal pour l’exécutif, qui affiche l’ambition de faire de la France une terre de production industrielle et décarbonée, grâce à une électricité nucléaire faiblement émettrice en CO2.

« Il faut que le gouvernement accède à la demande d’Ascoval sur le tarif de l’électricité », avait réclamé jeudi Xavier Bertrand, l’actuel président de la région Hauts-de-France, en marge d’une séance du conseil régional. « Quand on veut, on peut. Le président de la République vient demain dans la région ? Eh bien, il faut que lui-même apporte la réponse très clairement », avait ajouté Xavier Bertrand, alors qu’Emmanuel Macron se rend dans le Nord et l’Aisne, vendredi, pour un déplacement sur le thème du développement des territoires.

Le sujet est sensible, tant le sort d’Ascoval a mobilisé ces dernières années le gouvernement et Emmanuel Macron, à la fois comme ministre de l’économie sous François Hollande, puis depuis son arrivée à l’Elysée. Lors du rachat par le groupe sidérurgique allemand, validé en août, Bruno Le Maire avait salué « une très bonne nouvelle pour l’avenir de la filière sidérurgique française et pour les salariés ».

Le Monde avec AFP

Automobile : « En danger de mort, les constructeurs allemands rationalisent à tout-va »

Devant le siège du constructeur automobile Opel, à Rüsselsheim, en Allemagne, le 15 octobre 2018.

Soulagement à Rüsselsheim. Au siège allemand d’Opel, les syndicats ont gagné leur premier vrai bras de fer avec leur maison mère, Stellantis. La maison fondée par Adam Opel en 1862 ne sera pas démantelée comme ils le craignaient. Un accord est intervenu mercredi 17 novembre entre la puissante centrale IG Metall et le géant franco-italien. Ce dernier renonce à sa réorganisation.

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Depuis que PSA et Fiat Chrysler ont fusionné officiellement en janvier, le patron, Carlos Tavares, s’attache à rationaliser un outil industriel gigantesque et à faire jouer les synergies. Il se proposait donc de sortir les usines allemandes d’Opel pour les rattacher directement à une unité basée à Amsterdam. L’idée étant de transformer les usines de la société de sorte qu’elles puissent produire tous les modèles du groupe, de façon à s’adapter le plus vite possible à la demande.

Mais les syndicats ont vu le loup, caché derrière cette rationalisation de bon sens : la volonté de sortir les usines allemandes du système de cogestion qui donne aux syndicats un droit de regard sur la gestion et l’emploi dans les sites. Et ceux-ci ont fort à faire en ce moment pour protéger ce pilier du système économique outre-Rhin, face à la transition considérable que vit la construction automobile du thermique vers l’électrique.

Land actionnaire

En danger de mort, les constructeurs rationalisent à tout-va. Stellantis n’est pas la seule préoccupation d’IG Metall. L’empereur de l’automobile allemande, Volkswagen (VW), lui donne aussi du fil à retordre. Son PDG, Herbert Diess, a affirmé en privé qu’il y aurait 30 000 personnes de trop chez VW. Avec un raisonnement simple : Tesla, qui est en train d’implanter une usine à Berlin, à moins de 200 kilomètres du siège de VW, peut fabriquer une voiture en dix heures, quand il en faut trois fois plus chez Volkswagen.

La guerre de la productivité est lancée et fera des victimes, car la construction d’une voiture électrique demande moins de main-d’œuvre. Sauf à produire plus de voitures, mais il faut alors les exporter et donc être compétitif avec tous les Tesla du monde. Douloureux dilemme.

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La grande différence entre Stellantis et Volkswagen est que le Land de Basse-Saxe est actionnaire de VW et se range traditionnellement du côté des syndicats. Ensemble, ils peuvent imposer leurs vues au conseil de surveillance, ou au moins être en position de force pour négocier. Ce système, aussi envié que décrié à l’étranger, n’a pour l’instant pas empêché l’Allemagne de rester un géant industriel. Et le pouvoir politique l’a constamment soutenu. La transition actuelle sera un test de la résilience de ce modèle face à la tempête qui s’annonce.

Force ouvrière claque la porte des discussions sur la rémunération des fonctionnaires

Le secrétaire général du syndicat FO, Yves Veyrier, à gauche, lors des rencontres entre gouvernement et syndicats à l’hôtel de Matignon, le 1er septembre 2001.

La campagne présidentielle s’invite dans les discussions ouvertes par le gouvernement avec les syndicats sur la rémunération des fonctionnaires. Mardi 16 novembre, Force ouvrière-Fonction publique a annoncé qu’elle mettait « un point d’arrêt » à sa participation à la conférence sur les perspectives salariales. Pour justifier son retrait, le syndicat évoque « des discussions stériles qui s’apparentent à la préparation du programme électoral du candidat Emmanuel Macron » à la présidentielle.

Annoncée en juillet, la conférence a débuté formellement fin octobre. Quatre thèmes sont prévus : l’égalité professionnelle entre femmes et hommes, l’équité de rémunération entre les métiers et les filières, l’attractivité et le système de carrières, les contractuels. Elle doit s’achever en février sur un état des lieux et des propositions.

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Le 16 novembre également, trois autres organisations (CGT, FSU, Solidaires) ont écrit à la ministre de la transformation et de la fonction publiques, Amélie de Montchalin, pour la prévenir qu’elles n’avaient « nullement l’intention de servir de caution à une conférence qui pourrait être exploitée à des fins politiques et partisanes ».

Priorité : les moins bien payés

Le point d’achoppement est, sur le fond, toujours le même : les syndicats veulent le dégel du point d’indice, c’est-à-dire une revalorisation générale. C’est le cas de Force ouvrière, qui demande l’ouverture de négociations salariales. La CGT, FSU et Solidaires quitteront la conférence sans « une réponse claire et rapide » de Mme de Montchalin sur ce point.

La position du gouvernement est pourtant constante et assumée depuis 2017 : pas d’augmentation générale des salaires, mais des mesures ciblées. Le projet de budget 2022 prévoit d’ailleurs 250 millions d’euros pour revaloriser les agents de catégorie C.

Après ? L’entourage de la ministre ne ferme aucune porte, rappelant qu’une réunion sur les salaires est prévue en décembre et que la conférence a vocation à aborder tous les sujets. La priorité de 2022, ce sont les moins bien payés. « Quel doit être le focus des années suivantes ? Quels seront les meilleurs outils ? », s’interroge-t-on de même source, en précisant : « Les paramètres macroéconomiques, comme l’inflation, peuvent changer. Nous ne sommes pas des dogmatiques. On ne s’enferme pas dans un “ça, jamais”. »

Quoi qu’il en soit, le gouvernement s’étonne que les syndicats s’en aillent avant que ces questions ne soient abordées, et promet que la conférence ira à son terme. Selon un proche de la ministre, les propositions qui en sortiront ne seront « pas le programme d’Emmanuel Macron, mais un élément du débat public ».

« En être ou ne pas en être » : la Conférence des avocats du barreau de Paris, club d’élite pour jeunes pénalistes

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Publié aujourd’hui à 07h00

Ils appartiennent à un club très ancien, prestigieux et à l’accès restreint. Y être admis, c’est l’assurance de brûler les étapes d’une carrière. Dans ce cénacle que le grand public ignore, on dîne avec des ministres ou avec des « stars » du droit. On convie lors de joutes oratoires, journalistes, hommes et femmes politiques, acteurs et humoristes. Salvatore Dali, Fabrice Luchini, Nicolas Sarkozy, Plantu, ou encore Catherine Deneuve ont, entre autres, fait partie de leurs invités d’honneur. Ce club, c’est la Conférence des avocats du barreau de Paris.

Créée en 1818, « la Conférence » rassemble douze jeunes avocats, appelés « les secrétaires », désignés pour un an et qui assurent la défense pénale d’urgence dans des affaires sensibles. Ils sont choisis par leurs pairs à l’issue d’un concours d’éloquence en trois tours. En 2021, environ 230 candidats étaient inscrits au premier tour. Tous les avocats de moins de 35 ans qui ont prêté serment peuvent participer, même si une certaine souplesse sur la limite d’âge peut être accordée et aucune présélection n’est organisée à l’entrée.

Visibilité inestimable

Durant une année entière, les douze orateurs élus bénéficient de plusieurs prérogatives. D’abord, ils jouissent d’un monopole en cas d’instruction criminelle à Paris. « S’il y a un meurtre, un assassinat ou une infraction en bande organisée à Paris, par exemple. On sera présent lors de la mise en examen, explique Chloé Redon, actuelle huitième secrétaire – chaque secrétaire possède un numéro auquel est attachée une fonction particulière –, chargée de la communication. Pour la suite de l’instruction, on sera automatiquement désigné si le client souhaite un avocat commis d’office. » Ces jeunes avocats détiennent également un monopole concernant l’instruction des affaires financières, les comparutions immédiates de renvoi et les gardes à vue en matière criminelle.

Maître Paul Nafilyan fait face aux douze secrétaires de la conférence et au bâtonnier de Paris, Olivier Cousi, le 15 novembre 2021, lors du 3e tour du concours d’éloquence organisé dans la bibliothèque de l’ordre, au Palais de justice de l’île de la Cité.

Mais être choisi dans le cercle des Douze constitue avant tout une opportunité professionnelle décisive dans la carrière de ces pénalistes. « Je n’avais aucun réseau. Personne de mon entourage ne travaillait dans le droit, témoigne Chloé Redon. C’était le seul moyen pour moi de commencer à développer une clientèle. J’ai pu m’installer à mon compte. » Dans ce milieu très concurrentiel, la Conférence offre une visibilité inestimable. « Je serai toujours attentif à un passé de secrétaire de la Conférence si je dois recruter des collaborateurs », confie le pénaliste Jean-Yves Le Borgne, lui-même élu secrétaire en 1977.

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Préparer le barreau : une année intense au coût certain

« La période de préparation de l’examen du barreau est très intense » C’est ainsi que Lucas, 23 ans et fraîchement admis à l’école d’avocats de Bordeaux, résume la rudesse de la préparation à l’examen du CRFPA (Centre régional de formation professionnelle d’avocats). Sélectif, son taux de réussite atteint en moyenne les 30 %. Chaque année, environ 4 000 étudiants intègrent une formation au sein des 11 écoles du barreau de France.

Fixé par un arrêté du 19 juillet 2017, le coût des dix-huit mois de formation pour se draper de la robe noire s’élève au maximum à 1 825 euros. Après une décision du 3 février 2017 du Conseil national des barreaux (CNB), institution qui organise la formation des élèves avocats, il avait été un temps question d’augmenter les frais d’inscription à 3 000 euros. Une hypothèse qui n’est pas aujourd’hui « le souhait politique » de Jean-François Mérienne, président de la commission formation du CNB. « La profession d’avocat doit être ouverte, elle n’est pas réservée à des fils d’archevêques », insiste l’avocat de Dijon.

« Les admis sont en grande majorité issus de prépas privées. » Lucas, 23 ans, admis à l’école de Bordeaux

Le recours à une préparation privée, dont le coût oscille entre 1 500 et 2 000 euros, l’été qui précède l’examen en septembre, est de plus en plus fréquent. « Les admis sont en grande majorité issus de prépas privées », constate Lucas. Et si l’on rate le barreau, il faut se redonner les moyens de s’élancer une deuxième fois.
« Une dernière fois », corrige Ibrahim Shalabi, 29 ans et avocat au barreau de Paris. Pour cet ancien étudiant boursier sur critères sociaux échelon 7 (le plus élevé), c’est le temps nécessaire aux révisions qui est un frein, davantage que le coût d’une nouvelle prépa à financer.

« Le CRFPA demande trois mois de focus. Tu ne te consacres qu’à ça, se remémore le jeune juriste. Cela signifie – sauf exception, je sais qu’il y en a qui le font – de ne pas travailler à côté. Pour quelqu’un qui vit à Paris, trois mois sans rentrer d’argent, si tu ne vis pas chez tes parents, c’est compliqué. » C’est d’ailleurs dans sa famille qu’il a révisé.

Même recette pour Lucas. « Etre chez ses parents aide. C’est plus confortable car mes journées s’étalaient de 8 heures à 19 h 30 pour préparer les épreuves écrites », explique l’élève avocat, avant d’ajouter qu’il n’avait peut-être bu que « deux bières dans l’été ». A contrario, les amitiés tissées entre étudiants révisant le CRFPA se trouvent renforcées. « Cet examen est une expérience éprouvante mais extrêmement enrichissante socialement », observe Ibrahim Shalabi, qui a gardé avec ses compagnons de révisions pour le barreau des liens « beaucoup plus forts » que ceux noués « en début de faculté de droit ».

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