Archive dans novembre 2021

Les syndicats dénoncent le renforcement annoncé du contrôle des chômeurs

L’exécutif est, de nouveau, accusé de s’en prendre aux chômeurs. Alors qu’il vient d’annoncer une augmentation des contrôles sur les demandeurs d’emploi, plusieurs responsables syndicaux s’indignent, estimant qu’une telle mesure est « démagogique » et recèle des arrière-pensées électoralistes. Ces critiques s’ajoutent à celles lancées depuis des mois contre la réforme de l’assurance-chômage, qui a durci les règles pour accéder au dispositif tout en rendant moins favorable l’indemnisation des travailleurs précaires.

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La colère des organisations de salariés est liée à la dernière allocution d’Emmanuel Macron. Mardi 9 novembre, le président de la République a évoqué les « entrepreneurs » qui peinent à recruter de la main-d’œuvre, faute de candidats. « Au moment où trois millions de nos compatriotes se trouvent encore au chômage, cette situation heurte le bon sens », a-t-il déploré. Pour la « dépasser », le chef de l’Etat a énuméré plusieurs solutions, déjà mises en œuvre – par exemple les investissements massifs dans la formation professionnelle – ou qui se concrétiseront prochainement. Ainsi, « les demandeurs d’emploi qui ne démontreront pas une recherche active verront leurs allocations suspendues », a-t-il dit.

15 milliards pour les formations

Son propos aurait pu laisser penser qu’il s’agissait d’une nouveauté. Il n’en est rien. Au sein de Pôle emploi, il y a quelque 600 agents qui s’assurent que les chômeurs prennent des initiatives afin de décrocher un poste – ces derniers étant tenus de le faire lorsqu’ils s’inscrivent chez l’opérateur public. En 2019, environ 400 000 contrôles ont été réalisés ; 15 % d’entre eux ont débouché sur des sanctions plus ou moins sévères, l’allocation pouvant être supprimée pendant un à quatre mois, voire définitivement s’il y a une fraude.

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Le nombre de ces vérifications va être accru de 25 % durant les six prochains mois. C’est ce qu’a indiqué la ministre du travail, Elisabeth Borne, mercredi matin sur RTL. Le but est de voir si les individus visés « répond[ent] à des offres, se rend[ent] à des entretiens, participe[nt] à des sessions de recrutement ou sui[vent] les formations proposées ». « C’est bien normal », a-t-elle ajouté, en rappelant que, au début du quinquennat, le pouvoir en place a lancé un plan, financé à hauteur de 15 milliards d’euros, pour développer les compétences des demandeurs d’emploi.

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La décision du gouvernement « repose sur le présupposé que les chômeurs ne veulent pas travailler et qu’il faut les y forcer avec les sanctions et les baisses d’allocation », confie Denis Gravouil, en charge du dossier assurance-chômage à la CGT : « Nous y sommes bien sûr opposés. » « On stigmatise les demandeurs d’emploi, s’insurge Michel Beaugas, secrétaire confédéral à Force ouvrière. C’est le même discours que celui consistant à prétendre qu’il suffit de traverser la rue pour trouver du boulot. Le président de la République cherche à élargir son spectre électoral. » Secrétaire confédéral à la CFTC, Eric Courpotin dénonce une forme de « populisme » : « Nous sommes entrés en campagne. » De son côté, Marylise Léon, la numéro deux de la CFDT, regrette que l’exécutif n’ait pas abordé la « question de la responsabilité des entreprises » dans ce débat qui englobe la thématique des offres d’emplois non pourvues : pour elle, les conditions de travail et les rémunérations sont une des principales données du problème.

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Les contrats de professionnalisation, aidés mais mis au second plan

Politique de l’emploi

[La politique de l’emploi s’appuie sur des dispositifs créés au fil des besoins, qui restent parfois méconnus longtemps après leur création. Quelle est leur efficacité contre le chômage ? Elle n’est pas toujours évaluée. Le Monde lance une série d’articles sur les aides à l’emploi, pour tenter d’estimer ce qu’on en sait – leur objectif initial, leurs résultats.]

L’objectif du dispositif

Les entreprises embauchant des jeunes en contrat de professionnalisation bénéficient de la prolongation de l’aide exceptionnelle à l’alternance jusqu’en juin 2022, dans le cadre du plan gouvernemental 1 jeune, 1 solution. Contrairement au contrat d’apprentissage, le contrat de professionnalisation relève de la formation continue. Il est souvent d’une durée plus courte et vise d’abord à intégrer un emploi spécifique.

Le salarié en contrat de professionnalisation touche entre 55 % et 100 % du smic suivant l’âge et le niveau d’études, ou 85 % de la rémunération minimale prévue par la convention collective (ou l’accord de branche de l’entreprise si celui-ci est plus favorable).

Le fonctionnement

Comme pour l’apprentissage, l’aide exceptionnelle versée aux employeurs pour le recrutement d’un jeune en contrat de professionnalisation s’élève à 5 000 euros pour un mineur et à 8 000 euros pour un jeune majeur préparant un diplôme de niveau master au maximum. Une limite d’âge est toutefois fixée : le jeune doit avoir moins de 30 ans. Cette aide est accordée uniquement la première année du contrat, éventuellement au prorata de sa durée pour un contrat de moins de douze mois.

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Cette aide exceptionnelle est accordée aux entreprises de toute taille. Les conditions sont similaires à celles de l’aide exceptionnelle à l’apprentissage : les entreprises de 250 salariés ou plus qui souhaitent en bénéficier doivent s’engager à atteindre au moins 5 % de contrats favorisant l’insertion professionnelle dans leurs effectifs ou 3 % si la progression globale de contrats en alternance est d’au moins 10 %. A une différence près : l’employeur (quelle que soit sa taille) doit transmettre chaque mois le bulletin de paie du salarié concerné à l’Agence de services et de paiement.

Comme pour l’apprentissage, l’aide exceptionnelle versée aux employeurs pour le recrutement d’un jeune en contrat de professionnalisation s’élève à 5 000 euros pour un mineur et à 8 000 euros pour un jeune majeur préparant un diplôme de niveau master au maximum

Depuis le 1er janvier 2021, une aide à l’embauche spécifique pour les personnes éligibles à un parcours d’insertion par l’activité économique recrutées en contrat de professionnalisation a également été mise en place. Elle ne peut pas être cumulée avec l’aide exceptionnelle.

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Salaires des patrons : après une baisse en 2020, les PDG entendent se rattraper cette année

Alexandre Bompard, le PDG de Carrefour, s’est vu allouer au titre de 2020 la rémunération variable la plus élevée du SBF 120, soit une enveloppe de 2,5 millions d’euros. Ici, en 2018, à Massy.

Comment aurait-il pu en être autrement ? Le patron le plus mal payé parmi les 120 premières entreprises cotées françaises est… une femme. Stéphane Pallez, PDG de la Française des jeux (FDJ), a décroché cette palme avec 380 000 euros dus au titre de l’année 2020, selon le rapport sur les rémunérations des dirigeants de l’indice SBF 120 publié mercredi 10 novembre par la société de conseil Proxinvest.

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Comme tous les patrons d’entreprise publique, Mme Pallez est tenue par la limite de 450 000 euros fixée par l’Etat. En outre, au début de la pandémie, elle a consenti un don correspondant à un mois de son salaire fixe au nom de la « solidarité ». Elle n’est pas la seule. Pendant une année 2020 marquée par la crise sanitaire, le chômage partiel, et les aides d’Etat, 58 % des entreprises, selon Proxinvest, ont ainsi réduit les rémunérations de leurs mandataires sociaux, volontairement ou parce que les objectifs qui conditionnent les bonus n’ont pas été atteints ; 6 % des groupes ont aussi différé des hausses de salaires prévues.

Conséquence, la rémunération totale moyenne des patrons du SBF 120 au titre de 2020, à savoir salaire fixe, part variable, actions de performance et autres avantages en nature, marque une baisse historique de 14 %, pour atteindre 3,2 millions d’euros : même pendant la crise financière de 2008, un tel ajustement n’avait pas eu lieu.

Plus spectaculaire, les bonus annuels des patrons du SBF 120 ont plongé de 27 %

« On revient à des niveaux observés en 2014-2015 », constate Loïc Dessaint, directeur général de Proxinvest. Pour les multinationales du CAC 40, la diminution moyenne est un peu moins marquée : le PDG, directeur général ou gérant d’une entreprise de l’indice phare de la Bourse de Paris aura obtenu en moyenne une rémunération totale de 4,6 millions d’euros, en recul de 11 %.

Plus spectaculaire, les bonus annuels des patrons du SBF 120 ont plongé de 27 %. « On n’avait jamais vu une baisse d’une telle ampleur d’une année sur l’autre », souligne M. Dessaint. Quinze parmi les 120 n’ont bénéficié d’aucun bonus en 2020. Certains volontairement à l’image de François-Henri Pinault (Kering) et Benjamin Smith (Air-France KLM) qui avaient annoncé dès le début de l’épidémie qu’ils renonçaient à toute rémunération variable.

« La chute des bonus aurait été encore plus élevée si les entreprises avaient appliqué les critères de calculs qu’elles avaient définis avant la pandémie », poursuit le directeur général de l’agence de vote. Beaucoup de sociétés, en effet, ont demandé à leurs actionnaires de revoir en cours de route leur politique de rémunération afin de pouvoir quand même récompenser leurs équipes dirigeantes, notamment quand la contre-performance de 2020 empêchait la réussite de plans triennaux. « Ce qui nous a le plus choqués, c’est quand Accor et Pierre & Vacances ont modifié les règles du jeu sans même demander à l’assemblée générale ».

Tous les grands patrons ne se sont pas serré la ceinture

Mais tous les grands patrons ne se sont pas serré la ceinture. Alexandre Bompard, le PDG de Carrefour, s’est vu allouer au titre de 2020 la rémunération variable la plus élevée du SBF 120, soit une enveloppe de 2,5 millions d’euros. Daniel Julien, le PDG de Teleperformance, s’est vu attribuer la plus forte augmentation, avec un « package » de 17 millions d’euros, soit près de 4 millions de plus qu’en 2019.

Le patron du géant des centres d’appel n’est, toutefois, pas le mieux payé de la Place : en 2020, comme l’année précédente, c’est Bernard Charlès, le directeur général de Dassault Systèmes, qui monte sur la première marche du podium, avec une rémunération de 20,6 millions d’euros, 4 millions de moins qu’en 2019 : le dirigeant bénéficie, selon le rapport annuel, d’une « démarche d’association progressive au capital visant, à terme, à lui donner une participation au capital en ligne avec celle de ses pairs dans les sociétés de technologie dans le monde ». A noter que si Dassault Systèmes et Teleperformance ont réalisé de très beaux parcours boursiers depuis le mini-krach de mars 2020, ce fut le cas aussi de la FDJ…

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Pour la suite, le suspens n’est guère de mise : la chute des rémunérations entrevue en 2020 ne va pas durer. « Il va y avoir une forme de rattrapage », prévient M. Dessaint. En particulier, même si les « packages » élevés sont de plus en plus contestés en assemblée générale, beaucoup d’entreprises comme Vivendi ou Essilor Luxottica ont d’ores et déjà fait voter lors des assemblées générales 2021 des hausses des salaires fixes pour leurs dirigeants.

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France Loisirs cherche à nouveau un repreneur

A Ajaccio, en avril 2018.

« En six ans, j’ai injecté 30 millions d’euros dans France Loisirs, un projet qui me tenait à cœur. La transformation de l’entreprise est arrivée presque à son terme, mais a été trop lente, et la pandémie de Covid19 nous a mis au tapis », explique au Monde Adrian Diaconu, président d’Actissia, maison-mère de ce club de livres, qui ne compte plus que 800 000 membres.

Le chiffre d’affaires de ce groupe intégré (à la fois éditeur, imprimeur, diffuseur, centre d’appels et de logistique) a fondu de 22 % en 2020 par rapport à 2019, à 65,8 millions d’euros. Or, la dégringolade se poursuit au moins au même rythme depuis le début de l’année. Parallèlement, les pertes de l’entreprise s’aggravent. « Après 8 millions d’euros de déficit au premier semestre, les deux mois de juillet et août ont généré 6 millions d’euros de pertes », constate M. Diaconu.

Une nouvelle fois, France Loisirs cherche un repreneur. Après une déclaration de cessation de paiements, le 29 septembre, au tribunal de commerce de Paris, l’entreprise, qui compte un millier de salariés avec ses filiales, a été placée, par un jugement du 25 octobre, en liquidation judiciaire, mais, fait rare, avec une continuation d’activité, précisément pour pouvoir trouver un repreneur. Mercredi 10 novembre, deux offres de reprise sérieuses, mais insuffisantes, ont été proposées à Hélène Bourbouloux, administratrice judiciaire chargée de ce dossier. Le tribunal devra se prononcer début décembre.

Concurrence d’Amazon, Cultura et de Leclerc

Créé en 1970 par Bertelsmann et les Presses de la Cité, ce club de livres, qui a compté jusqu’à 2 millions d’adhérents, a plusieurs fois évité la faillite. En mars 2015, quand Adrian Diaconu, PDG d’International Technology Solutions, une société luxembourgeoise diversifiée dans les drones, la sécurité des objets connectés et l’intelligence artificielle, a repris Actissia, le groupe était à la dérive et criblé de dettes. Le repreneur a recentré le réseau de boutiques sur les livres, en mettant fin à la vente de produits de beauté et cosmétiques – une diversification qui avait échoué.

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La concurrence d’Amazon, mais aussi celle de Cultura et des librairies Leclerc, a rendu obsolète un modèle qui consistait à vendre au moins cinq ouvrages par an à des abonnés. Quitte à leur envoyer d’office des titres qu’ils n’avaient pas demandés à ceux qui n’avaient pas passé leur commande assez tôt.

Malgré une tentative de remise à flot de France Loisirs, qui comptait encore 250 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2015 et plus de 2 000 employés, Adrian Diaconu a dû déposer le bilan une première fois en décembre 2017. L’entreprise est sortie de son redressement judiciaire en 2019, et Adrian Diaconu, toujours à la tête du groupe après l’approbation de son plan de continuation par le tribunal, a mis fin à l’envoi systématique de livres aux abonnés.

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Médias : un climat social glacial au sein du Groupe Moniteur

L’ambiance n’était pas aux réjouissances, mercredi 10 novembre, au sein du groupe de presse spécialisée Moniteur. Le comité social et économique (CSE) extraordinaire, qui s’est tenu dans l’après-midi, s’est vu restituer un document intitulé « Expertise risque grave relative à la charge de travail et les risques psychosociaux », aux conclusions sévères, du cabinet Alterventions. Dans la foulée, les élus du CSE ont voté à l’unanimité une résolution demandant un « plan d’action » à la direction dans un délai d’un mois. Une journée aux allures de point d’orgue, après des mois de climat social tendu dans le « pôle construction », l’une des entités d’Infopro Digital.

Pour le plus important groupe français de presse professionnelle (Libre services actualités, L’Usine nouvelle, L’Argus de l’assurance, etc.), également connu pour son activité d’éditeur de logiciels et son expertise dans l’événementiel (Le Salon des maires), cette étude tombe à un moment charnière. Son propriétaire, le fonds Towerbrook, a décidé de se séparer des 74 % de parts qu’il possède, ainsi que l’ont révélé Stratégies et Les Echos, début octobre. La banque Morgan Stanley a été mandatée pour trouver un successeur à l’investisseur, revenu au capital de l’entreprise en 2016.

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Présent dans l’automobile, la distribution ou l’assurance, le groupe se porte bien. A tel point que le fonds le valorise pour 2 milliards d’euros, contre 700 millions d’euros lors de son acquisition. Entre 2001, date de la création de la société, et 2019, le chiffre d’affaires est passé de 23 millions à 445 millions d’euros. « Avec un Ebitda [excédent brut d’exploitation] tombé à 110 millions d’euros en 2020, à cause de l’arrêt des salons et de la baisse des ventes de logiciels, cette valorisation nous paraît énorme », estime un journaliste de l’un des 30 titres d’Infopro Digital. « On pensait plutôt qu’une entrée en Bourse interviendrait bientôt, ajoute Jérôme Ribault, secrétaire du CSE et délégué syndical FO. On ne sait pas ce qui est le mieux, ou le pire, pour nous. »

Augmentation des licenciements et des démissions

Cette prospérité doit beaucoup à la politique d’acquisitions – notamment l’allemand Docu Group, les britanniques Haynes et Barbour ABI (annoncée le 2 novembre) –, mais aussi, toujours selon le document, à la santé des salariés du groupe Moniteur. Dans cette partie d’Infopro Digital, la croissance relèverait « d’une stratégie de maximisation financière assurée pour l’essentiel par la compression continue des moyens des entités acquises (baisse quasi permanente des effectifs, faibles investissements internes) ».

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Aides à domicile : la « révolution salariale » engendre des « différences de traitement »

Par

Publié aujourd’hui à 05h00, mis à jour à 09h44

Marie-Christine Pach, aide à domicile, regarde son planning du jour avant de retrouver son cinquième bénéficiaire de la journée, à Soissons (Aisne), le 26 octobre 2021.

Robe rouge assortie aux coraux de Sardaigne de son bracelet, Marguerite Destrée, 99 ans, n’a pas envie qu’on la dépeigne en « grand-mère éprouvée ». Cet après-midi d’octobre, dans son petit rez-de-chaussée à deux pas de la cathédrale de Soissons (Aisne), l’ancienne enseignante, hémiplégique depuis quinze ans, parle de son goût pour « le bon Porto » et de sa passion pour Alphonse Daudet.

Assise à côté d’elle, Mélanie Rio Pilou soulève son bras, remplit son verre d’eau, parle un peu fort à son oreille. Cette ancienne aide-soignante a choisi d’enfiler une blouse d’aide à domicile pour ne plus devoir « traiter » les personnes âgées comme « des numéros » en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad). « Je préfère être moins payée mais faire ce que j’aime ! »

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Son pouvoir d’achat en a pris un coup. Auxiliaire de vie sociale, elle gagnait 1 000 euros net pour 115 heures. Mais une bonne nouvelle est tombée le 31 octobre. Mme Rio Pilou a été augmentée de 100 euros par mois. « C’est beaucoup pour moi ! Ce sera un peu moins dur de payer l’essence pour aller travailler. »

Après avoir exercé le metier d’aide-soignante, Mélanie Rio Pilou, 30 ans, a fait le choix de devenir aide à domicile, à Soissons (Aisne), pour ne plus travailler à l’hôpital ou en maison de retraite.

« J’ai d’abord cru à une blague », raconte, quant à elle, Gaëlle Chailloux, 43 ans. Auxiliaire de vie sociale qui fait depuis vingt-trois ans « ce métier avec cœur » à Saint-Quentin, elle gagnait moins de 1 850 euros net. Depuis octobre, avec un temps plein, elle dépasse les 2 000 euros.

Marie-Christine Pach a « toujours le mot pour rire » quand elle se rend au domicile d’une personne âgée. « On est là pour leur apporter un peu de joie », remarque cette aide à domicile de 58 ans. Au volant de sa voiture, ce mardi d’octobre, elle s’arme d’un sourire plus large encore que d’habitude. Elle savoure sa « première augmentation en dix ans de métier » : près de 50 euros sur son salaire d’octobre. Un « petit plus » qui lui fait 1 240 euros mensuels pour 110 heures . « Une sacrée reconnaissance pour moi qui n’a pas de diplôme !»

Coup de pouce providentiel

Dans l’Aisne, la revalorisation concerne 1 037 aides à domicile et 99 agents administratifs. Soit les personnels des sept services d’aide et d’accompagnement à domicile (SAAD) à statut associatif du département. L’association Aid’Aisne en fait partie. « C’est que du bonheur ! », s’exclame son directeur, Dominique Villa, en évoquant les augmentations de ses 250 salariés qui vont de 3 % à 28 % selon le grade, le diplôme et l’ancienneté. « Je vais enfin réussir à embaucher », dit-il. « Cela leur change la vie ! », s’exclame Céline Lecertisseur, directrice de la fédération départementale de l’Aide à domicile en milieu rural (ADMR). Sur ses 800 salariés. 95 % sont augmentés. « On attendait ça depuis longtemps ! Il a fallu qu’on se batte pour l’obtenir», applaudit Franck Hoiry, responsable départemental de la CGT pour le secteur de l’aide à domicile et auxiliaire de vie à l’ADMR.

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Faute de personnels, les Ehpad du Puy-de-Dôme ferment des lits

Deux aides-soignantes suspendues car non vaccinées, deux infirmières en congé maternité et des congés annuels qu’il a bien fallu accorder à d’autres. Et surtout, aucun remplaçant disponible. « C’est impossible de trouver des remplaçants, les boîtes d’intérim sont prises d’assaut, explique Fabienne Chardin, la directrice de l’établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) de Loubeyrat (Puy-de-Dôme). J’ai pris la décision de suspendre les admissions pour ne pas faire peser un poids supplémentaire sur le personnel qui est déjà sous tension en raison du Covid. »

Mme Chardin a donc laissé deux chambres vides, sur les soixante-huit de l’établissement, et fait, le 16 septembre, un signalement d’événement indésirable auprès de l’agence régionale de santé (ARS) Auvergne-Rhône-Alpes. Cette situation, dans la région, n’est pas isolée. A l’ARS Auvergne-Rhône-Alpes, on reconnaît qu’il existe des Ehpad « qui régulent leurs entrées ». C’est également vrai ailleurs.

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L’Association des directeurs au service des personnes âgées (AD-PA) qui regroupe les directeurs d’Ehpad et de services de soins à domicile, a tiré, au niveau national, le signal d’alarme. « Du fait de la difficulté à recruter des professionnels, 20 % des lits d’hôpitaux sont fermés, a écrit l’AD-PA dans un communiqué du 26 octobre. La situation est la même pour l’aide aux personnes âgées : de nombreux services à domicile ne peuvent pas aider toutes les personnes qui le voudraient par manque de professionnels, et nombre d’établissements pour personnes âgées ferment des places pour les mêmes raisons. Cette situation particulièrement préoccupante va devenir totalement insupportable. »

« Il y a une fatigue »

Pascal Champvert, le président de l’AD-PA, n’a cependant pas de chiffre précis sur les fermetures de lits dans les Ehpad et admet que celui de 20 % est sans doute largement exagéré. Mais la situation n’en demeure pas moins, selon lui, préoccupante : « Les pouvoirs publics nous disent : “Vous n’avez qu’à fonctionner en mode dégradé.” Concrètement, cela veut dire ne plus aider une personne âgée à se lever ou ne plus l’accompagner pour la toilette. »

Brigitte Bourguignon, la ministre déléguée chargée de l’autonomie, balaie d’un revers de main cette idée que les Ehpad sont touchés par une vague de fermetures de lits en raison de problème de personnel. « Les fermetures de lits, on entend ça de manière récurrente », a-t-elle affirmé au Monde, lundi 8 novembre, lors d’une visite à l’Ehpad de Volvic. « Moi, je peux vous assurer que ce n’est pas le cas, même s’il y a parfois des réorganisations dues à l’absence d’un membre du personnel. Par exemple, dans le Puy-de-Dôme, il y a seulement 10 % des établissements en tension réelle. »

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Emmanuel Macron met la « valeur travail » au centre de son action

Emmanuel Macron veut démontrer que la droite n’a pas le monopole de la valeur travail. Durant son allocution du mardi 9 novembre, le président de la République a beaucoup insisté sur ce thème en le présentant comme une « boussole », le « fil rouge de [leur] action ». Dans sa bouche, une telle rhétorique n’est pas nouvelle, mais il l’a magnifiée avec emphase. Un indice supplémentaire qui accrédite l’idée que le locataire de l’Elysée est, sans l’afficher officiellement, candidat à sa réélection et qu’il entend damer le pion à ses rivaux du parti Les Républicains (LR) sur des sujets qui leur sont chers.

« C’est par le travail, et par plus de travail, que nous pourrons préserver notre modèle social », a déclaré le chef de l’Etat, en mentionnant, notamment, le système de retraites. C’est pourquoi il a, de nouveau, plaidé pour un allongement de la durée des carrières professionnelles, comme il l’avait fait, le 12 juillet, lors de sa précédente allocution.

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Mais il y a deux nuances importantes. D’abord, M. Macron a indiqué, mardi soir, que cette « nécessaire réforme » ne sera engagée qu’en 2022 – en d’autres termes, lors de la prochaine législature : ce n’est pas vraiment une surprise, mais, au moins, les choses sont dites. Surtout, il a précisé que ces transformations s’effectueront « en repoussant l’âge légal » à partir duquel les assurés peuvent réclamer le versement de leur pension (et qui est de 62 ans, aujourd’hui). C’est la première fois qu’il l’exprime aussi clairement en public, même s’il avait suggéré, par des phrases sibyllines prononcées lors de plusieurs interventions, que cette piste était présente à son esprit. Il s’agit d’un changement de cap complet par rapport à son programme pour la présidentielle de 2017 : « Nous ne toucherons pas à l’âge de départ à la retraite », avait-il promis à l’époque.

Plusieurs solutions

M. Macron a aussi fait part de son attachement au travail en élevant le niveau de ses ambitions. « Nous ne devons pas viser seulement 7 % de chômage », a-t-il martelé, en faisant implicitement référence à l’objectif qu’il s’était fixé pour 2022 : le but, désormais, est de descendre à un taux encore plus faible, afin de parvenir au « plein-emploi ». Aux yeux du chef de l’Etat, cela implique de « dépasser » les difficultés auxquelles de nombreux patrons sont confrontés pour trouver de la main-d’œuvre : une telle situation, à l’heure où il y a quelque 3,5 millions de personnes sans activité et en quête d’un poste, « heurte le bon sens », a-t-il déploré.

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Les start-up tâtonnent pour fidéliser leurs précieux salariés

« L’argent ne suffit pas toujours, en particulier dans un milieu où les salaires des métiers techniques sont très élevés. Il convient alors de s’adapter aux nouvelles aspirations des collaborateurs, à commencer par la souplesse dans l’organisation du travail. »

Avec 10 000 emplois créés en 2020 en France dans les 120 entreprises des indices Next 40 et FT120 et 4,8 milliards d’euros levés au premier semestre 2021, les start-up n’en finissent plus d’attirer de jeunes candidats. Pourtant, ce marché de l’emploi est instable : le taux de rotation annuel (part de renouvellement des personnels) ou turnover des start-up est parfois bien plus élevé que la moyenne nationale de 15 %. Maya Noël, directrice de l’association France Digitale, estime qu’un salarié reste en moyenne deux ou trois ans dans la même organisation.

Ce fort turnover freine le développement des jeunes entreprises. Florian Grandvallet, cofondateur d’Easy Partner, une agence de recrutement spécialisée dans le numérique, estime à 45 000 euros le coût de la perte d’une recrue : ayant intégré les procédures et le savoir-faire de la start-up, son départ affecte l’efficacité du travail, d’autant qu’il faudra former le remplaçant.

Les turbulences de l’hypercroissance expliquent évidemment le turnover : déménagements, créations de métiers plus précis, d’un service de ressources humaines… Les salariés « fondateurs » peinent parfois à trouver leur place dans une ancienne bande d’amis devenue « scale-up » (une start-up en forte croissance), et leur promotion à des postes de management ne leur convient pas toujours. « En moyenne, on commence à voir des procédures et du management à partir de 30-35 salariés. C’est là que certains fondateurs ne se reconnaissent plus », juge Aurélien Herquel, fondateur du label « d’humanisation du travail » Hu-Man, qui travaille avec des start-up.

Fidéliser les salariés

La rareté des profils est un autre facteur d’explication : « Dès lors qu’il y a une tension sur les talents, ça dynamite leur mobilité », explique Florian Grandvallet. Très demandés, les profils techniques reçoivent de nombreuses offres. Selon une étude de France Stratégie, qui reprend les chiffres de l’enquête Besoins de main-d’œuvre 2019, 64 % des start-up anticipent des tensions à l’embauche, et parmi celles-ci, 65 % des difficultés portent sur les profils techniques : toujours dans l’urgence, les start-up recrutent souvent par vagues, en se concentrant essentiellement sur les compétences pratiques. Il y a beaucoup d’erreurs de casting, lorsque l’embauché ne se fait pas à l’ambiance start-up par exemple : l’absence de candidats ou l’inadéquation des profils sont les principales difficultés annoncées pour la moitié des entreprises consultées dans l’étude. En découlent parfois des départs pendant la période d’essai.

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« Prix France » : Les Ateliers de la bruyère œuvrent à la réinsertion professionnelle

Cette association a été créée en 1992 pour permettre aux personnes les plus exclues d’accéder à l’emploi en mettant en œuvre plusieurs ateliers et chantiers d’insertion. Il s’agit d’une entreprise qui fonctionne comme une PME avec un encadrement professionnel, des équipements et ateliers modernes, des activités de qualité, mais qui se veut sociale en embauchant des personnes en difficulté et en recherche d’emploi (quatre personnes sur cinq n’ont pas travaillé depuis plus de deux ans).

La structure, basée à Saugues (Haute-Loire), développe trois activités : la transformation de la laine, le maraîchage et la transformation de légumes, et un service espace vert et démolition. Elle intervient sur la partie sud-ouest de la Haute-Loire, le sud de la communauté des communes des Rives du Haut-Allier. Un territoire vaste, mais très peu peuplé, très rural et enclavé.

70 % de retour à l’emploi

L’association recrute chaque année une quinzaine de nouveaux salariés, elle fait travailler une cinquantaine de personnes dont 35 en insertion et 15 salariés permanents. Près de 80 % de ses salariés étaient demandeurs d’emploi de longue durée à l’embauche. L’association les emploie 18 mois en moyenne. A leur sortie, 70 % trouvent un emploi ou une formation qualifiante ; 25 %, un CDD de plus de 6 mois ou CDI.

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L’association a créé deux activités : la société Lavage de laines du Gévaudan qui lave 150 tonnes du matériau par an et transforme les laines de 40 exploitations. Son autre filière produit environ 40 tonnes de 40 différents types de légumes auxquelles s’ajoutent 50 tonnes de légumes de plein champ en coopération économique avec trois éleveurs locaux.

Le modèle économique des Ateliers de la bruyère est basé sur une prestation d’insertion financée par l’Etat, le département et la région (environ 60 %) et par ses autres activités (laine, maraîchage et transformation de légumes, etc.). Pour se procurer des revenus réguliers, l’association veut développer des activités dans les filières laine et légumes afin de gagner en indépendance, et pour permettre une stratégie de professionnalisation, avec la création d’un Groupe économique solidaire (GES) en 2022.

Les Ateliers de la bruyère

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