Archive dans octobre 2021

A la Fédération française d’athlétisme, « des salariés en souffrance »

Le président de la Fédération française d’athlétisme, André Giraud, en janvier 2020, à Paris.

Les directeurs techniques nationaux (DTN) et cadres d’Etat ne sont pas les seuls à quitter la Fédération française d’athlétisme (FFA). La crise de la gouvernance fédérale a des effets sur la conduite de la politique sportive et les résultats, mais pas seulement. Le management des salariés est également incriminé. Plusieurs témoignages recueillis par Le Monde font état d’une atmosphère de défiance, avec des salariés, poussés à bout, qui quittent le navire.

« Il y a eu beaucoup de départs de personnes jugées performantes pendant des années et qui, d’un coup, à partir de 2019 et 2020, ont été jugées indésirables, écartées et poussées vers la sortie », constate l’ex-DTN Patrice Gergès, en poste entre avril 2017 et fin 2020.

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Selon les chiffres fournis par la FFA, ses effectifs seraient de 70 salariés en 2021, contre 81 en 2018. Des chiffres qui sont nuancés par deux sources internes, qui, elles, n’ont dénombré, cette année, que 67 salariés, dont deux contrats de chercheurs financés par l’Agence nationale du sport (ANS) et deux en alternance. Une de ces mêmes sources a, par ailleurs, recensé 11 postes en CDI supprimés et dont les tâches auraient été redistribuées à d’autres salariés en plus de leurs charges habituelles.

« Nos délégués du personnel sont très attentifs aux réductions des postes et aux recrutements annoncés depuis des mois mais qui n’arrivent pas », relate un salarié, qui requiert l’anonymat et décrit ainsi la politique interne : « Il y a un jeu des chaises musicales, avec un cumul de fonctions et une charge de travail augmentée sur les collaborateurs, qui sont en nombre de plus en plus restreint. » « On espère que le ministère [des sports] prendra la mesure de ce qui passe au niveau des salariés », poursuit-il, spectateur attentif du bras de fer actuel entre sa fédération, d’un côté, le ministère des sports et l’ANS, de l’autre, quant au choix d’un nouveau DTN et à la politique sportive à mener.

« Je ne suis pas autoritaire »

La situation actuelle n’échappe pas à certains athlètes. « Je suis au courant qu’il y a des salariés en souffrance. On m’appelle. Je perçois les choses, confie le marcheur Yohann Diniz. J’ai entendu parler de certains salariés en arrêt et pas mal qui avaient quitté leur poste. Un, ça peut arriver, plusieurs, c’est forcément qu’il y a un problème de management. »

Pierrick White a fini par jeter l’éponge : « Je suis parti de moi-même. Elle n’a pas réussi à me virer. » Depuis, le service des relations institutionnelles n’existe plus

Il y a un an, avant les championnats de France de septembre 2020, un article de l’Agence France-Presse, intitulé « Rififi à la FFA », évoquait déjà « un management nocif ». Mise en cause, la directrice générale, Souad Rochdi, en poste depuis janvier 2019, s’était défendue : « Je ne suis pas autoritaire. Je n’ai pas dans mes habitudes d’humilier les gens, au contraire, c’est pour ça que je travaille dans une association. Je ne comprends pas, je suis très choquée. On fait tout pour que le climat social soit le meilleur. »

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France 2030 : « Le pouvoir pense l’avenir du facteur capital, pas celui du facteur travail »

Chronique. La présentation du plan France 2030 par le président de la République et non par le haut-commissaire au plan a surpris. Au moins, l’existence de ce haut-commissaire a-t-elle été évoquée, contrairement à celle du haut-commissaire aux compétences, créé en mars 2020 et chargé, notamment, de superviser un exercice de prospective des métiers et qualifications à l’horizon 2030. Cet oubli est significatif : le pouvoir pense aujourd’hui l’avenir du facteur capital, mais pas celui du facteur travail.

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L’exercice tranche avec la planification née après le second conflit mondial. Dans un contexte de reconstruction, puis de modernisation de l’économie française, la planification intégrait simultanément les dimensions capitalistique et humaine, et leur interaction. Planification des besoins de main-d’œuvre, système éducatif et branches professionnelles formaient un bloc articulé autour de la qualification. Dans les grilles des conventions collectives, la qualification du travailleur selon une double échelle (sa formation et son expérience) répondait à la qualification de l’emploi (la capacité à exercer un métier ou un poste). La grille offrait à la fois une hiérarchie des qualifications auxquelles étaient associés des minima salariaux, et un outil pour traduire l’évolution planifiée des effectifs productifs en adaptation constante des flux en formation initiale.

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L’irruption du chômage de masse, la révolution numérique, les mutations des organisations du travail et la « flexibilisation » du marché du travail ont démembré cet édifice. Exigence de polyvalence, travail en équipe, mobilisation simultanée et croissante des capacités cognitives et physiques ont rendu difficile la qualification d’un emploi. Par exemple, une fiche de poste pour un valet ou une femme de chambre comporte typiquement, aujourd’hui, trois pages, décrivant notamment les compétences attendues.

Modèle « low cost »

La notion de compétences de l’individu est en effet venue se substituer à la qualification, générant une nébuleuse de typologies variées. L’enquête de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) « Evaluation des compétences des adultes » (PIAAC) retient la compétence en littérature, en numératie (comprendre et utiliser des données mathématiques) et en résolution de problème. Pour Pôle emploi, les « trois types de compétences à valoriser lors de votre candidature » sont le savoir, le savoir-faire et le savoir-être. Dans leur acquisition, ce n’est plus l’expérience cumulative sur un poste qui est valorisée, mais l’accumulation d’expériences variées. La précarisation des carrières, notamment des jeunes, se mue ainsi en « opportunités ».

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La difficile évaluation du plan de relance de l’automne 2020

Emmanuel Macron lors de sa présentation du plan « France 2030 » au palais de l’Elysée, le 12 octobre 2021.

Avec une enveloppe totale de 100 milliards d’euros, l’exécutif espérait sans doute pouvoir tirer un bénéfice politique du gigantesque plan de relance annoncé à la fin de l’année 2020. Et pour cause : jamais une telle somme d’argent public n’avait été mobilisée par un gouvernement pour relancer une économie en temps de crise, même en 2008. Mais un an après la présentation de cet objet hybride, mêlant baisses d’impôts, subventions, aides à l’emploi et investissement, son effet macroéconomique demeure très difficile à mesurer. C’est la première conclusion du comité d’évaluation mandaté par le gouvernement au printemps, présidé par l’économiste Benoît Cœuré, et qui rendra ses travaux définitifs en 2022.

Présenté après le premier confinement, le plan de relance avait pour objet de « relancer l’activité à court terme » et, déjà, de « préparer la France à l’horizon 2030 », expliquait alors Matignon. L’espoir était qu’il permette de créer 160 000 emplois supplémentaires en 2021 et dope la croissance « potentielle » (qu’un pays peut atteindre lorsque ses capacités de production et d’emploi tournent à plein régime) de l’Hexagone d’un point de PIB à horizon de dix ans. La direction du Trésor, ainsi que certains organismes indépendants comme l’OFCE ou Rexecode, estimait même son impact entre 1,1 et 1,5 point de PIB en 2021. Des objectifs que le gouvernement a vite renoncé à mettre en avant face au redémarrage de la crise sanitaire, encourageant plutôt les ministres à faire la promotion du plan sur le terrain.

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Pas de lien établi entre le plan et la reprise

Mais depuis son lancement, ce plan baptisé « France Relance », complété par un label vert tamponné à travers la France sur des bâches et des panneaux de chantier, a du mal à exister comme objet politique. Percuté par la reprise de la crise sanitaire, il s’est trouvé coincé entre les mesures d’urgences destinées à aider les entreprises et les projets d’investissements annoncés en grande pompe par le président de la République mi-octobre.

Douze mois plus tard, le verdict du comité n’est sans doute pas celui que l’exécutif aurait souhaité, surtout à quelques mois des élections. « L’objectif macroéconomique assigné à France Relance – rejoindre le niveau d’activité d’avant crise d’ici l’été 2022 – a une forte probabilité d’être réalisé », admet le comité, qui juge toutefois « difficile d’établir un lien direct entre ce rétablissement rapide de la situation macroéconomique et la mise en œuvre de France Relance, même si le plan y a certainement contribué ». En clair, impossible à ce stade d’affirmer que le plan a dopé la croissance et l’emploi. Et il va rester difficile de dissocier les effets des différentes mesures prises depuis le début de la crise – aides d’urgence, relance, investissement – dont les horizons et les bénéficiaires se recoupent partiellement. « Cette crise est historique », souligne Benoît Cœuré, rappelant que « les réalités empiriques sur lesquelles sont bâtis les modèles macroéconomiques » ne sont pas celles de la situation exceptionnelle traversée depuis deux ans.

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Au cœur de Facebook, le blues des équipes chargées de rendre le site plus « sain »

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Publié aujourd’hui à 13h00, mis à jour à 15h09

« Il n’est pas normal qu’un grand nombre de personnes (…) partent en disant pour info, nous empirons activement le monde”. » Ce commentaire, publié fin 2020 sur Workplace, l’outil de discussion interne des salariés de Facebook, résonne avec de nombreux témoignages similaires. « Ces dernières semaines, nous avons assisté à un certain nombre de départs de personnes haut placées dans les équipes “integrity [un département chargé de superviser et de penser la modération au sein du réseau social] (…), toutes ont exprimé des critiques spécifiques sur les limites de l’impact du travail de ces équipes au sein de Facebook », écrit, fin 2020, un employé dont le nom a été anonymisé.

Posez vos questions : Facebook a-t-il définitivement échappé à ses créateurs ? 
Extrait de l’un des document anonymisés transmis au Congrès américain, et issu d’un message publié sur le forum de discussion interne des salariés.

Cette publication est issue de documents internes à Facebook récupérés par Frances Haugen, une ancienne employée, et transmis par une source parlementaire américaine à plusieurs médias, dont Le Monde. La lanceuse d’alerte, dernière d’une longue liste d’anciens salariés du réseau social ayant publiquement pris la parole contre leur ex-entreprise, travaillait au sein de l’équipe « civic integrity », qui rassemblait 300 employés couvrant la lutte contre la désinformation, les contenus haineux, les manipulations politiques ainsi que la protection des élections. « Civic integrity » a été démantelé en décembre 2020.

Les « Facebook Files », une plongée dans les rouages de la machine à « likes »

Les « Facebook Files » sont plusieurs centaines de documents internes à Facebook copiés par Frances Haugen, une spécialiste des algorithmes, lorsqu’elle était salariée du réseau social. Ils ont été fournis au régulateur américain et au Congrès, puis transmis par une source parlementaire américaine à plusieurs médias, expurgés des informations personnelles des salariés de Facebook. En Europe, ces médias sont, outre Le Monde, le quotidien allemand Süddeutsche Zeitung, les chaînes de télévision WDR et NDR, le Groupe Tamedia, Knack, Berlingske et l’OCCRP.

Ils montrent que Facebook consacre davantage de ressources à limiter ses effets néfastes en Occident, au détriment du reste du monde. Ils attestent que ces effets sont connus en interne mais les signaux d’alerte pas toujours pris en compte. Enfin, ils prouvent que les algorithmes de Facebook sont devenus d’une complexité telle qu’ils semblent parfois échapper à leurs propres auteurs.

« Business integrity », « pages integrity »… Rassemblées sous la bannière « integrity », ces unités ont pour mission de trouver des façons de lutter contre les usages néfastes de Facebook, Instagram, Messenger, et de modérer le plus efficacement possible les plates-formes du mastodonte américain. Une partie d’entre elles sont, depuis la fin de l’année 2020, regroupées dans une nouvelle entité baptisée « central integrity », et dirigée par le vice-président de Facebook, Guy Rosen.

Les documents consultés par Le Monde mettent en lumière les critiques acerbes formulées par des membres de ces équipes vis-à-vis du fonctionnement de l’entreprise et des limites à leur champ d’action. « Je ne pense pas pouvoir rester en bonne conscience : je pense que Facebook a probablement une influence négative sur la politique dans les pays occidentaux ; je ne pense pas que la direction soit dans un travail de bonne foi pour régler ce problème », écrit notamment, en décembre 2020, un salarié sur le départ.

Interrogée par le Monde et trois autres médias européens (Knack, Berlingske et Tamedia), l’entreprise n’a pas souhaité répondre précisément à certaines questions sur les critiquées exprimées par d’anciens employés. Facebook a mis en avant ses investissements dans la sécurité et la modération de sa plate-forme. « Je suis fier des immenses progrès que nous avons fait. Ce progrès est en grande partie du au dévouement de l’équipe [“integrity”] pour continuellement comprendre les difficultés, identifier les manquements et appliquer des solutions », a déclaré Guy Rosen dans un communiqué.

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Télétravail : l’effet « quiche lorraine » ou la disponibilité recadrée

Droit social. Avec le retour à une vie plus normale, l’organisation du « travail hybride » avance et nombre d’entreprises renégocient leur accord de télétravail. Négociation déterminante : adoptées à froid, ces règles qui impactent aussi l’écosystème familial seront difficiles à remettre en cause demain. Avec deux approches différentes, voire opposées.

« A la maison, les tentations sont nombreuses et surtout très variées : la journée de travail est certes allongée (une heure), mais les horaires sont parfois devenus atypiques, perturbant l’organisation du travail collectif. »

La révolution copernicienne : « L’open-travail, c’est le salarié qui choisit son lieu de vie personnelle, et l’entreprise qui s’adapte à ce choix » (Mutuelle générale). L’accord est alors à durée indéterminée, avec un télétravail régulier jusqu’à trois jours par semaine voire deux jours par mois au choix du salarié : une opportunité plébiscitée. Vu l’effet cliquet de ces avantages, il faut être certain de la motivation des troupes, mais cette approche est déterminante en termes d’attractivité et de fidélisation des meilleurs.

Des heures fixes de travail

Les managers sont moins enthousiastes. Leur mantra : « Tu as aimé l’imbroglio 35 heures ? Tu vas adorer le chaos télétravail ! » Vue leur certitude d’une gestion très individualisée (ex : télétravail par demi-journée), et les incertitudes sur les effets de cette révolution organisationnelle, la tendance est plutôt à la prudence, voire au revirement. Bref, une resynchronisation générale à la suite de l’inertie constatée pour le retour au bureau, en pensant aux collègues sur place n’arrivant pas à joindre des salariés confondant parfois télétravail et temps partiel.

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La seconde approche aboutit donc, ici, à un accord expérimental, à durée déterminée, deux jours maximum par semaine, voire un forfait annuel en fonction de l’activité de l’entreprise, avec une évaluation chaque trimestre, une large réversibilité individuelle et une nouveauté : la distinction entre les « horaires de travail » et, au sein de ceux-ci, les « plages de joignabilité ». Car à la maison, les tentations sont nombreuses et surtout très variées : la journée de travail est certes allongée (une heure), mais les horaires sont parfois devenus atypiques, perturbant l’organisation du travail collectif.

Sanctions disciplinaires explicites

Alors que le télétravail plus ou moins forcé de 2020-2021 avait amené nombre d’employeurs à faire preuve de beaucoup de compréhension, certains accords prévoient désormais des sanctions disciplinaires explicites. Celui du Club Med, signé le 16 septembre 2021, prévoit qu’« en concertation avec le salarié, le manager fixe les plages horaires durant lesquelles il pourra le contacter. Pendant ces plages, le salarié sera sous la subordination de l’employeur et ne pourra vaquer à ses occupations personnelles. » Problème : outre l’effet a contrario, en droit comment l’employeur pourrait-il le vérifier ?

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Plusieurs centaines de travailleurs sans papiers en grève à l’appel de la CGT

Ils font la plonge dans les cuisines du Café Marly, un restaurant chic situé sous les arcades du Louvre à Paris ; ils ramassent les ordures ménagères dans toute l’Ile-de-France, sous la bannière de l’entreprise Sepur ; ils livrent les courses au domicile des clients parisiens de Monoprix ; ils conditionnent et expédient les journaux à France Routage ; sont intérimaires chez Manpower et jardiniers, ouvriers du bâtiment ou manutentionnaires dans la logistique pour le compte de grands groupes tels que Bouygues, Eiffage, Chronopost… Lundi 25 octobre, quelque 200 travailleurs sans papiers devaient commencer un vaste mouvement de grève en Ile-de-France, à l’appel de la CGT, pour dénoncer leurs conditions de travail et réclamer leur régularisation.

Dimanche, au siège de la confédération syndicale, à Montreuil (Seine-Saint-Denis), ils s’étaient réunis pour organiser leur débrayage. « C’est très important que vous sortiez au grand jour, notamment avec la montée des idées d’extrême droite », défend Marilyne Poulain, responsable des travailleurs sans papiers pour la CGT, devant une assemblée d’hommes originaires pour la majorité du Mali, du Sénégal et de Côte d’Ivoire. « Si vous n’étiez pas là, qui irait ramasser les poubelles à 5 heures du matin ?, demande Jean-Albert Guidou, de la CGT de Seine-Saint-Denis, sous les applaudissements des grévistes. Qui serait en cuisine ? Qui assurerait la sécurité des magasins et des hôpitaux ou le ménage dans les bureaux ? C’est ça, la réalité, pas celle présentée sur CNews. »

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Il est par définition impossible de quantifier le nombre de travailleurs sans papiers, mais le mouvement de grève lancé ce lundi montre l’étendue des secteurs ayant recours à eux, souvent pour occuper des métiers pénibles, aux horaires atypiques et mal rémunérés. Le fait que ces travailleurs soient dépourvus de titres de séjour les place, en outre, dans une vulnérabilité particulière à l’égard de leur employeur. S’ils veulent demander une régularisation en préfecture, à titre exceptionnel, ils doivent justifier de leur présence en France depuis plusieurs années, présenter un certain nombre de fiches de paie et, impérativement, une promesse d’embauche. « C’est profondément problématique, car certains employeurs n’ont aucun intérêt à cela », souligne Mme Poulain, qui dénonce des « conditions de travail précaires ».

Pas de chômage partiel

Cheick, 34 ans, est présent en France depuis plus de six ans. Sa carrure de basketteur – il jouait en sélection nationale cadet et junior du Mali – lui a valu de trouver du travail comme agent de sécurité. Depuis bientôt trois ans, il est aussi éboueur à Pantin (Seine-Saint-Denis), dans un quartier difficile. « On est sur ce site parce qu’il y a beaucoup d’agressions », dit-il. Il travaille le soir et le week-end, balaye les rues avec une soufflette et lave les trottoirs.

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De nouvelles solidarités professionnelles naissent sur les réseaux sociaux

Analyse. Un jour, Medhy Addad et Christophe Lagarde, formateurs en soudage à Vierzon, en ont eu assez d’entendre, et de constater, qu’on manquait de soudeur qualifié. Ils ont cherché comment revaloriser ce métier. Et pourquoi pas un championnat de France ? La compétition était tombée en désuétude, ils en ont racheté les droits. Pour monter l’événement, qui s’est déroulé avec succès début octobre, ils ne se sont appuyés ni sur l’Union des industries et métiers de la métallurgie, puissante fédération patronale, ni sur un autre représentant capé de la profession. Mais sur la communauté en ligne Soudeurs 2.0, qui compte 80 000 abonnés sur YouTube et 25 000 sur Facebook.

« C’est une force qui nous a permis de monter ça tout seuls, explique Mehdy Addad, pour qui les actions menées jusqu’ici par d’autres instances sont mal orientées. On ne se pose pas en concurrents. On veut juste agir à notre façon pour la promotion de notre métier, au plus près des soudeurs et du quotidien de leur travail ».

Les réseaux sociaux ont, ces dernières années, facilité l’émergence d’autres collectifs, corporatistes au sens premier du terme, c’est-à-dire regroupant des salariés autour de la pratique de leur métier. Des discussions horizontales, entre pairs, des échanges sur le savoir-faire, le risque, les contraintes, parfois les salaires. De l’ordinaire, du concret.

Le groupe Facebook « Tu sais que tu es réceptionniste d’hôtel quand… » compte 19 000 membres, « La vie des serveurs », 12 000 membres. « La force invisible des aides à domicile » est suivi par 5 500 personnes. Créée au début du premier confinement, cette page a d’abord servi d’exutoire à la détresse des professionnelles qui, sans masque, devaient continuer à s’occuper de patients vulnérables. « Lire ça sur Facebook m’a fait un bien fou », « On se rend compte qu’on n’est pas seules à vivre ça ! », ont-elles expliqué au Monde.

L’échange virtuel libère la parole et permet de se compter. « Le secteur de l’aide à domicile manque de personnel. Donc nous sommes en position de force. C’est ce qu’on essaye de dire aux femmes qui ont peur d’être licenciées si elles protestent », détaille Aurore Artigue, l’une des administratrices de la page. « Les soudeurs doivent prendre conscience de leur valeur », plaide aussi Mehdy Addad.

« Regroupement pluridisciplinaire »

La page Facebook se fait alors vecteur d’information et d’empowerment, autrement dit, elle favorise la capacité à agir. « Pour que les travailleurs puissent défendre leurs droits, il faut d’abord qu’ils les connaissent », rappelle Eric Louis, administrateur de la page « Cordistes en colère » et cofondateur de l’association du même nom, créée fin 2018 après plusieurs accidents mortels et le constat d’une absence totale de données d’accidentologie dans ce métier sans convention collective propre, souvent exercé en intérim, par des professionnels isolés.

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La maîtrise du français, nouvel enjeu de management

Ecrire « développeur » avec un seul « p » sur son CV quand on postule réduit sérieusement les chances d’être embauché, même en période de pénurie de compétences high-tech. « On fait en sorte que les algorithmes comprennent un CV ou une offre d’emploi même avec un seul p ou deux l à développeur », relativise Thomas Allaire, responsable des données chez Hellowork, mais, au moment du choix final, le responsable des ressources humaines est moins tolérant que l’algorithme.

Le baromètre Voltaire-Ipsos, publié lundi 25 octobre, révèle que, pour 86 % des recruteurs, la maîtrise de l’expression écrite et orale et de l’orthographe est devenue fondamentale, car les fautes des salariés coûtent trop cher à l’entreprise. « Soixante-seize pour cent des employeurs se trouvent confrontés quotidiennement aux lacunes de leurs équipes, avec des répercussions très importantes sur leur crédibilité et leur efficacité professionnelle et, par conséquent, sur la réputation, la productivité et même la performance financière des entreprises », fait valoir le baromètre Voltaire-Ipsos.

Le français est même devenu un critère de sélection prioritaire sur l’anglais. Quatre-vingts pour cent des recruteurs écartent les candidats ayant une mauvaise qualité d’expression écrite française, quand seuls 30 % rejettent ceux qui ne maîtrisent pas la langue de Shakespeare. Réalisé auprès de 2 500 décideurs (RH, recruteurs, manageurs), interrogés en deux vagues en mai et en septembre, le baromètre Voltaire-Ipsos reflète les pratiques des entreprise de taille intermédiaire (ETI), et des petites et moyennes entreprises (PME) de plus de 50 salariés de tous secteurs.

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Les recruteurs ont toujours été attentifs au niveau de français. Dès 2011, une étude de Robert Half montrait que 82 % d’entre eux étaient sensibles à l’orthographe et que 35 % mettaient le CV à la corbeille à partir de trois fautes. Puis, en 2016, c’est dès la première faute d’orthographe dans le CV que le candidat était écarté, selon une étude de Christelle Martin-Lacroix, chercheuse de l’université de Toulon. Et, en 2021, l’évolution de carrière est menacée. « Pour plus de 80 % des employeurs, les fautes de grammaire ou de conjugaison sont rédhibitoires pour accorder une promotion », affirme le baromètre Voltaire-Ipsos.

« Le niveau a fortement baissé »

Et pourtant, les fautes se multiplient dans tous les documents. « Le niveau a fortement baissé ces dernières années, même à la sortie des meilleures écoles. Plus on progresse dans l’entreprise, plus la représentation est importante, et donc la forme. Beaucoup de dirigeants écrivent d’ailleurs plus souvent en anglais, non tant pour un lectorat non francophone que pour éviter des fautes », témoigne Emmanuel Dufour, responsable en recrutement de dirigeants chez Segalen & associés.

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En dépit des pénuries de main-d’œuvre, l’immigration professionnelle reste compliquée

Adam Osman, Tchadien d’origine, pose dans l’atelier de l’entreprise où il travaille en tant que mécanicien, à Bonnelles (Yvelines), en août 2018.

Ce devait être le pendant libéral du virage sécuritaire. A l’issue du débat parlementaire organisé en octobre 2019 sur l’immigration, à la demande d’Emmanuel Macron, le gouvernement avait dévoilé une série de mesures à la tonalité majoritairement répressive, visant à « reprendre le contrôle » des flux migratoires. Parmi elles, la modernisation de la politique d’immigration professionnelle devait au contraire faciliter le recrutement d’étrangers pour les employeurs en mal de main-d’œuvre. « Nous n’avons jamais été aussi loin en matière d’immigration économique », assurait Matignon. Deux ans plus tard, quid de cette promesse ?

Les démarches qu’un employeur doit entreprendre pour obtenir une autorisation de travail lorsqu’il veut embaucher un étranger ont été dématérialisées et simplifiées. La liste des métiers dits « en tension » – pour lesquels l’employeur n’a pas besoin de prouver qu’il n’a pas réussi à pourvoir le poste en France – a également été actualisée (elle ne l’avait pas été depuis 2008). On trouve ainsi dans un arrêté d’avril de nouvelles listes de métiers par région, parmi lesquels carrossier, charcutier, géomètre, ingénieur BTP, plombier ou encore technicien des assurances.

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S’il est trop tôt pour quantifier les effets de la réforme, a fortiori dans le contexte de crise sanitaire qui a chamboulé les déplacements de personnes et l’économie, le ministère de l’intérieur assure qu’il s’agit d’un véritable « bond en avant ». « C’est une transformation structurelle majeure, appuie Jean-Christophe Dumont, économiste et expert des migrations internationales auprès de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Il faut voir comment tout ça se met en œuvre mais si les employeurs sont au courant et qu’ils ont des besoins réels, cela devrait se traduire par plus de titres de séjour ».

« Un discours hypersélectif »

Ce point de vue ne fait cependant pas l’unanimité. « C’est un effet d’annonce, balaye Hillel Rapoport, professeur à l’Ecole d’économie de Paris et spécialiste des migrations. Beaucoup de pays ont pratiqué les listes de métiers en tension et cela soulève deux problèmes. D’abord, il y a un décalage entre ces listes bureaucratiques et les besoins de l’économie, qui évoluent vite. Ensuite, je ne pense pas que l’immigration doive être à l’initiative de l’employeur et basée sur un métier. Les pays anglo-saxons font venir les gens pour ce qu’ils sont, leur niveau d’éducation, leur capital humain, leur démarche active d’intégration. On n’enferme pas les gens dans un métier. » Dans son ouvrage, Repenser l’immigration en France. Un point de vue économique (Rue d’Ulm, 2018), M. Rapoport invite à se défaire d’une vision malthusienne et à « repenser l’immigration comme une contribution positive ».

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« En laissant les entreprises licencier massivement, les Etats-Unis ont pris le risque de casser le lien entre salariés et employeurs »

Chronique. Il flotte comme un malaise sur le marché du travail aux Etats-Unis, longtemps considéré comme l’un des plus dynamiques au monde en raison de son extrême flexibilité. Des signes de dysfonctionnement apparaissent au moment où le pays sort de la crise liée au Covid-19. La croissance économique est bien là, les carnets de commandes se remplissent, les entreprises sont prêtes à recruter à tour de bras, mais voilà, des millions de salariés renoncent à se faire embaucher, tandis que des millions d’autres démissionnent à un rythme inédit. Un ressort semble s’être cassé.

Par rapport à la fin de 2019, cinq millions de salariés ont disparu des statistiques. Le taux de participation, c’est-à-dire la proportion d’Américains en âge de travailler qui ont un emploi ou qui en cherchent activement un, a chuté à 61,6 % en septembre, deux points au-dessous de son niveau d’avant la crise. Il faut remonter aux années 1970 pour trouver de tels chiffres. Même si les pénuries de main-d’œuvre existent aussi en Europe, le taux de participation y progresse.

En juillet, Jerome Powell, le président de la Réserve fédérale (Fed), s’était ému de la situation lors d’une audition devant une commission sénatoriale. « Nous sommes à la traîne de tous les pays comparables en matière de participation au marché du travail, ce n’est clairement pas là où nous voulons être en tant que nation, pestait-il. Nous devons faire des efforts pour nous assurer que les gens réintègrent le marché du travail, même s’ils ne peuvent pas retrouver leur ancien emploi. »

Automatisation des tâches routinières

Le phénomène interpelle d’autant plus que ce ne sont pas les offres d’emploi qui manquent. Actuellement, 10,4 millions de postes sont à pourvoir. Faute de pouvoir recruter, les entreprises peinent à répondre à la demande et n’hésitent pas à accélérer l’automatisation des tâches routinières. Les caisses automatiques dans les magasins et les tablettes numériques dans les restaurants se développent à grande vitesse. Près de la moitié des postes qui étaient occupés par les 5 millions de salariés qui manquent toujours à l’appel sont automatisables, selon les évaluations d’Oxford Economics. Leur disparition pourrait donc devenir définitive. Une bonne nouvelle pour la productivité, mais qui s’accompagnera, au moins dans un premier temps, d’un rétrécissement du marché de l’emploi.

Celui-ci est d’autant plus perturbé qu’un nombre record de démissions est enregistré. En août, 4,3 millions de salariés ont quitté leur poste, selon les derniers chiffres du département du travail. Certains partent pour trouver un emploi mieux rémunéré, d’autres veulent changer de vie. Depuis avril, la tendance s’accélère. Dans la restauration, rien qu’en août un salarié sur quatorze a donné sa démission. Des employeurs tentent de les dissuader en augmentant les salaires. En vain, jusqu’à présent.

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