Un rapport de l’Unédic sur la réforme de l’assurance-chômage, publié début mai, a suscité de nombreuses réactions. Cette étude d’impact, réalisée à la demande de la CGT, sur l’indemnisation des personnes qui peuvent cumuler un salaire et une allocation, montre qu’à temps de travail et à salaire égaux, l’indemnité journalière touchée pourrait varier entre les allocataires, avec des écarts de près de un à cinquante. Comment cela s’explique-t-il ?
1/D’où vient cette réforme et quels étaient ses objectifs ?
D’abord prévue pour 2019, la réforme de l’assurance-chômage, qui était un des engagements du président Emmanuel Macron, a été reportée en raison de la crise sanitaire. Présentée en juin 2019 par le gouvernement, elle avait pour objectif de réaliser des économies et de lutter contre la précarité, en limitant le recours aux contrats courts et en ouvrant le droit au chômage aux salariés démissionnaires souhaitant monter un projet ainsi qu’aux indépendants.
Elle prévoit plusieurs mesures qui permettraient de réaliser une économie de 2,3 milliards d’euros :
- la dégressivité des indemnités des hauts revenus (de plus de 4 500 euros) à hauteur de 30 % au bout du 7e mois (décalé au 9e mois avec la crise sanitaire) ;
- la modulation des cotisations patronales : mesure de bonus-malus pour lutter contre le recours abusif aux contrats courts ;
- la révision des règles d’éligibilité : pour ouvrir ses droits au chômage, un demandeur d’emploi devra avoir travaillé six mois au lieu de quatre. La période de référence passera en revanche de vingt-huit mois à vingt-quatre mois. Cette dernière mesure ne sera pas mise en œuvre avant que la situation économique ne redevienne plus favorable, après la crise sanitaire ;
- la modification du mode de calcul du salaire journalier de référence, dit SJR, sur lequel repose le montant des allocations journalières versées.
2/Comment le calcul du salaire journalier de référence est-il modifié ?
Le décret du 30 mars 2021 prévoit l’application d’un nouveau mode de calcul du salaire journalier de référence à compter du 1er juillet. Dans le système actuel, le SJR est calculé en prenant en compte tous les salaires d’une période donnée (douze mois civils), qui sont ensuite additionnés et divisés par le nombre de jours travaillés, ce qui revient à faire une moyenne des salaires journaliers.
Avec la réforme prévue, le SJR serait calculé en prenant en compte les revenus perçus sur une période de vingt-quatre mois précédant l’inscription à Pôle emploi. Là aussi, les salaires seraient additionnés, mais au lieu de diviser la somme par le nombre de jours travaillés, ils seraient divisés par le nombre total de jours, en tenant compte également des jours non travaillés. La ou les éventuelles périodes d’inactivité seraient alors également intégrées au calcul. En conséquence, le dénominateur augmente tandis que le numérateur (le salaire de référence) reste le même, diminuant ainsi le quotient et donc le SJR. Toutefois, pour limiter cette baisse, un plafond de jours non travaillés a été instauré, de sorte que le SJR ne puisse pas diminuer de plus de 43 % par rapport au mode de calcul antérieur.
« Ce n’est plus un SJR, c’est un salaire journalier affecté d’un coefficient d’emploi dans la période de référence »
Prenons l’exemple de deux personnes A et B qui touchent chacune 50 euros par jour ; l’une travaille en continu pendant six mois, tandis que l’autre travaille trois mois puis connaît une période de chômage de six mois et retravaille trois mois. Etant donné que le SJR prend désormais en compte la période d’inactivité, l’indemnité perçue par B sera nettement plus faible que celle perçue par A, alors qu’elles ont au total travaillé la même durée, et pour le même salaire.
« Ce n’est plus un salaire journalier de référence, c’est un salaire journalier affecté d’un coefficient d’emploi dans la période de référence. Si vous avez été 66 % du temps en emploi dans votre période de référence, donc on va prendre votre salaire journalier affecté du coefficient de 66 % », explique Mathieu Grégoire, sociologue spécialiste de l’assurance-chômage, qui conseille la CGT dans ce dossier.
3/Quelles conséquences pour les personnes indemnisées ?
Certaines situations pourraient entraîner à temps de travail et à salaire égaux des inégalités de prestations pour les personnes en activité réduite – inscrites comme demandeurs d’emploi et qui travaillent. Certaines d’entre elles cumulent les revenus issus d’un salaire ainsi que les indemnités journalières du chômage.
L’étude de l’Unédic précise tout de même que les résultats présentés sont à nuancer, compte tenu du fait que les montants de la prime d’activité dont pourraient bénéficier les allocataires ne sont pas pris en compte dans l’étude, « étant donné que ce dernier est déterminé sur la base des ressources et de la composition du foyer du bénéficiaire ». Elle pourrait, dans certaines situations, compenser la baisse d’indemnisation. Par ailleurs, certains de ces effets existaient déjà avec la réglementation de 2017 mais sont exacerbés par le nouveau calcul du SJR.
Le rapport décrit l’exemple de deux personnes qui gagnent un salaire mensuel brut de 1 550 euros et ont eu la même période de travail avec le même salaire. Elles devraient toucher chacune 966 euros d’indemnités. Sauf que l’une a comme période de référence six mois de chômage puis deux contrats de trois mois. Et l’autre a alterné un contrat de trois mois, six mois de chômage, puis un contrat de trois mois, elle percevra donc une indemnité de 678 euros, soit 1,4 fois moins, à travail et salaire égaux.
« ) } }, « legend »: { « enabled »: « 1 », « reversed »: « », « layout »: « horizontal », « verticalAlign »: « top », « align »: « left », « margin »: 40, « y »: -30, « x »: 0, « itemStyle »: { « fontSize »: 13, « font-family »: « ‘Marr Sans’,Helvetica,arial », « fontWeight »: « normal », « color »: « #2A303B » }, « itemMarginBottom »: 10 }, « series »: [ { « stack »: « null », « name »: « P\u00e9riode travaill\u00e9e en continu « , « lineWidth »: 2, « color »: « #BCE4C8 », « type »: « », « yAxis »: « 0 », « visible »: true, « dataLabels »: { « enabled »: false }, « step »: « », « data »: [ [ 966.0, « #BCE4C8 », « pt0 », true, false ], [ 966.0, « #BCE4C8 », « pt1 », true, false ] ], « keys »: [ « y », « color », « id », « marker.enabled », « dataLabels.enabled » ] }, { « stack »: « null », « name »: « P\u00e9riode travaill\u00e9e en fractionn\u00e9e « , « lineWidth »: 2, « color »: « #4DBCD4 », « type »: « », « yAxis »: « 0 », « visible »: true, « dataLabels »: { « enabled »: false }, « step »: « », « data »: [ [ 966.0, « #4DBCD4 », « pt2 », true, false ], [ 678.0, « #4DBCD4 », « pt3 », true, false ] ], « keys »: [ « y », « color », « id », « marker.enabled », « dataLabels.enabled » ] } ], « accessibility »: { « enabled »: true }, « exporting »: { « enabled »: false }, « credits »: { « enabled »: false }
} );
});
Le Conseil d’Etat avait rendu en novembre 2020 une décision défavorable à la réforme en raison de ce caractère inégalitaire du calcul du SJR, en justifiant :
« Le montant du salaire journalier de référence peut désormais, pour un même nombre d’heures de travail, varier du simple au quadruple en fonction de la répartition des périodes d’emploi au cours de la période de référence d’affiliation de vingt-quatre mois. »
Ces écarts sont principalement dus à la modification du calcul du SJR et à la prise en compte de la période d’inactivité. « Plus vous avez du mal à trouver des contrats, plus vous mettez du temps à atteindre les six mois d’emploi nécessaires pour devenir éligible à l’indemnisation, plus votre indemnité sera basse », résume Claire Vivès, sociologue au Centre d’études de l’emploi et du travail.
Selon le rapport, l’effet est encore plus marqué pour des salaires plus élevés. Prenons l’exemple de deux personnes qui gagnent 2 800 euros, et devraient recevoir 1 492 euros d’indemnité mensuelle. Etant donné que l’une a connu une période de travail de dix mois continus et l’autre, une période de travail de cinq mois entrecoupée de dix mois de chômage, suivis d’une reprise de cinq mois de travail, cette dernière ne percevra que 949 euros.
« ) } }, « legend »: { « enabled »: « 1 », « reversed »: « », « layout »: « horizontal », « verticalAlign »: « top », « align »: « left », « margin »: 40, « y »: -30, « x »: 0, « itemStyle »: { « fontSize »: 13, « font-family »: « ‘Marr Sans’,Helvetica,arial », « fontWeight »: « normal », « color »: « #2A303B » }, « itemMarginBottom »: 10 }, « series »: [ { « stack »: « null », « name »: « P\u00e9riode travaill\u00e9e en continu « , « lineWidth »: 2, « color »: « #bce4c8 », « type »: « », « yAxis »: « 0 », « visible »: true, « dataLabels »: { « enabled »: false }, « step »: « », « data »: [ [ 1492.0, « #bce4c8 », « pt0 », true, false ], [ 1492.0, « #bce4c8 », « pt1 », true, false ] ], « keys »: [ « y », « color », « id », « marker.enabled », « dataLabels.enabled » ] }, { « stack »: « null », « name »: « P\u00e9riode travaill\u00e9e en fractionn\u00e9e « , « lineWidth »: 2, « color »: « #A2DCE7 », « type »: « », « yAxis »: « 0 », « visible »: true, « dataLabels »: { « enabled »: false }, « step »: « », « data »: [ [ 1492.0, « », « pt2 », true, false ], [ 949.0, « », « pt3 », true, false ] ], « keys »: [ « y », « color », « id », « marker.enabled », « dataLabels.enabled » ] } ], « accessibility »: { « enabled »: true }, « exporting »: { « enabled »: false }, « credits »: { « enabled »: false }
} );
});
4/Pourquoi le plafond de cumul peut accentuer les différences d’indemnisation ?
Les changements du mode de calcul du SJR ont un impact indirect très important sur les indemnités qui pourront être perçues. En effet, il existe un plafond d’indemnisation mensuel qui ne doit pas dépasser trente fois le « nouveau SJR » calculé par l’assurance-chômage (qui prend donc en compte la période d’inactivité). Or celui-ci est plus bas que le véritable salaire journalier.
Ainsi une personne qui a travaillé quinze jours au smic peut se trouver en situation de ne plus avoir de jours indemnisables, puisqu’elle aura déjà atteint ce plafond recalculé. « Avec le nouveau calcul, votre plafond peut vite être atteint alors qu’avant, il n’était atteint que pour les gens dont le salaire augmentait », précise Mathieu Grégoire.
En cumulant les effets du nouveau calcul du SJR, et le nouveau plafond mensuel, le dernier rapport de l’Unédic sur l’activité partielle a repéré des disparités qui peuvent aller de un à cinquante entre l’ancien système et le nouveau.
5/Comment aboutit-on à un écart de 1 à 47 ?
Le rapport de l’Unédic prend l’exemple de deux personnes qui perçoivent un salaire de 2 800 euros. Comme on l’a dit précédemment, l’une touchera une indemnité de 1 492 euros si elle a travaillé en continu, alors que celle qui aura eu des contrats fractionnés ne recevra que 949 euros.
Mais ce sera uniquement le cas si sa période de chômage s’étale sur un mois calendaire entier. Si en raison d’une précédente période d’activité réduite, sa période de chômage est à cheval sur deux mois, par exemple du 16 avril au 15 mai, la même personne ne touchera que 32 euros d’indemnité, en raison du plafonnement d’indemnisation mensuel.
« ) } }, « legend »: { « enabled »: « 1 », « reversed »: « », « layout »: « horizontal », « verticalAlign »: « top », « align »: « left », « margin »: 40, « y »: -30, « x »: 0, « itemStyle »: { « fontSize »: 13, « font-family »: « ‘Marr Sans’,Helvetica,arial », « fontWeight »: « normal », « color »: « #2A303B » }, « itemMarginBottom »: 10 }, « series »: [ { « stack »: « null », « name »: « P\u00e9riode de ch\u00f4mage sur un mois complet », « lineWidth »: 2, « color »: « #BCE4C8 », « type »: « », « yAxis »: « 0 », « visible »: true, « dataLabels »: { « enabled »: false }, « step »: « », « data »: [ [ 1492.0, « #BCE4C8 », « pt0 », true, false ], [ 949.0, « #BCE4C8 », « pt1 », true, false ] ], « keys »: [ « y », « color », « id », « marker.enabled », « dataLabels.enabled » ] }, { « stack »: « null », « name »: « P\u00e9riode de ch\u00f4mage \u00e0 cheval sur deux mois », « lineWidth »: 2, « color »: « #4DBCD4 », « type »: « », « yAxis »: « 0 », « visible »: true, « dataLabels »: { « enabled »: false }, « step »: « », « data »: [ [ 1492.0, « #4DBCD4 », « pt2 », true, false ], [ 32.0, « #4DBCD4 », « pt3 », true, false ] ], « keys »: [ « y », « color », « id », « marker.enabled », « dataLabels.enabled » ] } ], « accessibility »: { « enabled »: true }, « exporting »: { « enabled »: false }, « credits »: { « enabled »: false }
} );
});
« Le SJR est actuellement un pilier sur lequel repose tout l’édifice de l’indemnisation par l’assurance-chômage. En remplaçant le salaire journalier de référence par un salaire mensuel moyen, le décret introduit des modifications indirectes et non contrôlées qui déstabilisent l’ensemble de cet édifice. Cela conduit à avoir des montants d’indemnisation mensuels qui varient de 1 à 50 », explique Claire Vivès.
Une tribune de trois économistes, publiée dans Le Monde, défend toutefois la réforme en rappelant que la prime d’activité vient compléter les revenus de ceux qui travaillent et que le RSA peut compenser les pertes de ceux qui sont sans emploi et qui perçoivent de faibles allocations. « Le système de redistribution vient donc limiter les pertes de revenus, mais d’une manière mieux ciblée que ne pourrait le faire l’assurance-chômage, car il prend en compte la situation familiale », estiment-ils.
6/Quel avenir pour la réforme ?
Outre ces polémiques sur le SJR, deux autres mesures prévues par la réforme ont été pour le moment écartées en raison de la pandémie, car elles seraient défavorables aux demandeurs d’emploi en période de crise :
- Le délai d’ouverture des droits aux allocations-chômage : dans le futur système, il faudra désormais avoir travaillé six mois au lieu de quatre pour être éligible, ce qui rend plus difficile l’accès à l’indemnisation. « Il faut rappeler qu’aujourd’hui il y a un demandeur d’emploi sur trois qui n’est pas indemnisable et qui n’arrive pas à franchir le seuil d’éligibilité », rappelle Claire Vivès.
- La suppression des droits rechargeables : ils permettent à une personne, en cours de perception de ses droits au chômage, de travailler et d’ajouter l’équivalent du temps qu’elle a travaillé à la prolongation de ses droits. Avec le système précédent, si une personne avait travaillé trente jours ou plus, les droits sont rechargés pour un nombre de jours d’indemnisation équivalent au nombre de jours travaillés. Ce qui ne sera plus le cas avec la réforme. Il faudra désormais pour le demandeur d’emploi travailler de nouveau quatre mois pour rouvrir ses droits et ainsi bénéficier de ses indemnités du mois travaillé.
Ces mesures ont été aménagées ou suspendues le temps de la crise, mais pas abandonnées. La CGT, la CFDT, FO et Solidaires comptent déposer un recours contre l’ensemble de la réforme auprès du Conseil d’Etat à la mi-mai.