La reconstruction en cours de l’Ecole supérieure de physique et de chimie industrielles risque de coûter 40 millions d’euros de plus que prévu. La mairie cherche quelles économies réaliser sur la fin des travaux.
Huit ans d’instruction ont permis de décortiquer le mécanisme principal de la surveillance à grande échelle qui visait salariés et candidats à l’embauche chez Ikea, en France, dans les années 2000 : les directeurs d’une grande partie des magasins du pays envoyaient des listes de noms à Jean-François Paris, responsable des questions de sécurité au sein du groupe, qui les transmettait à Jean-Pierre Fourès, ancien policier des renseignements généraux, lequel obtenait les antécédents judiciaires des personnes concernées de façon plus ou moins légale – parfois auprès de policiers, selon l’accusation, ce que l’intéressé dément.
Les choses étaient plus simples au magasin Ikea d’Avignon, où l’on ne s’embarrassait pas de tant d’intermédiaires : le directeur du site, Patrick Soavi, passait directement commande à un policier nommé Alain Straboni, qui avait la bonne idée d’être son cousin. « Au troisième degré », précise M. Soavi à la barre : « J’ai un lien familial avec Straboni, je me suis dit : “Pourquoi passer par Jean-François Paris ?” Je reconnais que j’ai fait preuve de beaucoup de naïveté et d’un peu d’excès de zèle, mais on nous demandait de faire ces contrôles et, une fois le doigt dans l’engrenage, il était trop tard. » Au deuxième jour du procès Ikea, mardi 23 mars, le tribunal correctionnel de Versailles s’intéressait au cas d’espèce avignonnais.
Le magasin ouvre ses portes en août 2010. En avril, Patrick Soavi envoie un premier mail à Alain Straboni : une liste de quarante-neuf noms, prénoms, dates et lieux de naissance de candidats présélectionnés, à laquelle il faudrait « jeter un œil ». Réponse cinq jours plus tard : « Sur quarante-neuf, trois sont connus : C. pour menaces, B. pour usage de stup, et M. pour outrage à agent. En gros ce n’est pas bien méchant, bonne pioche. » Mi-juin, nouveau mail de Patrick Soavi à son cousin, soixante-huit nouveaux noms à passer dans le STIC, le fichier des antécédents judiciaires, qui n’est pourtant pas censé servir à faire le tri à l’embauche. Verdict : « Patrick, pour la liste, cinq noms à proscrire. »
Syndicats et « barbus »
« Si la personne était défavorablement connue, on lui disait poliment que le profil ne correspondait pas », explique M. Soavi, qui se justifie : « J’avais la hantise de la drogue et de la mise en place d’un marché parallèle dans mon magasin. » Quand il était directeur du magasin de Villiers-sur-Marne, en région parisienne, il avait déjà sollicité son cousin policier, qui a donné cette autre explication aux enquêteurs : « Sa peur était que les barbus infiltrent les syndicats de son entreprise. » Soavi, gêné, à la barre : « Ce sont des termes de policiers. “Barbus”, c’est pas trop mes propos, hein. »
Il vous reste 52.82% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.
Cargill Haubourdin, dans le Nord, fait-il courir des risques psychosociaux (RPS) aux salariés de son usine, où un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE, plan social) est en cours pour supprimer 40 % de l’effectif ? C’est, en tout cas, ce qu’a voulu démontrer, mardi 23 mars, l’avocat de la CGT, premier syndicat de l’usine, et du conseil social et économique (CSE), Fiodor Rilov, devant la cour d’appel du tribunal judiciaire de Lille. Son objectif : obtenir du juge la suspension du PSE, afin d’évaluer ces risques et de mettre en place un plan de prévention. Saisi en référé, le tribunal avait débouté les plaignants, le 3 novembre 2020.
Annoncé en novembre 2019, ce PSE s’inscrit dans une évolution « vitale », selon la direction, de ce site du géant américain du négoce et de la transformation de matières premières agricoles. Les pertes « devraient atteindre 22 millions d’euros pour l’exercice qui se termine fin mai », autant que pour l’exercice précédent, ajoute-t-elle.
Ce PSE doit supprimer 170 postes, en créer 30 et modifier le contrat de travail de 16 collaborateurs, sur un effectif de 306 emplois. A ce jour, selon la direction, le plan se traduit par 80 licenciements, dont 35 ont déjà été notifiés depuis la mi-décembre 2020, et 45 départs volontaires (39 dossiers signés). Quinze postes supprimés étant vacants, les coupes concernent finalement 125 salariés, qui auront tous été licenciés d’ici à janvier 2022. La direction recense, par ailleurs, douze démissions depuis début 2020– la CGT en compte « une trentaine ».
« Un monde qui s’écroule »
Ce PSE a été homologué par la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (Direccte), le 20 août. Mais, depuis, selon Me Rilov, l’organisation du travail a été modifiée au fur et à mesure du déroulement de la restructuration, ce qui aurait accru la charge de travail réelle et les RPS des salariés. Dorian Vallois, délégué syndical CGT et secrétaire du CSE, évoque aussi « beaucoup d’arrêts d’une partie de la production par manque d’approvisionnement en matières premières, ce qui augmente les craintes des salariés ».
« L’employeur n’a pas identifié les RPS » découlant de la mise en œuvre du PSE et « du climat délétère qui règne dans l’entreprise », estime M. Rilov. « Un PSE, c’est violent, témoigne M. Vallois. C’est une usine très ancienne, où il y a eu beaucoup de luttes et d’acquis. Le PSE, c’est un monde qui s’écroule. On a peur de ne pas retrouver un travail avec notre niveau de salaire, alors que beaucoup ont des crédits sur le dos. C’est de là que vient aussi l’inquiétude pour l’avenir que ressentent ceux qui restent. »
Il vous reste 15.77% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.
Etes-vous installé confortablement dans votre chaise pour lire cet article ? Si vous le lisez sur un ordinateur, le bureau est-il suffisamment large pour l’écran, pour le clavier et pour y mettre des papiers ? Pouvez-vous placer vos pieds fermement sur le sol quand la chaise est ajustée à la bonne hauteur ? L’écran évite-t-il les reflets ? La luminosité est-elle suffisante ? L’endroit est-il suffisamment silencieux ?
Voilà le genre de questions auxquelles les Britanniques doivent en principe répondre pour vérifier que l’ergonomie de leur poste de travail est adéquate. Depuis 1992, la législation du Royaume-Uni oblige les employeurs à réaliser un audit de chaque poste de travail. Et depuis la pandémie, cette obligation s’étend au travail à la maison.
Discrètement, Health and Safety Executive (HSE), l’organisme public chargé des risques au travail, a modifié ses règles pour les appliquer au télétravail, à condition que celui-ci soit considéré comme permanent.
Théoriquement, les employeurs doivent donc vérifier que les tables de cuisine et autres coins de bureau partagés avec les enfants, d’où travaillent les Britanniques en confinement, fournissent un environnement adapté au travail. « Je ne pense pas que plus de 20 % des entreprises l’aient fait, et je suis généreux », estime Alexandre Long, un kinésithérapeute français installé à Londres, spécialiste de l’ergonomie au travail. Le danger est pourtant évident : « C’est une bombe à retardement. Dans quelques mois, ou dans quelques années, on risque d’avoir de très nombreux cas de gens qui ont mal au dos, au poignet, au cou… »
« Des photos »
Le sujet est particulièrement important au Royaume-Uni, où beaucoup de salariés ne sont presque pas retournés au bureau en un an. Depuis le 4 janvier, les Britanniques sont à nouveau strictement confinés. Un sondage réalisé par Morgan Stanley estimait qu’en février, 96 % des salariés de bureau travaillaient de chez eux.
Reste que réaliser un audit du poste de travail à domicile n’est pas simple. Pour les employeurs, il serait bien trop long et onéreux d’aller inspecter les conditions chez chaque salarié. Les entreprises réalisent donc l’exercice à distance.
Depuis le 4 janvier, les Britanniques sont à nouveau strictement confinés. Un sondage réalisé par Morgan Stanley estimait qu’en février, 96 % des salariés de bureau travaillaient de chez eux
Dale travaille aux ressources humaines d’un gros cabinet d’avocats, qui a suivi les recommandations officielles du HSE. « Nous avons demandé aux salariés de répondre à des questionnaires [similaires aux questions posées au début cet article, en plus détaillé]. Nous avons ensuite demandé aux employés d’envoyer des photos de leur poste de travail. »
Il vous reste 52.96% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.
Carnet de bureau. Le 10 mars, le tribunal de Nanterre (Hauts-de-Seine) a donné raison à une entreprise qui refusait d’accorder les titres-restaurant à ses salariés en télétravail. Cette décision sonne-t-elle le glas de ce soutien financier aux télétravailleurs qui, pour certains, entament leur troisième confinement ?
Depuis mars 2020, les entreprises ont avancé en ordre dispersé dans la prise en charge des frais professionnels des salariés en télétravail, en particulier pour la restauration. Certaines organisations ont privilégié un accompagnement optimal de leurs collaborateurs pour créer un environnement favorable au maintien de l’activité et ont tout de suite prévu un package complet avec ordinateur, téléphone, fauteuil de bureau, permanence téléphonique de soutien psychologique et titres-restaurant. Des entreprises n’y ont pas pensé jusqu’à ce que les représentants du personnel ne soulèvent la question. D’autres, enfin, n’ont rien mis en place.
L’Unité économique et sociale Malakoff Humanis a, quant à elle, arrêté depuis le 17 avril 2020 de donner des titres-restaurant aux salariés placés en télétravail. L’organisation syndicale UNSA-Fessad, qui en réclamait le rétablissement, vient d’être déboutée au motif qu’il n’y avait pas de « surcoût lié à leur restauration ».
La réglementation du travail traite la question des titres-restaurant en trois points.
Un local de restauration
Tout d’abord, l’employeur n’a pas d’obligation légale à donner des titres-restaurant. Mais leur mise en place a permis à de nombreuses entreprises d’éviter une autre obligation, celle de créer un local de restauration. L’attribution des titres-restaurant aux salariés est prévue par le code du travail « pour leur permettre d’acquitter en tout ou en partie le prix du repas consommé au restaurant ou acheté (…) à un organisme ». Si l’employeur décide l’attribution de titres-restaurant, c’est à raison d’un ticket pour chaque jour travaillé au cours duquel le repas est compris dans l’horaire de travail.
Deuxième point : l’article L.1222-9 du code du travail indique que « le télétravailleur a les mêmes droits que le salarié qui exécute son travail dans les locaux de l’entreprise ». Si les salariés sur site en reçoivent, le télétravailleur devrait donc y être éligible, dans le respect de l’égalité de traitement.
Toutefois, le tribunal de Nanterre rappelant l’article 4 de l’accord national interprofessionnel relatif au télétravail du 19 juillet 2005, selon lequel « les télétravailleurs bénéficient des mêmes droits et avantages légaux et conventionnels que ceux applicables aux salariés en situation comparable travaillant dans les locaux de l’entreprise », a jugé que la situation des salariés sur site ou à domicile n’était pas comparable. L’objectif de l’employeur « est de permettre à ses salariés de faire face au surcoût lié à la restauration hors de leur domicile », argue le jugement en première instance.
Il vous reste 17.86% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.
Droit social. Une relation amoureuse entre collègues prend fin. L’homme, par ailleurs supérieur hiérarchique puis formateur au sein de l’établissement dans lequel travaille sa collègue et amie, lui adresse alors de nombreux messages intimes pour la presser de reprendre contact, la soupçonnant d’entretenir une relation avec un autre collègue.
Il lui envoie des messages par l’intermédiaire de sa messagerie professionnelle, en dépit du fait que l’intéressée lui a expressément indiqué qu’elle ne souhaite plus avoir de contact avec lui en dehors de l’activité de l’entreprise. Il dépose dans sa bannette professionnelle un DVD intitulé L’Infidèle. Enfin, il installe une balise GPS sur son véhicule afin de la surveiller à son insu.
L’employeur, après une enquête interne, licencie le salarié pour faute grave, avec effet immédiat. La cause semblait entendue, d’autant que l’intéressé avait reconnu, dans un courriel, harceler la collègue afin qu’elle communique à nouveau avec lui. Mais il conteste la sanction, arguant de ce que les faits relevaient de sa vie privée et non de sa vie professionnelle.
Un trouble objectif
En effet, il ne suffit pas que des éléments susceptibles de constituer le harcèlement soient établis, encore faut-il qu’ils se produisent dans le cadre du travail. En dehors de l’entreprise et du temps de travail, ils relèvent de la vie privée et ne peuvent pas, en principe, être sanctionnés par l’employeur.
Toutefois, la jurisprudence admet des exceptions, notamment lorsque le comportement du salarié harceleur, bien qu’en dehors du temps de travail, crée un trouble objectif au sein de l’entreprise, ou que les faits se produisent au moins partiellement en entreprise.
Ainsi, le 19 octobre 2011, la chambre sociale de la Cour de cassation affirmait que « les propos à caractère sexuel et les attitudes déplacées du salarié à l’égard de personnes avec lesquelles l’intéressé était en contact en raison de son travail ne relevaient pas de sa vie personnelle » et justifiait de la sorte la sanction disciplinaire de l’employeur.
La Cour de cassation a également indiqué le 25 septembre 2019, qu’un fait tiré de la vie privée du salarié, dans le cadre d’une « relation amoureuse complexe » entre un supérieur hiérarchique et une collaboratrice, peut justifier un licenciement disciplinaire du fait des impacts sur la vie de l’entreprise, en l’occurrence « une perte d’autorité et de crédibilité dans l’exercice de sa fonction de direction » du… supérieur hiérarchique.
Il vous reste 35.44% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.
Le Livre Avec le mouvement des « gilets jaunes » de 2018, la question des rémunérations avait fait un retour en force dans l’agenda politique et social du pays. La crise de 2020 l’a maintenue dans l’actualité, en posant des questions déjà en germe durant la période précédente : assistons-nous, avec la montée en puissance de l’économie digitale globalisée, à une panne salariale combinée à une explosion des inégalités ? A une baisse du niveau de vie pour tous et à un déplacement de la question des rémunérations vers d’autres formes de rétribution ? Malaise dans les rémunérations (Editions Marie B) de Rodolphe Delacroix, analyse les raisons du divorce entre les pratiques salariales et les perceptions de plus en plus négatives des salariés et de la société.
« Alors que nous abordons la période critique de la sortie de la crise du Covid-19, il n’est pas inutile de partir d’une brève histoire des rémunérations afin de se projeter dans l’avenir », estime le consultant en rémunérations et actionnariat salarié depuis vingt ans. L’ouvrage commence par un rapide retour historique sur l’évolution des politiques de rémunérations, depuis le Front populaire de 1936, afin de comprendre les enjeux et les mécanismes de gestion.
Qu’est-ce que le salaire est censé rémunérer ? Comment situer son niveau sur le marché ? Comment s’assurer d’une réelle équité interne à l’entreprise entre les emplois et les salaires ? Comment augmenter les salariés et par quels mécanismes ? Comment rendre la rémunération plus incitative ? Sans oublier les sujets qui fâchent : l’égalité salariale entre les femmes et les hommes, et les rémunérations des dirigeants. L’ouvrage s’intéresse également à la rémunération « au-delà du salaire », aux aspects liés à la reconnaissance et à la gestion de la performance.
Prise de conscience des RH
Dans la seconde partie du livre, Rodolphe Delacroix traite de la rémunération vue de la cité : « le malaise des rémunérations dépasse largement le cadre des grandes entreprises et se donne à voir dans toute la société, aussi bien chez les fonctionnaires que parmi les indépendants ou les “travailleurs pauvres” ».
Ce qui est, à tort, attribué aux jeunes générations de diplômés, à savoir la recherche du sens dans le travail, concerne tous les salariés, « dès lors qu’ils ont atteint un niveau de satisfaction de leurs besoins primaires et disposent de revenus réguliers et assurés. » Les responsables des ressources humaines ne s’y trompent pas, qui ne cessent de mettre en avant des aspects qualitatifs du management : management participatif, séminaires de team building, coaching… « On peut penser ce qu’on veut de ces techniques, qu’elles ne servent à rien ou qu’elles masquent la réalité des vraies souffrances, il n’en demeure pas moins vrai qu’elles s’imposent massivement comme une réponse à une aspiration individuelle et collective de plus en plus partagée dans les entreprises. »
Il vous reste 21.74% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.
Histoire d’une notion. Intangibles, immuables, intouchables, inattaquables, immortels, ils sont gravés dans le marbre, arborés sur le fronton du syndicalisme. Ce sont les acquis sociaux, ces droits collectifs inscrits dans la loi, voire dans la Constitution, ou dans des accords d’entreprise ou des conventions collectives, auxquels tous les gouvernements, de droite et même de gauche, ont été soupçonnés de vouloir porter atteinte.
Ils peuvent concerner tous les salariés ou une partie d’entre eux. Ils dépendent d’un contrat de travail à durée déterminée ou indéterminée ou ils relèvent d’un statut, comme dans la fonction publique ou dans les entreprises publiques. Les syndicats en sont les gardiens intransigeants.
Il y a deux catégories d’acquis sociaux, ceux qui ont été arrachés de haute lutte par les syndicats, à l’issue d’une grève, de manifestations ou d’une négociation qui permettra à tous les salariés, et pas seulement à ceux qui sont syndiqués, d’en bénéficier, et ceux qui ont été octroyés par la puissance publique, lorsqu’elle prenait les devants pour éviter un mouvement social.
Rapport de forces
Symboles des progrès de la condition ouvrière, ces trophées font partie du patrimoine syndical. « Je crois à la négociation perpétuelle, aux petites améliorations grignotées chaque jour », assurait André Bergeron, ancien secrétaire général de Force ouvrière (1963-1989) et promoteur, durant les « trente glorieuses », du « grain à moudre ».
Il en est de même pour ce qui touche à la protection sociale, avec la création en 1945 de la Sécurité sociale, inscrite dans le programme du Conseil national de la Résistance, œuvre de tous les partis et des syndicats CGT et CFTC. Même si c’est le régime de Vichy qui a mis en place, en 1941, la retraite par répartition, les syndicats ont agi avec constance pour l’abaissement de l’âge de la retraite, leur principale victoire étant la retraite à 60 ans, en 1983, sous la présidence de François Mitterrand.
Il vous reste 52.25% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.
C’est un rituel auquel il ne déroge jamais. « Tous les matins, j’enfile une paire de baskets pour aller travailler », confie Mathieu Santostefano, développeur Web pour une agence parisienne. Le jeune homme de 29 ans n’a pourtant qu’une quinzaine de marches à gravir pour accéder à son bureau. Depuis deux ans, il travaille 100 % du temps à distance depuis chez lui, à Niort (Deux-Sèvres). C’est dans une petite pièce spécifique, au premier étage de sa maison, qu’il tape ses lignes de code toute la journée au milieu de ses maquettes de Lego.
« Quand Emilie, ma compagne, m’a annoncé qu’elle avait décroché un poste d’UX designer ici, j’avoue, j’ai eu un petit moment de panique, raconte l’ancien Parisien. Je ne connaissais pas Niort. Je savais à peine la situer sur une carte. »
L’affaire a pourtant vite été entendue. « En m’installant ici avec mon salaire parisien, je pouvais bénéficier du meilleur des deux mondes », résume Mathieu. « La Rochelle est à trois quarts d’heure de route, Paris à deux heures en TGV. A Paris, nous louions un 40 mètres carrés pour un smic par mois. C’était délirant. Ici, nous avons pu acheter une maison avec jardin, à dix minutes à pied de la gare, pour moins de 200 000 euros. » Côté qualité de vie, il n’y a pas photo. Même s’il reconnaît que la vie culturelle n’a rien à voir avec celle de la capitale – mais qui en profite, en ce moment ?
Des jeunes cadres qui fuient Paris, Lyon ou Marseille pour Niort, Chartres ou Albi : la tendance était déjà en marche avant la crise sanitaire – elle ne devrait faire que se renforcer, portée par l’essor du télétravail, l’expérience des confinements successifs, la montée des préoccupations environnementales et l’explosion des prix de l’immobilier à Paris.
Une tendance sur laquelle surfent de nombreuses villes moyennes : ces temps-ci, les campagnes de communication fleurissent sur les murs du métro parisien, vantant la belle vie à Alès (Gard), à Bourges ou à La Roche-sur-Yon.
Paris, trop chère
Selon un sondage Harris Interactive réalisé en octobre 2020 pour le réseau immobilier Procivis, 36 % des jeunes de 18 ans à 34 ans résidant dans une métropole ont amorcé une recherche immobilière ces derniers mois dans le but de déménager.
« Autant les jeunes plébiscitent toujours largement les grandes agglomérations pour suivre leurs études, autant ils changent d’état d’esprit une fois leur cursus terminé, aux alentours de 25-30 ans, analyse Elie Guéraut, maître de conférences en sociologie à l’université Clermont-Auvergne. C’est le moment où ils commencent à se projeter dans une situation plus stable, à vouloir accéder à la propriété, à avoir des envies d’enfants. » Des projets plus faciles à concrétiser dans des villes peuplées de 20 000 à 100 000 habitants que dans la mégapole parisienne, jugée trop dense, trop stressante et surtout trop chère.
Il vous reste 67.83% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.
« Trahison, abandon, Renaulution », « Chez Renault, fondeurs oui, chômeurs non ! ». Banderoles, pancartes et messages tracés à même la chaussée annoncent la couleur aux abords de la Fonderie de Bretagne, à Caudan (Morbihan), sur laquelle apparaît, en immenses lettres jaunes et noires, l’inscription « groupe Renault ». Mais pour combien de temps encore ?
Mardi 23 mars, ils étaient plusieurs centaines, salariés, militants syndicaux, élus, tous drapeaux dehors, rassemblés devant le site pour dénoncer la décision du constructeur français de se séparer de la fonderie dans le cadre de son vaste plan d’économies. Le groupe s’est donné cinq mois pour trouver un repreneur. « Ça fait une échéance finale le 8 août, au milieu de l’été. On nous aura oubliés ! C’est maintenant qu’il faut se mobiliser, pour interpeller les politiques, au plus haut niveau », glisse Maël Le Goff, délégué CGT.
« On veut mettre les politiques devant leurs incohérences : voyez le contraste entre les discours de Bruno Le Maire [le ministre de l’économie] et de notre président qui parlent de relocalisation, et ce qui se passe réellement dans l’industrie française ! », insiste Jimmy, 44 ans, l’un des 350 salariés de la fonderie.
Incendie en 2018
Trois dates ont été peintes en orange fluo à l’entrée du site bientôt sexagénaire, comme pour replacer cet événement dans son histoire récente : 1999, 2009 et 2021. L’usine de pièces en fonte pour l’automobile était en effet déjà sortie du groupe Renault en 1999, vendue à l’italien Teksid-Fiat, souvenir pour les salariés d’une soudaine dégradation de leurs conditions de travail. Le repreneur revend à son tour à un autre italien, le groupe Zen, en 2006, qui dépose le bilan deux ans plus tard. Les salariés se mobilisent alors pour que Renault reprenne le site. C’est le cas en 2009.
Ce mardi 23 mars, ce combat victorieux était dans toutes les têtes. « Il y a douze ans exactement, nous avons mené une lutte afin de revenir dans le groupe Renault. Cette lutte paraissait utopiste aux yeux de beaucoup, mais on est bel et bien revenu dans la firme au losange », lance Maël Le Goff en préambule d’une longue prise de parole au micro. Mais voilà, dans toutes les têtes aussi, on note la différence de taille entre la situation de 2009 et celle d’aujourd’hui : « A l’époque, Renault n’avait pas le choix, car il y avait des pièces qu’on était les seuls à faire. Ce n’est malheureusement plus le cas », souligne Eric, 35 ans, technicien en étude et robotique, parmi les centaines de salariés présents sur le parking.
Il vous reste 62.66% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.