Archive dans mars 2021

Emploi des jeunes : 30 millions d’euros pour développer le mentorat

L’Elysée ne cesse de le marteler : l’égalité des chances est « une priorité » du quinquennat d’Emmanuel Macron. Le message a du mal à se faire un chemin, mais il a encore une fois été répété à l’occasion du déplacement du chef de l’Etat à Stains, en Seine-Saint-Denis, lundi 1er mars, sur le thème du mentorat dans le cadre du plan « 1 jeune, 1 solution », lancé en juillet 2020. Le président de la République, entouré d’Elisabeth Borne, la ministre du travail, et de Sarah El Hairy, la secrétaire d’Etat à la jeunesse, a annoncé une nouvelle déclinaison de cette politique baptisée « 1 jeune, 1 mentor ». L’objectif ? Atteindre le nombre de 100 000 jeunes mentorés en 2021 puis 200 000 en 2022, contre 25 000 aujourd’hui.

Pour accompagner ce changement d’échelle, l’exécutif s’engage à soutenir à hauteur de 30 millions d’euros cette année les associations spécialisées. Parmi lesquelles l’association de la fondation étudiante pour la ville (AFEV), Article 1, Nos quartiers ont du talent, Télémaque, Chemins d’avenir, Entraide scolaire amicale, Proxité ou encore Socrate. Toutes font partie depuis 2019 du Collectif Mentorat, qui soutient 30 000 jeunes en moyenne par an et se félicite de ce nouveau « plan ». « Nous sommes très satisfaits, déclare Christophe Paris, le président du collectif et directeur général de l’AFEV. C’est l’aboutissement d’une démarche initiée il y a plus d’un an et demi qui va nous permettre pour la première fois de faire véritablement levier et multiplier nos actions. » L’Afev espère, grâce à ces fonds, doubler le nombre de ses mentors et mentorés, pour passer d’ici un an de 18 000 à 40 000.

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Le principe du mentorat : que l’on soit salarié, cadre, patron, retraité ou inactif, chacun peut devenir mentor, parrain ou marraine et partager bénévolement son temps, son expérience, son savoir-faire et son carnet d’adresses au profit d’un jeune issu d’un milieu modeste – urbain ou rural, qu’il soit collégien ou à la recherche d’un emploi – pendant une période d’au moins six mois. Le coût oscille entre 500 et 1 200 euros par mentoré (identifier les jeunes, les recruter, les convaincre, former les mentors, les mettre en relation…).

Trois ans d’attente

Cette annonce est la troisième « brique » de « l’agenda égalité des chances » du chef de l’Etat, après une première série de mesures consacrées à la politique de la ville le 29 janvier, puis la promotion de la diversité dans la haute fonction publique et la lutte contre les discriminations, le 12 février. Cela faisait plus de trois ans que les associations attendaient un geste du président Macron, qui avait promis de miser sur le mentorat et le parrainage dès le mois de novembre 2017 lors de son discours de Tourcoing (Nord) sur la politique de la ville. Il avait alors annoncé un objectif de 100 000 jeunes parrainés sur le quinquennat.

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Adecco renvoyé en correctionnelle pour discrimination à l’embauche après vingt ans de procédure

En 2001, SOS Racisme avait été alerté par un ancien salarié d’une agence Adecco de Montparnasse faisant état d’un système de discrimination qui, selon lui, écartait les candidats noirs de certaines missions.

La cour d’appel de Paris a décidé, jeudi 25 février, de renvoyer le groupe d’intérim Adecco et deux anciens directeurs de l’agence de Paris-Montparnasse devant le tribunal correctionnel, où ils devront répondre dans un jugement public du délit de discrimination à l’embauche et de fichage « en raison de l’origine, de la nationalité ou de l’ethnie » de 500 intérimaires entre 1997 et 2001.

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La Maison des potes et SOS Racisme se sont félicités de cette « victoire » obtenue après vingt ans de bataille judiciaire acharnée. « L’enjeu désormais est de permettre aux 500 victimes de pouvoir se constituer partie civile, explique Samuel Thomas, à l’origine de la plainte déposée en 2001 contre le géant suisse du travail temporaire. Il est essentiel pour nous d’avoir obtenu un procès public pour que toutes les victimes de discrimination soient encouragées à engager des poursuites judiciaires contre les discriminations dont elles sont victimes », a souligné le président de la Maison des potes et ancien vice-président de SOS Racisme.

Un système organisé

L’affaire remonte, en effet. A la suite d’une plainte déposée en février 2001 par Samuel Thomas au nom de SOS Racisme, une information judiciaire est ouverte en mars. L’association de lutte contre le racisme avait été alertée par un ancien salarié d’une agence Adecco de Montparnasse faisant état d’un système de discrimination qui, selon lui, écartait les candidats noirs de certaines missions de chef de rang ou commis de salle dans les restaurants.

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SOS Racisme dénonce alors la mise en place d’un système organisé avec fichage « racial » (article 226-19 du Code pénal) fondé sur les codes « BBR » (bleu blanc rouge) et « PR4 » (pour les personnes de couleur), refusant à ces travailleurs l’accès à certains postes, en réponse à la demande d’entreprises clientes. L’agence de Montparnasse concernée travaillait notamment avec le ministère des affaires étrangères, Eurodisney et la Société des wagons-lits. 500 candidats auraient ainsi été victimes de discrimination dans le secteur de l’hôtellerie-restauration en Île-de-France entre 1997 et 2001.

« Malheureusement, comme pour le procès que j’avais obtenu contre Adecco Bruxelles pour usage du code discriminatoire « BBB » [Blanc bleu belge], aucune des entreprises donneuses d’ordre ne sera jugée » Samuel Thomas, SOS Racisme

Les accusations sont étayées par les témoignages des anciens salariés d’Adecco, le fichier des intérimaires PR4 saisi par huissier de justice, le rapport de l’inspection du travail et « les aveux enregistrés en caméra cachée de la direction d’Adecco, affirme M. Thomas. Le premier commandant de police chargé de l’enquête avait par ailleurs obtenu dès le début de l’instruction tous les aveux des salariés d’Adecco chargés de ficher les PR4” et de répercuter les ordres des clients qui ne voulaient que des BBR », ajoute-t-il.

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Jusqu’à 30 000 postes pourraient disparaître à Roissy-Charles-de-Gaulle

Chargement d’un avion-cargo d’Air France, à Roissy (Val-d’Oise), en novembre 2020.

Pour la trouver, il faut s’aventurer au fond du « PR », le parking longue durée de l’aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle. C’est là, coincée entre des travaux de terrassement et les portiques d’entrée du parking, que se niche la Moszar, la maison des organisations syndicales de la zone aéroportuaire de Roissy (Val-d’Oise). Un bâtiment provisoire, façon « Algeco », où deux syndicats, la CGT et SUD-Aérien, avaient appelé les salariés de Gibag-SGH, un des multiples sous-traitants de l’aéroport, à se réunir jeudi 25 février. A la Moszar, ce jeudi, ils ne sont qu’une demi-douzaine à avoir répondu à l’appel. Après une année de chômage partiel « il est difficile d’organiser les salariés », se désolent, en chœur, Abdelhafid Dif (CGT) et Imad Dachroune (SUD-Aérien).

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De fait, beaucoup n’ont plus donné signe de vie depuis des mois. Pourtant, l’heure est grave. A Roissy, Gibag-SGH, filiale du groupe 3S spécialisé dans l’assistance aéroportuaire et la sûreté, veut supprimer 10 % ses effectifs, soit 18 salariés sur 178. Quelques semaines avant Gibag-SGH, c’est Flybus, une filiale du groupe Transdev, spécialisée dans le transport des passagers de l’aérogare à l’avion, qui a sorti la faucheuse avec l’objectif de supprimer 34 postes sur 96, soit un tiers des effectifs, déplore Zaïnil Nizaraly, secrétaire général de la Fédération de l’équipement, de l’environnement, des transports et des services (FEETS-FO).

Sombre prédiction

Gibag-SGH, Flybus, ne sont que l’avant-garde de ce que Nordine Kebbache, délégué CGT et chauffeur routier pour Transdev sur la plate-forme de Roissy annonce comme « un génocide sur l’emploi » qui devrait décimer les multiples sous-traitants de l’aéroport. Une myriade de sociétés évaluée à 700 ou 800, actives dans la manutention des bagages, la sûreté, l’assistance aéroportuaire, le nettoyage des avions. Une sombre prédiction malheureusement confirmée par Marc Deman, directeur adjoint de Paris CDG Alliance, un groupement d’intérêt public qui rassemble des acteurs publics et privés du territoire de Paris-CDG et ses environs, tels Groupe ADP, Air France, la région IIe-de-France, ou encore les départements riverains de l’aéroport, la Seine-et-Marne, la Seine-Saint-Denis ou le Val-d’Oise.

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M. Deman prévoit « de 20 000 à 30 000 suppressions de postes d’ici à la mi-2022 ». Une véritable hécatombe pour la plate-forme de Roissy-Charles-de-Gaulle qui, selon les derniers chiffres de fin 2019, emploie plus de 94 000 salariés directs et indirects. Et encore, selon les syndicats, ces chiffres « seraient largement en deçà de la réalité car ils ne prennent pas en compte le sort des 20 000 à 30 000 intérimaires employés à Roissy ». Surtout, l’écho de la crise se fait ressentir dans tous les secteurs d’activités. Avec des aéroports au ralenti, les loueurs de voitures, les hôtels, qui mettent en place des plans de sauvegarde de l’emploi, précise le responsable.

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La justice saisie d’affaires de harcèlement au sein de l’agence Campus France

Au Palais de justice de Paris, en 2013.

Ils sont quatre, sur un canapé, de l’autre côté d’un écran. Mesures barrières aidant, nous avons dû recourir à la visioconférence pour échanger. Mais l’émotion n’en est pas moins palpable quand ces ex-salariés de Campus France évoquent leurs années de souffrance.

Burn-out, dépression, hospitalisations, tentative de suicide, procédures judiciaires multiples… « Une situation délirante, de très grande souffrance au travail et de déni rarement vu », note un bon connaisseur du dossier et des problématiques de harcèlement. La direction de l’organisme, elle, répond qu’il n’y a pas « la moindre brutalité dans le management (…) pas plus qu’il n’a été relevé de situation de harcèlement ». Et dénonce la « rancœur personnelle » des quatre salariés qui ont créé un collectif.

Déjà évoqués par Mediapart à l’été 2020, les multiples conflits judiciaires résultant de la situation sociale au sein de Campus France, structure chargée de la promotion des universités françaises dans le monde et de la gestion des étudiants étrangers en France, continuent de se régler devant les tribunaux. Une dizaine de procédures sont en cours au total, devant les prud’hommes, en cour d’appel, en cassation, mais aussi devant des tribunaux judiciaires dans plusieurs cas.

Lundi 18 janvier, un ancien salarié – non membre du collectif – a ainsi obtenu 30 000 euros d’indemnités pour licenciement « sans cause réelle et sérieuse ». D’autres jugements sont attendus dans les mois qui viennent. Parallèlement à ces batailles judiciaires, le collectif d’ex-salariés a multiplié les alertes aux élus, aux ministères. Interrogé, le ministère des affaires étrangères, tutelle de Campus France, explique avoir « demandé un renforcement du dialogue social » et assurer depuis un « suivi étroit » de la situation.

« Brutale »

L’établissement public à caractère industriel et commercial − une structure de droit privé sous tutelle publique − Campus France pilote la venue d’étudiants du monde entier dans les universités de notre pays. Forte de plus de 200 employés, la structure, lancée au début des années 2010, résulte de la fusion d’entités aux pratiques différentes. Principalement une association, Egide, qui gérait depuis 1991 les attributions de bourses pour les étudiants étrangers en France ; et le groupement d’intérêt public EduFrance, créé en 1998 et qui coordonnait la promotion internationale des établissements d’enseignement supérieur hexagonaux. « Deux métiers très différents, avec des cultures peu compatibles, le travail sur les bourses étant plus austère, pendant que les autres font des salons, voyagent, sont plus visibles », note une salariée de Campus France, qui déplore que « l’opposition entre les cultures » perdure, des années après la fusion.

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L’argot de bureau : les « REX » sont le rétroviseur du progrès

« Tolérer l’échec mais refuser la récidive, voilà l’esprit du REX. »

Propriétaire d’un hôtel-restaurant à la mer, vous vous baladez sur ces plates-formes où les utilisateurs notent leur expérience : « Le serveur jette les plats sur la table, et il sait à peine viser » ; « j’ai bien aimé la plage de l’hôtel, mais il y avait trop de sable à mon goût » ; « je n’ai pas pris une suite pour dormir dans un lit de camp »… Des mauvais retours, des raisons de se lamenter ? Non, vous venez simplement de faire un « REX client ».

Le REX n’est ni un dinosaure ni un chien policier allemand, mais un acronyme pour « retour d’expérience » ; certains préfèrent le mot-valise « Retex ». Faire des REX, c’est analyser la gestion d’événements passés pour en tirer des leçons.

Cette manière de faire provient de l’armée, créatrice du « débriefing », et des industries à risque, où l’on cherche à prévenir les accidents. Après Tchernobyl en 1986, le Commissariat à l’énergie atomique a revu la conception de ses réacteurs nucléaires. La même année, quand la navette spatiale Challenger a explosé en vol, la NASA a remis en question ses spécifications. Malheureusement pour cette dernière, le REX n’aura pas fonctionné : le drame s’est reproduit en 2003, avec la navette Columbia.

Démarche d’analyse

Tolérer l’échec mais refuser la récidive, voilà l’esprit du REX : pour reprendre la phrase cliché de Nelson Mandela, « je ne perds jamais. Soit je gagne, soit j’apprends ». Le retour d’expérience s’inscrit dans la mode des méthodes dites « agiles », pour s’améliorer tout en renforçant l’esprit d’équipe. Il s’agit de détecter les anomalies, comme ce qui a marché.

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Le REX se pose comme une véritable démarche d’analyse, sur le temps long. En cela, elle se distingue des traditionnels débriefings, ou des « feedbacks » que l’on fait remonter « ASAP » (pour « as soon as possible », ou « dès que possible », en anglais) à sa hiérarchie, pour littéralement « la nourrir en retour ».

Le feedback n’est que la première pierre à l’édifice du grand REX : cette phase réflexive qui, outre les retours d’expérience, s’appuie sur tout un arsenal de tableaux et de grilles d’analyse sur plusieurs mois. « Plus on remonte loin dans le passé, mieux on prépare le futur », disait Winston Churchill.

Les entreprises doivent faire preuve d’une méthode structurée, tel le chimiste qui cherche à comprendre pourquoi son expérience n’a pas fonctionné.

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