Archive dans mars 2021

« Une agence nationale pour l’innovation de rupture, pour faire quoi ? »

« Au-delà du contexte britannique, le débat a le mérite d’interroger les différents modèles d’organisation de l’innovation et de la recherche, ainsi que les connaissances disponibles dans ce domaine. »

Entreprises. Le Royaume-Uni a annoncé la création d’une agence nationale pour l’innovation de rupture. Inspirée de l’Agence américaine de recherche pour la défense (DARPA), cette agence devrait se caractériser par une grande liberté d’action au service de projets très risqués et à fort enjeu sociétal.

Un rapport parlementaire (« A New UK Research Funding Agency », HC 778, février 2021) soutient cette initiative mais analyse aussi les questions soulevées par ce projet. Au-delà du contexte britannique, le débat a le mérite d’interroger les différents modèles d’organisation de l’innovation et de la recherche, ainsi que les connaissances disponibles dans ce domaine.

La pandémie actuelle et l’absence de vaccin français l’ont rappelé avec force : la recherche et l’innovation sont également indispensables à la compétitivité des Etats, à la protection sanitaire, aux transitions énergétiques ou à la conservation des écosystèmes. Ruse de la raison ? Plus nous affirmons de nouvelles valeurs ou de nouveaux idéaux – seraient-ils technophobes ou frugaux – et plus nous appelons à la recherche et à l’exploration de concepts novateurs.

Partout les budgets de la recherche sont invités à croître, tandis que des alertes répétées sur la place des pays asiatiques dans la recherche mondiale inquiètent l’Europe et les Etats-Unis. Mais comme en témoigne le débat public anglais, l’effort financier nécessaire s’accompagne aussi de controverses sur la bonne gestion des institutions de recherche et d’innovation.

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On y retrouve les reproches adressés aux institutions classiques de la recherche : manque d’audace, rejet des projets risqués, faible interdisciplinarité, lourdeurs des procédures d’évaluation. Mais l’enquête anglaise remarque aussi que cet esprit conservateur se retrouve autant dans les organismes traditionnels (de type « science push), fondés sur la seule qualité scientifique et le jugement par les pairs, que dans ceux qui doivent financer des innovations tournées vers le marché.

Dilemmes habituels

Dans le premier cas, la recherche « disruptive » serait freinée par le corporatisme académique et la pression sur les publications ; dans le second cas, elle se heurterait au court-termisme des industriels. D’où l’idée d’un nouveau type d’organisme qui serait autorisé à prendre des risques scientifiques élevés et qui serait doté d’une totale autonomie de gestion et d’orientation.

Ce point de vue est contesté par certains experts qui craignent qu’un tel organisme ne retombe rapidement dans les travers dénoncés et complexifie la politique scientifique. Mais le gouvernement et le Parlement soutiennent qu’une telle structure, hors normes, est vitale pour le pays.

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Protégeons-nous du bien-être au travail

Le livre. Dans le monde du travail, les injonctions à l’authenticité sont quotidiennes : « Soyez vous-même » ; « Libérez le potentiel qui est en vous » ; « Retrouvez l’essence vraie de vous-même ». Ces injonctions se heurtent pourtant aux attentes sociales, éminemment normatives, de l’environnement professionnel : ligne directrice, labels, chartes envahissent nos rapports d’être au travail. « Il s’agit de reprogrammer l’être en soi à partir de prescriptions attendues et pour lesquelles des formations impersonnelles bien que souvent basées sur du développement dit personnel visent à faciliter ce formatage. Avec elles, les individus apprennent à s’adapter, devenir flexibles ou mieux, comme le disent les nouveaux penseurs des organisations de travail, se libérer », analyse Sophie Le Garrec dans l’ouvrage collectif Les servitudes du bien-être au travail (Erès).

« Les servitudes du bien-être au travail. Impacts sur la santé », de Sophie Le Garrec (Erès, 296 pages, 25 euros).

Ces demandes contradictoires ont fragilisé et provoqué nombre de maux et vulnérabilités, tant physiques que psychiques, souligne la sociologue : l’injonction à façonner son être « pour répondre aux exigences idéalisées de la réussite et du bonheur s’inscrit de facto comme une quête incessante, illusoire et inatteignable ». Ces modèles de réussite ne sont que « des artéfacts aliénants, puisque l’essence même de ces aspirations reste profondément subjective ».

Emboîtant le pas aux « rhétoriques managériales », les formations, les interventions et les ouvrages visant à atteindre ce paraître émotionnel se multiplient, tandis que les explications décortiquant son impossible atteinte en termes structurels, organisationnels et sociétaux sont invisibilisées, masqués par la novlangue de pare-feu émotionnels et de développement personnel.

Souffrance au travail

Alors que le bonheur de travailler n’a jamais été autant proclamé, c’est la souffrance qui s’accroît statistiquement dans la réalité des entreprises et des services publics. « Probablement parce que le bonheur prescrit n’est qu’une coquille vide masquant un délitement des conditions de travail et, surtout, de la définition même du travail. » La perte de sens de son travail, l’invisibilité progressive de ce qui constitue le cœur de son métier reviennent comme des arguments forts dans la quasi-totalité des études en sciences sociales sur les liens entre santé et travail.

Le non-sens engendre du stress, et l’intensification du travail en termes de cadences et de rythmes, d’engagement affectif et de mobilisation psychologique se transforme alors en fatigue, troubles musculosquelettiques, maladies cardiovasculaires… Pourtant, la santé au travail reste la grande absente au sein des sphères professionnelles. « En lieu et place de la santé, on parle de qualité de vie au travail, de psychologie positive, de gestion de ses émotions ou de stress. »

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Les conditions actuelles d’indemnisation du chômage partiel maintenues jusqu’à la fin d’avril

La ministre du travail, Elisabeth Borne, le 8 mars 2021.

Le ministère du travail a annoncé, mardi 9 mars, le maintien jusqu’à la fin d’avril des conditions actuelles d’indemnisation du chômage partiel, afin d’aider les entreprises à lutter contre les conséquences économiques et sociales de la crise du Covid-19. La ministre, Elisabeth Borne, a annoncé aux partenaires sociaux « la prolongation des règles actuelles de prise en charge au titre de l’activité partielle jusqu’à la fin d’avril », rapportent ses services dans un communiqué.

Ces règles prévoient le maintien de l’indemnité à 84 % du salaire net pour les salariés et un reste à charge nul pour les employeurs des secteurs les plus touchés par la crise (tourisme, culture, sport et loisirs, hôtellerie-restauration, transports… et les activités en dépendant). Pour les entreprises des autres secteurs, le reste à charge est de 15 %.

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Le gouvernement a déjà repoussé à plusieurs reprises, à chaque fois pour un mois, un éventuel durcissement des règles, qui verrait le reste à charge passer à 40 % – avec une indemnisation du salarié baissant à 60 %.

Lors de sa visioconférence, mardi, avec les organisations syndicales et patronales, Elisabeth Borne a annoncé que « des concertations sectorielles seraient menées, dès la semaine prochaine, pour préparer la levée progressive des restrictions sanitaires et adapter de manière pertinente le niveau de soutien aux entreprises dans la perspective de ces allégements ».

La ministre a aussi « présenté pour discussion différents scénarios d’évolution (arrêt, dégressivité ou prolongation en l’état) » des aides à l’embauche du plan Un jeune, une solution, qui ont permis de recruter près de 1,3 million de moins de 26 ans en CDI ou CDD de plus de trois mois entre août et janvier, selon le communiqué.

Ces pistes seront « tranchées, lundi, lors de la conférence de dialogue social autour du premier ministre », précise le ministère du travail.

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Le Monde avec AFP

Adecco condamné pour avoir violé l’égalité de traitement

Ils s’appellent Mamadou, Tarik, Jennifer, Laurent… Durant des années, ils ont effectué des missions d’intérim dans un somptueux hôtel parisien, situé à côté de l’Opéra Garnier, en étant privés d’une partie de la rémunération à laquelle ils avaient droit. Le préjudice qu’ils ont subi vient d’être réparé par une décision du conseil de prud’hommes de Paris. Rendu le 2 février, le jugement n’a été adressé aux intéressés qu’il y a quelques jours.

Le différend concerne 42 personnes, mises à disposition du Grand Hôtel Intercontinental de Paris, par leur employeur – en l’occurrence, la société de travail temporaire Adecco. La majorité de ces salariés ont effectué des vacations – très souvent journalières – comme chefs de rang et équipiers de banquets. Plusieurs d’entre eux sont des habitués des lieux, leurs premières collaborations remontant aux années 2000.

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Au fil du temps, ils se sont rendu compte qu’ils ne bénéficiaient pas de gratifications accordées aux personnels permanents de l’établissement : prime de charge lourde, treizième et quatorzième mois, prime d’assiduité… En outre, les frais de transport n’étaient pas remboursés aux intérimaires, même si Adecco facturait au Grand Hôtel l’indemnité qui leur était due. Dernière anomalie : ces 42 « abonnés » aux contrats courts ont acheté leurs chaussures de protection, alors que c’est la société de travail temporaire qui aurait dû leur en procurer une paire.

« Cette affaire a valeur de symbole »

Epaulés par la CGT, ils ont contacté un avocat et saisi le conseil de prud’hommes en juillet 2019. Cette juridiction vient donc de donner une suite favorable à une large partie de leurs demandes, au nom du principe d’égalité de traitement : comme l’indique la décision, « la rémunération de l’intérimaire ne peut être inférieure à celle que percevrait (…) un salarié de qualification équivalente occupant le même poste de travail » dans « l’entreprise utilisatrice » – le Grand Hôtel, en l’espèce.

Adecco est condamné à verser à chacun d’eux des sommes oscillant entre un peu plus de 1 750 euros et près de 9 000 euros.

Les juges prud’homaux ont, par ailleurs, estimé qu’il appartenait à Adecco « de fournir [des] chaussures de sécurité » aux 42 intérimaires et de payer à ces derniers une « indemnité de transport ». Au total, Adecco est condamné à verser à chacun d’eux des sommes oscillant entre un peu plus de 1 750 euros et près de 9 000 euros, auxquels s’ajoutent des intérêts et des frais de procédure. Dans ce montant global, 1 000 euros sont octroyés à titre de dommages et intérêts « pour non-respect des règles en matière d’égalité de traitement ».

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« Le point de non-retour de la crise climatique approche : il est temps d’agir pour les entreprises »

Tribune. Responsables et dirigeants d’entreprises ou d’institutions financières, chercheurs et professeurs d’université, nous saluons et encourageons les efforts déployés aux quatre coins du monde pour que le concept de développement durable soit intégré aux initiatives, aux codes et aux lois sur la gouvernance d’entreprise.

Nous sommes convaincus que la soutenabilité des entreprises, la finance soutenable, la raison d’être et la création de valeur sur le long terme passent d’abord par les conseils d’administration et les systèmes de gouvernance auxquels les entreprises sont assujetties.

Des associations d’administrateurs d’entreprise reconnaissent l’urgence climatique et la nécessité d’accélérer les progrès dans la mise en œuvre de l’accord de Paris et la réalisation des objectifs de développement durable. A cette fin, il est essentiel que les administrateurs s’orientent vers la création de valeur à long terme plutôt que vers la maximisation des profits à court terme.

Entraves

Des entreprises sont engagées pour sortir du paradigme de la valeur actionnariale et prendre pleinement en compte les enjeux de soutenabilité, garantir qu’aucune partie prenante ne soit gravement lésée. Bien que le droit accorde déjà aux membres du conseil d’administration une forte latitude pour prendre en compte ces enjeux dans l’entreprise, les schémas de gouvernance actuels les empêchent trop souvent de mettre en œuvre concrètement leurs intentions.

Des investisseurs soutiennent cette démarche, insistant pour que les entreprises intègrent les considérations environnementales, sociales et de bonne gouvernance dans leur gestion des risques.

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Mais tant que les schémas de gouvernance d’entreprise n’auront pas été réformés en ce sens, la réalisation des objectifs de soutenabilité sera entravée.

Le point de non-retour de la crise climatique approche : il est temps d’agir.

L’enjeu n’est pas simplement de doter les entreprises d’une « stratégie de développement durable » ou de publier des rapports de « responsabilité sociale et environnementale », mais de faire que les systèmes de gouvernance s’attachent avant tout à ce que les entreprises créent et préservent de la valeur pour elles-mêmes et leurs parties prenantes.

Cohérence

Nous exprimons notre soutien à la consultation lancée par la Commission européenne et à l’examen des propositions faites en matière de gouvernance d’entreprise durable, en particulier le rôle que doit exercer le conseil d’administration dans son contrôle, l’obligation de « diligence raisonnable » (due diligence) et la mise en cohérence de la rémunération des dirigeants et des cadres avec les objectifs de développement durable.

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Dans la Manche, une expérimentation pour aider les petits patrons à bénéficier de procédures de sauvetage

Pour un petit patron dont l’entreprise est en perdition, c’est un peu la quadrature du cercle. Comment avoir recours aux mandataires judiciaires, qui pourraient l’aider à redresser la barre et lui éviter peut-être le naufrage, quand il n’y a plus un sou dans la caisse ? C’est l’une des difficultés identifiées dans le rapport sur la justice économique rédigé par Georges Richelme, ancien président de la Conférence générale des juges consulaires de France, et remis le 19 février au garde des sceaux.

De très nombreuses entreprises – environ 6 000 par an, selon une estimation de la mission Richelme – « n’ont pas recours aux procédures amiables qui pourraient les protéger lorsque leur situation se dégrade », constate le rapport. En cause, le coût de ces procédures, qui peut atteindre plusieurs milliers d’euros. Résultat, lorsque l’entreprise arrive au tribunal de commerce, c’est souvent pour aller directement à la liquidation, sans bénéficier de procédures de prévention, type mandat ad hoc ou conciliation.

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Pour « ne pas abandonner de petites entreprises viables, mais non solvables en raison de la crise », le conseil général de la Manche a décidé d’aider les TPE du département à financer ces procédures, en particulier les honoraires des mandataires de justice. Un budget de 300 000 euros a été débloqué en ce sens. Les aides sont octroyées aux entreprises au cas par cas par l’intermédiaire du centre d’information sur la prévention des difficultés des entreprises (CIP) Ouest-Normandie.

« Parent pauvre »

Ces centres, créés en 1995, rassemblent des experts de l’entreprise (avocats, experts-comptables, anciens juges…) qui accompagnent bénévolement les patrons en difficulté. « La préoccupation de ce département plutôt rural est de voir disparaître tout un pan du tissu économique, constitué de toutes petites entreprises », explique Thierry de Robien, président du CIP Ouest-Normandie.

Depuis le lancement de l’initiative, six TPE en ont bénéficié : parmi elles, un commerce de chaussures, une entreprise spécialisée dans l’entretien des immeubles, une entreprise de sécurité… Le CIP finance entre 1 500 euros et 3 000 euros en fonction de l’effectif de l’entreprise. De son côté, le mandataire désigné par le tribunal s’engage à limiter ses honoraires à 500 euros s’il s’avère que la liquidation est la seule option possible.

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Cette expérimentation fera l’objet d’une évaluation au bout de quelques mois. Si elle s’avérait concluante, elle pourrait être étendue à d’autres régions. « Si cela marchait, ce serait une aide pour les toutes petites entreprises, qui sont le parent pauvre » de la justice économique, veut croire Thierry de Robien.

En Franche-Comté, la sauvegarde de l’ingénierie de l’énergie passera par un incubateur

Lors d’une manifestation contre le désengagement de General Electric, devant le site du groupe américain, à Belfort, le 24 octobre 2020.

Alors que General Electric (GE) se désengage progressivement des activités d’ingénierie systèmes et d’intégration, ces compétences à haute valeur ajoutée, qui concourent à la prospérité du nord de la Franche-Comté depuis des décennies, pourraient disparaître à jamais. Or le territoire ne veut pas laisser filer ce savoir-faire industriel. Pour le conserver, l’Association de préfiguration de sociétés d’intégration et ingénierie systèmes (Apsiis) a été créée par une dizaine de personnes aux profils hétéroclites : des membres de l’intersyndicale CFE-CGC/SUD de GE Belfort, l’un de ses anciens directeurs, des chefs de projets de l’agence économique régionale de Bourgogne-Franche-Comté et un consultant en innovation.

Cette escouade entend fédérer toutes les bonnes idées, évaluées au sein d’un comité consultatif et scientifique, pour identifier de nouveaux développements. Euro-CFD, une PME spécialisée dans la modélisation, le cabinet de conseil en technologie Altran, la société d’ingénierie Ekium ou l’université de technologie de Belfort-Montbéliard (UTBM) se sont très vite associés à sa démarche. La liste continue de s’étoffer.

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Apsiis n’aurait sans doute pas vu le jour sans la réduction de l’empreinte de GE, qui, après avoir réduit ses effectifs dans sa division gaz en 2019, continue de supprimer des postes. Mais le contexte mondial de la transition énergétique lui est favorable. Deux marchés porteurs sont ciblés : l’hydrogène et le nucléaire, qui évolue vers la conception et la fabrication de réacteurs de petites dimensions.

PME, coentreprises, partenariats…

« Ces marchés sont en quête de compétences d’intégration pour concevoir des centrales électriques clé en main de tous types », assure Philippe Petitcolin (CFE-CGC), l’une des chevilles ouvrières d’Apsiis. Cela passera par la création de PME et de coentreprises, par des partenariats entre des industriels venant de tous horizons, de France et de l’étranger. « Nous ne sommes pas en concurrence avec GE, nous aspirons à travailler avec lui », complète Alexis Sesmat (SUD), un autre artisan d’Apsiis.

A la fois incubateur, collectif de travail et plate-forme collaborative, cette association se donne de neuf à dix-huit mois pour effectuer un premier tour de table financier avec les projets les plus mûrs. Elle a d’ores et déjà déposé une demande de subvention auprès du fonds qui gère la pénalité de 50 millions d’euros versée par GE à la suite du non-respect de son engagement, pris lors du rachat de la branche énergie d’Alstom en 2014, de créer plusieurs centaines d’emplois à Belfort.

Egalité femmes-hommes : « Quand le juge consent à reconnaître le principe d’une discrimination, il réduit l’indemnité au minimum »

Nature morte sur le thème de la différence de salaires entre les hommes et les femmes.

Clara Gandin, avocate chez Boussard-Verrecchia et Associés, défend des femmes victimes de discrimination au travail.

Votre cabinet est spécialisé dans la défense des salariés discriminés, notamment des femmes. Quel est le thème majeur de discrimination dans vos dossiers ?

Le grand thème, c’est l’évolution de la carrière avec ses conséquences sur les rémunérations. Souvent, survient un événement après lequel la carrière décline. Par exemple, la maternité. Mais les femmes sans enfants sont aussi concernées, quand elles atteignent la trentaine, parce que l’entreprise s’attend à ce qu’elles fassent des enfants. Il y a une sorte d’anticipation de l’employeur pour qui les femmes seraient moins orientées vers leur carrière que les hommes.

Souvent, malgré une égalité apparente entre les femmes et les hommes, dans la majorité des entreprises, plus on s’élève dans la hiérarchie, plus l’écart de salaire est fort. De plus, si les écarts se réduisent, les femmes mettent davantage de temps au cours de leur carrière pour atteindre le même niveau de salaire et de responsabilités que les hommes.

Comment les juges accueillent-ils ces sujets sur l’inégalité ?

L’idée qu’il existe une discrimination systémique dans une entreprise, un ensemble de règles et de pratiques qui désavantagent les femmes, n’est pas encore reconnue, parce que l’on est dans des contentieux individuels. Les juges prennent rarement en compte les éléments collectifs que nous apportons comme étant un des éléments de preuve dans tel ou tel dossier.

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On s’appuie notamment sur les données du rapport annuel de situation comparée des conditions générales d’emploi et de formation des femmes et des hommes, qui est obligatoire dans les entreprises de plus de 50 salariés. Dans une décision du conseil des prud’hommes de Nanterre, par exemple, cet élément a été pris en compte. Il a été reconnu que la situation de la salariée illustrait ce contexte général. Mais c’est rare.

Quelle conséquence a cette non-prise en compte du contexte de discrimination dans une entreprise ?

Dans certains dossiers, le juge retient que toute comparaison entre salariés est impossible, parce que chacun a eu son propre parcours de carrière. Pourtant, pour prouver qu’une salariée a été discriminée, il faut pouvoir évaluer les postes que lui a proposés l’entreprise. Cela implique la comparaison de son parcours avec celui des hommes embauchés en même temps à un niveau similaire.

Si on refuse ce principe de comparaison à l’embauche, aucune réparation intégrale du préjudice n’est possible pour ces femmes aux carrières brisées. Et quand le juge consent à reconnaître le principe d’une discrimination, il réduit l’indemnité au minimum. Quant au préjudice moral pour une femme qui, pendant vingt ou trente ans, a vu tous ses collègues hommes évoluer plus qu’elle, ce qui lui a créé une souffrance, il n’est pas du tout indemnisé. Ce n’est pas dissuasif pour les entreprises, qui font, là, une économie sur le dos des femmes.

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Déjà en avance, la Finlande devrait pérenniser le télétravail après la crise du Covid-19

Siège de la société Fortum, à Espoo, en Finlande, le 18 août 2017.

Avant la pandémie de Covid-19, Johanna Holmström travaillait à la maison « un ou deux jours par mois au maximum ». Le 16 mars 2020, cette directrice financière d’une société immobilière suédoise en Finlande venait de se mettre en quarantaine, après une visite au siège social de son entreprise à Stockholm, quand le gouvernement, à Helsinki, a demandé aux Finlandais de travailler à distance. Depuis, elle n’est retournée que trois fois au bureau, « dont deux dimanches soir, pour faire des cartons, quand on a changé de locaux », précise-t-elle.

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Comme Johanna, un million au moins de salariés finlandais, soit la moitié d’entre eux, sont passés au télétravail au printemps 2020 : un des chiffres les plus élevés de l’Union européenne. Les économistes y voient une des raisons de la résilience de ce pays de 5,5 millions d’habitants face à la crise sanitaire. Non seulement la Finlande est l’Etat qui a enregistré le moins de contaminations en Europe proportionnellement à sa population, mais son PIB n’a reculé que de 3,2 % en 2020.

Près d’un an plus tard, pour Johanna, l’heure est au bilan : « Mes collègues me manquent un peu. On essaie de se voir de temps en temps. Mais ce n’est pas comme si nous étions très sociables en Finlande », plaisante-t-elle. Pour le reste, elle est agréablement surprise : « Je suis aussi efficace ou même plus qu’au bureau. Personne ne vient me déranger, et je peux m’organiser comme je veux. Parfois, je fais des réunions en me promenant dehors. »

Plus de cols blancs

Elle n’est pas la seule à avoir apprécié l’expérience. Selon une enquête réalisée par un groupe de chercheurs de différentes universités finlandaises auprès de 1 164 salariés, dont deux tiers ne travaillaient jamais ou rarement à la maison avant l’épidémie, 85 % étaient très satisfaits en mars 2020, et 86 % en octobre. « En général, les gens ont le sentiment d’avoir augmenté leur productivité, tout en améliorant l’équilibre travail-vie personnel », résume Kirsimarja Blomqvist, professeure de gestion des connaissances à l’université de technologie de Lappeenranta, dans le sud-est du pays.

« En général, les gens ont le sentiment d’avoir augmenté leur productivité, tout en améliorant l’équilibre travail-vie personnel », Kirsimarja Blomqvist, professeure de gestion des connaissances

Le pays avait déjà pris une longueur d’avance avant l’épidémie. En 2018, selon le centre national des statistiques, 28 % des Finlandais travaillaient déjà régulièrement à la maison (59 % pour les CSP +). Ils n’étaient pourtant que 4 % en 1997. Pour Matti Vartiainen, professeur de psychologie du travail et des organisations à l’université Aalto (Helsinki), « la crise économique du début des années 1990 et la déconstruction créatrice qu’elle a entraînée » sont en partie responsables. Les entreprises ont modifié leur organisation du travail. Nokia, en plus de faire office de moteur de l’économie finlandaise, « a créé une atmosphère propice à l’innovation et au développement technologique », constate M. Vartiainen.

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Journée internationale de lutte pour les droits des femmes : l’égalité économique au menu des députés LRM

A l’occasion de la journée internationale de lutte pour les droits des femmes, les députés La République en marche (LRM) ont déposé lundi 8 mars une proposition de loi visant à « accélérer l’égalité économique et professionnelle » entre les femmes et les hommes.

« L’argent des femmes a souvent été considéré comme un revenu d’appoint, parfois un argent de poche. Il faut que toutes les femmes, quel que soit leur parcours, qu’elles aient ou non des enfants, puissent bénéficier d’une autonomie financière et prétendre à une égalité économique avec les hommes », pour leur bénéfice, mais aussi celui « de la société », soutient la députée Marie-Pierre Rixain, présidente de la délégation aux droits des femmes à l’Assemblée, qui porte ce texte. Mme Rixain espère un examen du texte en mai pour une adoption avant la fin de l’année.

Dans ses premiers articles, la proposition de loi prévoit « l’obligation » de verser le salaire ou les prestations sociales sur un compte bancaire « dont le salarié est le détenteur ou le codétenteur ». Ce n’est que le 13 juillet 1965 que le Parlement a voté une loi autorisant les femmes à ouvrir un compte en banque à leur nom et à travailler sans le consentement de leur mari, rappelle la députée. Mais aujourd’hui encore, sur autorisation écrite, les revenus peuvent être versés sur le compte d’un tiers.

Le texte s’adresse aussi aux 85 % de femmes à la tête de familles monoparentales, pour qui la charge parentale est « décuplée », en permettant l’accès à des dispositifs de formation et en réservant des places en crèche pour ces familles bénéficiaires de l’allocation de soutien familial.

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« Lutter contre les biais de genre »

Le texte vise également à « lutter contre les biais de genre » dans les choix professionnels, alors que les femmes ne sont que 26 % en écoles d’ingénieur, en proposant de concevoir un « index de l’égalité » dans les établissements d’enseignement du supérieur et de favoriser la mixité des jurys. Il prévoit que les entreprises de plus de mille salariés publient chaque année une « photographie genrée » des 10 % de postes à plus haute responsabilité.

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Il entend aussi introduire des « objectifs de mixité » dans le soutien aux entreprises de la banque publique Bpifrance, alors que les femmes ont « 30 % de chances en moins » que les hommes d’obtenir des financements pour leur entreprise. Alors qu’Emmanuel Macron et la majorité entendent mettre l’accent sur le volet social qui doit rééquilibrer un quinquennat marqué par de grandes lois sécuritaires, Mme Rixain explique que ce texte s’inscrit « dans une logique d’égalité des chances et de justice économique ».

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Index égalité femmes-hommes : en progression, mais 53 entreprises épinglées trois ans de suite

De plus en plus d’entreprises respectent l’obligation de publier leur index d’égalité professionnelle femmes-hommes, créé en septembre 2018, selon le bilan publié lundi 8 mars par le ministère du travail, mais une cinquantaine d’entre elles obtiennent pour la troisième année de suite une très mauvaise note, qui les expose à des pénalités.

Cette note comprend cinq critères : l’écart de rémunération femmes-hommes (40 points), l’écart dans les augmentations annuelles (20 points), l’écart dans les promotions (15 points), les augmentations au retour de congé maternité (15 points) et enfin la présence de femmes parmi les plus gros salaires de l’entreprise (10 points).

Depuis 2019, les entreprises de plus de 250 salariés ont l’obligation de publier leur note globale sur 100. Pour les entreprises de 50 à 250 salariés, l’obligation date de mars 2020. Cette année, 70 % des entreprises de plus de 50 salariés ont publié leur note, contre 59 % l’année dernière. En dépit de la crise, « les entreprises sont au rendez-vous de l’index, signe que la démarche est rentrée dans les mœurs », se réjouit-on au ministère.

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Le Monde avec AFP