« Madame la ministre, allez-vous enfin saisir l’inspection du travail pour protéger ces travailleurs plutôt que les plates-formes ? », a lancé Olivier Jacquin, sénateur (groupe socialiste, écologiste et républicain, SER) de Meurthe-et-Moselle, à l’intention d’Elisabeth Borne, ministre du travail, le 10 mars, lors des questions au gouvernement. Depuis début 2020, l’Intersyndicale nationale VTC (INV), qui déclare rassembler 2 000 chauffeurs Uber, tente, en vain, d’obtenir un contrôle de l’inspection du travail dans cette plate-forme.
Cette dernière, estime l’INV, pratique du travail dissimulé en recourant à des autoentrepreneurs au lieu de salariés, et ne respecte pas les règles de santé et de sécurité au travail. Après une année 2019 où « trois chauffeurs, qui travaillaient dix à quinze heures par jour selon leurs épouses, sont morts subitement en rentrant chez eux », explique-t-il, Brahim Ben Ali, secrétaire général de l’INV, est très inquiet. En pleine crise sanitaire, et alors que la Cour de cassation a reconnu, le 4 mars 2020, que le statut d’autoentrepreneur d’un chauffeur VTC d’Uber était « fictif », il alerte par e-mail, le 5 juin, l’inspection du travail sur les problèmes de pénibilité et de santé au travail et sur l’existence de travail dissimulé.
La crise du Covid-19 ayant raréfié la clientèle des VTC, ils doivent travailler beaucoup plus pour espérer gagner de quoi vivre. « Enormément de nos collègues sont épuisés, s’alarme M. Ben Ali. Le compteur dans les véhicules limite les heures de conduite à dix heures par jour. Mais les chauffeurs restent connectés dans leurs voitures quinze ou seize heures pour ne pas rater de courses. Certains dorment même dedans ! »
« Décision implicite de rejet »
Il saisit donc officiellement l’inspection du travail pour qu’elle mène un contrôle. « Les services de l’inspection du travail n’ont pas compétence pour intervenir » car « les chauffeurs concernés n’ont pas le statut de salariés », lui est-il répondu dans un mail du 9 juin. Même une « mise en demeure hygiène et sécurité » pour faire cesser un danger, comme cela s’est fait chez Amazon en avril, est impossible. « Après échanges avec ma direction, cette mesure n’est pas envisageable, car les chauffeurs concernés n’ont pas le statut de salariés », écrit l’inspectrice saisie.
Jérôme Giusti, avocat au cabinet Metalaw, qui représente 167 chauffeurs Uber et l’INV, écrit alors à Elisabeth Borne, ministre du travail, le 27 octobre. Il estime que la réponse de l’inspectrice constitue « un raisonnement par l’absurde ». Certes, l’inspection du travail n’exerce en principe sa mission qu’à l’égard d’employeurs ayant des salariés. Mais en cas de soupçon de travail dissimulé, il en va autrement. Sinon, comment pourrait-elle remplir son rôle de contrôle du respect de la législation en matière de travail dissimulé ? Il demande donc à la ministre de diligenter un contrôle.
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