Archive dans mars 2021

Uber reconnaît aux chauffeurs britanniques un statut de travailleur salarié, une première

Des chauffeurs Uber du syndicat ADCU saluent la décision de la Cour suprême de les considérer comme des salariés, à Londres, le 19 février.

Est-ce le début d’une révolution dans le milieu des plateformes numériques au Royaume-Uni ? Uber va octroyer à ses chauffeurs britanniques le statut de travailleurs salariés, avec salaire minimum et congés payés. Il s’agit d’une première mondiale pour la société américaine et, a minima, un chamboulement de modèle.

Le géant américain de réservation de voitures annonce, dans un communiqué publié mardi 16 mars, que l’ensemble de ses plus de 70 000 chauffeurs dans le pays, qui étaient jusqu’à présent des travailleurs indépendants, bénéficieront de ces avantages dès mercredi.

La plateforme a agi rapidement après avoir lancé une vaste consultation auprès de ses chauffeurs et un mois tout juste après une retentissante défaite devant la Cour suprême. La plus haute juridiction britannique avait estimé, le 19 février, que les chauffeurs pouvaient être considérés comme des « travailleurs » et donc bénéficier de droits sociaux. La justice a donné raison à un groupe d’une vingtaine de chauffeurs qui estimaient avoir droit au statut de travailleur, compte tenu du temps passé connectés à l’application et du contrôle exercé par le groupe par exemple sur leur évaluation.

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Salaire minimum et congés payés

La loi britannique distingue le statut de travailleurs (« workers »), qui peut recevoir le salaire minimum et d’autres avantages, de celui de salariés au sens strict (« employees »), qui bénéficient d’un contrat de travail en bonne et due forme. Désormais, les chauffeurs Uber au Royaume-Uni toucheront au moins le salaire minimum, auront droit à des congés payés et pourront cotiser à un plan d’épargne-retraite, auquel contribuera la société.

Le salaire minimum est de 8,72 livres de l’heure au Royaume-Uni, et doit passer à 8,91 livres en avril. Un chauffeur Uber gagne plus que cette somme en moyenne, soit 17 livres à Londres et 14 livres dans le reste du pays.

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Uber explique que l’ensemble de ses conducteurs souhaitaient pouvoir bénéficier de ces avantages, tout en conservant de la flexibilité dans leurs conditions de travail. Ils auront toujours la possibilité de travailler avec Uber quand ils le veulent. Ces avantages s’ajoutent à ceux déjà existants, comme l’accès gratuit à des assurances maladie, ainsi qu’à des indemnisations pour des congés parentaux.

« C’est un jour important pour les chauffeurs au Royaume-Uni », assure Jamie Heywood, patron d’Uber pour l’Europe du Nord et de l’Est. « Uber n’est qu’une partie du secteur des réservations de voitures et nous espérons que d’autres opérateurs nous rejoindront pour améliorer les conditions de travail de ces travailleurs qui sont essentiels dans nos vies de tous les jours », selon lui.

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Conséquences sur les autres plateformes

Uber ne dévoile pas le coût de ces mesures, qui devrait être conséquent et peser un peu plus sur de fragiles finances d’une société pas encore rentable et dans une mauvaise passe avec les restrictions sanitaires. Le groupe devrait absorber une partie du coût car il peut difficilement augmenter ses tarifs, notamment à Londres où la concurrence est vive.

Mais en accordant le statut de travailleurs salariés, la société s’épargne de longues procédures judiciaires. Car la décision de la Cour suprême aurait pu permettre aux chauffeurs de se tourner vers la justice pour obtenir les droits qu’Uber vient de leur accorder.

Uber ne fait ce geste pour l’instant qu’au Royaume-Uni et va désormais regarder marché par marché comment il peut faire évoluer son modèle. Le directeur général, Dara Khosrowshahi, a proposé en février une série de propositions aux gouvernements et syndicats en Europe. L’objectif est de garantir une rémunération transparente et juste aux chauffeurs et de leur offrir plus d’avantages. Uber a pour projet de pouvoir répliquer en Europe ce qu’elle a proposé en Californie, à savoir des conducteurs indépendants mais qui reçoivent des compensations. En France, les chauffeurs sont des travailleurs indépendants, même si en 2020, la Cour de cassation a reconnu un ancien conducteur comme salarié.

Reste à savoir si l’annonce d’Uber pourrait avoir des conséquences sur les autres plateformes numériques au Royaume-Uni qui sont les symboles de la gig economy (économie des « petits boulots »), soit des emplois précaires et peu payés. Les livreurs de Deliveroo, application de livraison alimentaire, attendent, eux, la décision de la Cour d’appel de Londres pour savoir s’ils peuvent bénéficier d’une convention collective afin d’avoir de meilleures conditions de travail. En Espagne, le gouvernement a pris les devants en annonçant jeudi une modification de son code du travail qui considère désormais automatiquement comme salarié les livreurs à domicile de toutes les plateformes.

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Le Monde avec AFP

Covid-19 : pour les blouses blanches, « cela ressemble à un jour sans fin »

Lors de la première et de la deuxième vague épidémique, Le Monde a donné la parole à une vingtaine de soignants à travers la France, en première ligne contre le Covid-19. Dans un « Journal de crise des blouses blanches » ils nous ont raconté leur quotidien professionnel bouleversé. Après une année de crise sanitaire, nous avons demandé à quatre d’entre eux de revenir sur cette période si particulière.

  • « Je n’aurais jamais pensé vivre cela dans ma vie de médecin »

Damien Pollet, 59 ans, médecin généraliste à Salins-les-Bains (Jura)

Damien Pollet, médecin généraliste à Salins-les-Bains (Jura).

« Je me souviens que le 8 mars 2020, quand j’expliquais au directeur des Thermes de Salins et au maire qu’il fallait fermer l’établissement, personne ne me croyait, on me prenait pour un fou furieux ! Puis j’ai lancé un appel sur Facebook pour récupérer des masques, car j’étais catastrophé de voir, lors de visites dans des Ehpad, que le personnel n’en avait pas. Mais, le 21 mars, je suis tombé malade, gravement. Hospitalisé, j’ai subi le Covid de manière violente, cela m’a confirmé que c’était sérieux et que je ne souhaitais à personne de vivre la même chose. Je me disais : mais que nous arrive-t-il ?

Je n’aurais jamais pensé vivre cela dans ma vie de médecin. Cette expérience a été unique : en tant que généraliste, elle nous sort de notre zone de confort, réinterroge notre métier et tisse des liens très fort avec les patients. J’ai reçu des courriers très émouvants. Cette crise liée au Covid-19 oblige aussi à des collaborations extraordinaires. Dans ma région, le centre de vaccination a suscité un engagement très fort des communes, des pompiers, des infirmières, de l’administration publique… l’émulation est incroyable. Cela a été une année très riche en rencontres, réflexion, anticipation, adaptabilité. Il y a eu une telle solidarité que je garderai de cette crise, malgré tout, un souvenir ému.

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Je suis confiant face à l’avenir. Grâce à la vaccination, qui stoppera les formes graves et la mortalité, je crois à un renouveau fin avril-début mai. Au centre de vaccination, les gens repartent contents, parce qu’ils savent que cette petite injection va changer leur quotidien. Il y a quelques semaines, beaucoup disaient ne pas vouloir de “ce vaccin fait à la va-vite”, maintenant, ils le veulent tous ! »

  • « Ce travail en commun des soignants, il faut le chérir »

Julie Oudet, 39 ans, médecin urgentiste au SAMU de Toulouse (Haute-Garonne)

Julie Oudet, médecin urgentiste au SAMU de Toulouse.

« En médecine de catastrophe, j’avais été formée au pire des scénarios : une pandémie à virus respiratoire qui s’installe dans la durée, entraîne des conséquences lourdes et une méfiance face aux mesures prises. La crise sanitaire que nous vivons n’est pas différente de ce qu’on m’a appris.

Depuis un an, ce qui m’a le plus marquée est la mobilisation des soignants au sens large. En mars 2020, lors de la première vague, face aux milliers d’appels que l’on recevait au SAMU, nous avions créé une cellule de crise Covid avec un pool d’étudiants en santé. Ce sont ces mêmes jeunes qui, une année plus tard, ont répondu à nouveau à l’appel pour participer à la plate-forme départementale de vaccination. C’est une boucle incroyable ! Ces jeunes – mes pioupious, comme je les appelle – sont extra. La vaccination est un travail dantesque, une charge de travail démentielle, mais c’est ce qui nous sauvera – excusez-moi pour l’expression mais il n’y en a pas d’autres – de la merde. L’énergie, la niaque de ces jeunes pour faire au mieux à l’égard des patients, c’est ma drogue pour tenir car je trouve cela beau.

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Cette expérience du Covid-19 ne fait que conforter ma conviction que nous devons travailler tous ensemble, généralistes, infirmières libérales, urgentistes, réanimateurs, étudiants, etc. Ce travail en commun, ce respect mutuel, indispensable quand le système de soins est sursollicité, il faut le chérir.

Des soignants sont épuisés. On décompressera d’autant mieux qu’on aura, avec la vaccination, la satisfaction du travail accompli. Mon objectif est de parvenir à une situation de type Covid saisonnier, comme on a la grippe saisonnière. Ce Covid saisonnier ne sera pas grave parce qu’il ne dépassera pas la capacité du système de soins et sera donc gérable. »

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  • « On ne s’en sort pas, et cela arrive après un an de galère »

Thomas Gille, 39 ans, pneumologue à l’hôpital Avicenne, à Bobigny (Seine-Saint-Denis)

Thomas Gille, pneumologue à l’hôpital d’Avicenne, à Bobigny.

« Une pandémie, ce n’est pas de la science-fiction. Même si cela était assez loin de nos préoccupations, nous étions nombreux à savoir que ça pouvait arriver. De là à imaginer toutes les implications que ça aurait… La situation a été inédite et la réponse a été à la hauteur.

Au printemps, l’hôpital a fait du Covid à 90 %. Il a fallu que les gens acceptent d’aller travailler dans des unités qui n’étaient pas les leurs, avec d’autres collègues, bref, que tout le monde aille dans la même direction. Me revient en mémoire l’afflux de patients au plus fort de la première vague. Ils arrivaient en continu, jour et nuit. C’était du jamais-vu.

Dans les suivis post-Covid, on reçoit des patients avec des trajectoires de vie sinon brisées par la maladie, du moins très infléchies. Ils ont fait des formes sévères, voire très sévères, ont souvent une cicatrisation pulmonaire assez longue, heureusement, dans la grande majorité, ils ont tendance à s’améliorer spontanément. Une minorité a des séquelles importantes et permanentes. En revanche, ce qui est marquant, c’est la grande prévalence de syndromes de stress post-traumatique.

Depuis un an, les cellules de crise, qui réunissent des représentants des différents services hospitaliers ou administratifs, se sont pérennisées. Le dialogue est un peu plus ouvert que par le passé. Mais cela ressemble à un jour sans fin. Nous avons, ces derniers jours, les mêmes discussions que lors de la deuxième vague à l’automne. Les hospitalisations remontent, nous essayons de jongler pour avoir, d’un côté, assez de lits pour les malades du Covid-19 et, de l’autre, ne pas faire perdre de chances aux patients non-Covid. On ne s’en sort pas, et cela arrive après un an de galère, de fatigue…

En début d’année, quand les premiers vaccins sont arrivés, on s’est tous dit qu’il allait falloir tenir jusqu’à l’été et que ça allait le faire. On essaie toujours de se raccrocher à cette idée. Mais, en réalité, personne n’en sait rien. »

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  • « Un énorme travail sur les survivants nous attend »

Aurélie Frenay, 36 ans, psychologue en réanimation à l’hôpital Saint-Joseph Saint-Luc de Lyon et au Médipôle Lyon-Villeurbanne (Rhône)

Aurélie Frenay, psychologue en réanimation au centre hospitalier Saint-Joseph Saint-Luc à Lyon.

« La métaphore des vagues, on ne peut pas faire mieux pour dire ce que l’on vit. Cette année m’a appris à tenir bon au milieu d’un bain traumatique. Aujourd’hui, on attend la troisième vague qui n’arrive pas vraiment et en même temps, on se demande si la deuxième est terminée. Nous sommes dans une intensité qui dure et qui est devenue notre quotidien.

Contrairement au début de l’épidémie, les services doivent continuer à accueillir une réanimation classique en parallèle du Covid. Jongler entre les deux temporalités est difficile. Avec des patients là pour vingt-quatre à soixante-douze heures en risque vital immédiat et des malades du Covid-19 qui restent en général plusieurs semaines. Pour autant, la question d’un deuxième confinement strict n’est pas un sujet de discussion dans les services où je travaille. Ce n’est pas conscient, mais continuer à traiter la réanimation traumatique classique nous relie à la vie d’avant, celle qu’on espère voir revenir. Il y a de l’ambivalence. Les soignants sont épuisés mais s’accrochent à cette idée de retour à la normalité.

Dans les premières semaines du confinement, il y a eu de la sidération et la peur de l’inconnu. Mais nous avons été obligés de vivre et de travailler avec. On s’est adaptés et c’est le point positif. Il fallait continuer à fonctionner, créer de nouveaux liens avec les collègues, avec les patients, ou entre les familles et les patients. On s’est mis à utiliser les portables, les tablettes numériques. On a fait preuve de souplesse, de créativité… Cela modifie aujourd’hui nos manières de travailler, de nous réunir. Un an après, j’ai l’impression qu’on essaie de reprendre nos esprits. On remet en place ce qu’on faisait avant : des formations, des groupes de travail… On reprend la pensée. Le Covid avait phagocyté tout notre temps.

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Ce qui nous attend, aujourd’hui, c’est un énorme travail à faire sur les survivants, les Covid longs, mais aussi sur les étudiants, les personnes en suivi psychiatrique qui ont été très fragilisées dans cette période. Savoir que le monde entier est touché par la même chose s’est avéré plus inquiétant que rassurant. Cela a ajouté une dimension traumatique inédite. »

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La réouverture des bars et restaurants en France se fera en trois phases, sans aucun calendrier pour l’instant

Les bars et les restaurants sont fermés depuis la fin du mois d’octobre.

Quand peut-on espérer voir les cafés et les restaurants rouvrir ? On l’ignore encore. Le gouvernement a toutefois apporté une première réponse à la question du « comment » en évoquant un plan de réouverture en trois phases, lors d’une réunion le 5 mars avec les professionnels du secteur, ont rapporté l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie et le Groupement national des indépendants dans un communiqué publié mardi 16 mars. Ces phases seront d’une durée de quatre semaines chacune.

Les professionnels du secteur de la restauration, à l’arrêt depuis la fin du mois d’octobre, ont salué une réunion « permettant de faire un pas de plus vers la réouverture de [leurs] établissements », même si l’exécutif n’a pas donné « de dates précises pour le début de la première phase, précisant que la reprise d’activité était soumise à deux indicateurs, le nombre de cas de contaminations par jour et le nombre de personnes vaccinées ».

Notre infographie : Couvre-feu, confinement, commerces ou bars fermés… Combien de jours de restrictions depuis un an ?

Ce plan de réouverture sera accompagné « d’un maintien des aides des entreprises » et de l’application du protocole sanitaire de septembre « auquel viendra s’ajouter un dispositif de traçage de la clientèle au moyen d’un QR code à flasher à l’entrée dans l’établissement ».

Le dispositif de QR code sera facultatif, précise une source gouvernementale. Les établissements qui ne souhaitent pas l’adopter pourront tenir un « carnet de rappel » similaire à celui qui avait été mis en place à l’automne, jusqu’à la fermeture du 30 octobre.

  • Première phase

La première phase concernerait les restaurants d’hôtels et autoriserait leurs clients à prendre leur petit déjeuner dans la salle de restauration. Les organisations souhaiteraient que les hôtels puissent également servir leurs clients au déjeuner et au dîner, et que tous les cafés et restaurants puissent ouvrir leur terrasse durant cette première phase. Mais cette hypothèse n’a pas reçu, pour l’heure, de réponse favorable de la part du gouvernement.

  • Deuxième phase

La deuxième phase serait marquée par l’ouverture des terrasses des cafés et des restaurants ainsi que de l’intérieur de l’établissement dans la limite de 50 % de leur capacité d’accueil (y compris pour les restaurants d’hôtel).

  • Troisième phase

La dernière phase serait un retour à la situation d’octobre, avec une ouverture complète des établissements, sans jauge mais toujours dans le respect du protocole sanitaire renforcé.

Le plan élaboré avec les organisations représentatives doit maintenant être soumis au ministère de la santé puis à la cellule interministérielle de crise. Lors de cette réunion, Alain Griset, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, a rappelé qu’il travaillait à un « plan discothèques » pour la fin du mois de mars.

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Le Monde

Crise sociale : le gouvernement réactive la « prime Macron » de 1 000 euros pour tous les salariés

Jean Castex (centre), Bruno Le Maire (à droite) et Nicolas Revel, le directeur de cabinet du 1er ministre, lors de la troisième conférence sociale, le 15 mars.

Comment se projeter au-delà de l’épidémie de Covid-19 alors que des milliers d’entreprises sont aux abois depuis un an et que les hôpitaux craquent dans plusieurs régions, face à l’afflux de malades infectés par le coronavirus ? Il peut paraître « paradoxal » de vouloir songer à « la sortie de crise » dans un contexte aussi tendu, comme l’a admis, lundi 15 mars, Jean Castex. Mais le chef du gouvernement a tenu à se livrer à cet exercice de contorsionniste au cours d’une « conférence du dialogue social », la troisième depuis son entrée en fonctions.

Lors de ce rendez-vous en visioconférence, M. Castex, épaulé par les ministres du travail, Elisabeth Borne, et de l’économie, Bruno Le Maire, a discuté durant près de trois heures avec les responsables des principales organisations syndicales et patronales. L’occasion pour le locataire de l’hôtel de Matignon de vanter, à l’issue de la réunion, les vertus de ces temps d’échanges : ils constituent « un levier pour la préparation de l’avenir », a-t-il assuré.

Les sujets qui fâchent avaient été soigneusement évacués au préalable : la réforme des retraites n’était pas à l’ordre du jour et les annonces relatives à la transformation de l’assurance-chômage avaient été faites en amont, le 4 mars. Ce qui n’a pas empêché plusieurs leaders de confédérations de salariés d’interpeller M. Castex sur le sort infligé à des centaines de milliers de demandeurs d’emploi dont l’allocation mensuelle risque de baisser avec les changements introduits dans le régime d’indemnisation. « Je lui ai redemandé d’abandonner cette mauvaise idée », indique Yves Veyrier, le secrétaire général de FO.

La rencontre de lundi s’est traduite par des gestes concrets sur un thème que les centrales syndicales portent depuis des mois : celui de la « reconnaissance » envers les salariés dits de « la deuxième ligne » – caissières, éboueurs, aides à domicile, etc. « dont la présence au travail s’est avérée indispensable pour assurer la continuité économique du pays tout au long de la crise », comme l’a rappelé M. Castex.

Jusqu’à 2 000 euros

Si l’hypothèse d’une mesure spécifique à cette catégorie d’actifs a, un temps, été mise sur la table, l’exécutif l’a finalement écartée, au profit d’un dispositif déjà connu : la « prime exceptionnelle de pouvoir d’achat » (PEPA) ou « prime Macron » , qui avait été instaurée, fin 2018, en réponse au mouvement des « gilets jaunes ». Cette gratification, défiscalisée et exempte de cotisations sociales, est reconduite en 2021 pour tous les salariés, sous un certain niveau de rémunération. Laissée au libre choix de l’employeur, elle pourra aller jusqu’à 1 000 euros. Le mécanisme dévoilé lundi comporte une nouveauté, par rapport à sa version d’origine : la prime pourra atteindre 2 000 euros dans les entreprises et les branches « qui auront soit conclu un accord d’intéressement d’ici à la fin de l’année, soit ouvert une négociation sur la valorisation des métiers » de la deuxième ligne.

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Les entreprises peuvent-elles imposer la vaccination contre le Covid ?

« En l’état actuel du droit, l’anti-Covid-19 ne figure pas aux nombres des vaccins rendus obligatoires par le code de la santé publique. »

Question de droit social. La campagne de vaccination contre le Covid-19 s’accélère depuis l’autorisation du 25 février de vacciner en entreprise, pour les salariés de 50 à 64 ans présentant des comorbidités. A n’en pas douter, elle poursuit deux objectifs essentiels : protéger les salariés contre un risque professionnel et éviter la propagation du virus par une contamination des collègues.

Rappelons que, en application des dispositions de l’article L. 4121-1 du code travail, l’employeur doit « prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des salariés ». La vaccination constitue, à ce titre, une nouvelle arme de prévention pour l’entreprise. Pour autant, l’employeur peut-il l’imposer ? Dans le monde de l’entreprise, la vaccination suscite de nombreuses interrogations juridiques, éthiques, voire pratiques, quant à sa mise en œuvre.

En l’état actuel du droit, le vaccin contre le Covid-19 ne figure pas aux nombres des vaccins rendus obligatoires par le code de la santé publique. Seuls ceux contre l’hépatite B, la diphtérie, le tétanos, la poliomyélite et la grippe, pour les professionnels de santé qui exercent dans un établissement de prévention de soins ou hébergeant des personnes âgées, et celui contre la fièvre typhoïde pour les personnes travaillant dans un laboratoire de biologie médicale, sont obligatoires en application des dispositions du code de la santé publique (article L. 3111-4 du code de la santé publique).

Ni sanction ni licenciement

Par conséquent, en vertu de l’article R. 4426-6 du code du travail, la vaccination en entreprise ne peut qu’être recommandée par l’employeur sur proposition du médecin du travail.

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En pratique, l’employeur met en place une campagne d’information et de sensibilisation à la vaccination en concertation avec le médecin du travail. L’ordonnance n° 2020-1502 du 2 décembre 2020, adaptant les conditions d’exercice des missions des services de santé au travail à l’urgence sanitaire, a autorisé le médecin du travail à participer aux actions de vaccination définies par l’Etat, dans une démarche volontaire du salarié. Le médecin du travail doit recueillir son consentement éclairé et garantir la confidentialité vis-à-vis de l’employeur et le secret médical.

L’employeur ne peut ni sanctionner ni licencier un salarié qui refuserait la vaccination contre le Covid-19. Il ne peut pas davantage conditionner son retour dans les locaux de l’entreprise à ce préalable. A ce titre, la question de la vaccination obligatoire de l’ensemble des personnels soignants des hôpitaux et des Ephad ne fait pas l’unanimité du monde médical.

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« Il y a beaucoup de collègues que je n’ai jamais rencontrés » : en un an, il ne sont quasiment jamais revenus au bureau

Philippe Beaudoin, consultant de la société Dalibo, en télétravail depuis mars 2020, chez lui à Bois-Guillaume (Seine-Maritime), le 12 mars.

CONFINEMENT, UN AN APRÈS

« Je suis quasiment à 100 % en télétravail. Depuis six mois, j’ai dû me déplacer deux fois maximum. Le télétravail, ça ne marche pas si mal. Même pour les contacts avec la clientèle, on est en visioconférence », témoigne Philippe Beaudoin, 62 ans, consultant et commercial chez Dalibo, une PME de services informatiques.

Comme Philippe, un télétravailleur sur quatre ne ressent pas le besoin de retourner au bureau, comme l’a dévoilé une enquête réalisée début février par l’Observatoire de la digitalisation (créé par Sageus, Odoxa et BFM Business). Et près d’un sur dix n’en ressent pas du tout le besoin. Le télétravail étant possible pour 60 % des actifs, ce sont ainsi 15 % des actifs qui ne souhaiteraient pas revenir sur leur lieu de travail.

« Notre fonctionnement, chez Dalibo, est largement en télétravail, pour les consultants mais aussi pour les commerciaux. On a reçu la consigne de l’entreprise de limiter les déplacements par précaution sanitaire. Puis on a constaté un gain de temps et d’efficacité », raconte Philippe Beaudoin. Les salariés ont redécouvert leur autonomie d’organisation, leur équilibre de vie. D’aucuns préfèrent éviter les transports en temps de Covid-19. D’autres, enfin, n’ont tout simplement pas le choix.

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C’est le cas de Sébastien Mas (le nom a été changé à sa demande), 41 ans, cadre intermédiaire chez PSA en Ile-de-France. Dès mai 2020, le constructeur automobile a décrété que le travail à distance devenait la règle. « Sans ça, je serais peut-être à un jour et demi de télétravail par semaine. C’est plus flexible pour aller chercher les enfants à l’école et organiser le travail, mais le temps de transport a été remplacé par du travail et l’amplitude horaire est plus grande. De toute façon, on n’a pas le choix », affirme-t-il.

« Génération pyjama »

La désaffection pour le travail en présentiel varie selon les profils. Selon l’Observatoire de la digitalisation, les professions intermédiaires voient moins l’intérêt de revenir (37 %) que les cadres (18 %). « On retrouve la même différence par niveau de revenus et de diplôme. Plus il est bas, moins les salariés éprouvent le besoin de revenir », décrit Emile Leclerc, le directeur d’études d’Odoxa.

En revanche, il n’y a pas de différence entre les femmes et les hommes, ni entre les salariés du public et ceux du privé. Il n’existe pas non plus d’écart significatif selon les zones géographiques, mais l’opposition ville-campagne est claire : 37 % des ruraux n’expriment pas le besoin d’un retour au bureau, contre 25 % des urbains.

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Les entreprises pourront verser une prime défiscalisée de 1 000 euros pour « tous les salariés »

Les entreprises pourront de nouveau verser cette année une prime défiscalisée et exonérée de cotisations sociales de 1 000 euros pour « tous les salariés », a annoncé le premier ministre, Jean Castex, à l’issue de la troisième conférence du dialogue social, lundi 15 mars.

« Il sera possible d’en augmenter le montant jusqu’à 2 000 euros pour les entreprises et les branches qui auront soit conclu un accord d’intéressement d’ici à la fin de l’année, soit ouvert une négociation sur la valorisation des métiers » dits de « deuxième ligne », qui devront être les « bénéficiaires privilégiés » de cette prime, a ajouté M. Castex.

Le chef du gouvernement a également annoncé le maintien, jusqu’à la fin de l’année, des aides à l’apprentissage. Cette mesure représente un « effort budgétaire » de 2,4 milliards d’euros, a précisé Matignon à l’issue d’une réunion avec les partenaires sociaux en vidéoconférence. Enfin, la prime à l’embauche des jeunes sera prolongée jusqu’au 31 mai ; celle-ci sera recentrée en avril sur les salaires inférieurs à 1,6 smic.

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Le Monde avec AFP

Intelligence artificielle cherche cerveaux désespérément

« Pour attirer les rares spécialistes disponibles sur le marché, la France est confrontée à la concurrence des autres pays. »

Industrie, éducation, santé… en catimini, l’intelligence artificielle (souvent désignée par les lettres « IA ») a infiltré tous les pans de notre existence. Selon un rapport de la Commission européenne publié en juillet 2020, 42 % des entreprises utilisent des robots intelligents pour exploiter les quantités massives de données dont elles disposent.

« Les exemples sont nombreux, fait valoir Sacha Kalusevic, directeur senior chez Michael Page Technology. Au niveau de l’acheminement en eau, Suez a mis en place des capteurs qui permettent de détecter des fuites ou d’autres problèmes. Dans les déchetteries, ce sont les machines qui trient désormais la plupart des déchets plastiques. »

Dans le domaine de la santé, une machine sait analyser les images d’un scanner de manière beaucoup plus précise qu’un être humain. Sur les réseaux sociaux, des robots sont capables de faire de l’analyse sémantique des conversations pour trier ce qui se dit… La liste est encore longue.

Alors que la crise accélère la transformation numérique, les entreprises s’intéressent de près au potentiel énorme de croissance générée par l’intelligence artificielle. Mais la pénurie de profils hautement qualifiés dans ce domaine ralentit l’adoption de ces technologies. Ainsi, 57 % des entreprises interrogées dans le cadre de l’enquête commandée par la Commission européenne indiquent qu’elles sont freinées par la difficulté à recruter du personnel compétent.

Tarifs vertigineux

Le cabinet Michael Page Technology, qui vient de publier une étude sur le marché de l’IA et des besoins en compétences qui y sont liés, le constate régulièrement. « Les attentes sont très fortes sur les métiers purement techniques, au niveau de la programmation des machines », indique Sacha Kalusevic.

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La litanie des recruteurs sur la rareté des profils qualifiés dans le domaine des hautes technologies ne date pas d’hier : « La pénurie de développeurs était déjà très forte en France [avant le Covid], elle se renforce encore aujourd’hui », insiste le spécialiste. Les employeurs s’arrachent les cheveux pour tenter de débaucher les meilleurs candidats à des tarifs vertigineux : pour les spécialistes de la « data » ayant quelques années d’expérience, les salaires dépassent les 100 000 euros annuels, selon PageGroup.

En s’aggravant, cette pénurie de compétences risque de retarder la modernisation des entreprises françaises, estime Sacha Kalusevic. Et le spécialiste de citer l’étude de la Commission européenne, selon laquelle le taux d’adoption de l’IA par les entreprises en France est de 36 %, contre 42 % en Europe en moyenne.

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Les raisons de l’éviction d’Emmanuel Faber, ex-PDG de Danone

Emmanuel Faber, à Paris, le 26 février 2020.

Nouveau coup de tonnerre au cœur d’un capitalisme français décidément très chahuté. Le conseil d’administration de Danone a mis fin dimanche 14 mars au soir aux fonctions d’Emmanuel Faber. Le PDG était dans le viseur de certains actionnaires qui le jugeaient responsable des mauvaises performances du géant agroalimentaire face à ses concurrents comme Nestlé ou Unilever. Gilles Schnepp, ancien patron de Legrand, entré en décembre au conseil du propriétaire d’Evian et Actimel, prend la présidence. En attendant le recrutement d’un directeur général, un tandem formé par Véronique Penchienati-Bosetta, directrice générale internationale, et Shane Grant, directeur général Amérique du Nord, assure l’intérim.

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« Danone a mandaté un cabinet de recrutement international pour mener à bien cette recherche. Gilles Schnepp et le comité de gouvernance superviseront ce processus afin de s’assurer qu’un dirigeant d’envergure internationale soit nommé », a précisé le groupe dans un communiqué lundi.

Tensions exacerbées

Cette éviction met fin à des mois de contestations révélées au grand jour en septembre 2020 avec les départs successifs de deux membres de l’état-major de Danone. En novembre, le fonds londonien Bluebell Capital avait écrit au conseil d’administration pour demander la dissociation des fonctions entre président et directeur général. Une exigence reprise en février par Artisan Partners, une société de gestion américaine, se présentant comme le troisième actionnaire du français, avec 3 % du capital.

« Les changements annoncés par Danone violent les plus basiques des standards de gouvernance d’entreprise », estime le fonds d’investissement Artisan Parners

Dans une vidéo diffusée en interne début mars, M. Faber dénonçait « des attaques inacceptables d’activistes ». Mais, ces derniers jours, les tensions s’étaient exacerbées entre lui et une partie grandissante de son « board », qui s’inquiétait de son leadership de plus en plus solitaire et autoritaire. A partir de vendredi, le conseil d’administration s’est réuni plusieurs fois, avec ou sans M. Faber, pour sortir de cette crise délétère pour Danone.

Dans un premier temps, le 1er mars, les administrateurs du groupe, très divisés eux-mêmes, avaient choisi un compromis. M. Faber avait promis d’abandonner son poste de directeur général pour devenir président, une fois une pointure recrutée à la tête de Danone. Très vite, toutefois, cette solution était apparue comme trop bancale.

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