Archive dans février 2021

Pour les futurs cuisiniers, un apprentissage entravé par la crise liée au Covid-19

Dans les cuisines de l'école Médéric à Paris.

Le Prout Prout a fermé ses portes : les clients qui se pressaient pour savourer la ganache chocolat noir, caramel et sable cacao devront patienter. Chez Michel, un autre restaurant de la rue Médéric, à Paris, est aussi fermé, tout comme son voisin, L’Improviste, dont la cuisine est à l’arrêt. Il suffit pourtant de traverser la rue pour entendre chanter des cuissons, humer les parfums des choux à la crème, chaudement sortis du four. Là, des dizaines de jeunes gens toqués s’activent autour des pianos du Centre de formation aux métiers de l’hôtellerie et de la restauration de l’école Médéric. Malgré la pandémie, la transmission des savoir-faire des métiers de la cuisine se poursuit.

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A la rentrée de septembre 2020, alors que le premier confinement ne semblait qu’un mauvais souvenir, les restaurants tournaient à plein. Les jeunes apprentis en formation avaient, pour la plupart, trouvé un employeur pour l’année. Les patrons de restaurant ont d’autant moins douté de l’opportunité d’embaucher un jeune que le gouvernement, dans son plan d’aide à l’apprentissage publié dans un décret du 24 août 2020, leur accorde une aide substantielle : 5 000 euros pour un apprenti mineur, 8 000 euros s’il a plus de 18 ans.

Apprentissage… du chômage partiel

« La demande en apprentis a été sécurisée par cette prime d’Etat aux restaurateurs », reconnaît Ismaël Menault. « Cela a été un levier extraordinaire », abonde Jean-François Tostivint, directeur de l’école Médéric. Dans le secteur hôtellerie-restauration, 26 575 contrats d’apprentissage ont été signés en 2020 selon le ministère. La mesure, qui devait initialement prendre fin le 28 février, a été prolongée d’un mois.

« Nous devons être vigilants pour éviter une lassitude de nos élèves et un lent décrochage » Jean-François Tostivint, directeur de l’école Médéric

Mais alors que les restaurants sont fermés partout en France depuis le 30 octobre 2020, le temps d’apprentissage a été court pour les 45 000 jeunes qui suivent une formation par alternance. A l’école Méderic, les élèves en bac pro ou en BTS alternent normalement deux semaines à l’école et deux semaines en entreprise. « Ils y ont donc très peu mis les pieds », résume Ismaël Menault. Pour beaucoup de jeunes, cette année scolaire a été l’apprentissage… du chômage partiel. « Nous devons être vigilants pour éviter une lassitude de nos élèves et un lent décrochage », souligne Jean-François Tostivint. Quand un jeune « s’essouffle, on le fait revenir pour plus de présentiel », poursuit Ismaël Menault, le directeur de l’Ecole de Paris des métiers de la table (EMPT).

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Baisse du niveau en maths : « La formation des enseignants est au centre des préoccupations, mais son contenu ne fait pas consensus »

Ce texte paraît dans « Le Monde de l’éducation ». Si vous êtes abonné au Monde, vous pouvez vous inscrire à cette lettre hebdomadaire en suivant ce lien.

Tribune. Deux enquêtes publiées en 2020 ont vivement alerté sur la baisse du niveau des élèves français en mathématiques. L’enquête internationale Timms (pour « Trends in International Mathematics and Science Study ») révèle une baisse de celui-ci dès le primaire et classe nos élèves de 4e au 17e rang sur vingt pays comparables. Depuis la première enquête Timms de 1995, le score moyen des collégiens français a significativement baissé : les élèves de 4e de 2019 obtiennent des résultats équivalents à ceux des élèves de 5e de 1995.

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L’autre enquête, celle du dispositif Cedre (pour « cycle des évaluations disciplinaires réalisées sur échantillon »), est interne à l’éducation nationale et a concerné les élèves de 3e en 2019. Elle confirme la baisse du niveau, révélant notamment que, depuis 2008, la proportion de bons élèves dans l’échantillon a régressé de 29 % à 22 %, tandis que celle des élèves faibles a augmenté de 15 % à 25 %.

« Contenu de la formation relativement flou »

La première explication de cette régression concerne, selon les experts, la formation des enseignants, particulièrement à l’école primaire. Plus de 80 % des professeurs des écoles ont suivi des études littéraires ou de sciences sociales et n’ont donc plus fait de maths depuis la fin du lycée lorsqu’ils entrent en formation.

Ils auraient donc besoin d’une formation conséquente, mais il semble que ce ne soit pas le cas. En 2015, une conférence de consensus sur l’enseignement des maths dans le primaire organisée par le Centre national d’étude des systèmes scolaires et l’Institut français de l’éducation avait conclu que « le contenu de la formation des enseignants est relativement flou, il n’y a pas de référence à des contenus précis ».

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La principale raison de cette insuffisance tient à la lourdeur du cursus des instituts nationaux supérieurs du professorat et de l’éducation (Inspé, ex-IUFM) : en deux ans, les futurs professeurs doivent rédiger un mémoire de master, préparer un concours sélectif et enseigner en seconde année à mi-temps dans un établissement.

Ce cumul rend les conditions actuelles d’entrée dans le métier particulièrement difficiles. Confirmant ce constat, le rapport rédigé en février 2018 par Cédric Villani et l’inspecteur général de mathématiques Charles Torossian (« 21 mesures pour l’enseignement des mathématiques ») insistait sur la nécessité d’améliorer la formation initiale et continue des enseignants.

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Les couturières de masques anti-Covid ont le « sentiment d’être oubliées, après avoir été exploitées »

Tribune. Le 21 janvier, le gouvernement annonçait par décret la préconisation de ne plus porter de masques « artisanaux ». Ces mêmes masques qui ont souvent été confectionnés pendant des mois par nous, couturières bénévoles. Ces masques pour lesquels le gouvernement lui-même nous a massivement mobilisées pour sauver des vies. Nous, couturières professionnelles et amateures, sommes abattues devant une telle décision.

Si nous ne contestons pas la validité de cette décision sanitaire, nous refusons d’être à nouveau ignorées. Cette décision contribue à accentuer encore la situation dans laquelle nous nous trouvons et elle nous frappe d’autant plus cruellement que notre travail n’était pas rétribué lorsque nous étions encore autorisées, voire appelées, à coudre.

Solidarité

Rappelons-nous la stupeur dans laquelle nous étions toutes et tous plongés au mois de mars 2020. Le virus est là, nous perdons nos proches, nous applaudissons les soignants à défaut de pouvoir les aider. L’Etat révèle ses failles structurelles : pas de masques, pas de blouses, manque d’équipement et de médicaments.

Nous demandons que notre travail soit rétribué et que le cadre dans lequel nous exerçons soit renforcé en termes de droits

Le souffle de solidarité part alors du bas : parmi d’autres, nous, les couturières, pallions les manquements de l’Etat et nous mobilisons massivement pour équiper les personnels soignants ou infirmiers, ceux des caisses de supermarchés, les commerçants, les proches, les personnes fragiles…

Armées de nos tissus, de nos machines et de notre savoir-faire, nous aidons, sans compter notre investissement. Professionnelles, amateures, retraitées, intermittentes, sans-papiers, détenues, nous cousons les protections de celles et ceux qui combattent en première ligne sur le front de l’épidémie.

La stupeur laisse ensuite place à l’organisation : de nombreuses entreprises, avec l’aide du gouvernement, reconvertissent leurs chaînes de production pour la confection de masques et de blouses. Il faut produire vite, beaucoup et à moindre coût : pour cela, la nouvelle niche des bénévoles est sollicitée par certaines de ces entreprises. Dans l’engrenage du passage à l’échelle industrielle, les masques sont parfois vendus à prix coûtant. Tous les maillons de la production sont payés… sauf les couturières extérieures aux entreprises et travaillant pour elles en sous-traitance.

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Les entreprises se reposent alors sur tous les chaînons de solidarité pour donner l’illusion de relancer une industrie locale piétinée depuis des années au profit de la « fast fashion » et des délocalisations. Elles proposeront par la suite des contrats d’insertion et des contrats aidés mais sans qualification, car faire des masques, coudre, n’est apparemment pas un métier valorisable.

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Un engouement inédit pour l’apprentissage en 2020

Record battu et de loin. En 2020, le nombre de contrats d’apprentissage signés dans le secteur privé a atteint 495 000, soit un accroissement de 40 % par rapport à 2019. En tenant compte des embauches réalisées sous ce statut par des employeurs publics, la barre des 500 000 a été dépassée. Il s’agit d’un « résultat historique », s’est réjouie la ministre du travail, Elisabeth Borne, en dévoilant ces données quasi définitives, vendredi 5 février.

La tendance était déjà orientée – légèrement – à la hausse, à la fin du quinquennat de François Hollande. Elle s’est amplifiée, de façon spectaculaire durant les deux dernières années, illustrant un engouement inédit pour cette filière fondée sur des allers-retours entre séjours en entreprise et cours dispensés dans des centres de formation pour apprentis (CFA).

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D’après le ministère du travail, les contrats d’apprentissage conclus en 2020 l’ont été dans des sociétés de moins de 50 salariés dans deux cas sur trois. Le commerce de détail est le premier secteur à avoir enrôlé ce type de main-d’œuvre, devant le bâtiment et les travaux publics et les industries alimentaires. La dynamique est tirée par les diplômés du supérieur, mais la part des jeunes ayant le niveau du bac ou un niveau de diplôme inférieur progresse aussi un peu, selon Mme Borne.

Vases communicants

Plusieurs facteurs sont à l’origine d’un tel succès. Il y a, tout d’abord, l’instauration, en 2020, d’aides exceptionnelles (de 5 000 ou 8 000 euros, selon les situations) pour les patrons qui embauchent un apprenti. La loi « avenir professionnel » de septembre 2018 a, elle aussi, joué un rôle, en libéralisant le système et en retirant, au passage, des pouvoirs aux conseils régionaux : désormais, l’ouverture d’un CFA n’est plus soumise à une autorisation administrative et les entreprises peuvent créer ce type d’établissement, si elles veulent inculquer à des travailleurs les compétences qu’elles recherchent.

Enfin, comme l’a reconnu Mme Borne dans un entretien aux Echos, l’envolée des contrats d’apprentissage résulte, en partie, « d’un transfert de 80 000 contrats de professionnalisation » – une autre voie de formation qui s’appuie, elle aussi, sur l’alternance entre enseignements et immersions professionnelles. Ce jeu de vases communicants entre les deux dispositifs tient au fait que le premier est devenu plus attractif que le second, du point de vue de l’employeur, depuis la réforme de 2018.

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La « génération Covid », stoppée dans son envol, entre angoisse et résilience

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Publié aujourd’hui à 02h57, mis à jour à 09h28

Il a attendu la fin de la rencontre pour confier son mal-être : « En fait, cette période, je la vis très mal. » D’autant plus mal qu’il se sait « chanceux » : Boran Yildiz, 20 ans, ne fait pas partie de la cohorte d’étudiants privés de cours, enfermés entre quatre murs devant leur écran d’ordinateur, croisant les doigts à chaque prise de parole politique en espérant que soient annoncés sinon un retour à la « vie d’avant » du moins une reprise de la « vie d’étudiant ».

Etudiant, il l’est, en deuxième année de BTS informatique, mais, à la différence de ses camarades à l’université qui ont « basculé » dans l’enseignement à distance, lui, qui suit ses cours dans un lycée de Champigny (Val-de-Marne), continue de venir en classe chaque jour. Son rythme s’est même accéléré : « A cause de la crise sanitaire, on a beaucoup de retard sur le programme, explique-t-il. On n’a pas le temps de respirer. »

Boran Yildiz, au lycée Langevin-Wallon, à Champigny-sur-Marne (Val-de-Marne), le 3 février.

Il ne s’en plaint pas : les cours sont devenus la « dernière chose » à laquelle il peut « [se] raccrocher ». Sa vie sociale est à l’image de sa pratique sportive, « à l’arrêt ». En guise d’échappatoire, ce fils d’un câbleur de fibre optique et d’une coiffeuse se contente du trajet en bus qui sépare le lycée de son appartement. Une heure de transport, de la musique dans les oreilles et le regard rivé à la fenêtre, il peut être « dans sa bulle ».

« Vivoter »

Pour Lola et Tom, 19 et 20 ans, la « bulle » qu’ils espéraient former en s’installant ensemble, à Floirac (Gironde), près de Bordeaux, a viré au « huis clos ». « On a l’impression d’avoir 45 ans », glissent-ils à l’unisson. Les deux amoureux ont fait une croix sur leurs projets de séjours à l’étranger – ils rêvaient de pays anglophones – pour une « vie d’adulte », en autarcie. « Travailler, rentrer, manger, regarder la télé : ça sera notre vie peut-être dans quinze ou vingt ans. Mais aujourd’hui ? Etre ensemble, c’est ce qu’on souhaitait, mais H24… », souffle Lola.

Tom, 19 ans, dans son appartement à Floirac (Gironde), le 4 février.

Et c’est presque moins dur pour elle, inscrite en BTS de commerce international, que pour lui, qui a quitté Lyon cet été, diplômé du bac, pour la rejoindre dans cette petite ville de 17 000 habitants. Sans amis. Peu de perspectives, sinon celle de passer, à un moment ou à un autre, le concours de surveillant pénitentiaire. Et même plus de petit boulot : celui de vendeur dans un magasin de baskets qu’il avait décroché a tourné court, avec la fermeture du centre commercial où l’enseigne est implantée. Depuis, le jeune couple vivote, du chômage partiel de Tom et des bourses de Lola.

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« La réglementation de la durée du travail salarié est incompatible avec la nature des activités des plates-formes »

Tribune. La plate-forme de livraison de repas Just Eat a annoncé le 31 janvier son intention de recruter 4 500 livreurs en CDI, dont certains aux 35 heures hebdomadaires. Voilà qui semble conforter l’opinion de certains commentateurs qui, comme la sociologue Dominique Méda dans une chronique, « Un détricotage du salariat s’opère de toutes parts »,publiée dans « Le Monde » du 25 janvier, appellent de leurs vœux une généralisation du statut de salarié pour les travailleurs des plates-formes numériques, le mieux à même selon eux de garantir cohérence juridique et justice sociale.

Si l’évolution préconisée vers le salariat, le cas échéant par l’intermédiaire d’un tiers employeur comme le propose le rapport Frouin (« Réguler les plates-formes numériques de travail », remis le 1er décembre 2020), est cohérente avec l’état actuel du droit, elle risque cependant de se heurter à un obstacle souvent passé sous silence : l’inadéquation de la réglementation actuelle de la durée du travail salarié avec la nature même des activités concernées.

En effet, si Just Eat peut sans doute se caler sur des plages horaires de travail relativement prévisibles, correspondant aux heures de repas, tel n’est pas le cas de la plupart des plates-formes collaboratives, notamment des VTC ou des livreurs de produits non alimentaires. Force est en effet de constater, pour les praticiens du droit social que nous sommes, que la rigidité de certaines règles actuelles de droit du travail constitue un frein au développement du salariat dans ce secteur d’activité et qu’un excès de protection, ou plus exactement une protection inadaptée, risque de pénaliser l’atteinte de l’objectif.

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Des mesures législatives pour adapter les règles du travail

Les plates-formes de services ont vocation à mettre instantanément en relation les fournisseurs d’un service avec les demandeurs de ce même service, ce qui nécessite d’adapter en temps réel la quantité de travail correspondante. Or notre réglementation de la durée du travail impose de prévoir précisément la durée du travail et sa répartition, en particulier dans le cas du temps partiel, dont les variations sont strictement encadrées.

Le régime du forfait annuel en jours, plus souple, se heurterait quant à lui à l’imprévisibilité du nombre exact de jours travaillés par an ainsi qu’à l’insuffisante autonomie dont disposent les travailleurs des plates-formes dans l’exécution du service. Ainsi, le recours par les plates-formes de services à des travailleurs salariés, que ce soit ou non par un tiers, conduirait inévitablement à des violations répétées de la réglementation de la durée du travail, exposant l’employeur à des sanctions civiles, administratives ou pénales significatives.

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Covid-19 : les grands gagnants de « l’économie du confinement »

Non, le nouveau coronavirus n’a pas tout asséché ni appauvri. La crise économique est sans nul doute planétaire et historique. L’économie française a plongé de 8,3 % en 2020, selon l’Insee. De surcroît, la récession a détruit 255 millions d’emplois dans le monde, d’après l’Organisation internationale du travail. Le marché de l’automobile est exsangue, et accuse un recul de 15 % aux Etats-Unis et de 25,5 % en France. Les avions sont immobilisés au sol, les salles de restaurant et de cinéma, vides.

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Toutefois, l’année 2020 aura aussi été celle d’une boulimie de dépenses de loisirs numériques et d’une fièvre acheteuse en ligne, à la suite de profonds « changements de modes de consommation », observe Simon Borel, chargé de recherches à l’ObSoCo, société d’études et de conseil en stratégie. Cela tient d’abord aux modes de vie casaniers, à cette injonction de rester à la maison, dans ce « refuge » qui préserve et protège. « L’ultime champ de repli » où nos concitoyens « ont pu agir », relève le sociologue.

Le domicile est devenu un bureau, une école, un gymnase, une salle de cinéma, mais aussi un restaurant ouvert matin, midi et soir. Partout, le télétravail a dopé les ventes d’ordinateurs (+ 4,8 % en 2020, soit la plus forte croissance annuelle depuis dix ans dans le monde) et asséché les stocks de fauteuils de bureau chez Ikea.

Les hypermarchés ont été pris d’assaut. Cela a été « une année exceptionnelle », marquée par « une accélération inédite », reconnaît Didier Duhaupand, président du groupement Les Mousquetaires, à la tête d’Intermarché. Dans l’Hexagone, la vente de produits de grande consommation a progressé de 7,7 %, selon Kantar Worldpanel. Du jamais-vu.

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Car la crise a mis hommes et femmes aux fourneaux. Ils ont confectionné des gâteaux et des pains (+ 57 % pour les ventes de levure), à l’aide d’un robot flambant neuf (+ 34 % pour les ventes de modèles multifonctions), et investi dans une boîte Pyrex (+ 30 %) pour transporter leur « gamelle » au bureau. Privés de salles de spectacles, les ménages se sont rabattus sur les téléviseurs. Des grands formats, surtout. Aux Etats-Unis, leurs ventes ont bondi de 19 %.

Le désœuvrement a aussi été le meilleur ami des éditeurs de bande dessinée (+ 9 % en France), de puzzles (+ 63 % entre janvier et novembre 2020 dans l’Hexagone), des fabricants de skateboard (+ 31 % aux Etats-Unis) et de consoles de jeux. Entre avril et décembre 2020, Nintendo a écoulé 24,1 millions de sa Switch et 31 millions d’exemplaires du jeu Animal Crossing : New Horizons, exutoire favori de nombreux confinés.

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Au Royaume-Uni, les professeurs de yoga se syndicalisent

Lors d’un cours de yoga, à Londres, le 25 juillet.

Les professeurs de yoga britanniques ont décidé de lutter contre l’extrême flexibilité. Jeudi 4 février, ils ont créé une branche au syndicat Independent Workers’Union of Great Britain (IGWG). Il s’agit d’une première au Royaume-Uni, et de seulement la seconde section syndicale de ce type au monde, après Unionize Yoga, à New York.

Pour la plupart au chômage technique à cause du Covid-19, mais ne bénéficiant pas du chômage partiel, faute de contrat de travail, les professeurs de yoga souffrent actuellement d’une forte précarité. Leur métier est symbolique du statut de ces nouveaux autoentrepreneurs, qui n’ont presque aucun filet social. Seuls 4 % d’entre eux sont officiellement des employés, selon une étude réalisée par cette nouvelle branche syndicale, et 19 % bénéficient d’un contrat écrit sous une forme ou une autre. En moyenne, 60 % d’entre eux gagnent moins de 11 euros de l’heure.

Laura Hancock, 38 ans, professeure de yoga à Oxford, dans le centre de l’Angleterre, qui préside cette nouvelle branche syndicale, a tenté, en 2018, de se rebeller contre le centre qui faisait appel à ses services. « Je n’avais pas de contrat, tout était fait à l’oral. A un moment donné, ils ne m’ont pas payé pendant sept semaines. Quand j’ai protesté, ils m’ont déclaré que ce n’était pas la peine de revenir. C’est là que je me suis dit qu’il fallait qu’on s’organise. »

Payés en bons d’achat

Simran Uppal a tenté de vivre du yoga, sa passion. « Je faisais des journées qui pouvaient durer jusqu’à seize heures, en comptant les déplacements. Mais cela me permettait à peine de payer mon loyer. » Après des mois à ce rythme, il a fini par craquer physiquement, ce qui lui a valu des mois d’interruption. « Quand on travaille pour une salle de sport, il faut préparer la pièce où on enseigne, essayer de recruter des élèves, ranger les équipements… Une heure de cours prend généralement deux heures, mais on est payé seulement une heure. » Dans le pire des cas, Mme Hancock évoque des professeurs de yoga payés en bons d’achat pour des vêtements de sport.

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Depuis la pandémie de Covid-19, elle bénéficie de l’aide versée aux autoentrepreneurs, qui s’élève à 70 % des revenus moyens des trois années précédentes. Mais M. Uppal, 25 ans, n’y a pas droit, parce qu’il n’est pas à son compte depuis les trois ans requis. « On n’est pas des bonzes protégés par un ashram [un monastère indien] », s’insurge-t-il.