Archive dans 2020

« Le commerce de rue pourrait servir de remède à l’augmentation du chômage »

«  Au cours des dernières semaines, plusieurs municipalités chinoises ont assoupli leurs règles. Fruits, chaussettes et raviolis sont réapparus sur les trottoirs » (Vendeur de rue à Pékin, le 5 juin).

Chronique. Après les avoir chassés des grandes villes, la Chine fait la promotion des vendeurs de rue. Fin mai, le premier ministre chinois Li Keqiang les a qualifiés de « force vitale pour l’économie chinoise », ajoutant qu’ils étaient aussi importants que les boutiques de luxe.

Il a donné l’exemple d’une ville de l’ouest du pays, sans donner son nom, qui aurait créé en quelques jours 100 000 emplois en autorisant l’activité de 36 000 vendeurs de rue. Au cours des dernières semaines, plusieurs municipalités chinoises ont assoupli leurs règles. Fruits, chaussettes et raviolis sont réapparus sur les trottoirs.

En ces temps de crise, les autorités prennent conscience que le commerce à la sauvette, accusé de tous les maux il y a encore quelques années, pourrait servir de remède à la hausse du chômage. Celui-ci augmente dangereusement en Chine, et aurait même atteint, selon certains économistes, 20 % de la population active. Les chômeurs – surtout les migrants – qui ne trouvent pas de travail et ne peuvent pas compter sur l’aide de l’Etat ont au moins la possibilité de gagner de quoi vivre en devenant autoentrepreneurs de rue.

Pas besoin de diplôme

Cela s’est déjà vu pendant la crise financière asiatique, en 1997. Pour vendre des pacotilles, pas besoin de diplôme, encore moins d’un grand capital, il suffit d’investir un bout de trottoir avec quelques marchandises. Pendant le confinement en Inde, les propriétaires des magasins fermés se sont ainsi mis à vendre des fruits et légumes sur le bitume. D’autres faisaient le tour des quartiers avec des paquets de cigarettes cachés sous le siège de leurs scooters. Le commerce de rue est l’assurance-chômage des pauvres.

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Sans ces vendeurs à la sauvette, une bonne partie des populations pauvres des grandes villes ne pourrait pas survivre. Car ce qu’ils vendent sur leurs étals de fortune coûte moins cher que ce que l’on trouve dans les magasins climatisés ou les restaurants. A Bangkok, par exemple, ils sont les seuls à offrir des petites rations à ceux qui n’ont ni l’argent ni les réfrigérateurs pour conserver les aliments plusieurs jours. Ils garantissent donc la sécurité alimentaire des plus vulnérables.

« Pendant le confinement, les autorités de certains pays se sont rendu compte que les vendeurs de rue étaient indispensables, explique Caroline Skinner, responsable des études urbaines chez Wiego, une ONG de défense des travailleurs du secteur informel basée en Afrique du Sud, mais aucun pays n’a encore soutenu explicitement les vendeurs de rue comme la Chine vient de le faire. »

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« Face à la crise durable qui s’annonce, acceptons de payer nos salariés tous les quinze jours »

Tribune. Beaucoup d’entreprises ont souffert pendant la pandémie. Leur écosystème de fournisseurs, de partenaires et de clients était à l’arrêt forcé. Les consommateurs n’allaient plus dans les magasins et, malgré ses performances, l’e-commerce n’a compensé qu’une partie de ce manque à vendre. Pour toute l’économie, il est indispensable que la consommation reparte et, si possible, bien sûr, la consommation de produits français au service de l’emploi en France.

Les entreprises auront un rôle majeur à jouer et elles ont l’opportunité de faire des gestes pour soutenir la consommation. Peuvent-elles augmenter les salaires ? Pour la plupart d’entre elles, la réponse est malheureusement évidente. C’est non. La crise qui commence va mettre les entreprises sous une terrible pression financière et l’explosion attendue du chômage va au contraire tirer les salaires à la baisse.

Et pourtant, les entreprises peuvent faire un geste simple. Comment ? En consolidant dans le temps le pouvoir d’achat de leurs salariés. Aujourd’hui, en France, tous les salariés consentent une avance de trésorerie à leur entreprise. Le salarié, qui est payé uniquement à la fin du mois de travail, fait crédit d’une partie de son salaire pendant quatre semaines à son entreprise. Il travaille pendant un mois et n’est payé qu’à la fin du mois. Alors que, dans toute une partie de l’économie, les travailleurs, les artisans par exemple, sont payés à chaque fois qu’ils travaillent.

Coupons la poire en deux. Face à la crise durable qui s’annonce, soyons des dirigeants activistes, acceptons, dans les entreprises qui peuvent se le permettre, de payer nos salariés tous les quinze jours. Et, pour commencer, concentrons cette initiative sur tous les salaires inférieurs à trois fois le smic brut, car c’est dans cette catégorie de revenus que les salaires sont les plus « consommés ». La pression se relâchera sur les trésoreries individuelles. Les frais ponctionnés par les banques – environ 4 milliards d’euros par an – serviront à autre chose et pourront aussi être réinjectés dans la consommation.

Fragilité chronique

N’oublions pas que le salarié modeste, celui dont la rémunération est proche du smic, vit une fragilité chronique qui peut basculer à tout moment dans la précarité. Etre payé plus souvent, c’est être mieux en mesure de limiter la ponction bancaire liée aux découverts bancaires. Environ 20 % des familles françaises ont chaque mois des comptes courants dans le rouge avec, à la clé, des découverts dont les intérêts dépassent parfois 15 %. Il existe là d’immenses réserves de pouvoir d’achat.

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Jeunes diplômés : en temps de crise, vaut-il mieux poursuivre ses études ?

« En plus d’allonger la durée d’accès au premier emploi, une mauvaise conjoncture réduit la chance d’avoir un CDI et baisse le niveau du salaire d’embauche. »

Un taux de chômage qui atteint des records, des offres d’emploi à destination des bac +5 en net recul… Les prochains mois risquent de laisser sur le carreau nombre de nouveaux arrivants sur le marché du travail. De quoi hésiter à quitter le monde des études pour se lancer dans celui de la vie active.

« On a été inondés de coups de téléphones de jeunes inquiets », constate Valérie Delflandre, conseillère d’orientation au sein du Centre d’information et de documentation jeunesse (CIDJ). Selon un sondage mené par l’Institut français d’opinion publique (IFOP) du 6 au 14 mai auprès d’un échantillon de 250 lycéens et 752 étudiants, 43 % déclarent ne pas être sereins quant à leur avenir professionnel. D’autant que les fins de cursus ont été chaotiques pour nombre d’étudiants, qui ont vu leur séjour à l’étranger ou leur stage de fin d’année ajournés pour cause de crise du Covid-19.

Ces expériences représentent pourtant un premier pas décisif dans le monde professionnel. « On a eu par exemple le cas d’une jeune diplômée d’école d’ingénieur, qui avait dû finir son stage de fin année en télétravail, se souvient Valérie Delflandre. Cette jeune femme ne se sentait pas suffisamment à l’aise au niveau du management pour se lancer dès maintenant dans la vie active. Elle s’est donc mise à la recherche d’une formation complémentaire ».

Pour ne pas lâcher des jeunes insuffisamment formés dans la nature, certains établissements ont pris les devants, en assouplissant les possibilités de redoublement en première année de master ou en offrant la possibilité d’effectuer la deuxième année en deux ans. Mais ce n’est pas le cas de tous.

Un retard impossible à rattraper

Pourtant, de l’avis de Frédéric Di Loreto, directeur adjoint de la Mission locale de Chambéry, enchaîner sur une formation complémentaire non prévue au départ s’avère judicieux dans le contexte économique actuel : « En juin, tous les jeunes qui auront obtenu leur diplôme vont se retrouver sur le marché du travail sans perspectives réelles, alerte-t-il. Pour ceux qui en ont les moyens, j’aurais fortement tendance à leur conseiller de réinvestir le champ du cursus scolaire au moins une année supplémentaire, afin de monter en qualification ».

Une étude de l’Insee alerte d’ailleurs sur les conséquences durables de l’arrivée sur le marché du travail en période de crise : en plus d’allonger la durée d’accès au premier emploi, une mauvaise conjoncture réduit la chance d’avoir un CDI et baisse le niveau du salaire d’embauche.

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A la faveur de la crise, la réforme de la santé au travail relancée

A l’étude depuis un peu plus de deux ans et demi mais sans cesse différée, la réforme de la santé au travail entre, peut-être, dans une phase décisive. Lundi 15 juin, les partenaires sociaux ouvrent sur cette thématique une négociation, qui est suivie de près par l’exécutif et par sa majorité parlementaire. Si les syndicats et le patronat parviennent à conclure un accord, il pourrait être repris dans une proposition de loi, que les députés La République en marche (LRM) veulent examiner en première lecture d’ici à la fin de l’année.

Dans ce dossier, les organisations d’employeurs et de salariés ont leur mot à dire, notamment parce qu’elles pilotent les services de santé au travail interentreprises (SSTI) – un acteur-clé dans le dispositif avec près de 4 500 médecins chargés du suivi de quelque 16 millions de personnes employées dans le privé. Le gouvernement, de son côté, entend améliorer un système qu’il juge peu lisible, insuffisamment tourné vers la prévention et difficile d’accès pour les sociétés de petite taille. Dans cette optique, Matignon avait demandé, en janvier 2018, à trois personnalités – parmi lesquelles la députée macroniste Charlotte Lecocq (Nord) – de formuler des propositions, qui furent rendues publiques fin août 2018.

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Depuis, le chantier n’a guère avancé, car la méfiance règne parmi les parties en présence. Les partenaires sociaux ont reproché, à maintes reprises, au pouvoir en place de vouloir légiférer sans vraiment tenir compte de leur avis. Mais eux-mêmes ont toutes les peines du monde à parler d’une même voix : en juillet 2019, ils avaient mis fin à un cycle de réunions étalées sur quatre mois, sous l’égide de l’Etat, sans dégager de texte commun – les syndicats accusant le patronat de se montrer inflexible sur « la question du financement des [SSTI] ». Une critique qui renvoie à la mainmise exercée sur ces services par les organisations d’employeurs – le Medef, pour l’essentiel.

Services au ralenti pendant la crise

Malgré leurs désaccords, les protagonistes ont convenu qu’il fallait négocier. Le lancement des tractations, lundi, intervient un mois après la publication dans Le Journal du dimanche d’une tribune en faveur d’une « grande réforme de la santé au travail », signée par 158 députés LRM et apparentés – dont Mme Lecocq, plus que jamais en première ligne sur le dossier. La démarche des parlementaires macronistes « n’est sans doute pas étrangère au fait que le Medef ait relancé les discussions », commente Catherine Pinchaut (CFDT) : « Il voit avec horreur l’idée que le gouvernement et sa majorité soient seuls à la manœuvre. »

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Les soignants mettent la pression sur le gouvernement

Des membres du personnel hospitalier manifestent devant l’hôpital Robert-Debré, à Paris, le 4 juin.

Les personnels hospitaliers sont de retour dans la rue. Salués comme des « héros en blouse blanche » par le chef de l’Etat pendant la crise du Covid, applaudis tous les soirs à 20 heures par une partie de la population pendant le confinement, les soignants entendent rappeler au gouvernement la promesse d’un « plan massif » en faveur de l’hôpital public, annoncé le 25 mars, à Mulhouse (Haut-Rhin), par Emmanuel Macron.

Organisée à l’appel de plusieurs syndicats et collectifs de soignants, dont la CGT, FO, SUD et l’UNSA, cette nouvelle journée de mobilisation doit prendre la forme d’un rassemblement « avec masques et distanciation », mardi 16 juin, à 13 heures, avenue de Ségur à Paris, à proximité du ministère de la santé. Des actions sont également prévues devant des hôpitaux, des agences régionales de santé (ARS) et des mairies dans tout le pays. Les Français sont invités à apporter leur soutien au mouvement en se mettant à leurs fenêtres à 20 heures.

« Soignants désabusés »

Si la date du 16 juin avait été fixée avant l’organisation par le gouvernement du « Ségur de la santé » visant à « refonder » en sept semaines le système de soins, la journée vise désormais à exercer une « forte pression » avant la conclusion de cette concertation. L’annonce des décisions issues de ce Ségur sont attendues au cours de la première quinzaine de juillet, avant la cérémonie du 14-Juillet au cours de laquelle Emmanuel Macron souhaite rendre un « hommage » aux personnels soignants place de la Concorde.

Le président de la République a de nouveau promis, dans son discours du 14 juin, « une relance par la santé », avec un Ségur « qui non seulement revalorisera les personnels soignants mais permettra de transformer l’hôpital comme la médecine de ville, par des investissements nouveaux et une organisation plus efficace et préventive ».

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Echaudés par les différents plans « santé » présentés depuis le début du quinquennat, médecins et paramédicaux se montrent globalement méfiants sur l’issue des discussions. « A l’hôpital, ce qu’on entend actuellement, ce sont des soignants désabusés, décrit Agnès Hartemann, diabétologue à l’hôpital parisien de la Pitié-Salpêtrière (AP-HP) et membre du Collectif inter-hôpitaux (CIH). Ils ont beaucoup donné pendant la crise, ils sont fatigués, cela fait plus d’un an qu’ils se mobilisent… Les soignants sont en perte de confiance, ils n’y croient plus beaucoup. » Pour la professeure de médecine, cette journée est d’autant plus nécessaire :

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Aide à domicile : « les caractéristiques de ces emplois font qu’ils ne sont pas à temps partiel mais plutôt payés à temps partiel »

Tribune. Les aides à domicile appartiennent à la profession la plus dynamique de ce début de siècle, voyant ses effectifs quasiment doubler entre 2003 et 2018 : elles sont passées de moins de 350 000 à près de 600 000. La crise sanitaire a souligné leur rôle majeur dans l’accompagnement des personnes vulnérables, mais aussi la fragilité des conditions d’emplois qui caractérisent encore et toujours nombre d’entre elles.

Le manque de reconnaissance qu’elles continuent de subir est particulièrement visible lorsque le gouvernement invite les collectivités locales à verser à ces travailleuses et à ces travailleurs, dont on peine curieusement encore à reconnaître leur appartenance au monde du soin ou, au minimum du « prendre soin », une prime de 1 000 euros sans pour autant en prévoir le financement.

Appels inopérants

Malgré un effort constant et soutenu en termes de production de rapports, les pouvoirs publics continuent de promouvoir, par les modalités de solvabilisation des besoins d’accompagnement des personnes âgées, la fixation de salaires pour les aides à domicile à un niveau très faible.

En effet, la politique de lutte contre la perte d’autonomie repose essentiellement sur le versement d’une allocation aux personnes âgées (APA ou allocation personnalisée d’autonomie) calculée en fonction de leur degré d’autonomie et variable selon leur revenu.

Cette allocation consiste à attribuer une somme permettant « d’acheter » un certain nombre d’heures. La valorisation d’une heure obéit à des règles complexes et variables selon les départements mais, le dispositif aboutit de fait à un « tarif APA » par département, qui constitue en quelque sorte la référence au prix d’une heure d’aide à domicile.

La proposition d’un « tarif socle national » à la suite du rapport Libault confirme cette vision. Or les montants actuellement en vigueur dans la plupart des départements (tout comme le tarif national envisagé) dépassent rarement 21 euros alors même que toutes les études de coûts l’évaluent autour d’un minimum de 26 euros… dans des conditions restrictives ! L’écart est alors souvent payé par les aides à domicile elles-mêmes. A ce niveau les appels à une montée en qualification ou une amélioration des conditions d’emplois des salariés sont inopérants.

Epuisement

Car quel est le nœud du problème ? La profession d’aide à domicile est portée par des emplois dont la durée moyenne est de 25 heures par semaine… mais où le travail commence bien souvent à 7 heures – ou plus tôt – et ne s’arrête qu’à 19 heures, 20 heures, voire au-delà ; où l’emprise du travail sur la semaine dépasse nettement les 35 heures, et où les inaptitudes, les accidents du travail, sont à un niveau plus élevé que la plupart des autres professions. La prévalence des situations d’épuisement des salariés montre combien la dite « ressource humaine » est consommée « à taux plein ».

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La région parisienne menacée d’une nouvelle désindustrialisation

Des ouvriers de Renault manifestent contre la fermeture du site du constructeur automobile, le 29 mai à Choisy-le-Roi (Val-de-Marne).

Est-ce le début d’une nouvelle vague ? La question tourmente les syndicalistes, les élus, les chefs d’entreprise d’Ile-de-France depuis que Renault a confirmé, le 29 mai, son intention de fermer son usine de Choisy-le-Roi (Val-de-Marne), et d’arrêter l’assemblage de voitures sur son site historique de Flins (Yvelines), où travaillent encore 4 000 personnes.

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Après des décennies de déclin, la région parisienne avait enfin stoppé depuis deux ans la chute de l’emploi industriel. Or la crise économique actuelle ne peut qu’enrayer cette amélioration. Pire, au-delà d’un trou d’air ponctuel, elle pourrait annoncer une nouvelle désindustrialisation de la première région économique française. Exactement l’inverse de la relocalisation des productions prônée par beaucoup depuis l’épidémie de Covid-19.

« Une situation de dépendance »

« Oui, le risque est là, les entreprises utilisant l’alibi de la crise sanitaire », s’alarme Didier Guillaume, le maire communiste de Choisy-le-Roi. « Avec des annonces comme celles de Renault, on peut assister à une désindustrialisation progressive du bassin d’emploi », s’inquiète également Jean François Mbaye, député (La République en marche) du Val-de-Marne.

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Au même moment que le plan d’économie de Renault, un autre dossier a avivé les craintes, celui de Sanofi. Le groupe pharmaceutique avait annoncé, en juillet 2019, sa volonté d’abandonner son centre de recherche d’Alfortville (Val-de-Marne). Ces dernières semaines, plusieurs élus ont tenté de remettre en cause la décision, en tirant les leçons de la crise sanitaire. La multiplication de ce type de mesures « met la France dans une situation de dépendance vis-à-vis des autres pays », a plaidé la sénatrice communiste du Val-de-Marne Laurence Cohen.

Aux yeux des responsables politiques, l’urgence consiste au contraire à « réarmer » la filière de la santé, en ouvrant des sites comme l’usine de masques chirurgicaux montée en quelques semaines par un homme d’affaires chinois au Blanc-Mesnil (Seine-Saint-Denis). Un discours sans effet. Sanofi l’a confirmé : d’ici la fin de l’année, Alfortville aura fermé ses portes.

Autre sujet d’interrogation, l’aéronautique, une des principales industries d’Ile-de-France. Frappé de plein fouet par l’arrêt brutal du trafic aérien, le secteur doit bénéficier d’une aide massive de l’Etat. Cela suffira-t-il à empêcher licenciements et restructurations ?

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Globalement, « la crise sanitaire va probablement alourdir les pertes d’emplois » en Ile-de-France, « alors que le secteur était à peine entré dans une phase plus favorable depuis mi-2018 », anticipent les experts de la chambre de commerce et d’industrie.

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Testings de CV et formation d’agents immobiliers pour éviter les discriminations au quotidien

Dans une agence Pôle emploi, le 9 juin.

« Il faut lutter contre les discriminations au quotidien », exhorte le ministre de la ville, Julien Denormandie, qui annonce dimanche 14 juin dans Le Parisien de nouveaux « testings » dans les entreprises afin de déceler des discriminations, au lendemain de manifestations contre les violences policières et le racisme à travers la France.

Le testing consiste à envoyer pour la même offre d’emploi deux CV identiques avec comme uniques différences l’origine du candidat et/ou une adresse dans un quartier populaire. Une expérience organisée par le gouvernement a permis « d’épingler sept entreprises sur les 40 testées ».

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Une formation contre la discrimination tous les trois ans

Julien Denormandie annonce également l’arrivée prochaine d’un décret obligeant « toutes les agences immobilières et les associations professionnelles à suivre une formation de lutte contre les discriminations » tous les trois ans, et le renforcement des capacités d’évaluation du CSA pour mesurer la diversité dans les médias.

Le ministre de la ville prône aussi la suppression du mot « race » du préambule de la Constitution, qui stipule que « tout être humain, sans distinction de race, de religion ni de croyance, possède des droits inaliénables et sacrés ».

Dimanche matin, dans Le JDD, un autre ministre, Gabriel Attal, s’inquiète de « forces funestes » qui chercheraient à prospérer sur le ressentiment de la jeunesse pour « imposer une lutte des races ». Le secrétaire d’Etat à la jeunesse appelle, par ailleurs, à « un effort collectif pour sauver les plus jeunes » face à la crise économique, et précise que la pérennisation de la réserve civique mise en place pendant la crise sanitaire pourrait être une piste.

Le Monde

« Comment vont s’organiser les télétravailleurs pour assurer la fonction sociale que jouait auparavant la cafétéria d’entreprise ? »

Tribune. Dans la foulée du confinement, Mark Zuckerberg s’est adressé, jeudi 21 mai, aux employés de Facebook dans une conférence retransmise en ligne pour annoncer que la moitié des employés du groupe pourraient travailler de chez eux d’ici cinq à dix ans, Facebook voulant devenir « l’entreprise la plus en avancée du monde sur le télétravail ». Mark Zuckerberg parlait ici de travail à distance à plein temps, sans poste de travail attribué dans les locaux de l’entreprise, et pas d’un mélange entre activité au bureau et à la maison.

La différence essentielle entre le télétravail intégralement effectué à domicile et le travail avec présence, même partielle, au bureau, à l’usine, au magasin, c’est la « cafétéria ». Définissons la cafétéria comme un lieu où se produisent de façon aléatoire des rencontres physiques et des échanges d’informations entre individus, qu’ils appartiennent à la même entreprise ou aux autres entreprises logées dans les mêmes bâtiments.

Rencontres physiques et aléatoires

Les restaurants, machines à café, photocopieuses, bibliothèques et salles de sport des campus universitaires en sont des exemples. La cafétéria se distingue donc radicalement de n’importe quel groupe de discussion numérique par le fait que, premièrement, les rencontres y sont physiques et que l’information échangée est ainsi beaucoup plus riche que dans une vidéoconférence, et, deuxièmement, que ces rencontres sont aléatoires, non programmées, de durée maîtrisable et permettent de rencontrer des gens à qui on n’aurait jamais pensé envoyer un texto.

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La cafétéria a ainsi deux fonctions différentes.

La première est de favoriser des échanges d’informations riches et non planifiées entre employés de la même entreprise. Les exemples abondent pour illustrer que cela encourage la créativité des employés, fait surgir des idées nouvelles et par conséquent améliore la performance de l’entreprise.

La seconde fonction de la cafétéria est d’être un lieu de socialisation plus générale, favorisant amitiés, aventures sentimentales, discussions et débats de toute sorte, donc la satisfaction de besoins relationnels essentiels, mais sans rapports directs avec l’entreprise.

Personne en effet ne peut survivre en passant toute sa vie devant un écran.

La question engendrée par le télétravail à domicile devient donc de savoir comment vont s’organiser les individus pour assurer la fonction sociale que jouait auparavant la cafétéria d’entreprise ?

Créativité « détournée »

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« On est traités comme des animaux » : à Beaucaire, les saisonniers étrangers, entre conditions de vie difficiles et crainte du coronavirus

Suite à un signalement de l'ARS PACA relatif à des cas de Covid-19 sur des travailleurs saisonniers, des dépistages sont réalisées à la halle des sports (gymnase Angelo Parisi - avenue Jean Bouin à Beaucaire)
Beaucoup de travailleurs agricole sont originaires d'Amérique latine, une grosse communauté est sédentarisée a Beaucaire Des agents expliquent les gestes barrières

ARNOLD JEROCKI / DIVERGENCE POUR « LE MONDE »

Par

Publié le 13 juin 2020 à 20h55, mis à jour à 09h51

Dans la longue file d’attente qui s’étend devant le gymnase de Beaucaire (Gard) transformé en centre de dépistage, les accents de Colombie et de l’Equateur se mêlent à ceux, plus hachés, des membres de la Croix-Rouge. Un homme s’inquiète auprès de son voisin, en espagnol : « Est-ce qu’il faut une carte Vitale ? Parce que je n’en ai pas. »

Sur ces terres fertiles, limitrophes des Bouches-du-Rhône et proches du Vaucluse, beaucoup d’ouvriers agricoles, provenant majoritairement d’Amérique du Sud et transitant par l’Espagne, arrivent tous les ans par bus entiers au printemps. Très dépendants de cette main-d’œuvre, d’autant plus en période de crise sanitaire, les agriculteurs membres de la Fédération des syndicats d’exploitants agricoles des Bouches-du-Rhône avaient manifesté le 20 mai à Arles et Aix pour s’assurer de leur venue. Alors, à la réouverture des frontières, ils sont arrivés. Avec, a priori, plusieurs cas de Covid-19 à bord.

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A quelques kilomètres de Beaucaire, de l’autre côté du Rhône, plusieurs foyers du virus sont apparus début juin. Une trentaine de cas ont été découverts dans un camping de travailleurs installé au milieu des champs à Noves et chez un producteur de fraises à Maillane, au nord des Bouches-du-Rhône. Une opération de dépistage a depuis été lancée. Les derniers bilans attestent 158 cas dans le département, 53 autres dans le Gard et 39 autres dans le Vaucluse. Des chiffres qui devraient augmenter au début de la semaine du 16 juin.

Dépistage de travailleurs étrangers, le 10 juin à Beaucaire (Gard).

Dans le complexe sportif, jeudi 11 juin, on s’active. Des entraîneurs de football, des professeurs et même une boulangère se sont proposés pour faire office de traducteurs, rassurer les parents inquiets et répondre aux questions. Pour faire venir au gymnase les saisonniers étrangers, qui sont parfois en situation irrégulière et ne parlent pour la plupart pas le français, l’agence régionale de santé (ARS) a dû innover. En utilisant, par exemple, les réseaux paroissiaux : David Flores, le prêtre équatorien de la ville, a fait circuler le message quotidiennement à ses fidèles par la messagerie WhatsApp.

« Bouche-à-oreille »

Les communiqués annonçant les dépistages gratuits pendant trois jours ont été traduits en espagnol et placardés sur les épiceries latinos du centre-ville. « On compte beaucoup sur le bouche-à-oreille pour rassurer les gens qui auraient peur de venir », explique Claude Rols, délégué de l’ARS dans le Gard.

Pour l’ARS, qui, face à ce genre de situation, met en place un dispositif de traçage des contacts permettant d’enquêter sur les déplacements et les échanges entre individus, la tâche s’annonce ardue. Car ces ouvriers agricoles, souvent accueillis dans des chambres ou des mobile-homes collectifs, travaillent sur plusieurs lieux à la fois. Les risques de contamination deviennent donc importants au gré des déplacements, souvent effectués dans des véhicules collectifs. « Sans compter que tous les magasins latinos sont à Beaucaire », explique Angel (certains prénoms ont été modifiés), 48 ans. L’Equatorien, qui ramasse les abricots en ce moment, l’assure : « Tout le monde se retrouve là-bas le week-end. »

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