Archive dans 2020

L’Unédic anticipe la destruction de 900 000 emplois salariés fin 2020 par rapport à fin 2019

L’Unédic, qui gère le régime d’assurance-chômage, anticipe la destruction de 900 000 emplois fin 2020 par rapport au quatrième trimestre 2019. Cela entraînerait l’indemnisation de 630 000 demandeurs d’emplois supplémentaires, a fait savoir, jeudi 18 juin, l’association paritaire dans un communiqué.

Selon ses prévisions, l’Unédic enregistrera un déficit de 25,7 milliards d’euros à la fin 2020, d’une « ampleur inédite ». Avant la crise du Covid-19, en février, l’Unédic tablait sur un déficit de 0,9 milliard et un retour à l’excédent à partir de 2021.

Pour la fin de l’année, l’Unédic anticipe également une dette de 63,1 milliards d’euros, liée pour moitié au financement du dispositif de chômage partiel, pour 29 % à l’augmentation des dépenses d’allocations-chômage et pour 19 % aux reports de cotisations.

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L’Unédic finance le tiers du dispositif d’activité partielle, le reste étant assumé par l’Etat. La dette avait déjà grimpé de 36,8 milliards fin décembre 2019 à 42,6 milliards au 23 avril, en raison du recours massif au chômage partiel depuis le confinement à la mi-mars. Depuis cette date, le solde de l’assurance-chômage s’est dégradé de 11,5 milliards d’euros. Pour se financer, l’Unédic a dû procéder à deux émissions d’obligations sociales à moyen terme, qui lui ont permis de lever « 8 milliards d’euros ».

Une hausse de 43 % des dépenses d’assurance-chômage

En 2020, les dépenses d’assurance-chômage progresseraient de 17,7 milliards d’euros, et « avoisineraient 59 milliards », une hausse de 43 % par rapport à 2019. Les recettes, issues des cotisations sociales, seraient, elles, en baisse de 16 % par rapport à 2019, à 33 milliards d’euros.

« L’assurance-chômage est traditionnellement quatre fois plus impactée dans ses finances par une crise que d’autres régimes de protection sociale, qui ne sont affectés que sur le volet recettes », rappelle l’organisme. « La question de la soutenabilité de la dette à moyen et long terme et de sa structure doit se poser, tout comme la pérennité et le fonctionnement de ce dispositif [de chômage partiel] qui ne dispose pas de recettes. Il appartient aux partenaires sociaux et au gouvernement de se prononcer », a estimé Eric Le Jaouen, président de l’Unédic.

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Le Monde avec AFP

Le gouvernement amorce une politique de relocalisation des médicaments

Emmanuel Macron visite le site de recherche et de production de vaccins de Sanofi, l’un des plus importants au monde, à Marcy-l’Etoile, le 16 juin.

Emmanuel Macron l’avait annoncé sans plus de détails, mardi 16 juin, lors de sa visite du site de production de vaccin de Sanofi Pasteur, à Marcy-l’Etoile, dans la banlieue de Lyon : la France doit relocaliser « certaines productions critiques », comme des principes actifs, mais aussi la recherche et la fabrication de médicaments et de vaccins, à plus haute valeur ajoutée. Il y va, selon le président de la République, de la sécurité sanitaire et de la souveraineté industrielle du pays.

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Le ministre des solidarités et de la santé, Olivier Véran, et la secrétaire d’Etat chargée des dossiers industriels au ministère de l’économie, Agnès Pannier-Runacher, ont annoncé de premières mesures, jeudi 18 juin, à l’issue d’une réunion du Comité stratégique de filière (CSF) des industries de santé. Il prévoit notamment de « renforcer les capacités de recherche de solutions thérapeutiques » contre le coronavirus, en France et dans le cadre d’une coopération européenne.

Les projets des laboratoires Abivax, Innate Pharma, Inotrem, Osivax, Xenothera et Genoscience ont été retenus, qu’il s’agisse de stratégies thérapeutiques ou d’approches technologiques, pour 78 millions d’euros en 2020. Et 120 millions aideront par ailleurs au déploiement de nouvelles lignes de production dans l’Hexagone. Un « appel à manifestation d’intérêt » a été lancé jeudi. Cette enveloppe de près de 200 millions en 2020 sera « amplifiée en 2021 pour financer de nouveaux projets ».

Près de 80 % des médicaments vendus en Europe contiennent des principes actifs importés d’Inde ou de Chine

Par ailleurs, de vives inquiétudes sont apparues, au début de la pandémie de Covid-19, sur une possible pénurie de paracétamol, la molécule prescrite contre la fièvre et les douleurs. « Des travaux sont engagés avec Seqens, Upsa et Sanofi pour que, d’ici à trois ans, la France soit en mesure de reproduire, conditionner et distribuer du paracétamol », annoncent les deux ministres. Le paracétamol n’est qu’un « premier exemple » de cette démarche de relocalisation. Si la France exporte déjà des médicaments à haute valeur ajoutée, la production du paracétamol répond à un enjeu de sécurité sanitaire.

Près de 80 % des médicaments vendus en Europe contiennent des principes actifs importés d’Inde ou de Chine. Ce qui pose la question de la sécurité d’approvisionnement. Et les tensions, voire les ruptures dans ce domaine, vont bien au-delà des principes actifs. « Nul ne peut concevoir, dit M. Véran, que la France soit un jour dans l’incapacité de permettre à chacun d’accéder à des soins, à des traitements et à des médicaments. »

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Tourisme : « L’heure est aux comptes, et pour TUI, ils sont sanglants »

Des passagers attendent, au guichet de la compagnie TUI, d’embarquer dans leur avion pour Palma de Majorque, à l’aéroport de Düsseldorf, le 15 juin.

Ils étaient nombreux, ce lundi 15 juin, à faire la queue au petit matin dans l’aéroport de Düsseldorf. Des cobayes masqués et impatients venus renouer avec une vieille tradition perdue depuis le confinement : le tourisme. TUI avait bien fait les choses, comme elle sait le faire. Accueil à l’aéroport, embarquement dans l’avion TUI, arrivée à Palma de Majorque deux heures plus tard, embarquement dans le bus TUI à destination de l’hôtel TUI. Une organisation huilée comme sait le faire le numéro un européen du tourisme. Et une urgence, aussi : 4,5 millions d’Allemands partent chaque année aux Baléares.

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Pris à la gorge par l’épidémie de Covid-19, les professionnels du tourisme ont vu s’effondrer leur activité du jour au lendemain. L’heure est aujourd’hui à la reprise, timide, des vols, mais aussi à celle des comptes. Et pour TUI, ils sont sanglants : 8 000 emplois supprimés dans le monde, dont plus de 500 en France, soit les deux tiers de son effectif avec ses agences intégrées. Comme à son habitude, TUI ne fait pas dans la nuance. Cela lui vient peut-être de ses origines, quand elle s’appelait encore Preussag. Elle est née en 1923 de la nationalisation des mines royales de charbon de Prusse et est devenue, au cours du XXe siècle, l’un des géants de la métallurgie allemande et de l’électricité. En 1997, elle tourne le dos à ce passé glorieux mais à l’avenir incertain pour embrasser les services, la marine et le tourisme, avec l’achat du groupe Hapag-Lloyd.

Emplettes dans toute l’Europe

Avec une idée maîtresse, le tourisme est une industrie. On y cherche la quantité, le « process » et l’on jongle avec les actifs. Elle a acheté Thomas Cook, le leader britannique, puis l’a revendu et fait ses emplettes dans toute l’Europe. En 2002, elle s’installe en France en acquérant le leader déclinant du marché, Nouvelles Frontières. L’entreprise mythique, fondée par le soixante-huitard Jacques Maillot, a démocratisé le voyage lointain et culturel. Une approche qui ne parviendra jamais à se fondre totalement dans le moule prussien. En dépit du rachat successif des clubs Marmara et Lookéa pour élargir l’offre, TUI ne parviendra jamais à gagner de l’argent en France et y enchaîne avec régularité les plans sociaux.

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De l’avis des professionnels, le modèle industriel des spécialistes de l’Europe du Nord – celui de TUI ou de Thomas Cook, où l’on accumule les hôtels, les compagnies aériennes et les clubs, que l’on rentabilise par la masse des voyageurs – peine à se transposer en France, où les vacances sont plus souvent locales et sur-mesure. Un monde qui revendique une forme d’artisanat, loin des houillères de Hanovre qui ont vu naître TUI.

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Les intérimaires, premières victimes de la crise due au coronavirus

Des techniciens fabriquent des pièces destinées à l’aéronautique, à Nantes, dans l’usine Daher, un sous-traitant d’Airbus.

Les éternels invisibles du marché du travail que sont les intérimaires payent au prix fort les conséquences économiques de la crise due au Covid-19.

Chute de l’activité intérimaire de 70 % du 15 au 20 mars, puis de 61 % en avril et de 50 % en mai : « La baisse s’atténue lentement et la dégradation reste totalement inédite », commente Prism’emploi. La fédération des professionnels de l’intérim parle d’« un choc quatre à cinq fois supérieur à celui de 2009 ».

Le frémissement de la reprise enregistré en mai grâce au redémarrage du BTP laisse encore de nombreuses personnes sur le carreau : les heures de missions perdues représentent 557 500 équivalents temps pleins en mars, puis 475 000 en avril, sur un total de 780 000. « Nos volumes se reconstituent. En avril-mai, le retrait de notre chiffre d’affaires n’est que de 30 %, confirme Jérôme Rieux, directeur général d’Adéquat, un réseau de 250 agences d’intérim, mais les incertitudes sont nombreuses. »

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En avril, le BTP a perdu 80 % de son activité intérimaire, l’industrie, le commerce et les services 50 %, 30 % pour le transport-logistique. Dans l’aéronautique ou l’automobile, les conséquences ont été immédiates et brutales pour l’emploi, surtout pour les ouvriers.

« Dès le début de la crise, on leur a dit “c’est fini”. Sur nos sites en Loire-Atlantique, par exemple, on comptait 630 intérimaires en février. Ils n’étaient plus que 250 en avril et maintenant, mi-juin, ils doivent être 150. Il y a tous les profils, des jeunes comme des quinquagénaires. Nous, on a perdu nos intérimaires, mais c’est pareil chez Airbus et dans toutes les boîtes de l’aéronautique », témoigne Bertrand Bauny, délégué syndical FO chez Daher, un sous-traitant d’Airbus, qui envisageait, dès avril, 3 000 suppressions d’emplois, dont 1 300 CDI.

Chez Safran, « ils arrêtent tous les intérimaires, les CDD et les prestataires », renchérit Daniel Barberot, coordinateur FO pour le groupe.

« On n’a pas trop le choix »

Les plans de soutien de 15 milliards d’euros pour la filière aéronautique et de 8 milliards pour l’automobile ne tombent pas directement dans la poche des intérimaires.

Vanessa (qui a demandé à garder l’anonymat), 34 ans, intérimaire depuis deux ans chez PSA Hordain, gagnait 1 500 euros, plus des primes de fin de contrat, en travaillant 35 heures, et un samedi matin sur deux, de 5 h 20 à 12 h 40. Elle est actuellement au chômage et a hâte de retrouver ses collègues de la chaîne de montage : « Je suis dans l’attente, mais le moral est bon. De toute façon, en tant qu’intérimaire, on subit, on n’a pas trop le choix. » La jeune femme se donne jusqu’à septembre avant de postuler ailleurs, même si elle sait que le marché de l’automobile reste incertain.

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L’individu et les nouveaux collectifs

« Le Monde des collectifs. Enquête sur les recompositions du travail », coordonné par Frédéric Rey et Claire Vivès. Editions Teseo, 390 pages, 26,38 euros

Le livre. Politiques de recrutement et de formation qui visent la « promotion des talents », dispositifs d’évaluation du travailleur par ses compétences individuelles, démocratisation des termes « trajectoire », « parcours » et « carrière » pour décrire la vie au travail… L’autonomie, la responsabilité et même l’épanouissement personnel sont au cœur des pratiques managériales en vogue dans les entreprises. Le travail serait-il en passe de devenir une affaire uniquement individuelle ?, s’interrogent Frédéric Rey et Claire Vivès dans Le Monde des collectifs.

Coordonné par le sociologue du travail et des relations professionnelles et la sociologue et chercheure au laboratoire interdisciplinaire pour la sociologie économique (LISE), l’ouvrage réunit vingt-cinq auteurs. Sociologues, juristes, ergonomes, économistes ou politistes interrogent les transformations, variétés et redéfinitions des collectifs de travail « dans un contexte où l’individualisation croissante des carrières et des trajectoires professionnelles est particulièrement valorisée, voire encouragée, mais souvent au détriment des régulations collectives pour une large partie des travailleurs ».

Leur travail s’appuie sur des enquêtes de terrain dans des secteurs aussi variés que la production cinématographique, l’aviation et l’aéronautique, les tiers lieux, les fab lab, l’hôpital, les services informatiques aux entreprises, et auprès de travailleurs et de travailleuses d’un service social en entreprise, de pilotes d’hélicoptères, de travailleurs sociaux en mission locale, de manageurs, de secrétaires et assistantes de direction dans les entreprises, de salariés privés d’emploi et en transition professionnelle…

« Mouvement paradoxal »

Que ce soit dans les entreprises privées, dans les organisations à but non lucratif ou dans la fonction publique, l’ouvrage montre bien que « le collectif, comme principe et comme valeur, et les collectifs, comme réalités et comme expériences vécues, n’ont pas disparu des mondes du travail. Leur persistance va plutôt de pair avec l’accroissement constaté de l’individualisation ».

Avec les « gilets jaunes », l’année 2018 s’est achevée avec l’une des mobilisations populaires les plus originales de ces dernières décennies. Les secteurs émergents des plates-formes, souvent présentés comme les symboles les plus visibles d’une nouvelle économie, ont connu à leur tour des mobilisations et des revendications collectives de travailleurs qui produisent les biens et services qui y sont vendus.

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Les entreprises se penchent sur la parentalité pour faciliter la reprise

« L’attention de l’entreprise à la vie de famille peut renforcer l’engagement du salarié. En période de crise, le volontarisme des équipes est précieux. »

Le 20 mars, le sang de Ronel N’Gangbet ne fait qu’un tour lorsqu’elle apprend que le père de ses deux enfants de 4 et 6 ans est hospitalisé, contaminé par le Covid-19. Le confinement a été décrété quelques jours plus tôt et elle sait que la situation est grave. Heureusement, après dix-neuf jours de coma, une intubation et un passage en réanimation, son ancien compagnon s’en est sorti. Elle a dû arrêter totalement de travailler pendant près d’un mois, puis a été placée en chômage partiel à 50 %, l’autre moitié de son agenda étant dédié à ses filles.

Mais les horaires de mère et ceux dévolus à son entreprise ne sont pas imperméables. « Maman ! J’ai fait pipi dans ma culotte », s’écrie la plus jeune alors que Ronel est en téléréunion avec un client. Compréhensif et amusé, l’interlocuteur l’excuse. Mais cette situation inconfortable risque de se reproduire. Les dirigeants s’attendent à ce que les écoles ne rouvrent pas normalement avant septembre. Alors, pour éviter que la parentalité ne remette en cause la reprise de l’activité, les entreprises multiplient les gestes à l’endroit de leurs salariés.

Le patron de Yoopies, une plate-forme de services à domicile, se frotte les mains : « Alors que d’ordinaire, une entreprise supplémentaire fait appel à nos services pour les salariés tous les mois, pendant le confinement, c’était une tous les deux à trois jours », témoigne Benjamin Suchar. En raison de l’explosion du marché, le dirigeant a avancé le déploiement de sa plate-forme Worklife, qui regroupe tous les avantages pour les salariés.

Des professeurs particuliers

Le confinement a fait tomber les frontières au point que l’entreprise doit désormais prendre en compte la famille dans son organisation. « Il y a cinq ans, il fallait prendre son bâton de pèlerin pour aborder les questions d’équilibre professionnel et personnel, les dirigeants savent aujourd’hui que c’est un levier de croissance et un investissement », abonde Jérôme Ballarin, président de l’Observatoire de la qualité de vie au travail (QVT).

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Les entreprises d’importance vitale ont pu continuer à recevoir du public pendant le confinement, à condition que leurs employés puissent venir travailler. En Ile-de-France, sur 5 000 employés, la Caisse d’Epargne compte quelque 2 500 parents de jeunes enfants. Pour la poursuite de l’activité, les agences ont dû restreindre leurs horaires et fermer les samedis après-midi. L’entreprise a même payé des professeurs particuliers, et 2 000 enfants ont bénéficié d’aide aux devoirs. « C’est un dispositif qui ne peut pas être pérenne, en raison de son coût, même si le plus onéreux, ce sont surtout les mesures sanitaires », pointe François de Laportalière, chargé des ressources humaines.

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Deux axes prioritaires pour la reprise des TPE-PME

« Le 19 mai, le ministère du travail a lancé le dispositif “Objectif reprise” » (La ministre du travail, Muriel Pénicaud, le 4 juinà l’Elysée).

Carnet de bureau. Comment adapter son organisation à la reprise progressive ? Isabelle Dupuy, directrice de Périgord Ressources, emploie 65 salariés dont les deux tiers en situation de handicap. Son entreprise tournait sur quatre activités : la blanchisserie industrielle, la sous-traitance automobile, l’entretien des jardins et la fabrication de palettes. Un tiers de son équipe a été mis à l’arrêt par la crise du secteur automobile et de l’hôtellerie. Depuis le déconfinement, la moitié a repris, mais certaines activités sont toujours au point mort, et il faut repenser l’entreprise. « Or, quand on est la tête dans le guidon, c’est difficile d’y voir clair pour bien repartir », explique-t-elle.

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Le 19 mai, le ministère du travail a lancé le dispositif « Objectif reprise », qu’il a confié aux agences nationales et régionales pour l’amélioration des conditions de travail. Le réseau Anact-Aract a ainsi été désigné pour venir en appui des entreprises de moins de 250 salariés, confrontées tout à la fois à la réduction d’activité, aux gestes barrières et à l’anxiété de leurs collaborateurs, sans avoir d’équipe de ressources humaines. Un mois après, plus de 6 000 entreprises (2 200 PME et 4 630 TPE) l’ont utilisé et identifié deux axes prioritaires pour la reprise : le dialogue social et le management qui sont parfois sortis de leur radar.

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« Les attentes sont significatives dans les entreprises du commerce pour les PME et de l’hôtellerie-restauration pour les TPE. En revanche, on a moins de demandes dans la construction », indique le directeur général de l’Anact, Richard Abadie. Tout commence par un questionnaire ou plutôt deux, selon l’effectif inférieur ou supérieur à 11 salariés, sur la réorganisation du travail, l’implication des représentants du personnel et des salariés, la mise en place des mesures de sécurité sanitaire, etc. Puis l’Anact envoie un expert durant un ou plusieurs jours pour travailler sur le fond, sur la méthodologie et organiser des échanges de pratiques interentreprises.

« Ça rassure »

Dès la semaine de lancement du dispositif, Isabelle Dupuy l’a testé pour Périgord Ressources. « On avait déjà travaillé avec l’Anact. Leur diagnostic a révélé deux axes prioritaires : le rôle du CSE et la préparation de l’après-crise qu’on n’avait pas suffisamment analysés », dit-elle.

Si, dans beaucoup de TPE, la difficulté est d’orchestrer le respect des règles de distanciation au-delà de la consigne, à savoir réattribuer les tâches et faire évoluer le geste professionnel, chez Périgord Ressources, l’urgence était de préparer l’après-crise. « Il s’agit de trouver de nouvelles activités compatibles à la fois avec le tissu industriel local et les contraintes du handicap des salariés : poste assis et sans port de charge », explique Mme Dupuy.

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L’expert et le politique face à l’inconnu

« La responsabilité du dirigeant est d’informer le public de l’état des connaissances et des moyens (...). La responsabilité des experts est complémentaire : Il leur incombe de s’expliquer sur les recherches à conduire et d’organiser un processus d’innovation collective. » (Emmanuel Macron et le directeur de la santé, Jérôme Salomon (R) à la Pitié-Salpêtrière, le 27 février).

Entreprises. En se dotant d’un conseil scientifique face à l’épidémie, l’Etat a fait un choix incontestable. Sans doute n’a-t-il pas anticipé les polémiques suscitées par cette démarche tant la question du savant et du politique est ancienne et le recours à l’expertise banal. Mais pourquoi l’épidémie a-t-elle mis à si rude épreuve les principes d’un gouvernement éclairé par la science ? Cela tient notamment à ce que ces principes ont été pensés pour les situations d’incertitude, alors qu’experts et décideurs ont été confrontés à l’inconnu.

Des recherches récentes ont en effet montré que, face à l’inconnu, la responsabilité de l’expertise est moins de guider les choix que d’organiser l’innovation et la progression des connaissances utiles (« Inconnu et dynamiques de l’expertise », dirigé par Pascal Le Masson et Benoît Weil, Entreprises et histoire, 2020/1, n° 98). Sans cette révision des rôles, les relations entre experts et décideurs ne peuvent qu’alimenter le trouble dans l’opinion.

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La langue nous rappelle qu’un visage inconnu n’est pas un visage incertain. La construction rigoureuse de cette distinction s’est imposée pour l’étude des processus d’innovation et de création, car elle éclaire leurs logiques d’action. Cependant, elle reste absente des doctrines économiques et politiques classiques.

Le temps qu’il fera demain est incertain et la tâche du météorologue n’est pas d’expliquer ce qu’est la pluie ou le beau temps, mais d’évaluer les chances de chacune de ces possibilités et leurs conséquences.

Responsabilités complémentaires

Face à l’inconnu, la situation est profondément différente : l’expert connaît mal les alternatives et leurs effets. Ainsi, devant une nouvelle épidémie, un spécialiste peut dire qu’un virus a des chances de muter ou que la découverte d’un traitement est probable, mais il ne peut décrire ni cette mutation ni ce traitement.

Pour le décideur, les alternatives ne sont plus ni claires ni stables, et sont souvent peu évaluables. En outre, ses choix deviennent dépendants des évolutions imprévisibles de la connaissance ou des situations, ce qui nourrit – souvent à tort – le sentiment d’un pouvoir arbitraire et d’experts démunis.

Une telle dérive ne peut être évitée qu’en amendant la conception traditionnelle héritée du sociologue Max Weber (1864-1920). En effet, devant l’inconnu, Il n’y a plus, face à face, la responsabilité du dirigeant et la conviction du savant. Il y a deux responsabilités différentes et chacune doit démontrer la pertinence de ses actions. La responsabilité du dirigeant est d’informer le public de l’état des connaissances et des moyens, sans cacher les controverses parmi les experts. Car les lacunes de l’expertise peuvent expliquer les choix retenus.

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Palmarès Universum : la fin de la « start-up-mania » ?

Le palmarès Universum 2020 va-t-il tourner la page de la « start-up-mania » ? Le classement des entreprises qui font rêver les jeunes diplômés, que le Monde publie en exclusivité, a perdu de vue les Blablacar, Parrot et autres Michel et Augustin qui, depuis 2016, avaient fait des entrées remarquées auprès des symboles de l’attractivité des entreprises que sont LVMH, L’Oréal, Airbus, Google ou Thales.

Société suédoise spécialisée dans la marque employeur, Universum interroge chaque année, depuis 1999, quelque 40 000 étudiants des grandes écoles de commerce et des écoles d’ingénieurs sur l’employeur qui les fait rêver. Ce sont 49 642 jeunes qui ont ainsi été invités d’octobre 2019 au 3 mars 2020 à se prononcer sur une liste de 130 noms d’entreprise, à proposer un ou deux noms de leur choix et à s’exprimer sur leurs aspirations professionnelles. Un baromètre précieux pour les grandes entreprises soucieuses de leur image auprès des futures recrues.

Le sondage ayant été réalisé avant le confinement, « l’impact du Covid ne pourra se mesurer qu’en 2021. La seule trace qu’il aura laissée en 2020, c’est un pic de votes en faveur des entreprises pharmaceutiques de façon assez inhabituelle dans les deux dernières semaines de l’enquête », précise Aurélie Robertet, la directrice d’Universum France et Benelux.

Le top 5 du classement est quasi immuable, avec LVMH, L’Oréal, Google, Chanel et Apple pour les entreprises favorites des étudiants en écoles de commerce et de management, et Airbus, Google, Thales, Safran et Dassault Aviation pour les élèves ingénieurs.

En revanche, la phase start-up des dernières années semble passée de mode. Leur baisse dans le classement se poursuit. Blablacar, Michel et Augustin, Parrot, Blizzard Entertainment perdent des places pour la troisième année consécutive, à des degrés divers : moins une place en école de commerce et moins 5 en école d’ingénieur pour la firme de l’autopartage, moins 11 places en école de commerce pour les biscuits de Michel et Augustin, moins 18 chez les ingénieurs et moins 15 en école d’informatique pour les drones de Parrot, et enfin 13 niveaux de moins en école de commerce pour les jeux vidéo.

A la question « Que comptez-vous faire une fois votre diplôme en poche ? », la part des jeunes étudiants, toutes formations confondues, qui envisagent de travailler en start-up a été quasiment divisée par deux en trois ans. Dans les écoles de commerce et de management le pourcentage est passé de 5 % à 4 %, dans les écoles d’ingénieurs de 8 % à 5 %. C’est chez les étudiants en informatique et nouvelles technologies (IT) que l’écart le plus important, avec un pourcentage en faveur des start-up tombé de 14 % en 2017 à 8 %.

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Moins rodés, moins formés : pour les jeunes actifs, les pièges du télétravail

Quand s’éternise la quatrième réunion virtuelle de la journée, il arrive souvent à Louis de couper sa caméra, prétextant « un bug ». Il se carapate sur son balcon et laisse l’ordinateur tourner dans le salon. « Quand tout le monde est dans la même salle, il est plus facile de faire comprendre, par des gestes ou une attitude, qu’on s’impatiente. Mais, en visio, on ne se rend pas compte : ce serait brutal de dire “on s’emmerde !” », remarque ce garçon de 28 ans à la langue bien pendue, développeur mobile dans une start-up à Nantes.

En télétravail depuis le premier jour du confinement, Louis a installé son bureau dans sa colocation – sa motivation n’a cessé de dégringoler depuis. Et cela risque de durer. « La situation financière de mon entreprise n’étant pas exceptionnelle, ils envisagent de se séparer de nos locaux et de faire durer le télétravail, explique-t-il. Je n’ai pas du tout signé pour ça. Si jamais c’était imposé, ça serait pour moi un motif de démission. »

Contrairement aux idées reçues, plusieurs enquêtes montrent que les jeunes diplômés, derniers insérés dans le monde professionnel, sont ceux qui souffrent le plus de cette période de télétravail prolongée. Selon une étude menée par ChooseMyCompany auprès de 200 entreprises pendant le confinement, réunissant plus de 10 000 participants, les personnes qui ont moins de cinq ans d’expérience présentent un score de satisfaction d’environ 62 %, alors que celles qui ont plus de trente années de métier frôlent les 85 %.

Sans cadre ni hiérarchie

« Un sujet d’équité intergénérationnelle est posé ici, fait valoir Fanny Lederlin, doctorante en philosophie politique et autrice de l’ouvrage Les Dépossédés de l’open space (PUF, 225 p., 19,90 euros). Le télétravail est une modalité qui convient très bien auxparvenus, au sens d’être arrivé à un certain statut social : gagner un bon salaire, fonder une famille, etc. » La plupart des jeunes n’ont pas encore construit leur carrière, sont moins payés, vivent dans de petits logements ou toujours chez leurs parents. Ils ne télétravaillent pas dans les mêmes conditions matérielles que les travailleurs plus âgés et pâtissent davantage de la solitude.

Pour Safia (le prénom a été modifié), 25 ans, juriste dans une association à Paris, il s’agit de jongler avec la mauvaise connexion Internet et les cours de danse de sa colocataire, étudiante dans une école de comédie musicale : « Ma chambre est petite. Je n’y vais que si j’ai un appel ou une visio, pour m’isoler des bruits du salon où travaille aussi ma coloc. » Embauchée en CDI en janvier, cette double diplômée de l’Institut d’études politiques de Saint-Germain-en-Laye et de l’université Paris-Saclay fait ses premiers pas dans le monde du travail depuis chez elle, sans équipe à proximité. « C’était stressant au début, mais ça m’a poussée à être plus autonome. Je ne vais pas déranger quelqu’un dès que j’ai un doute, alors je deale avec moi-même. »

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