Archive dans septembre 2020

L’APEC annonce son plan de secours pour les jeunes diplômés

« Le volume d’offres d’emplois ouvertes aux jeunes diplômés de l’enseignement supérieur entre janvier et août 2020 a chuté de 42% par rapport à la période janvier-août 2019, là où les annonces pour les cadres ont baissé de l’ordre de 30%. »

« Les jeunes ne connaissent pas l’APEC, or elle est là pour les aider » : le directeur général de l’Association pour l’emploi des cadres (APEC), Gilles Gateau, a annoncé mardi 22 septembre le lancement d’un plan à destination des fraîchement diplômés, durement frappés par la crise économique. « Car le gel ou le ralentissement des embauches frappent souvent l’insertion des jeunes diplômés », précise M. Gateau. Baptisé Objectif premier emploi, le plan consistera à aider gratuitement 50 000 d’entre eux d’ici l’été 2021, soit deux fois plus qu’habituellement (22 000 en 2019).

Cette mobilisation souhaite répondre à un constat : 210 000 jeunes diplômés arrivent sur le marché du travail en cette rentrée, et il n’y aura pas d’embauches pour tout le monde. Selon les chiffres de l’APEC, le volume d’offres d’emplois ouvertes aux jeunes diplômés de l’enseignement supérieur entre janvier et août 2020 a chuté de 42 % par rapport à la période janvier-août 2019, là où les annonces pour les cadres ont baissé de l’ordre de 30 %.

« Les jeunes diplômés sont plus armés que ceux qui n’ont pas fait autant d’études, mais ce serait une erreur de croire qu’ils sont épargnés et ne rencontrent pas de difficultés d’insertion », constate Gilles Gateau. Cette inquiétude est confirmée par l’augmentation de 68 % du nombre de jeunes diplômés inscrits à Pôle emploi entre février et juillet 2020.

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Le plan « Objectif premier emploi » souhaite donc limiter la casse. Alors que deux fois plus de jeunes qu’à l’ordinaire se sont tournés vers l’APEC en juillet, l’association compte investir dans l’accompagnement, car les jeunes n’ont pas été préparés à une situation de recherche d’emploi selon Gilles Gateau : « j’ai assisté à pas mal d’entretiens avec des jeunes. Pour un certain nombre d’entre eux, la prise de conscience de la nécessité de se lancer dans ces recherches est particulièrement récente. »

Des ateliers en petit comité

Dans le détail, les bénéficiaires du plan seront accueillis dans le cadre d’ateliers d’une demi-journée, par groupes de douze : pendant quatre heures, un consultant de l’APEC les aidera à identifier leurs priorités et à acquérir une méthodologie de recherche d’emploi. Tous les jeunes sont concernés par ces ateliers. « Il y aura des jeunes en fin de contrat en alternance en master, d’autres qui sortent de l’université sans alternance. On aura des jeunes qui chercheront tout de suite un CDI, d’autres une alternance pour faire un nouveau master… »

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Bridgestone à Béthune : le gouvernement promet de tout faire pour sauver l’emploi

La ministre du travail, Elisabeth Borne, et la ministre déléguée à l’industrie, Agnès Pannier-Runacher, à Béthune, le 21 septembre 2020.

Dépêchées dans le Pas-de-Calais, la ministre du travail, Elisabeth Borne, et la ministre déléguée à l’industrie, Agnès Pannier-Runacher, se sont engagées, lundi 21 septembre, à faire tout leur possible pour préserver l’emploi des salariés du site de Bridgestone de Béthune, dont le fabricant japonais de pneumatiques a annoncé la fermeture la semaine dernière.

« Dans la période actuelle, plus que jamais, le gouvernement se battra pied à pied pour sauver les emplois », a déclaré Elisabeth Borne. « Ce site, c’est des compétences qui sont rares, des compétences industrielles, des emplois qualifiés (…). On ne laissera pas perdre ces compétences », a-t-elle ajouté.

Agnès Pannier-Runacher a annoncé que le gouvernement allait mandater un cabinet de conseil pour « contre-expertiser » l’ensemble des scénarios qui ont été étudiés par Bridgestone. Ce travail, réalisé par le cabinet Accenture, « nous permettra non seulement de regarder ces scénarios, mais également (…) de soumettre des scénarios alternatifs autour de cette technologie du pneu », a-t-elle déclaré à la sortie d’une réunion de crise avec la direction du groupe, des élus locaux et des représentants des salariés. Elle a notamment évoqué « la question du recyclage du pneu, comme étant un élément pouvant mettre de la charge dans l’usine ».

Les ministres, élus et la direction Europe du géant japonais du pneumatique se réuniront à nouveau « dans deux à trois semaines » de manière « aussi physique que possible » en fonction des conditions sanitaires, « pour justement revoir les différents scénarios, qui sont des scénarios alternatifs à une fermeture de site », a poursuivi Mme Pannier-Runacher. « Ce qui nous anime, c’est que les salariés de Bridgestone aient un emploi dans un an, dans deux ans, dans trois ans », a-t-elle assuré.

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« Sauvegarder la compétitivité »

Le fabricant japonais de pneumatiques Bridgestone a annoncé mercredi vouloir entamer des discussions en vue de la fermeture de son usine de Béthune, une décision vivement contestée par le gouvernement français, qui se dit en « désaccord total ».

A l’issue de la réunion de lundi, Bridgestone a déclaré dans un communiqué que le projet de cessation totale d’activité était « la seule option qui permettrait de répondre à la surcapacité de production structurelle de Bridgestone et donc de sauvegarder la compétitivité de ses opérations en Europe ».

« Notre priorité est la recherche active et de manière approfondie de projets alternatifs de reconversion du site avec et sans Bridgestone et de travailler à la revitalisation du territoire », a annoncé un porte-parole à l’agence de presse Reuters. Bridgestone met en avant la faiblesse de la demande et la forte concurrence pour justifier sa décision.

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Un « petit espoir », pour les syndicats

« En France, il y a des lois qui font que quand on veut lancer un PSE [plan de sauvegarde de l’emploi] on doit justifier de difficultés économiques. (…) Je pense que la direction de Bridgestone a bien compris qu’on était déterminés à faire appliquer ces législations protectrices pour les salariés et pour les emplois », a, de son côté, prévenu Mme Borne.

« La direction nous a très expressément dit qu’elle était prête à ouvrir des scénarios alternatifs », a encore déclaré Mme Pannier-Runacher. « Nous serons extrêmement exigeants, notamment sur le respect de la parole donnée », a-t-elle insisté, appelant Bridgestone à se saisir des dispositifs prévus notamment dans le plan de relance. « On n’a jamais eu de moyens aussi considérables que ceux qu’on peut mobiliser aujourd’hui (…) pour accompagner un site industriel qui veut se moderniser », a renchéri Mme Borne, assurant que le gouvernement serait « très exigeant vis-à-vis de l’entreprise pour qu’elle mobilise bien tous ces outils exceptionnels ».

« On connaît cette direction de Bridgestone, comment elle opère. Mais il y a quand même un petit espoir du fait qu’ils acceptent de discuter ; on aurait pu dire : “La porte est fermée, pas de discussion.” Donc, on s’accroche à ça », a réagi Bruno Wable, de la CGT, à l’issue de la réunion de lundi.

L’usine de Béthune, mise en service en 1961 et d’une capacité de production d’environ 17 000 pneus par jour, emploie 863 personnes.

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Le Monde avec AFP et Reuters

Territoire zéro chômeur : « De profondes erreurs de conception, qui vont bien au-delà des calculs erronés »

Tribune. La chronique « Territoire zéro chômeur : pour la généralisation d’un dispositif d’utilité sociale », publiée le 19 septembre dans « Le Monde », plaide pour la généralisation du dispositif d’utilité sociale « Territoires zéro chômeur de longue durée » qui fait l’objet d’un projet de loi actuellement en débat au Parlement, en reprenant à son compte les arguments de ses promoteurs.

Cette initiative crée des entreprises à but d’emploi (EBE) dont la finalité est d’embaucher en CDI des chômeurs de longue durée, rémunérés au smic, afin de répondre à des besoins non satisfaits, car peu rentables. Leurs activités ne doivent pas concurrencer l’emploi existant. L’expérimentation concerne 10 territoires, qui emploient environ 800 personnes. Le projet de loi propose de l’étendre à 50 territoires supplémentaires.

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La chronique soutient tout d’abord que le coût de ce dispositif est somme toute modique, de l’ordre de 6 000 euros annuels par équivalent temps plein. Cette évaluation est étonnante : deux rapports, rédigés par l’inspection générale des finances et l’inspection générale des affaires sociales (pages 28 et 35) d’une part, et un comité scientifique d’autre part, montrent que le coût annuel net d’un emploi créé par ce dispositif s’élève à 25 000 euros et non 6 000 euros.

Donner de véritables emplois avec des perspectives d’avenir

Le texte affirme aussi qu’il faut tenir compte de « la valeur proprement incalculable que représentent la dignité et l’utilité retrouvées » grâce à l’accès à l’emploi des personnes qui en sont durablement exclues. On ne peut qu’être d’accord : la privation d’emploi est une atteinte à la dignité, source de souffrance, dont les effets délétères sur la santé et l’espérance de vie sont bien documentés.

Il n’y a aucun doute sur ce sujet. Il faut donc financer des dispositifs qui accompagnent vers l’emploi. Mais ce n’est pas suffisant. Il faut donner de véritables emplois avec des perspectives d’avenir. Et c’est là que le bât blesse avec cette expérimentation, qui suppose qu’obtenir un emploi rémunéré à vie au Smic est suffisant pour retrouver sa dignité.

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Les études de terrain qui accompagnent le rapport du comité scientifique le montrent clairement. Ainsi, une salariée d’un territoire confie : « Je suis venue pour donner des compétences, (…) personne n’en a rien à péter » « Je ne pensais pas tomber si bas ». Et l’étude note : « La majorité des salariés rencontrés ont évoqué le poids de l’expérience sur leur moral, les désillusions ressenties depuis la concrétisation du projet, le sentiment d’inutilité parfois ou de perte de temps. »

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Faillites d’entreprises : dernière ligne droite avant le tribunal ou sauvetage in extremis

« Les dirigeants nous disent : “Je n’ai plus que quatre mois pour faire mon business. Si je sors des clous, je peux tomber”. » Pour Thierry Millon, directeur des études chez Altares Dun & Bradstreet, spécialiste des restructurations, beaucoup de défaillances vont se jouer dans les semaines qui nous séparent de 2021. Le moratoire de six mois sur les remboursements de crédits accordé par les banques le 15 mars a pris fin, les tribunaux de commerce ont repris leur activité, et l’échéance du bilan de fin d’année se rapproche. De plus, du fait du sursis accordé pendant la crise sanitaire aux entreprises en difficulté, celles qui se sont trouvées en cessation de paiements entre le 13 mars et le 23 août ont jusqu’au 7 octobre pour demander l’ouverture d’une procédure collective (conciliation, redressement ou liquidation). En effet, le délai pour saisir le tribunal en cas de cessation de paiements est de quarante-cinq jours maximum.

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L’affolement, pourtant, ne semble pas s’être emparé des chefs d’entreprise, à en croire les experts qui les accompagnent au quotidien. L’heure est plutôt à tenter de trouver des solutions pour sortir de l’année 2020 la tête haute, sans passer par la case tribunal de commerce. « On attend un tsunami, mais il peut encore être évité, remarque Denis Le Bossé, président du cabinet de recouvrement ARC. Aidées par le PGE [prêt garanti par l’Etat], beaucoup de sociétés ont restructuré, réorganisé, repensé leur modèle économique. » « Quand on a encore un peu de trésorerie, des perspectives sur son marché et peu de passifs, il y a encore des choses à faire, renchérit Michel Gire, associé cofondateur du cabinet d’expertise-comptable GMBA. Avoir une bonne anticipation, une gestion de trésorerie très précise et une stratégie de relance des clients permet d’éviter d’aller vers la liquidation judiciaire. »

Licencier, une « première tentation »

Très peu se sont d’ores et déjà résolu à jeter l’éponge. Frédéric Maillard, expert-comptable associé chez Exco, un cabinet qui accompagne environ 300 clients (PME, TPE, artisans, commerçants, professions libérales…) en témoigne : « Un seul client a déposé le bilan jusqu’à présent, car il est sur une activité véritablement sinistrée. Une partie d’entre eux ont retrouvé une situation quasi normale, d’autres continuent de souffrir mais cherchent l’équilibre du modèle pour pouvoir survivre. Ils réfléchissent à l’évolution de la demande et du marché. En fonction de ce qu’ils auront réussi à faire d’ici à la fin de l’année, ils décideront d’arrêter ou non. »

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« L’expérience du confinement a montré les limites du cadre juridique du télétravail »

Tribune. La pratique du télétravail, qui concernait un quart des salariés en mai selon le ministère du travail, n’a cessé de reculer depuis le déconfinement pour ne concerner plus que 17 % des salariés en juin, puis 10 % en juillet. La question est de savoir si elle ne va pas revenir à la situation antérieure à l’épidémie de Covid-19. En 2017, le télétravail régulier ne concernait que 3 % des salariés. En toute logique, avec le déconfinement, certaines entreprises ont abandonné le télétravail car elles n’étaient pas dotées d’un cadre permettant de structurer cette pratique.

Or, étant donné que le télétravail peut s’accompagner d’effets positifs aussi bien que négatifs, il est important que l’engagement d’une entreprise sur ce sujet soit réfléchi et débattu. C’est pourquoi un accord d’entreprise apparaît particulièrement adapté, d’autant que le cadre légal régit finalement assez peu certains aspects du télétravail. L’expérience du confinement a en effet montré les limites du cadre juridique actuel. Ce constat a entraîné des discussions entre les partenaires sociaux, qui pourraient aboutir à un accord national interprofessionnel (ANI).

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Une fois passée cette étape, la négociation d’entreprise va progresser et le nombre d’accords de télétravail va augmenter de deux manières : de nombreuses entreprises dépourvues d’accord vont en conclure, et celles déjà couvertes par un accord souhaiteront l’adapter et dépasser certaines lacunes révélées par le confinement. Dans cette perspective, notre analyse de 125 accords d’entreprise sur le télétravail, conclus avant l’épidémie de coronavirus, nous permet d’identifier des évolutions souhaitables pour les futurs accords.

Distinguer plusieurs catégories de télétravailleurs

Tout d’abord, les critères d’éligibilité doivent être réévalués à l’aune du confinement. Il s’agit principalement du temps de présence et de l’ancienneté, et, dans une moindre mesure, de critères liés à la profession ou au service. Rarement définis, ces derniers sont laissés à la libre appréciation du manageur. Nous conseillons au contraire de les faire reposer sur des éléments objectifs afin d’assurer une égalité de traitement entre les salariés.

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Les accords devraient également distinguer plusieurs catégories de télétravailleurs, basées sur les notions d’autonomie et de contrôle et intégrant les situations de travail et le descriptif des tâches. La pratique montre que les télétravailleurs parviennent à dégager de l’autonomie dans l’organisation de leur temps de travail alors que les accords ne l’envisagent généralement pas (plus des deux tiers des accords analysés prévoient majoritairement les mêmes horaires qu’au bureau).

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Les cadres sur les réseaux sociaux : « Entre flagornerie individualisée et “lèche-bottes” institutionalisé »

Tribune. Le recours massif aux réseaux sociaux par la plupart des entreprises est aujourd’hui chose commune, mais l’incitation grandissante des salariés à y jouer un rôle actif est relativement récente. Au risque de fracturer, ou de renouveler pour les plus optimistes, la relation employeur-salarié. Une promenade d’investigation sur quelques plates-formes numériques du moment (LinkedIn, réseaux sociaux internes des entreprises, Facebook…) dévoile, pour un individu étranger au monde de l’entreprise, un univers d’employés dévots, solidaires et décontractés, au sein d’espaces de travail à l’iconographie d’hôtellerie vacancière de luxe avec, en parallèle, un monde de « coachs » prêts à porter assistance à leur réussite professionnelle et/ou privée.

Les textes qui agrémentent ces visuels soignés et policés clament, à la quasi-unanimité, l’amour et la fierté que ressentent les salariés à l’égard de leur entreprise. Les images et émoticônes surannées gomment les aspérités d’un néolibéralisme tant décrié et d’un mal-être au travail qui touche, par déduction pourrait-on supposer, les entreprises absentes de ces réseaux sociaux. Impulsés par des start-up pionnières maîtrisant ces nouveaux codes communicationnels, les grands groupes ne sont jamais en reste dès lors qu’il faut « faire jeune » et se rêver agile.

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Une observation attentive des « posts » du réseau professionnel LinkedIn, plate-forme de recrutement mais aussi enseigne de communication des entreprises, révèle une rhétorique et une dialectique uniformisée donnant à voir des salariés prenant soin de ne jamais « tirer la couverture à soi », dans un contexte revendiqué de « bienveillance ». Comme si, par enchantement, les jeux de pouvoirs documentés depuis les années 1970 par les travaux des sociologues Erhard Friedberg et Michel Crozier s’étaient évaporés, et les cadres étaient soudain habités des préceptes de sagesse de la philosophie de Sénèque.

Le succès d’une communication virale

Bien évidemment, il n’en est rien. Un nouveau genre théâtral se fait jour, la comédie « hypocrito-tragique », où le salarié, dans un formidable effort narcissique et schizophrénique, joue le bonheur dans un certain renoncement de son « moi » au risque de se perdre. Plusieurs utilisateurs assidus de LinkedIn nous diront que continuellement, ils se mentent à eux-mêmes pour se conformer à leur cadre professionnel (enquête postée le 21 août 2020 sur la plate-forme LinkedIn : une cinquantaine d’utilisateurs ont réagi à travers des commentaires publics et/ou privés, poursuivis par des interviews plus personnelles).

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Délocalisations : des centaines d’emplois menacés partout en France

Emotion des familles, réactions outrées des politiques : l’annonce de la fermeture de l’usine de pneumatiques Bridgestone de Béthune (Pas-de-Calais), le 16 septembre, menaçant de licenciement 863 salariés, est une secousse dans la rentrée sociale.

« La cessation totale et définitive de l’activité de l’usine de Béthune est la seule option qui permettrait de sauvegarder la compétitivité des opérations de Bridgestone en Europe », a indiqué la marque japonaise, invoquant une surcapacité de production sur le Vieux Continent et la concurrence des marchés asiatiques à bas coût. Ce que Christophe Rollet, directeur général de Point S, un distributeur de pneus, traduit autrement dans un communiqué : « Les manufacturiers ne vont pas réduire leur production, ils vont la délocaliser dans des pays, pas forcément très éloignés, pour réduire leurs coûts. »

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Dans une plus grande discrétion, cette même logique menace en ce moment des centaines d’autres emplois en France : au nom du triptyque marché très concurrentiel, surcapacité des sites de production et sauvegarde de la compétitivité, des multinationales délocalisent la production de leurs usines hexagonales vers leurs autres sites en Europe, au Maghreb ou en Asie. Et ce alors que depuis l’été, le ministre de l’économie Bruno Le Maire clame que « la réindustrialisation est prioritaire, la relocalisation est prioritaire ».

Ainsi, par exemple, Zodiac a annoncé le 30 juin la fermeture de son site de production de bateaux pneumatiques d’Ayguesvives (Haute-Garonne), ce qui supprimera trente-huit postes. L’activité sera délocalisée en Tunisie. « La production s’y réalise déjà à 80 % », rappelle la direction qui dit vouloir éviter « le dépôt de bilan ».

« Réaction typique des multinationales en temps de crise »

La ville de Saint-Dizier (Haute-Marne) voit disparaître son usine de tracteurs, fondée en 1924 et jadis riche de 3 000 salariés. Les effectifs ont fondu avec les restructurations et les rachats successifs. Le groupe chinois Yto a annoncé en juillet le licenciement des trente-cinq derniers salariés, tandis que les machines sont transférées vers l’empire du Milieu.

Le groupe américain General Electric (GE) n’a pas encore détaillé son projet de restructuration. Mais les syndicats craignent la suppression de plus de 850 postes dans l’Hexagone au profit de sites turcs ou asiatiques. Dans un communiqué du 18 septembre, Force ouvrière (FO) Métaux s’inquiète également du plan qui s’annonce chez Schneider Electric : « Quel serait l’impact sur l’indépendance intellectuelle de notre pays si tous ces produits étaient développés et fabriqués en Asie ? »

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Ces entreprises qui recrutent en temps de crise

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Publié aujourd’hui à 16h00

Même dans certains secteurs très touchés par les effets des mesures sanitaires, comme la restauration, les établissements embauchent. Ici, à Valence (Drôme), le 23 avril.

« En juin, juillet, août, on a fait des mois énormes par rapport à l’année dernière. En hausse de plus de 20 % ! Ça a tellement bien marché qu’on a comblé sans problème les pertes du confinement », se félicite Jérôme Maudet, alias « Chichi ». Le gérant de La Casa del Porron, à La Roche-sur-Yon (Vendée), n’a pas cessé de recruter, malgré le Covid. Il a embauché un cuisinier début mars, un nouvel apprenti cuisine en août, et va ouvrir un autre restaurant avec un cuisinier, deux apprentis et deux serveurs.

Si le contexte général de l’emploi est sinistré, avec 345 plans de sauvegarde depuis mars et 715 000 emplois détruits au premier semestre, selon l’Insee, des entreprises continuent de recruter, même dans les secteurs très affectés comme l’hôtellerie-restauration. L’absence de touristes étrangers a pénalisé l’Ile-de-France, mais la saison a été bonne sur la côte Atlantique. « On a de la peine pour les restaurants parisiens, mais, à la Roche-sur-Yon, on n’a pas à se plaindre du tout, reprend Chichi. Dans le quartier des Halles, tous les restaurants font le plein, midi et soir. On est content que les gens reviennent sans avoir peur. »

Pas d’interruption pour les banques

Depuis la fin du confinement, de nombreuses entreprises, comme La Casa del Porron, cherchent à recruter à tous les niveaux de qualifications. Le site de recrutement Cadremploi a réalisé pour Le Monde le classement des entreprises qui ont diffusé les plus gros volumes d’offres depuis la fin du confinement. Sur un total de 6 000 annonces – dont 1 000 alternants entre le 11 mai et le 8 septembre, les cinq premiers sont Thalès, Ubisoft, LVMH, Hermès International et Onepoint, soit des entreprises de la défense (recruteur permanent), de l’informatique et du luxe. « Il faut rester prudent, relativise Julien Breuilh, directeur des études de Cadremploi. Dans ce contexte très volatil, les entreprises peuvent être amenées à licencier d’un jour à l’autre. » Mais le recrutement ne s’arrête jamais totalement. Des secteurs d’activité comme la banque ne se sont pas interrompus pendant le confinement, d’autres, comme celui de la santé ont même été portés par la crise sanitaire.

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Au niveau national, le nombre d’offres publiées par Pôle emploi a doublé entre avril et juin. Même décollage des offres sur les sites privés d’emploi, comme Indeed ou HelloWork dans l’intérim. Mais le bilan du deuxième trimestre de Pôle emploi (1,4 million d’offres publiées) reste inférieur de 25,6 % à son niveau de 2019. « Il faut distinguer trois périodes dans l’évolution du recrutement depuis le Covid, explique Catherine Poux, la directrice des services aux entreprises de Pôle emploi. Durant le confinement, les recrutements se sont poursuivis essentiellement sur la santé et la chaîne alimentaire ; depuis juin, il y a eu un rebond, outre la santé, sur les services à la personne (à domicile, en centre d’accueil, dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes), le commerce et la grande distribution. Cet été dans l’hôtellerie-restauration, la côte Atlantique a beaucoup recruté. Tous les métiers de bouche continuent à générer des besoins. Une chaîne de boulangerie vient ainsi de lancer une campagne de 300 recrutements. »

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L’industrie navale de défense, secteur prometteur d’embauches

Le  groupe industriel français Naval Group, spécialisé dans la fabrication de sous-marins et de navires sur le site  de Loire-Atlantique, près de Nantes.

« Cela va vous surprendre, mais avec l’embauche de 5 000 personnes depuis 2016, un salarié sur trois a moins de cinq ans dans l’entreprise. » Nous ne sommes pas dans une start-up en pleine croissance, mais chez Naval Group, l’ex-Direction des constructions navales (DCN), l’une des plus anciennes sociétés françaises, puisant ses racines dans les arsenaux fondés par Richelieu en 1624, voici près de quatre cents ans. « En quatre ans, nous avons créé 2 000 emplois net », ajoute Caroline Chanavas, la directrice des ressources humaines de ce groupe de défense spécialisé dans la fabrication de sous-marins et de navires. Il s’agit de répondre aux commandes passées par le gouvernement, qui ont repris en 2014 après une période de creux, et aussi à celles décrochées à l’exportation.

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« Dans l’industrie maritime militaire, les cycles sont très longs, parfois plus de soixante ans, puisqu’ils vont de la construction des bâtiments à leur entretien tout au long de leur vie, poursuit la DRH. Les programmes s’inscrivent dans la durée et nous devons en tenir compte pour la gestion des nos effectifs et de nos compétences. » Ainsi, par exemple, le dernier sous-marin nucléaire lanceur d’engins (SNLE) devrait sortir des ateliers en 2054. « Il ne s’agit pas de production automatisée, mais de tâches spécifiques nécessitant des compétences très précises », souligne-t-elle, la formation d’un manutentionnaire durant cinq ans, celle d’un soudeur de coque épaisse pour un navire s’étalant entre six et onze ans.

Rajeunissement de l’entreprise

Le groupe embauchera cette année 1 100 ingénieurs, techniciens et ouvriers, moins que les 1 500 prévus, les recrutements ayant été suspendus pendant les deux mois de confinement. « Les équipes n’ont parfois plus la disponibilité d’accueillir des nouveaux venus, cela prend du temps pour les former », observe la DRH.

Ce renouvellement entraîne un rajeunissement de l’entreprise où la moyenne d’âge est de 41,5 ans, contre 43 ans en 2016. Depuis quatre ans, 40 % des embauchés ont moins de 30 ans et 8 % plus de 50 ans. Pour faciliter l’intégration des jeunes, Naval Group a lancé voici deux ans des chantiers école pour former par petits groupes les nouveaux arrivants aux spécificités des métiers et surtout transmettre les compétences. Ils sont situés dans des espaces spéciaux au cœur même des ateliers concernés, comme c’est le cas sur le site de Nantes-Indret (Loire-Atlantique), spécialisé notamment dans la propulsion nucléaire des sous-marins.

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