Archive dans janvier 2020

500 000 emplois créés depuis 2017, vraiment ?

Chronique. Lors de ses vœux pour l’année 2020, le président de la République s’est félicité de la création de 500 000 emplois depuis son élection. Ce chiffre correspond à l’évolution de l’emploi salarié du deuxième trimestre (T2) 2017 au troisième trimestre 2019, issue des compilations de données administratives par l’Insee, l’Acoss (Sé­curité sociale) et la Dares (ministère du travail). L’autre grande source disponible est l’enquête Emploi, où l’Insee interroge en continu un échantillon représentatif de la population en âge de travailler sur sa situation d’emploi. Là, le portrait est bien moins reluisant : entre les deux dates, seulement 200 000 personnes supplémentaires seraient « occupées » au sens d’Eurostat (ni chômeur ni inactif au moment de l’enquête).

La divergence est même pire si on se concentre sur le nombre de travailleurs dont l’activité principale est salariée : il aurait baissé de l’ordre de 40 000 sur la même période d’après les chiffres bruts fournis par Eurostat

S’il est habituel que les deux sources ne coïncident pas, notamment en raison d’effets de calendrier (fin de trimestre pour la première, en continu pour la seconde), la divergence des estimations est spectaculaire pour la seconde année du quinquennat. Du T2 2018 au T2 2019, l’économie française aurait créé près de 250 000 emplois salariés selon les données administratives, et au plus 75 000 emplois tous statuts confondus selon l’enquête Emploi traitée par Eurostat. La divergence est même pire si on se concentre sur le nombre de travailleurs dont l’activité principale est salariée : il aurait baissé de l’ordre de 40 000 sur la même période d’après les chiffres bruts fournis par Eurostat. Les deux séries apportent ainsi des visions antithétiques, l’une cohérente avec la satisfaction du pouvoir, l’autre avec le malaise social persistant.

Les administrations économiques n’ont pour l’instant pas publié d’analyse de cette divergence récente (qui semble se prolonger au T3 2019, selon des données encore très provisoires). Les chercheurs n’auront accès que dans de très long mois aux fichiers détaillés. On en est donc réduit à émettre des hypothèses.

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1. L’enquête Emploi aurait subitement perdu en pertinence, potentiellement minée par le contentieux entre les enquêteurs de l’Insee et leur direction (in fine résolu cet automne par la création d’une prime de collecte). Mais alors que vaudraient les chiffres officiels du chômage calculés à partir de cette enquête ?

Quelle valeur ajoutée tirer des échecs de 2019

« Une série de suicides chez France Télécom (ex-Orange), dont les ex-dirigeants ont défilé à la barre du tribunal correctionnel de Paris pour revivre publiquement un système de harcèlement moral qui aura sévi entre 2007 et 2010  »
« Une série de suicides chez France Télécom (ex-Orange), dont les ex-dirigeants ont défilé à la barre du tribunal correctionnel de Paris pour revivre publiquement un système de harcèlement moral qui aura sévi entre 2007 et 2010  » ERWAN FAGES

« Carnet de bureau ». Loupés, bévues et autres erreurs sont une intarissable source d’innovation pour les entreprises. Certaines, comme Safran, Google, ou Blablacar ont intégré le droit à l’erreur à leur processus de production. Se tromper souvent, et très vite tirer les leçons de ses erreurs. C’est le propre du mode itératif, cher au management dit « agile ». Une occasion de comprendre ce qui nous a manqué, de découvrir des solutions inattendues.

Google s’est même créé une page « Killed by Google », pour garder la trace de ses projets d’innovation tués dans l’œuf. En théorie de sciences de gestion, on parle de « Fail Management ». Henry Ford disait simplement de l’échec, que c’est « l’opportunité de recommencer d’une façon plus intelligente ».

Mais qu’en est-il des échecs cuisants qui provoquent des drames, comme les catastrophes de Boeing, d’Orange ou de Thomas Cook ?

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Ces échecs-là ne sont pas de simples projets infructueux, ils ont provoqué des drames : 346 morts lors de deux crashes de 737 MAX en cinq mois chez Lion Air (29 octobre 2018) et Ethiopian Airlines (10 mars 2019) ; une série de suicides chez France Télécom (ex-Orange), dont les ex-dirigeants ont défilé à la barre du tribunal correctionnel de Paris pour revivre publiquement un système de harcèlement moral qui aura sévi entre 2007 et 2010 ; et, enfin, 22 000 salariés sur le carreau chez Thomas Cook, qui, en annonçant sa faillite fin septembre 2019, a mis fin à près de deux siècles d’activité. La justice jugera le ou les responsables avec les éléments qui sont les siens, affaire par affaire.

Des leçons à tirer pour le management

Mais en termes de leçons à tirer pour le management, « l’erreur n’est jamais uniquement humaine. En entreprise, elle s’inscrit dans des logiques de pouvoir. Il y a plusieurs registres à analyser dont l’organisationnel et le cognitif, car les responsables n’entendent souvent que ce qu’ils veulent entendre », explique Yvon Pesqueux. L’erreur peut être liée à l’individu, au contexte de travail, à l’organisation.

Le professeur de sciences de gestion cite trois types d’erreurs : l’erreur constante prise dans le cadre de décision stratégique, pour réagir à la concurrence dans l’urgence ; les erreurs comportementales comme dans l’affaire Ghosn, où « il a fallu qu’il soit en prison pour qu’on envisage que le dirigeant [de Nissan et Renault] soit critiquable », et, enfin, l’erreur contextuelle, qui consiste à appliquer une solution inadaptée au problème : le drame de France Télécom illustre, entre autres, la méconnaissance des fondements conceptuels de la « courbe de deuil » utilisée par les dirigeants pour faire accepter le changement.

La médecine du travail face caméra : les limites de la téléconsultation

« C’est donc pour tenter de lutter contre cette pénurie de médecins que des réflexions se multiplient, dans le Loiret comme ailleurs, sur la mise en place de téléconsultations médicales. »
« C’est donc pour tenter de lutter contre cette pénurie de médecins que des réflexions se multiplient, dans le Loiret comme ailleurs, sur la mise en place de téléconsultations médicales. » Hervé de Gueltzl / Photononstop

C’est une petite révolution pour la médecine du travail du Loiret. D’ici quelques semaines, certains rendez-vous médicaux se feront par téléconsultation. Aux côtés d’une infirmière, les salariés concernés échangeront par écrans interposés avec un médecin situé à une soixantaine de kilomètres de distance. Chargée de cette expérimentation au sein du Comité interentreprise d’hygiène du Loiret (CIHL), la médecin du travail Isabelle Lepetit assurera ces consultations depuis Orléans.

« A l’origine de ce dispositif, il y a bien sûr le déficit important de temps médical dans certaines zones rurales du département », explique-t-elle. Un déficit qui découle de la diminution continue des effectifs en médecine du travail, tout particulièrement dans les territoires les moins peuplés. Dans de nombreuses régions à travers la France, on manque de professionnels de santé et la présence de quelques médecins retraités reprenant du service ne change guère la donne. Quant aux professionnels étrangers, qui représentent parfois la majorité des recrutements, « ils n’ont souvent pas d’expérience de la médecine du travail et doivent donc être formés avant de pouvoir intervenir et encadrer des équipes pluridisciplinaires », poursuit Mme Lepetit.

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C’est donc pour tenter de lutter contre cette pénurie de médecins que des réflexions se multiplient, dans le Loiret comme ailleurs, sur la mise en place de téléconsultations médicales. « Nous n’en sommes qu’aux balbutiements mais le potentiel de développement est considérable au vu des problématiques de démographie médicale », reconnaît Catherine Pinchaut, chargée des questions de santé au travail à la CFDT. Un développement que le rapport Lecocq sur la santé au travail (« Santé au travail : vers un système simplifié pour une prévention renforcée », août 2018) a justement appelé de ses vœux, afin de « répondre aux disparités territoriales ».

De nombreuses interrogations

La médecine du travail devant la caméra : c’est déjà une réalité dans l’Oise. Micro-casque sur les oreilles, Muriel Legent mène régulièrement des consultations via ses deux écrans. Depuis 2019, son service de santé au travail, Médisis, propose des visites à distance aux caristes intérimaires qui ont l’obligation de passer devant le médecin avant la prise de poste. « S’ils n’ont pas de visite, ils n’ont pas d’emploi », résume-t-elle.

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Or, comme dans le Loiret, les centres médicaux en zone rurale ont, dans l’Oise, des difficultés à répondre à toutes les demandes. Certains intérimaires doivent donc se déplacer à Beauvais pour effectuer leur visite. « Mais l’expérience montre que lorsqu’on annonce qu’il faudra faire deux heures de route pour rencontrer un médecin, certains d’entre eux ne viennent pas », explique Olivier Hardouin, directeur général de Médisis.

Le harcèlement managérial mieux cerné

« Rien de nouveau dans le constat qu’un acte managérial banal puisse constituer un délit pénal : ainsi d’une discrimination sur le sexe, ou l’appartenance syndicale lors d’une mobilité. »
« Rien de nouveau dans le constat qu’un acte managérial banal puisse constituer un délit pénal : ainsi d’une discrimination sur le sexe, ou l’appartenance syndicale lors d’une mobilité. » Ingram / Photononstop

Avis d’expert « Droit social ». Le harcèlement managérial étant hiérarchiquement transmissible, il n’est pas étonnant qu’un juge pénal soit appelé à se prononcer sur la responsabilité personnelle des véritables décideurs. Et rien de nouveau dans le constat qu’un acte managérial banal puisse constituer un délit pénal : ainsi d’une discrimination sur le sexe, ou l’appartenance syndicale lors d’une mobilité.

Plus délicat : dans le western qu’est devenue la vie des grandes entreprises soumises à une féroce concurrence, comment séparer, particulièrement en cas d’urgence, les actes managériaux indispensables à la survie de l’entreprise et « l’infraction pénale de harcèlement moral, constituée par une politique d’entreprise et d’organisation du travail », pour reprendre les termes de la procureure de la République ?

Le jugement du tribunal correctionnel de Paris du 20 décembre 2019 condamnant pour harcèlement moral les trois plus hauts dirigeants de France Télécom (PDG, DG, DRH), un groupe de plus de 100 000 personnes, à une peine de prison de douze mois (dont huit avec sursis) fera donc date ; même si ce contentieux se terminera véritablement dans trois ans devant la chambre criminelle de la Cour de cassation.

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D’abord, car le procès ne s’est pas tenu devant un conseil de prud’hommes, où la preuve du harcèlement est légalement facilitée, la chambre sociale de la Cour de cassation ayant, dès le 10 novembre 2009, créé le harcèlement managérial « mis en œuvre par un supérieur hiérarchique », mais devant une juridiction pénale, où, quel que soit le tohu-bohu médiatique, doivent régner l’interprétation stricte des textes et la constitutionnelle présomption d’innocence. Le choix de ce terrain, efficace en termes médiatiques, était donc risqué.

Le jugement fera également date par sa créativité : sortir d’une logique individuelle (dans toute entreprise existent des manageurs toxiques et des salariés fragilisés) pour constater la mise en place d’une nouvelle organisation collective « ayant pour objet ou pour effet d’altérer la santé physique ou mentale » (article 222-33-2 du code pénal).

Prévenir, sensibiliser, former

Au-delà du contexte très spécifique rappelé par le jugement (« dualité des statuts, ouverture à la concurrence, poids de la dette »), le décalage essentiel réside dans la gestion du temps. Dans une entreprise en difficulté, les dirigeants veulent aller vite, sans toujours penser à l’indispensable accompagnement de ces très rudes changements sur le plan collectif mais aussi individuel, a fortiori lorsqu’il s’agit de collaborateurs à forte identité professionnelle. Avec les conséquences humaines dramatiques que l’on connaît et des effets de réputation dévastateurs.

« Le chômage des seniors, grand absent du débat sur les retraites »

Tribune. Le recul de l’âge de la retraite est une constante des réformes engagées depuis le début des années 2010, une tendance à l’œuvre dans la plupart des pays européens. Mais la France se singularise par la difficulté à maintenir les seniors sur le marché du travail. Certes, le taux d’emploi des plus de 50 ans s’est accru sensiblement sur la période récente, mais la situation des seniors de plus de 60 ans exige de tirer la sonnette d’alarme.

Pour beaucoup, le report de l’âge de la retraite s’est traduit par une éviction pure et simple du marché du travail. Chez les 60-64 ans, le taux d’emploi plafonne à 31 % en 2018 ; 7,5 % d’entre eux sont au chômage, le plus souvent depuis plus d’un an, quand d’autres ont basculé dans l’inactivité et les minima sociaux. Aujourd’hui, près de 900 000 actifs de plus de 55 ans sont inscrits comme demandeurs d’emploi en catégories A, B, C. Sur dix ans, leur nombre n’a fait que croître : les plus de 60 ans sont aujourd’hui 300 000 à être inscrits à Pôle emploi, contre 50 000 en 2012.

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Dans le débat actuel sur les retraites, on aborde l’emploi des seniors sous l’angle de l’allongement des carrières, du maintien en emploi, de la santé au travail. Mais comment le chômage des seniors est-il pris en compte ?

En juillet, la Cour des comptes regrettait « le délaissement des politiques en faveur de l’emploi des seniors » et « l’absence de stratégie nationale du service public de l’emploi » sur ce sujet. Durant plus de trente ans, les politiques publiques ont fait du traitement social du chômage et des mécanismes de cessation anticipée d’activité l’essentiel de la politique de l’emploi en direction des seniors. A partir du milieu des années 2000, les pouvoirs publics changent de cap. Pour relancer l’emploi des seniors, ils décident de mettre un terme à la logique des préretraites et aux dispositifs qui lui étaient associés : fin des garanties de ressources, de la dispense de recherche d’emploi, etc.

« Sans état des lieux, comment faire pour déconstruire les stéréotypes attachés à la figure du chômeur senior ? »

Malheureusement, aucune politique active de l’emploi n’a pris le relais de ces mesures dites passives pour favoriser le retour à l’emploi des seniors au chômage. Les « plans seniors » et le « contrat de génération » de 2012 ont fait long feu, et les quelques contrats aidés qui subsistent aujourd’hui ne ciblent pas le public des seniors, très faiblement représenté dans ces dispositifs. Sur les 140 000 contrats aidés signés en 2018 par les entreprises, seuls 47 000 concernent les actifs de plus de 50 ans. Seulement 16 % des chômeurs de plus de 50 ans ont pu bénéficier des parcours mis en place par les structures d’insertion par l’activité économique. Du côté de la formation professionnelle, même constat, puisque seulement 3 % des chômeurs de plus de 55 ans accèdent chaque année à des actions de formation.

Allocations, pensions, smic : quelles revalorisations en 2020 ?

Les retraites de base sont revalorisées au 1er janvier de 0,3 % ou de 1 %, selon les cas.
Les retraites de base sont revalorisées au 1er janvier de 0,3 % ou de 1 %, selon les cas. GERARD JULIEN / AFP

Qui dit 1er janvier dit revalorisation du smic. Le montant horaire du salaire minimum passe ainsi de 10,03 à 10,15 euros brut. Gain mensuel pour 35 heures par semaine : 18,20 euros. Cette hausse de 1,2 % correspond à l’application stricte de la formule réglementaire, qui prend en compte l’évolution des prix pour les ménages les plus modestes et des salaires des ouvriers et employés. Toujours pas de coup de pouce, donc, cette année.

De combien les prestations sociales augmenteront-elles, de leur côté, en 2020 ? C’est compliqué… Certaines seront indexées sur l’inflation. D’autres gagneront seulement 0,3 %, soit moins que la hausse des prix. Le gouvernement parle d’« une revalorisation maîtrisée ». Seront ainsi concernées par le taux de 0,3 % l’allocation adulte handicapé (AAH), la prime d’activité et les prestations familiales. Elles seront indexées, comme de coutume, le 1er avril. Même taux pour les aides au logement, dont les montants évoluent traditionnellement le 1er octobre.

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Parmi les prestations qui grimperont en revanche autant que les prix cette année (taux non encore connu), citons le revenu de solidarité active (RSA), l’allocation supplémentaire d’invalidité (ASI) et l’allocation de solidarité spécifique (ASS), qui s’adresse aux demandeurs d’emploi ayant épuisé leurs droits au chômage. Date : 1er avril 2020.

Plusieurs taux pour les retraites

Quelles règles s’appliqueront aux retraites de base ? Tout dépend du montant total des pensions de la personne, de base et complémentaires, réversions comprises. Si celles-ci ne dépassent pas, additionnées, 2 000 euros bruts mensuels, la hausse, calée sur l’inflation, est de 1 % ce 1er janvier. Sinon, c’est 0,3 %, le gouvernement ayant opté pour une « revalorisation différenciée ». Subtilité : à des fins de lissage, le taux variera toutefois entre 0,4 et 0,8 % pour les retraites comprises entre 2 001 et 2 014 euros inclus. Une seule exception à ce schéma concerne les avocats, qui verront tous leurs pensions de base augmenter de 1 %.

Notez que les pensions d’invalidité seront revalorisées comme les retraites de base (0,3 % ou 1 %, selon les montants de pensions totales), au 1er avril. Quid des autres régimes complémentaires ? Les retraites Agirc-Arrco des salariés doivent évoluer le 1er novembre 2020 en fonction de l’inflation. Pour la retraite additionnelle de la fonction publique (RAFP), l’augmentation doit être connue en février 2020, pour une application rétroactive au 1er janvier. La hausse, au 1er janvier 2020 également, sera de 1 % pour les agents non titulaires de la fonction publique (Ircantec) ainsi que les commerçants et artisans, et de 0,3 % chez les avocats. Pour les autres libéraux, les taux varient selon les sections d’affiliation.