Archive dans 2019

Les vagues des contrats courts

Il existe actuellement en France plusieurs types de CDD. Passage en revue des différents contrats de travail aléatoires.

En 2017, l’Insee a déterminé 1,2 million de personnes en contrat de moins de trois mois, c’est d’eux dont il s’agit, mais cela ne dit rien sur les conditions de recours. Dans le code du travail français, comme dans les directives européennes, la « forme normale et générale de la relation de travail » est le « contrat de travail à durée indéterminée ». Mais à partir des années 1980, le nombre de contrats à durée déterminée (CDD) avait déjà débuté à accroître. Le droit du travail a donner au fur et à mesure des besoins des entreprises un véridique catalogue de contrats pour s’accommoder, d’une part, à la requête de l’économie et, d’autre part, à la protection des salariés. Ce qui s’est expliqué par une différenciation des CDD.

Il en existe actuellement une vingtaine de types. Ils ont en commun de devoir être justifiés par un seul motif (remplacement d’un absent, variation d’activité, etc.). A chaque motif son contrat, ce qui incite des employeurs confrontés au cumul des absences de plusieurs employés à faire de multiples CDD courts. C’est fréquent dans le secteur médico-social. La durée maximale du CDD, renouvellement compris, est de neuf à vingt-quatre mois selon le motif inscrit dans le contrat. L’employeur doit respecter un délai de carence entre deux contrats. Le salarié perçoit une prime de précarité de 10 % et une indemnité de congés payés de 10 %. Revue des dispositifs les plus populaires.

Le contrat saisonnier est un CDD particulier, redéfini par les ordonnances du 22 septembre 2017 comme un « emploi dont les tâches sont appelées à se répéter chaque année ». Courant dans le tourisme et le secteur agricole (vendanges), il peut être renouvelé indéfiniment, à chaque saison, et n’est pas assorti d’indemnité de fin de contrat. En revanche, le salarié bénéficie dans certaines branches d’un droit à reconduction de son contrat.

Les extras, fréquents dans la restauration, sont des CDD ou des CDD d’usage, courts, voire très courts, d’une ou deux journées en moyenne. Pour la protection des salariés, la loi a fixé en 2013 une durée minimale de travail hebdomadaire à vingt-quatre heures. Lades contrats très courts « ne semble pas uniquement attribuable au développement des CDD d’usage », selon le ministère du travail.

Le CDD d’emploi, au cœur du débat sur le bonus-malus, n’est qualifié que dans certains secteurs d’activité indiqués par décret, comme l’hôtellerie et la restauration, ou bien l’audiovisuel. Il doit répliquer à un besoin ponctuel ou occasionnel. Plus souple pour l’entreprise, il n’impose ni terme, ni délai de carence, ni compensation de précarité. C’est pourquoi les employeurs de tous secteurs y minent de plus en plus.

Royaume-Uni les variétés du travail maniable

Presque un million de salariés outre-Manche ont un contrat de travail à « zéro heure », au total, plus de sept millions de Britanniques œuvrent sous un statut très maniable.

Leur utilisation a éclaté après la crise financière. En 2008, 190 000 personnes au Royaume-Uni œuvraient avec un contrat à « zéro heure ». En 2016, il y en avait 900 000. Leur nombre s’est depuis immobilisé. Ces travailleurs, qui représentent actuellement 2,8 % de la main-d’œuvre britannique, n’ont aucune heure de travail garantie et sont fréquemment appelés à la dernière minute pour répondre à la demande.

Sports Direct, une grande affiche de vêtements et d’équipement de sport, est devenue le symbole de cette pratique. A son pic, en 2017, elle utilisait 90 % de la main-d’œuvre de ses entrepôts de cette façon (elle a promis depuis de mettre fin à cette pratique). L’hôtellerie-restauration et les aides à domicile sont ceux qui y usent le plus.

Pour ces laborieux, le statut aléatoire rend la vie quotidienne très rude. Louer un logement, contracter un emprunt ou même réussir un forfait de téléphone portable est souvent très compliqué, faute de capacité réhabiliter d’une rétribution régulier. Face au tollé, plusieurs entreprises ont déterminé de diminuer l’utilisation de ces contrats.

Cette hyper souplesse n’est malgré cela que la partie affleurée de l’iceberg d’un marché du travail britannique spécialement souple. Aux 900 000 contrats à zéro heure, il faut augmenter près d’un million de travailleurs qui ont des statuts différents mais sans aucun horaire garanti. Les autoentrepreneurs sont encore plus nombreux, avec près de 5 millions de personnes. Les livreurs, la moitié des ouvriers sur les chantiers ou encore les laveurs de voiture sont fréquemment à leur compte. Quant aux salariés intérimaires, ils sont environ 800 000. Au total, plus de sept millions de Britanniques œuvrent sous un statut très flexible. Et pour ceux qui ont un CDI, les licenciements sont de toute façon relativement faciles et les rémunérations minimales assez faibles.

Le marché du travail britannique continue de surprendre

Cette disposition du marché du travail, si elle a créé une catégorie de laborieux pauvres, présente cependant des avantages. Elle a permis de fermement amortir l’impact social de la crise. En 2008, les économistes s’espéraient à voir le chômage redoubler et prévenir la barre des 10 %, comme dans les années 1990. Définitivement, il a culminé à 7 % environ. Pendant la même période, les salaires ont fortement reculé, en partie parce que les nouveaux contrats payaient mal. Concrètement, cela signifie que le choc de la crise, très violent, a été réparti amplement à travers toute la population, plutôt que de s’accumuler sur les chômeurs.

« Les “responsables du bonheur” dans les sociétés n’étudient pas la peine au travail à sa source »

Un espace réservé à la détente chez Just Eat, entreprise parisienne, le 14 février 2019.

Un espace réservé à la détente chez Just Eat, entreprise parisienne, le 14 février 2019.
La sociologue Danièle Linhart voit que la croissance du bonheur dans l’entreprise vise particulièrement à « compenser une détérioration du contenu du travail ».

Danièle Linhart est sociologue du travail, directrice d’étude émérite au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et membre du Centre de recherches sociologiques et politiques de Paris (Cresppa).

Que vous inspire cette aptitude assez nouvelle, dans les firmes en France, du bonheur au travail ?

Danièle Linhart : Cela indique une intrusion exceptionnellement forte dans la vie privée des salariés et la volonté de s’intervenir dans ce qui relève des affects, des émotions – on parle d’ailleurs de gestion des émotions, de la conduite des affects.

Principalement, il me semble que le développement du bonheur dans l’entreprise – certains articulent de « bienveillance » – vise à battre une atteinte du contenu du travail et à dissimuler des contradictions profondes qui sont au cœur du modèle managérial moderne. D’un côté, il y a la volonté de donner au salarié plus de liberté, d’autonomie, la possibilité de se réaliser dans le travail ; de l’autre, la multiplication de procédures et de protocoles, c’est-à-dire de contraintes et d’un contrôle professionnel exceptionnellement forts.

Les salariés peuvent percevoir du mal-être face à ces contradictions très importantes qui relèvent en cause leur placement dans le travail.

Quel rôle ont les « chief happiness officers » (CHO), les responsables du bonheur, dans cette stratégie du bien-être au travail ?

La parvenue des chief happiness officers, des « DRH de la bienveillance », c’est pour dire : « Tout n’est pas rose, mais on est là pour vous assister. » Les CHO sont chargés d’arranger des événements, des rencontres, de l’affabilité, d’assister la vie dans l’entreprise (service de conciergerie, massages, numéros verts de psy, méditation, conseils nutritionnels…), mais en périphérie du travail lui-même. Les CHO sont un exutoire. Ils sont là pour montrer que le bien-être des salariés est une participation pour la direction, mais surtout pour faire en sorte que les salariés détiennent face aux contradictions du modèle managérial moderne.

Les CHO ne comblent pas la peine au travail à sa source. Ils donnent l’impression aux salariés qu’on s’occupe d’eux, mais ils ne traitent pas des problèmes majeurs qui sont liés au contenu même du travail. Parfois même cela aggrave les choses, c’est une manière de reproduire la faute des sources du malheur sur le salarié : officiellement, la direction fait tout pour le rendre heureux et, pourtant, le salarié se sent malheureux, donc il se dit que le problème vient de lui.

 

« Responsable du bonheur » en société, entre chouchoutage recherche de rendement

Nathalie Forrestier est la « chief happiness officer » dans l’entreprise parisienne de livraison de repas à domicile Just Eat. Le 14 février, elle prépare des activités pour la Saint-Valentin.
Nathalie Forrestier est la « chief happiness officer » dans l’entreprise parisienne de livraison de repas à domicile Just Eat. Le 14 février

Etre responsable de protéger au bien-être des salariés est une profession de moins en moins négligeable en France.

« Où va le travail ? ». « On fait le point sur la Saint-Valentin ? Du croustillant à nous enseigner ? » Alentour de Nathalie Forrestier, dans une petite salle ouverte sur un ample open space, sept salariés de Just Eat interrogent leur ordinateur portable. Au menu du meeting: la « fête des amoureux », agencée dans l’entreprise jeudi 14 février. A moins d’une semaine du fait, quelques détails demeurent à régler.

« On a modéré une manucure et un barbier de 14 heures à 18 heures, réplique une salariée.

— Très bien. Et question déco ?, rejaillit Nathalie.

— On peut ordonner des ballons gonflables et des Post-It en forme de cœur », inspire une autre.

— Parfait. Du love, du love, du love », s’enthousiasme Nathalie.

Nathalie Forrestier est « chief happiness officer » (CHO) chez Just Eat (ex-Allo Resto). Salariée depuis une douzaine d’années de cette entreprise parisienne de livraison de repas à domicile, elle est occupée, comme l’indique la traduction française de son poste – « responsable du bonheur » –, d’examiner au bien-être des salariés.

Happy lunchs entre collègues, birthday parties, séminaires, ateliers de codéveloppement… Nathalie a carte blanche « pour maintenir la cohésion entre les équipes ». Cela passe par de l’événementiel interne, mais pas uniquement. L’actif quadragénaire, en jeans et sweat à capuche, assure que ses missions « sont très variées » :

« C’est moins perceptible, mais je fais aussi en sorte que les adoptes managériales soient comprises de tous. A l’écoute, prête à réfréner les conflits potentiels. »

Figure d’une CHO : Chief Happiness Officer, « c’est un poste qui s’élève autour d’un profil »

Un bien-être… stratégique

Née dans la Silicon Valley au début des années 2000, le métier de CHO en entreprise fait une timide percée en France depuis trois ou quatre ans. Si les laboratoires Boiron ont fait figure de pionniers du « management humaniste » dès les années 1980, c’est la propagation en 2015 sur Arte d’un documentaire de Martin Meissonnier appelé Le Bonheur au travail, qui a lancé la mode : le bien-être des salariés devenait stratégique.

Le nombre de CHO reste encore négligeable en France – quelques centaines tout au plus, particulièrement des femmes –, mais la fonction a suborné des grands groupes, comme Kiabi, Decathlon, Bouygues, Carrefour ou encore Publicis. « Contrairement aux idées reçues, on est plus CAC 40 que start-up », assure Olivier Toussaint, cofondateur du Club des CHO, qui joint des entreprises et des professionnels « sensibles à la question du management humaniste ».

« Quand des agriculteurs en pénurie entament une cagnotte en ligne »

Aurore et Guillaume Fumoleau, dans leur ferme, à Bourg-Archambault (Vienne), le 15 mars.
Aurore et Guillaume Fumoleau, dans leur ferme, à Bourg-Archambault (Vienne), le 15 mars. FP

C’est l’histoire d’Aurore et Guillaume Fumoleau, qui ont recourt au paiement participatif sur Internet pour tenter de protéger leur exploitation.

Aurore Fumoleau est femme d’agriculteur ; d’agriculteur au bord de la ruine. Fin janvier, un huissier est venu taper à la porte de leur ferme, à Bourg-Archambault (Vienne). Sélectionné par la banque auprès de laquelle le couple a souscrit un emprunt qu’il n’arrive pas à rétribuer, l’huissier est revenu lui rendre visite, mi-février, afin d’estimer les biens à saisir : la maison, les bâtiments agricoles, les terres. C’est quelques jours après, dans un moment de grande enfonce, qu’Aurore Fumoleau a approprié la requête suivante sur Google : « Solution pour sauver une exploitation agricole ». Le mot « cagnotte » est présenté. En quelques clics, la jeune femme (37 ans) défaisait un compte sur Leetchi.com, l’un des essentiels sites de collecte collaborative.

La production agricole à implication limitée (EARL) de son mari Guillaume – 95 vaches de race limousine, sur 160 hectares de prairie, dont 140 en location – enchaîne les nécessités depuis sa création, en 2013. Parti avec un passif de 20 000 euros au moment de représenter à ses parents, l’éleveur a d’abord subi de plein fouet la crise du lait alors qu’il élevait des chèvres. Les dettes n’ont cessé, ensuite, de s’accumuler, pour atteindre 230 000 euros. Placé en redressement judiciaire en 2016, il se voit alors proposer un plan d’échelonnement sur quatorze ans. Plan qu’il a du mal à assumer actuellement alors que son activité a trouvé son rythme de croisière grâce à la bonne tenue du cours de la viande bovine.

Quand sa femme a ouvert une cagnotte sur Internet, le gaillard a élevé des sourcils. « Tu parles, on va récolter 100 euros grand maximum », a-t-il grondé. Trois semaines plus tard, leur compte sur Leetchi atteint 45 000 euros. Un article dans le quotidien Centre Presse, un autre sur France 2, ont dopé leur appel au don. La rétribution de leur maison (55 000 euros) est presque acquise actuellement.

Familles en peine

Jamais Guillaume Fumoleau n’aurait résolu, de lui-même, représenter public de la sorte ses nécessités. « J’étais plutôt dans l’idée d’attendre la réponse de la banque, à qui j’ai fait de nouvelles propositions pour m’en sortir », confie-t-il. « Ce n’est pas un hasard si la décision d’ouvrir une cagnotte a été prise par moi, qui ne suis pas d’origine agricole, explique sa femme, assistante maternelle en réorientation. A la campagne, il est d’usage de ne pas parler de ses problèmes. »

Claire L. Evans : « Quand l’informatique a pris de la valeur, les femmes ont dû quitter le terrain »

Grace Hopper, Hedi Lamar, Margaret Hamilton…, ces quelques noms sont souvent cités pour rappeler la contribution des femmes à l’informatique dans un grand récit où les héros et les légendes sont les génies masculins.

Le profil des employés et des leaders des GAFA (Google, Amazon, Facebook, Apple) de la Silicon Valley semble donner raison à cette idée que l’informatique serait depuis toujours et avant tout une affaire d’hommes.

C’est faux. Les femmes ont été à l’avant-garde de l’informatique. Même le mot « ordinateur » (computer, en anglais) a été emprunté aux ordinatrices qui exécutaient des calculs mathématiques compliqués bien avant les machines, dès le XIXe siècle.

Dans son ouvrage inédit en France, Broad Band, The Untold story of the women who made the Internet (Penguin, 2018), Claire L. Evans démonte une image d’Epinal tenace dans la tech : celle de l’étudiant geek, seul au fond de son garage. Fan d’informatique et du Net depuis son plus jeune âge, grâce notamment à son père programmeur chez Intel, elle a enquêté pendant deux ans sur l’implication des femmes dans ce milieu, depuis Ada Lovelace, qui a publié le premier programme en 1843, à la cyberféministe Sadie Plant, figure des années 1990.

L’auteure, journaliste et musicienne de 34 ans, était de passage à la mi-mars à Paris pour inaugurer l’exposition « Computer Grrrls » qui se tient du 14 mars au 14 juillet à La Gaité lyrique (3e arrondissement).

Quel est le point de départ de votre enquête ? Qu’est ce qui vous a donné envie d’écrire ce livre ?

Quand j’écrivais, je disais aux gens qu’il s’agissait d’une histoire féministe d’Internet, parce que ça sonnait bien. Mais il s’agit bien plus d’une histoire de la technologie racontée du point de vue des femmes. Il y a bien sûr eu dans le passé des livres ou des publications sur le sujet, mais il s’agissait essentiellement de contributions académiques, je me suis dit qu’il manquait peut-être un livre plus grand public.

Pendant plusieurs années, j’ai été journaliste et j’ai donc enquêté pour des articles à propos des femmes et des nouvelles technologies. Plus j’écrivais, plus je réalisais que le matériau était infini et inexploité. Toutes ces histoires sont aussi intéressantes et représentatives que celles qu’on pouvait nous raconter sur Steve Jobs, Tim Berners-Lee ou Bill Gates, mais elles n’étaient que rarement évoquées.

Comment avez-vous sélectionné les histoires que vous alliez raconter ?

J’ai choisi de représenter chaque moment majeur de l’histoire d’Internet : la programmation, l’informatique en réseau, l’invention du Web. J’ai tenté de choisir pour chacun de ces moments charnières quelques histoires qui seraient attractives et les refléteraient bien. J’en ai gardé une douzaine. Mais il faut se souvenir que, derrière chaque femme de ce récit, il y en a une centaine de plus.

Quelque chose qui me tenait à cœur était de ne pas uniquement raconter les femmes techniciennes et les codeuses « hardcore », mais aussi celles qui ont contribué à la technologie d’autres façons, comme l’édition en ligne, ou qui ont travaillé sur les systèmes d’hypertexte.

Il y a, par exemple, Stacy Horn, qui a beaucoup œuvré sur le développement des communautés en ligne. Celle qu’elle a fondée en 1990 à New York, qui s’appelle Echo, reposait sur le système de bulletins électroniques (BBS) et préexistait au Web. Mais son approche et sa façon de travailler sont très pertinentes dans le débat qui existe aujourd’hui à propos des réseaux sociaux. Elles représentent des voies et des alternatives qui auraient pu être envisagées.

Comment explique-t-on que les femmes aient été si nombreuses aux prémices de l’informatique ?

Au tout début de l’informatique, née aux alentours de la seconde guerre mondiale, pour faire des calculs militaires et balistiques, les gens qui étaient embauchés pour opérer sur ces machines étaient des femmes, parce qu’autrefois elles faisaient ce même travail d’ordinatrices : elles calculaient à la place des machines.

C’était un travail qu’on leur laissait faire si elles avaient des notions de mathématiques. A cette époque, ce n’était pas du tout considéré comme un travail important, il était assimilé au travail des téléopératrices.

De l’informatique et des calculs en temps de guerre, le nom que l’on retient est celui d’un homme : Alan Turing.

Turing est une personne fascinante, il n’est pas un ennemi de la cause féminine, et il était queer. Mais sa biographie est symptomatique de cette histoire de l’informatique où nous avons seulement quelques récits d’hommes solitaires et visionnaires.

Contrairement à la façon dont on les présente, ces gens n’étaient jamais seuls. On ne peut pas réaliser de si grandes choses sans l’aide d’un grand nombre de personnes. Nous adorons ces histoires de héros solitaires, de génie dans un garage, parce que c’est pratique, on s’en souvient facilement. Cela entre dans nos modèles de pensée et d’adulation. Mais chaque fait est toujours bien plus compliqué. Nombre de femmes qui figurent dans mon livre ont travaillé avec des hommes célèbres et ont pu contribuer à leur œuvre.

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La richesse semble aussi faire partie des « success stories » de la tech !

En effet, dans l’histoire de la tech, on met l’accent sur ces parcours de gens qui sont devenus riches, ont construit des entreprises qui ont changé le monde, embauché des millions de salariés et ont acquis le statut de magnat.

Aux Etats-Unis, notamment, la réussite et la richesse sont synonymes. Mon livre est plein d’échecs, en ce sens qu’une grande partie des femmes ne sont pas devenues riches et célèbres. En même temps, je ne crois pas que ce soit sain pour nous, en tant que société, de seulement admirer ce type de parcours. Il me paraît tout aussi intéressant de commencer à aussi idolâtrer des gens qui ont pris des décisions différentes, ont décidé de prendre soin des autres, ont décidé de s’investir à long terme dans leur communauté, de s’en sentir responsables.

Quelles contributions des femmes à l’informatique peut-on citer ?

Aux prémices de cette technologie, elles ont dû apprendre par elles-mêmes comment intégrer les maths dans ces nouvelles machines, car celles-ci étaient livrées sans manuel. Pour fluidifier la liste des tâches, se rendre le travail plus facile, elles ont donc aussi développé l’art de la programmation informatique.

Pendant les vingt premières années de l’informatique, les femmes étaient pratiquement les seules à savoir programmer. Elles dirigeaient les équipes logicielles, ont fait émerger les standards et les protocoles, ont inventé les premiers compilateurs [programmes qui transforment un code source en un code objet] et les premiers langages informatiques.

Comment expliquez-vous que ces femmes aient été massivement invisibilisées ?

Quand ces tâches sont devenues importantes, qu’elles ont eu de la valeur, qu’il y avait de l’argent à faire, c’est là qu’on a vu les femmes quitter progressivement le terrain. Non par choix, mais parce que les hommes voulaient ces boulots, réalisant qu’ils pouvaient y revendiquer un statut.

Ces champs autodidactes ont été plus formalisés, institutionnalisés. Des diplômes et des qualifications sont apparus, ainsi que le terme « d’ingénieur informatique », dans les années 1970, revendiqué par les hommes à la place du terme « programmeur ».

Est-ce qu’on distingue des périodes différentes quant à la condition des femmes dans l’informatique ? Est-ce que c’était mieux avant ?

Dans un certain sens, les choses étaient mieux en 1960 que maintenant : un grand nombre de femmes faisaient de la programmation, une grande partie des diplômés dans les universités étaient des femmes jusqu’au début des années 1980. Il y a donc eu des époques où les femmes étaient beaucoup visibles et admises en informatique, jusqu’aux années 1970, avec l’arrivée progressive des hommes.

La Silicon Valley reste-t-elle aujourd’hui un territoire masculin ?

Nous sommes en train de ressentir les conséquences des défauts de conception des logiciels, pour la plupart imaginés par des groupes monolithiques d’hommes qui ne font pas attention aux besoins de la communauté au sens large.

En interne, cela reste un milieu largement dominé par les hommes, un « boys club », dont émanent de nombreux et horribles récits sur des espaces de travail toxiques et un grand manque de représentation.

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Mais c’est le début du changement, cela s’améliore, je pense. Les solutions ne sont pas encore mises en place, c’est certain, mais il y a beaucoup de gens qui parlent de la situation. Les entreprises ont au moins l’air de prétendre qu’elles sont attentives à ces problèmes, même si elles bataillent encore avec les solutions, solutions qui sont probablement assez simples : embaucher des femmes, les payer correctement et les traiter avec respect, veiller à ce qu’elles travaillent dans un environnement qu’elles ne considèrent pas comme dangereux.

Etes-vous optimiste quant au futur du Web ou d’Internet ?

Pour être honnête, pas vraiment. Tant que l’on n’a pas trouvé une façon de mettre de côté les questions d’argent, nous ne serons jamais capables de créer des systèmes sûrs et équitables.

Tant que les architectes de l’Internet d’aujourd’hui seront aussi ceux qui cherchent des façons de monétiser les utilisateurs, nous ne prendrons pas soin de ces technologies. Il y a probablement des systèmes alternatifs à trouver, mais nous devons profondément réexaminer la question et la signification de la vie en ligne.

Et si on n’évacue pas totalement la question de l’argent, il faudrait être au moins plus transparent sur la façon dont ces entreprises fonctionnent et ce qu’on leur abandonne quand on utilise leurs services.

« Computer Grrrls », exposition, performances et conférences sur le thème des femmes et de l’informatique, à La Gaité lyrique, à Paris, du 14 mars au 14 juillet. Le programme complet est à consulter en ligne.
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l’inquiétude des syndicats face à l’âge de départ de la retraite

Jean-Paul Delevoye, Haut Commissaire à la réforme des retraites, et Agnès Buzyn, le 13 décembre 2018.
Jean-Paul Delevoye, Haut Commissaire à la réforme des retraites, et Agnès Buzyn, le 13 décembre 2018. GILLES BASSIGNAC / DIVERGENCE

Les conflits du gouvernement face à l’âge de départ à la retraite font présager les syndicats après la consultation.

L’âge minimum de la retraite demeurera-t-il fixé à 62 ans ? Après cinq jours de discutes, d’éclaircissements alambiquées et de mises au point contradictoires, la question n’a pas réellement reçu de réponse limpide de la part de l’exécutif. Jeudi 21 mars en fin d’après-midi, à l’issue d’une conférence au Sénat, le haut-commissaire en charge du dossier, Jean-Paul Delevoye, a bien essayé de mettre fin à la cacophonie en déclarant que cette borne d’âge sera maintenue dans le futur « régime universel » en cours de construction, conformément à la promesse de campagne d’Emmanuel Macron. Une promesse qui avait été réaffirmé le 10 octobre 2018, lors de l’exposition des premiers arbitrages. Mais son message a été mêlé par d’autres prises de parole, quelques heures plus tôt.

Convoquée sur BFM-TV jeudi, la ministre des solidarités et de la santé, Agnès Buzyn, s’était particulièrement vu poser la question suivante : « A 62 ans, on pourra partir à la retraite, à l’âge légal, et ensuite on pourra travailler avec une surcote ? » Réponse de la ministre : « Je ne peux pas vous donner le résultat d’une concertation. Aujourd’hui, c’est ce qui est discuté, je laisse le haut-commissaire travailler. » Elle avait ajouté que « l’âge, évidemment, est en discussion », dans le cadre de la réforme, « spécialement lorsqu’on est en pleine capacité, qu’on est en bonne santé et que l’on sait qu’on va passer vingt, vingt-cinq, trente ans à la retraite ». Une réflexion étonnante, dans la mesure où deux jours plus tôt, la ministre avait assuré, à l’Assemblée nationale, que la règle des 62 ans resterait inviolée.

« Gros recul »

Le mystère s’était déjà augmenté avec les propos d’Edouard Philippe, mercredi. Tout en témoignant que la borne d’âge ne bougera pas dans le cadre de la réforme des retraites, le premier ministre s’était consulté pour savoir « s’il faut travailler plus longtemps » afin de financer la dépendance. Le fait de coupler les deux thématiques – les retraites et la prise en charge de la perte d’autonomie – forme en soi un motif d’étonnement, car, jusqu’à aujourd’hui, elles avaient, presque toujours, été abordées indépendamment dans la communication officielle. La dépendance indique « un tout autre sujet » que celui des retraites, a d’ailleurs appuyé, jeudi, M. Delevoye, après le colloque au Sénat.

Problème des intérimaires face à la « prime Macron »

Le président Emmanuel Macron, lors d’une allocution télévisée enregistrée au palais de l’Elysée, le 10 décembre, après plusieurs semaines de crise des « gilets jaunes ». Le  gouvernement s’était prononcé, le 6 décembre, en faveur d’une prime exceptionnelle versée par les entreprises à leurs salariés pour soutenir le pouvoir d’achat.
Le président Emmanuel Macron, lors d’une allocution télévisée enregistrée au palais de l’Elysée, le 10 décembre, après plusieurs semaines de crise des « gilets jaunes ». Le  gouvernement s’était prononcé, le 6 décembre, en faveur d’une prime exceptionnelle versée par les entreprises à leurs salariés pour soutenir le pouvoir d’achat. OLIVIER MORIN / AFP

Les formalités de concentration de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat excluent un bon nombre de travailleurs provisoires.

Quand il a lu l’annonce affichée mi-janvier sur la porte de l’atelier, Stéphane, 23 ans, soudeur dans une PME, a « sauté de joie ». Une prime inhabituelle de pouvoir d’achat (PEPA) d’un montant de 700 euros allait être versée « aux acteurs » de cette société, sous provision d’avoir perçu un salaire inférieur à 30 000 euros en 2018, ce qui est le cas du jeune homme. Sauf que la note négligeait de définir que les intérimaires, dont il fait partie, étaient exclus de cette mesure par la direction. « Je suis dégoûté », lâche-t-il.

Stéphane est loin d’être le seul à vivre cette déception. La PEPA, éclaircie par Emmanuel Macron le 10 décembre 2018 en pleine crise des « gilets jaunes » et rédigée dans la loi du 24 décembre, ne visait-elle pas à « soutenir le pouvoir d’achat des salariés les plus modestes, des précaires comme moi ? », réclame Jamel, un intérimaire de 41 ans, sans prime lui aussi.

Théoriquement, les intérimaires en profitent si elle est mise en place pour les salariés de leur entreprise de travail temporaire ou de leur entreprise habituée, et dans les mêmes conditions. Pour qu’elle soit exemptée d’impôt et de charges sociales, il faut notamment que le salarié ait été contrat de travail au 31 décembre 2018. L’instruction interministérielle du 6 février précise bien ce droit.

 « Je donne autant au travail qu’un salarié en CDI »

Malgré cela, l’organisation du dispositif n’est guère adéquate aux intérimaires. Au début parce plusieurs entreprises terminant pour les fêtes de fin d’année, bon nombre d’intérimaires ne sont pas en contrat ce jour-là.

Principalement, encore faut-il que les entreprises apposent ce principe de la similitude de comportement entre intérimaires et leurs propres salariés, inscrit dans le code du travail (article L 1251-43). « Si une entreprise utilisatrice met en place la prime pour ses salariés permanents, elle doit aussi la verser aux intérimaires, insiste Stéphane Béal, directeur du département droit social au cabinet Fidal, qui conseille les employeurs. Nous avons dit nos clients de faire attention à ce point. Après, certains nous écoutent, d’autres pas. »

Qu’en est-il dans la réalité pour les quelque 787 800 intérimaires comptés au quatrième trimestre 2018 ?

L’Agence centrale des organisations de Sécurité sociale (Acoss), l’entrelacement qui assemble les caisses Urssaf, a édité un premier bilan du mécanisme portant sur les primes exercées en décembre et janvier : 2 millions de salariés en ont profité, sans toutefois désigner le nombre d’intérimaires. « Nous ne disposons pas de cette donnée », déclare-t-on à l’Acoss. Le ministère du travail, lui, n’a pas donné suite à nos proclamations.

Chômage : « Qu’attend le ministère du travail pour arrêter de conserver le trouble entre les inscrits en chômage et ceux qui bossent ? »

« Est-il raisonnable de considérer comme chômeurs des personnes travaillant en moyenne à deux tiers de temps, et pour 600 000 d’entre elles à plein temps ? »
« Est-il raisonnable de considérer comme chômeurs des personnes travaillant en moyenne à deux tiers de temps, et pour 600 000 d’entre elles à plein temps ? » Julien Thomazo / Photononstop

Le consultant Jean de Bodman constate, une confusion qui règne dans les statistiques du chômage et suggère que le ministère y mette une bonne organisation.

Y a-t-il un million ou 2,5 millions de sans-emploi longue durée en France ? La question peut avérer imprévue alors que l’Insee a publié mi-février les dernières statistiques du chômage mesuré selon les règles du Bureau international du travail (BIT) [personnes sans emploi, en prospectant activement, et n’ayant pas travaillé récemment]. L’opinion publique a pu retenir de ces chiffres que le chômage a un peu diminués en France, au quatrième trimestre 2018, avec 2,5 millions de sans-emploi et un taux de chômage de 8,8 %.

Mais a-t-on formé aussi la légère réduction du chômage de longue durée – plus d’un an de chômage –, lequel touche actuellement, selon l’Insee, un peu moins d’un million de personnes ? Comment se fait-il alors que deux personnalités éminentes du monde social, Louis Gallois, président de la FAS (Fédération des acteurs de la solidarité) et Eric Pliez, président du Samu social, parlent de « 2,5 millions de personnes au chômage de longue durée », dont le nombre « ne baisse pas » ?

S’il y avait, comme ils le soutiennent, 2,5 millions de sans-emploi longue durée et non un million, cela ferait 1,5 million de chômeurs de plus que ceux que compte l’Insee (4 millions au lieu de 2,5 millions, soit 60 % de plus) et un taux de chômage supérieur à 14 %. Sans doute les deux auteurs, comme beaucoup de commentateurs, ont-ils retenu d’autres chiffres que ceux de l’Insee, la quantité des inscriptions de « chercheurs d’emploi » à Pôle emploi. Ces chiffres émanent du ministère du travail, qui décompte tous les trimestres les personnes inscrites à Pôle emploi, et qui a diffusé à la fin janvier les chiffres du quatrième trimestre 2018.

Un calcul assuré sur différentes références

Le ministère, à la diversité de l’Insee, distingue diverses catégories d’inscrits, les personnes sans emploi (catégorie A), mais aussi les personnes ayant travaillé le mois précédent (catégories B et C) : car il est possible de s’inscrire à Pôle emploi en ayant du travail, soit qu’on veut en transformer, soit que l’on cumule allocation de chômage et emploi. Le total des inscrits de ces trois catégories (A + B + C) dépasse 5,6 millions. Les commentateurs affirment souvent qu’il s’agit du total des chômeurs. Mais si tous étaient « chômeurs » au sens du BIT, le taux de chômage en France serait de l’ordre de 20 %, bien plus du double de ce qu’il est selon l’Insee et le BIT.

Un futur incertain pour plus de 500 travailleurs du site d’Arjowiggins dans la Sarthe

Une manifestation à Bessé-sur-Braye, dans la Sarthe, le 28 février, contre la fermeture de la papeterie.
Une manifestation à Bessé-sur-Braye, dans la Sarthe, le 28 février, contre la fermeture de la papeterie. JEAN-FRANCOIS MONIER / AFP
Le spécialiste suédois du papier Lessebo n’a pas encore obtenu les financements nécessaires pour confirmer son offre de reprise.

Une douche froide, glacée même. Mercredi 20 mars au matin, les 300 salariés d’Arjowiggins qui faisaient le pied de grue devant le tribunal de commerce de Nanterre (Hauts-de-Seine) ont vu leurs représentants ressortir de l’audience la mine sombre. « Ce sera certainement une liquidation judiciaire pour le site de Bessé-sur-Braye », lâche Laurent Trudel, délégué CGT de l’usine concernée dans la Sarthe. « Le tribunal a laissé très peu de chance. Il estime que les prêts de l’acheteur ne sont pas assez garantis », déclare le délégué CGT.

Le 19 mars, les organisations syndicales (CGT, CFDT, CFE-CGC et FO) avaient malgré cela cosigné un avis portant un soutien unanime au spécialiste suédois du papier Lessebo Paper, adhérant « au projet industriel et commercial » qu’elles tranchaient « cohérent et pertinent ».

Le tribunal de commerce ne l’a pas expérimenté ainsi et a mis sa fin en délibéré jusqu’au mardi 26 mars. « L’audience ne s’est pas bien déroulé, réaffirme Thomas Hollande, avocat du cabinet LBBA, qui conseille les salariés. Lessebo Paper a reconnu que son offre ne pouvait pas être considérée par le tribunal car il n’était pas en aptitude d’affirmer la date à laquelle il pourrait disposer des fonds prêtés par les banques suédoises ».

Malgré cela, entre cette assistance et la précédente (6 mars), la somme jugée indispensable pour ce projet de reprise est passée de 65 millions d’euros à 50 millions, également partagée entre le repreneur et les pouvoirs publics (la Banque publique d’investissement et les Régions Pays de la Loire et Centre).

 « Un coup de massue »

Lessebo Paper est le seul à avoir énoncé une offre pour les trois usines du papetier Arjowiggins, qui emploient 913 salariés en Sarthe et dans l’Aisne. Il prévoit de maintenir 413 salariés sur 568 à Bessé-sur-Braye (papier recyclé), 210 sur 270 chez les voisins de Saint-Mars-la-Brière (ouate de cellulose), et la totalité des 75 salariés de Greenfield (pâte à papier recyclée), à Château-Thierry (Aisne). Ces deux derniers sites font l’objet d’offres alternatives que le tribunal jugerait acceptables.

Si Lessebo Paper ne parvient pas à rapporter in extremis les garanties financières promises, seul le site de Bessé-sur-Braye serait évalué à une liquidation judiciaire. « On a demandé un ultime report de quinze jours, plaide encore Thomas Hollande, mais les mandataires et administrateurs judiciaires ont dit que c’était trop tard et ont demandé la liquidation d’Arjowiggins à Bessé-sur-Braye. C’est un coup de massue pour les représentants du personnel et leurs conseils. »

Christelle Morançais, présidente (LR) du conseil régional des Pays de la Loire et Sarthoise de naissance, veut encore croire que « rien n’est fait ». Elle a écourté la session du conseil régional pour se consacrer au dossier Arjowiggins, ce vendredi 22 mars. « Il faut à tout prix que le futur repreneur soutient des éléments nouveaux. C’est très urgent, c’est le seul moyen d’être pris en considération. Nous, Etat et Région, on a fait ce qu’il fallait pour l’accompagner. Bessé-sur-Braye, c’est là où il y a le plus de salariés et c’est le territoire le plus isolé. Le bassin d’emploi le plus proche est à 50 minutes en voiture. Vous imaginez le drame social ? », s’inquiète-t-elle.

« On a encore un très faible espoir »

« On a encore un très faible espoir, reprend Laurent Trudel. On est les seuls à faire du papier 100 % réorienté. En France, on consomme chacun 100 kg de papier par an et on ne recycle en moyenne qu’une feuille sur quatre. Il y a encore un potentiel énorme. Si l’usine ferme, il va devoir partir. Ce sera une vie qui change totalement et un village qui meurt. »

Une issue d’autant plus pénible que le précédent actionnaire (Sequana) est soupçonné par les salariés d’avoir ponctionné 12 à 15 millions d’euros dans les comptes de l’usine de Bessé-sur-Braye après la cessation de paiement, prononcée le 15 novembre 2018. Les représentants du personnel ont écrit au procureur de la République pour signaler cette pratique illégale. Leur avocat confirme : « On se réserve la possibilité d’escompter des actions judiciaires à ce sujet. »