Archive dans novembre 2019

Les défis du futur directeur général de Renault

Logo de Renault.
Logo de Renault. Vincent Kessler / REUTERS

Analyse. Dans l’industrie automobile, si les mauvaises décisions se payent cash, elles mettent du temps à produire leurs effets destructeurs. Salariés et actionnaires de Renault sont en train d’en prendre conscience. Un an après l’éclatement de l’affaire Carlos Ghosn, l’idée que son éviction de la présidence de l’alliance avec Nissan serait la cause de tous les maux du constructeur fait florès. La réalité est plus compliquée.

La mise à l’écart du charismatique patron, qui fait l’objet de graves accusations au Japon, a incontestablement déstabilisé l’entreprise. Mais au fil des semaines, on se rend compte que Carlos Ghosn n’était plus très concentré sur le pilotage opérationnel, tandis que le numéro deux nommé par ses soins, Thierry Bolloré, a accumulé de graves erreurs qui font entrer Renault dans une zone de turbulences. Pour le successeur de ce dernier, en cours de recrutement, la tâche est immense. Il devra relever trois principaux défis.

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Un défi industriel d’abord. Le retard de six mois du lancement de la nouvelle Clio n’est qu’un symptôme d’importants dysfonctionnements. Le ticket d’entrée en termes d’investissements pour la production de ce modèle, qui a pourtant bénéficié d’importantes synergies avec Nissan, est supérieur à celui de la version précédente lancée en 2012. Le nouveau fourgon Master a connu les mêmes dérives de productivité. Par ailleurs, incident inédit depuis la mise en place d’un processus de contrôle de la qualité par l’ex-PDG de Renault, Raymond Lévy, au début des années 1990, les nouvelles Clio et Zoe ont été envoyées dans le réseau commercial, sur décision de Thierry Bolloré, alors même qu’elles n’avaient pas reçu le feu vert des responsables de la fabrication.

Inquiétudes à Flins

D’autres interrogations portent sur le plan produit. Il a été décidé de ne pas renouveler Twingo, Megane, Koleos, Scenic, Talisman et Espace. Dans le même temps, au regard du développement insuffisant de l’offre de véhicules électriques, Renault risque de souffrir dans un paysage concurrentiel qui va se durcir dans les deux prochaines années, notamment en raison de l’offensive lancée par Volkswagen. Tandis que l’usine de Douai va perdre trois modèles, on ne sait toujours pas comment celle de Flins va tourner à partir de 2022. Après le départ de la Clio, de la Micra et de Zoe, que va devenir ce site de 4 500 personnes ? Enfin les cafouillages sur l’adaptation de la gamme aux nouvelles homologations sur la consommation et les émissions polluantes des véhicules risquent de coûter cher.

Santé au travail : les dirigeants sont dans une « zone d’ombre »

« La question de la santé des chefs d’entreprise n’est bien souvent pas considérée comme un « vrai sujet ». « Elle pâtit d’un réel manque de considération », regrette une médecin du travail »
« La question de la santé des chefs d’entreprise n’est bien souvent pas considérée comme un « vrai sujet ». « Elle pâtit d’un réel manque de considération », regrette une médecin du travail » Ingram / Photononstop

« Les dirigeants ? Mais par définition, ils sont en bonne santé ! » Le propos d’Erwan Deveze est résolument ironique. Manière, pour ce consultant en management, de souligner que la question de la santé des chefs d’entreprise n’est bien souvent pas considérée comme un « vrai sujet ». « Elle pâtit d’un réel manque de considération », regrette une médecin du travail.

Comme eux, des observateurs du monde de l’entreprise, dont de nombreux membres du corps médical, se sont penchés, mardi 19 novembre, sur la problématique de la santé des responsables d’entreprise, lors d’une conférence tenue à Paris. Organisée par la fédération régionale des services interprofessionnels de santé au travail (SIST) d’Ile-de-France, elle a été l’occasion pour les participants de déplorer le faible intérêt pour la question, véritable « zone d’ombre » de la santé au travail et, dans le même temps de tenter d’en dessiner les contours.

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Un sujet rarement abordé, faisant l’objet de peu d’études… Et qui n’est pas suffisamment pris en compte par la réglementation, rappellent les professionnels de santé. « Les chefs d’entreprise, les autoentrepreneurs ne peuvent accéder pour leur propre santé, à la même offre de service que les salariés », précisait le rapport Lecocq sur la santé au travail, présenté en août 2018. « Les services de santé au travail n’effectuent pas de suivi de la santé des dirigeants s’ils ne sont pas salariés », déplore Céline Roux, déléguée générale de la fédération francilienne des SIST.

Difficulté pour les dirigeants à accepter de se pencher sur leur propre santé

Autre problématique : les chefs d’entreprise eux-mêmes accordent parfois une importance relative à leur propre santé. « Beaucoup de dirigeants salariés ne viennent pas aux visites médicales », poursuit Mme Roux. C’est souvent le manque de temps qui est invoqué. Mais derrière cette attitude peut transparaître toute la difficulté pour certains dirigeants à accepter de se pencher sur leur propre santé. « Ils ne s’autorisent pas forcément à prendre ce temps. Evoquer ses difficultés peut être perçu comme un signe de faiblesse », indique Mme Roux. « Il y a l’idée qu’il faut donner le change, ne pas perdre la face, même par rapport à soi-même, confirme Béatrice Gérard-Duprey, psychologue du travail en Ile-de-France. S’arrêter serait reconnaître sa fragilité et renverrait à de la vulnérabilité. »

Certains, toutefois, poussent la porte des cabinets. Et, parfois, craquent. « Des responsables n’ont plus de mot, seulement leurs larmes pour dire combien ils n’en peuvent plus », indique Mme Gérard-Duprey. Les origines de cette souffrance sont souvent les mêmes : « Ce sont essentiellement les conséquences d’un manque de dialogue, de paroles pour instruire les conflits liés au travail », poursuit la psychologue. Elle évoque également l’isolement, la solitude que peuvent connaître certains d’entre eux. D’autres facteurs peuvent s’additionner : surcharge mentale, stress, surcharge de travail, déficit de sommeil… « Dans les TPE, les dirigeants sont parfois des opérationnels le jour et des patrons s’occupant des obligations légales la nuit », résume Mme Roux.

« Un combat pour notre monde » : chez Google, la contestation interne s’étend

Laurence Berland, ingénieur chez Google, a pris la parole lors de la manifestation du 22 novembre, à San Francisco, pour dénoncer les pratiques du géant américain.
Laurence Berland, ingénieur chez Google, a pris la parole lors de la manifestation du 22 novembre, à San Francisco, pour dénoncer les pratiques du géant américain. PARESH DAVE / REUTERS

La contestation prend de l’ampleur chez Google. Près de 200 employés ont manifesté, vendredi 22 novembre, devant les locaux de la compagnie à San Francisco pour demander la réintégration de deux salariés placés en congé administratif après avoir organisé des protestations contre les choix de la direction.

Un débrayage limité – Google emploie plus de 45 000 personnes dans la baie de San Francisco – mais hautement significatif : il y a encore deux ans, il aurait été impensable de voir un « Googler » parler publiquement des conditions de travail dans le temple de la tech, encore moins les critiquer. « Nous sommes là parce qu’il s’agit d’un combat pour l’avenir de la technologie, de nos emplois et de notre monde », a expliqué Stephanie Parker, membre de l’équipe « confiance et sécurité » à YouTube – filiale du géant américain –, et l’une des organisatrices du premier mouvement d’ampleur des employés de la firme, le « walk out » du 1er novembre 2018, contre le harcèlement sexuel et la discrimination.

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Les deux employés suspendus début novembre, Rebecca Rivers et Laurence Berland, se sont exprimés publiquement lors de la manifestation. Dans l’assistance, en revanche, rares étaient ceux qui acceptaient d’être identifiés. Par peur des représailles. « Plus nous serons nombreux, plus nous serons en sécurité », avance un ingénieur porteur d’une pancarte « Save our culture » – le thème du rassemblement. « Le mieux serait d’avoir un syndicat, confie l’un des organisateurs. Mais nous n’en sommes pas encore là. »

Un « coup mortel » à la culture d’ouverture

Rebecca Rivers est ingénieure de logiciel dans la filiale de Boulder (Colorado). Il lui est reproché d’avoir consulté des documents internes, contrevenant à la nouvelle politique de circulation de l’information, annoncée en mai par Google pour faire échec aux fuites qui se sont multipliées depuis un an sur les projets controversés de la direction. Cette réglementation impose aux employés de demander à leur supérieur un accès aux documents qui ne les concernent pas directement et de justifier de leur « besoin » de le consulter.

« Notre travail pourrait être utilisé d’une manière à laquelle nous n’avons pas donné notre accord »

Pour les protestataires, il s’agit d’« un coup mortel » à la culture d’ouverture et de transparence, qui encourageait les employés à partager codes et projets, au nom de l’innovation et la créativité. « Notre travail pourrait être utilisé d’une manière à laquelle nous n’avons pas donné notre accord, dénonce l’ingénieure Zora Tung. Quand je suis entrée à Google, je savais que j’arrivais dans une compagnie qui faisait de l’argent avec les publicités – aussi problématique que ça puisse être. Mais pas avec les drones de guerre, la surveillance d’Etat, ou les expulsions d’immigrants. »

Anne Hidalgo veut maîtriser et taxer les livraisons d’Amazon à Paris

Le front politique s’élargit en France contre le leader mondial de l’e-commerce. Les reproches contre le groupe américain sont d’ordre environnemental, fiscal et social.

Par Publié aujourd’hui à 11h57, mis à jour à 11h58

Temps de Lecture 3 min.

Haro sur Amazon. Plusieurs initiatives politiques et associatives récentes visent le leader mondial de la vente en ligne : la maire de Paris (PS), Anne Hidalgo, propose ainsi deux mesures pour réguler l’e-commerce, jugé « facteur de précarisation, source de congestion et de pollution », dans une tribune signée par son adjoint à l’urbanisme, Jean-Louis Missika, Ariel Weil, maire du 4arrondissement, et Diana Filippova, cofondatrice de l’agence de communication Stroïka, parue dimanche 24 novembre sur Lemonde.fr. Paris s’apprête, en effet, à accueillir, pour l’opération promotionnelle « Black Friday » du 29 novembre, « 2,5 millions de livraisons par jour, soit dix fois plus que le nombre de colis quotidiens le reste de l’année », note le texte, craignant de connaître un jour le « cauchemar » vécu par la ville de New York et récemment raconté par le quotidien New York Times.

Lire la tribune : Black Friday : « Le principe du pollueur payeur doit aussi s’appliquer au e-commerce »

Les auteurs demandent « l’application du principe pollueur-payeur » au niveau municipal, « plutôt qu’une taxe nationale sur chaque livraison, mesure plusieurs fois retoquée par le gouvernement ». « La loi doit autoriser les collectivités à créer une écoredevance qu’elles pourront imposer sur la livraison à domicile », dit le texte. Amazon serait le premier visé mais le texte mentionne aussi « Uber Eats et les autres plates-formes ».

« Réserver à l’avance sa place de livraison »

Les auteurs veulent aussi « limiter » les livraisons : dans certains quartiers, « elles ne seront possibles qu’à certaines heures et il faudra y réserver à l’avance sa place de livraison », écrivent-ils. « Il n’y aura pas plus de camionnettes de livraison que de places disponibles », résume la tribune. Ce dispositif pourrait être étendu à tout Paris et accompagné d’une « brigade de la police municipale » spécifique.

En parallèle, un rapport est paru dimanche pour dénoncer « l’impunité fiscale, sociale et environnementale » d’Amazon. Il associe l’ONG écologiste Les Amis de la Terre, l’association pour la justice fiscale Attac et le syndicat Solidaires. Selon ces derniers, la firme de Jeff Bezos aurait sous-déclaré son chiffre d’affaires en France de 58 % en 2017 et AWS, sa filiale d’hébergement de données dans le cloud, aurait émis « 55,8 millions de tonnes de gaz à effet de serre en 2018, soit autant que le Portugal ». Des arguments qui prolongent ceux exposés dans une tribune d’un collectif d’associations et d’intellectuels, dont le réalisateur Ken Loach ou l’humoriste Christophe Alévêque, parue dans Le Monde le 15 novembre.

Lire la tribune : Amazon : « Derrière le héros du néolibéralisme 2.0 se cache une vision du monde que nous devons combattre »

De son côté, Mounir Mahjoubi, député LRM de Paris (19e) et ex-secrétaire d’Etat chargé du numérique, a assuré, jeudi, dans une note, « qu’Amazon détruit plus d’emplois qu’il n’en crée ». Il a chiffré les pertes à 7 901 temps-plein en France, en imaginant combien d’emplois auraient été nécessaires pour assurer toutes les ventes de la plate-forme par le biais des commerces traditionnels, qui nécessitent proportionnellement plus de postes.

Des estimations

« Nous réfutons ces informations trompeuses qui comportent de très nombreuses erreurs factuelles et spéculations sans fondement, a répondu dimanche l’entreprise. Amazon s’acquitte de l’ensemble des impôts et taxes exigibles en France et dans tous les pays où il est présent. Avec plus de 9 300 emplois en CDI en France d’ici la fin de l’année, nous sommes devenus un employeur majeur et notre marketplace a permis de créer des dizaines de milliers d’emplois supplémentaires au sein des PME qui vendent sur notre site. » Le groupe ajoute que le commerce de détail a gagné des emplois en France entre 2013 et 2016. En outre, les chiffres avancés pour AWS surévalueraient l’importance du secteur du cloud et se fonderaient sur des serveurs moins efficaces énergétiquement que les siens.

Lire la chronique : Amazon : « Le diable est dans les emplois »

Ces chiffres ne sont que des estimations calculées à partir de données extérieures à Amazon, qui fournit peu de statistiques. Mais le front politique contre l’entreprise de Jeff Bezos s’élargit en France et les griefs dépassent désormais les critiques sur la dureté des conditions de travail. Aux Etats-Unis, la contestation est plus forte et le poids du groupe est un des thèmes de la présidentielle de 2020.

Lire la chronique : « Les Gafam défient désormais les principaux Etats du globe. Et ces derniers contre-attaquent »

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Dominique Méda : « La réforme de l’assurance-chômage est extraordinairement punitive »

Chronique. Une partie de la vaste réforme de l’assurance-chômage prévue en juillet 2018 est entrée en vigueur le 1er novembre. L’ensemble comprend une série de mesures réduisant considérablement l’indemnisation des demandeurs d’emploi, parmi lesquelles l’augmentation de la durée de cotisation de quatre à six mois pour accéder à l’indemnisation, la nécessité de travailler au moins six mois pour recharger ses droits (au lieu d’un mois auparavant), de nouvelles modalités de calcul de l’indemnité et la diminution de 30 % du montant de l’indemnisation au septième mois pour les salaires de plus de 4 500 euros brut. Parallèlement, le fameux bonus-malus destiné à freiner les recrutements en contrats courts dont abusent les entreprises ne concerne que quelques secteurs et n’entrera en vigueur qu’en 2021.

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Dans une note publiée en septembre, l’Unédic (l’organisme paritaire chargé d’assurer la gestion de l’assurance-chômage) a indiqué que ces mesures allaient toucher un chômeur indemnisé sur deux, soit plus de 1,3 million de personnes, permettant des économies sur les dépenses de plus de 6 milliards d’euros entre 2019 et 2022 (« Impact de la réforme de l’assurance-chômage 2019 »). Les deux premières mesures devraient notamment dégrader la situation d’au moins 710 000 personnes et concerner principalement les plus jeunes et ceux dont les salaires sont moins élevés que les autres. La troisième devrait concerner plus de 830 000 personnes et également réduire les droits de la même population. Ces mesures viennent s’ajouter à celles prévues en décembre 2018, destinées à réviser la procédure et l’échelle des sanctions applicables aux demandeurs d’emploi en cas de manquements à leurs obligations.

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Pour justifier ce train de mesures extraordinairement punitives, le gouvernement invoque quatre raisons majeures : le chômage serait en train de beaucoup diminuer, des mesures de soutien seraient donc moins utiles ; le régime d’assurance-chômage serait considérablement endetté et connaîtrait un déficit structurel, il faudrait donc réduire les dépenses ; les règles d’indemnisation existantes, globalement très généreuses, permettraient à certains chômeurs de gagner plus en effectuant des allers et retours entre chômage et activité, il faudrait donc les revoir ; enfin, il faudrait inciter à revenir à l’emploi des demandeurs d’emploi tentés d’arbitrer en faveur du chômage.

L’influence des économistes néoclassiques

Transports, hôpitaux, éducation… Qui appelle à la grève le 5 décembre contre la réforme des retraites ?

Le front syndical contre la réforme des retraites s’est étoffé jeudi 21 novembre avec la décision de la branche cheminots de Confédération française démocratique du travail (CFDT-Cheminots), de plusieurs syndicats d’Electricité de France (EDF) et de la Confédération française de l’encadrement-Confédération générale des cadres (CFE-CGC) d’appeler à la grève le 5 décembre.

Réforme des retraites, conditions de travail, précarité, les raisons de cette journée d’action reconductible se multiplient. Revue de détail à un peu moins de quinze jours de la mobilisation.

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  • Transports

SNCF. Le gouvernement a raté le train du compromis avec les cheminots : les quatre syndicats représentatifs de la SNCF – CGT-Cheminots, UNSA ferroviaire, SUD-Rail, CFDT-Cheminots – sont lancés dans une grève reconductible à partir du 5 décembre contre la réforme voulue par Emmanuel Macron. Mais la CFDT-Cheminots, ralliée à la mobilisation le 21 novembre, pourrait ne pas appeler à la grève si elle obtient satisfaction dans les prochains jours. Force ouvrière (FO), le cinquième syndicat, participe également.

Laurent Brun (Confédération générale du travail, CGT) prévoit « une grosse journée de mobilisation », y compris dans l’encadrement. Les voyageurs sauront « le 3 décembre dans l’après-midi » quels trains circuleront le 5, précise la direction de la SNCF.

RATP. Mobilisation importante prévue également à la RATP, après la journée très suivie du 13 septembre qui avait mis Paris quasiment à l’arrêt. Les trois syndicats représentatifs de la régie – CFE-CGC, CGT et Union nationale des syndicats autonomes (UNSA) – ont appelé cette fois-ci à une grève illimitée contre la réforme.

« Le 5 décembre sera a priori aussi fort que le 13 septembre », estime Fabrice Ruiz de la CFE-CGC. « Ce sera une très grosse journée » au vu des « remontées du terrain et des déclarations des agents qui doivent prévenir à l’avance s’ils seront grévistes », explique Bertrand Hammache de la CGT. « On n’est pas très inquiets pour le 6 décembre », qui devrait voir la grève se poursuivre, note Thierry Babec de l’UNSA.

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Air France. Les syndicats de pilotes et ceux des hôtesses et stewards n’appellent pas à la grève. En revanche, trois syndicats bien implantés auprès du personnel au sol ont déposé des préavis : FO, premier syndicat toutes catégories, qui souhaite un mouvement reconductible, comme la CGT. SUD-Aérien veut mobiliser le 5 décembre, en scandant « ni retraite à points, ni droits en moins ». Les grévistes impliqués dans l’exploitation aérienne (navigants ou personnel au sol) doivent se déclarer individuellement au plus tard quarante-huit heures avant le début du conflit pour permettre à la compagnie de s’organiser et d’informer ses passagers.

Chez les contrôleurs aériens, le Syndicat national des contrôleurs du trafic aérien (SNCTA), premier syndicat, n’appelle pas à la grève, contrairement à l’Union syndicale de l’aviation civile (USAC-CGT), numéro deux. Ces fonctionnaires sont soumis à un système d’astreinte destiné à assurer un service minimal, mais une mobilisation importante pourrait engendrer retards ou annulations de vols.

Routiers. La CGT et FO appellent à une grève illimitée dès le 5 décembre dans le transport urbain et routier de voyageurs, de marchandises, de fonds. Un appel qui concerne également les ambulanciers, les déménageurs ou les taxis.

« On fait ce qu’il faut pour que ce soit suivi », a déclaré Patrice Clos de FO-Transports et Logistique. « Pour le transport urbain et le transport routier de voyageurs, des notifications avant préavis de grève, assez nombreuses, ont été déposées », par exemple « à Lyon, Montpellier, Bordeaux », a-t-il précisé. Dans le privé, aucun préavis n’est nécessaire.

Après les annonces gouvernementales le 20 novembre d’une rallonge budgétaire et une reprise de dettes étalées sur trois ans, jugées insuffisantes, la colère est toujours vive dans le monde hospitalier. Le collectif Inter-Hôpitaux a appelé à une nouvelle « manifestation nationale » samedi 30 novembre. Les internes en médecine sont appelés à une grève illimitée par leur syndicat, l’Intersyndicale des internes (INSI), à partir du 10 décembre pour dénoncer la « dégradation des soins » et réclamer une amélioration de leur statut.

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Certains soignants privilégient plutôt une jonction avec la grève interprofessionnelle du 5 décembre contre la réforme des retraites. Une option notamment défendue par les membres du collectif Inter-Urgences, à l’origine de la contestation du monde hospitalier et dont le mouvement de grève débuté en mars dans la capitale s’est étendu à tout le pays, avec encore 268 établissements touchés en début de semaine.

Du côté des syndicats, les fédérations « santé » de la CGT et de FO se sont alignées sur l’agenda de leurs centrales nationales, qui ont averti que le 5 décembre serait « la première journée de grève potentiellement reconductible ». Le Syndicat national des professionnels infirmiers (SNPI – CFE-CGC) a rejoint l’appel à la grève du 5 décembre.

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Plusieurs syndicats d’EDF, parmi lesquels la CGT, FO et SUD, ont appelé le 21 novembre, à leur tour, à la grève reconductible le 5 décembre pour protester contre la réforme des retraites.

La CGT appelle à la grève ainsi qu’à des « baisses de production d’électricité, des coupures en énergie des bâtiments publics d’Etat (hors lieux de santé) » ainsi que dans des entreprises de la branche, et à l’inverse à remettre le courant chez les particuliers où il aurait été « injustement coupé », selon un communiqué.

  • Education nationale

Le Syndicat national des enseignements de second degré-Fédération syndicale unitaire (SNES-FSU), SUD-Education et l’UNSA-Education appellent à une grève des enseignants le 5 décembre. D’autres syndicats de l’intersyndicale éducation sont également mobilisés. Tous dénoncent en effet une future réforme qui pénalisera, selon eux, les enseignants qui perçoivent peu d’indemnités et de primes.

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Plus généralement, dans la fonction publique, la FSU et la fédération CGT des services publics appellent tous les syndicats représentants des agents de la fonction publique à faire grève. Des syndicats de pompiers sont également sur le pont, tout comme ceux de La Poste.

Plusieurs syndicats de police, dont Alliance et l’UNSA, ont menacé le 19 novembre de se joindre au mouvement social du 5 décembre, si le ministère de l’intérieur « ne répond pas à [leurs] attentes ». Ils envisagent de lancer, le jour de mobilisation contre la réforme des retraites, des « actions de 10 heures à 15 heures dans tous les services de police », notamment la « fermeture symbolique des commissariats, le refus de rédiger des PV [procès-verbaux] ou encore des contrôles renforcés aux aéroports et aux péages d’autoroutes ».

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  • « Gilets jaunes »

Dans leur « assemblée des assemblées » à Montpellier, des « gilets jaunes » ont voté, le 3 novembre, une proposition pour rejoindre la grève du 5 décembre contre la réforme des retraites. « L’heure est à la convergence avec le monde du travail et son maillage de milliers de syndicalistes, qui, comme nous, n’acceptent pas », avaient-ils précisé dans un communiqué de presse.

  • Etudiants et lycéens

Plus de dix jours après la tentative d’immolation par le feu d’un étudiant devant un Crous de Lyon, le mouvement étudiant ne décolère pas et réclame des mesures pour lutter contre la précarité étudiante. Surfant sur la grande grève, l’Union nationale des étudiants de France (UNEF) a appelé à manifester le 5 décembre pour « maintenir la pression » sur le gouvernement et exiger une réévaluation des bourses universitaires. Il a été rejoint par d’autres organisations syndicales et de jeunesse : la Fédération indépendante et démocratique lycéenne (FIDL), le Mouvement national lycéen (MNL), l’Union nationale lycéenne (UNL).

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Le coût des Ehpad, une source d’angoisse pour les Français

Dans un Ehpad à Paris le 5 juillet 2018.
Dans un Ehpad à Paris le 5 juillet 2018. STÉPHANE DE SAKUTIN / AFP

Des soignants trop peu nombreux au chevet des personnes âgées, inquiets d’être malgré eux complices d’une « maltraitance institutionnelle » : les grèves dans les maisons de retraite en 2017, 2018 et celle du 8 octobre ont braqué les projecteurs sur leur manque de personnel. A l’inquiétude sur la qualité des soins s’ajoute pour les Français celle de ne pouvoir faire face à la cherté des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad).

Le think tank Cercle vulnérabilités et société a interrogé au printemps 850 proches d’une personne âgée placée en Ehpad. Parmi eux, 54,7 % jugent que « le principal défaut de ce lieu de vie » est son « coût », 18 % critiquant « la non-disponibilité des professionnels ».

Emmanuel Macron s’est fait fort de baisser la facture des seniors en maison de retraite. Le 13 juin 2018, le président de la République s’est engagé à présenter une loi sur la prise en charge du grand âge. Ce « sera un autre grand marqueur social de ce quinquennat, peut-être un des plus importants », a renchéri le premier ministre, Edouard Philippe, un an plus tard. Promise par la ministre de la santé Agnès Buzyn au plus tard « début 2020 », la réforme pourrait être débattue au Parlement au printemps.

Résoudre le casse-tête de la tarification des Ehpad suppose de remettre à plat un système complexe et relativement inéquitable. « Les plus mal loties sont les classes moyennes inférieures, constate le sociologue Serge Guérin. Elles ne sont ni assez pauvres pour avoir des aides sociales, ni assez riches pour faire face au coût. » Les plus modestes peuvent prétendre à une allocation logement versée par l’Etat et obtenir une « aide sociale à l’hébergement » (ASH) financée par les départements. Les plus aisés sont avantagés par le crédit d’impôt dont ils peuvent bénéficier.

Le prix médian pour une chambre s’élève à 1 977 euros

En 2018, le prix médian pour une chambre individuelle en Ehpad s’élève à 1 977 euros, selon la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA). Or, le montant moyen net des pensions de retraite est d’environ 1 330 euros.

Les prix indiqués ne sont certes pas le montant que déboursent les personnes âgées puisqu’elles bénéficient notamment de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA). Il n’empêche : 75 % des 620 000 résidents en Ehpad ont des revenus inférieurs au coût de leur séjour et la moitié sortent de leur poche au moins 1 850 euros par mois, selon une étude de la Drees (direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques) parue en novembre 2018. Un tiers d’entre eux puisent dans leur épargne et 11 % font appel à leur entourage.

Les écoles de commerce timidement investies dans la prévention du « management toxique »

Stress, burn-out, harcèlement, violence… Autant de problématiques rarement abordées en formation initiale dans les écoles de management. Certaines commencent à se positionner sur ces sujets.

Par Publié aujourd’hui à 06h00

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La prévention des risques psycho-sociaux est rarement au coeur des programmes des écoles qui forment les futurs cadres d’entreprises
La prévention des risques psycho-sociaux est rarement au coeur des programmes des écoles qui forment les futurs cadres d’entreprises Gary Waters/Ikon Images / Photononstop

Les risques psychosociaux au travail ? Amélie*, 23 ans, rit jaune. « Ce n’est pas quelque chose qu’on aborde dans le tronc commun de HEC », regrette cette jeune diplômée de l’école de management de Jouy-en-Josas (Yvelines). Stress, épuisement professionnel, harcèlement, violences : Amélie, qui dirige une équipe de trente personnes dans une start-up, n’a pas le souvenir d’y avoir été sensibilisée pendant sa scolarité, et le ressent comme un manque.

« On gagnerait à faire venir dans les amphis des personnes qui ont connu des burn-out, pour montrer comment un mauvais management peut détruire des vies. On pourrait aussi nous parler de la méditation, par exemple, et de ses bienfaits sur le stress. Elle qui accorde « une importance très forte à l’équilibre vie personnelle et professionnelle » dit y faire attention d’elle-même avec son équipe. « Mais, si on venait me parler de sexisme ou de harcèlement, je serais bien démunie sur la réponse à apporter. »

Un relais indispensable

Avec la numérisation de l’économie, les conditions de vie au travail n’ont cessé de muter au cours des dernières décennies, favorisant la croissance du mal-être au travail. De multiples enquêtes le prouvent. En 2017, 24 % des 30 000 salariés interrogés par le cabinet Stimulus présentaient un état d’« hyper-stress » et 52 % un « niveau élevé d’anxiété ». Avec des conséquences loin d’être anodines : dépression, troubles musculo-squelettiques, maladies cardio-vasculaires…

« La prévention des risques psychosociaux devrait être au cœur de la stratégie des écoles de management, mais c’est loin d’être le cas, déplore Marc Bonnet, professeur de management à l’IAE Lyon, auteur d’une étude sur la responsabilité des écoles de management pour améliorer la santé au travail. On y enseigne encore des méthodes de management pensées au début du XXe siècle et qui ne sont plus adaptées à la réalité de l’entreprise, sans donner aux étudiants les outils pertinents. »

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Or, le manageur apparaît comme un relais indispensable dans l’entreprise pour la prévention des risques psychosociaux. Si ceux-ci peuvent être entraînés par une surcharge de travail, ils sont aussi liés à la question du sens que le salarié attribue à son rôle, à celle de la reconnaissance dont il bénéficie et à la manière dont il est dirigé. Autant de dimensions sur lesquelles le management influe fortement.

L’électrochoc France Télécom

« En termes de risques psychosociaux, notre pays est le mauvais élève européen », affirme Patrick Légeron, psychiatre, fondateur du cabinet Stimulus et coauteur en 2008 d’un rapport sur ce sujet pour le ministère du travail. « Alors que dès les années 1970 les pays du nord de l’Europe formulaient leurs premiers accords d’entreprise sur ces questions, en France, il a fallu attendre l’accord national interprofessionnel sur le stress au travail de 2008, indique le psychiatre. Le manque de formation sur ces sujets avait été pointé du doigt. Mais plus de dix ans plus tard, on est encore loin du compte. » Selon lui, les drames survenus à France Télécom – dont le procès des dirigeants s’est ouvert en mai 2019 – sont symptomatiques d’un certain « management toxique ». « Ce fut un électrochoc à l’époque. On a commencé à se rendre compte du prix humain d’années de mauvais management… »