Archive dans septembre 2019

Egalité salariale: « Il y a un travail énorme à accomplir »

A peine 3,5 % des entreprises de plus de 250 personnes vivent dans une égalité réelle, selon Muriel Pénicaud. La ministre du travail devait préseter un bilan, mardi 17 septembre, de la mise en marche de l’index de l’égalité professionnelle.

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La ministre du travail, Muriel Pénicaud, le 5 septembre, à Beaulieu-sur-Layon (Maine-et-Loire).
La ministre du travail, Muriel Pénicaud, le 5 septembre, à Beaulieu-sur-Layon (Maine-et-Loire). STEPHANE MAHE / REUTERS

Un déclic s’est produit dans les entreprises pour diminuer les écarts de salaires entre les hommes et les femmes, mais il leur reste encore beaucoup de chemin à parcourir. C’est, en substance, le message délivré par Muriel Pénicaud, la ministre du travail, qui devait faire le point, mardi 17 septembre, sur la mise en application de l’index de l’égalité professionnelle.

Établie par la loi « avenir professionnel » du 5 septembre 2018, ce dispositif permet de comparer, au se in d’une même société, les situations en fonction du sexe des salariés. Il se présente sous la forme d’une note sur 100, élaborer à partir de cinq critères (écarts de rémunération, répartition des augmentations individuelles, etc.).

Premier enseignement : « la part des entreprises de plus de 250 personnes qui assurent une égalité réelle, attestée par une note de 99 ou de 100 sur 100, est faible, ajoute Mme Pénicaud. On en dénombre 167 sur les 4 772 qui ont publié leurs résultats. » Soit à peine 3,5 %. Parmi les sociétés cotées au CAC 40 et au SBF 120, aucune n’a obtenu les notes maximales « sur l’ensemble de leur périmètre ». « Il y a un travail énorme à accomplir », déclare Mme Pénicaud.

Les entreprises en « alerte rouge » (c’est-à-dire dont la note est inférieure à 75 sur 100) sont minoritaires : 18 % chez celles qui emploient plus de 1 000 personnes et 16 % pour celles qui ont entre 251 et 1 000 salariés. Elles doivent faire des « mesures correctrices » pour atteindre au moins la barre de 75 d’ici trois ans au maximum, faute de quoi des pénalités financières leur seront infligées.

« Le plafond de verre »

L’un des principaux réserves relevés porte sur le rattrapage salarial dont les femmes doivent bénéficier à leur retour de congé maternité si leurs collègues ont été augmentés durant leur absence. Une loi de 2006 prévoit, en la matière, des obligations extrêmement précises, mais « un tiers des entreprises de plus de 1 000 personnes ne les respectent pas », rapporte la ministre (un cinquième dans la catégorie des 251-1 000 salariés). Autre gros point noir : « le plafond de verre, qui empêche les femmes d’accéder aux postes de direction », ajoute Mme Pénicaud. La part de grands groupes où il y a au moins deux femmes parmi les dix collaborateurs les mieux rémunérés n’est que de 50 %. Les performances sont un peu meilleures dans les entreprises de 251 à un millier de salariés : chez 60 % d’entre elles, au moins deux femmes sont dans le Top 10 des plus gros salaires.

Aux yeux de la ministre du travail, la création de l’index de l’égalité professionnelle a initié une « dynamique ». « Beaucoup de chefs d’entreprise me disent – de bonne foi, la plupart du temps – qu’ils n’avaient pas pris la mesure de la situation et qu’ils sont désormais résolus à agir. Ils savent que c’est important, pour leur réputation et leur capacité à attirer des talents », mentionne Mme Pénicaud.

Presque la totalité des sociétés de plus de 1 000 personnes ont désormais publié leur index – ce qu’elles étaient tenues de faire depuis le 1er mars. Il subsiste tout de même des retardataires : dix-huit ont été mises en demeure de communiquer leurs résultats – avec, dans un cas, « une procédure de pénalité engagée » qui a porté ses fruits, puisque le patron concerné a finalement livré les données en question. Quant aux sociétés de 251 à 1 000 personnes, elles avaient jusqu’à 1er septembre pour calculer et diffuser leur index : 68 % d’entre elles sont dans les clous, les autres s’exposant à des relances de l’administration.

Une salle d’hôpital numérique pour préparer les étudiants

L’école des Mines et le CHU de Saint-Etienne ont développé la « jumelle » d’une salle d’urgence qui permet à des étudiants, munis de casques de réalité virtuelle, de comprendre la gestion des flux.

Par centaines, les blessés affluent. L’attentat a eu lieu il y a moins d’une heure et le service des urgences du CHU de Saint-Etienne est totalement saturé. A cet instant, la gestion des flux est difficile pour prendre en charge au plus vite toutes les victimes.

Derrière son casque de réalité virtuelle, Jémil tente de saisir au mieux ce qui se passe. Heureusement, cet attentat n’est qu’une simulation. En ce jour de rentrée à l’école des Mines de Saint-Etienne (Loire), les élèves de deuxième année spécialité ingénierie biomédicale s’essaient à une nouvelle pratique pédagogique, sous la houlette de leur professeur en ingénierie des systèmes de santé, Vincent Augusto.

En 2017, celui-ci a entrepris avec le CHU de Saint-Etienne un programme de réalité virtuelle dont les élèves vont s’emparer pour la première fois cette année : le « jumeau digital » de l’hôpital, qui combine simulation et suivi en temps réel du service des urgences. Objectif : savoir diagnostiquer une situation, la retranscrire, la modéliser et proposer des solutions d’optimisation des ressources. Grâce aux indicateurs réels fournis par le CHU, les étudiants ingénieurs savent parfaitement le nombre de patients en attente, leur heure d’arrivée, l’état de surcharge de tel ou tel médecin…

Avec la médecine, les technologies de réalité virtuelle semblent avoir trouvé un solide point d’entrée dans l’enseignement supérieur.

« C’est vraiment très réaliste, je reconnais tout à fait les lieux », commente tout haut Jémil qui, inscrit dans un double cursus Ecole des Mines/fac de médecine, a passé deux mois en stage comme aide-soignant aux urgences. « Il serait intéressant de connaître la raison de la venue des patients. On pourrait évaluer la durée d’attente en fonction des affections déclarées », observe-t-il. « Pour l’instant on ne s’occupe que de la gestion des flux, déclare Vincent Augusto. Mais dans un second temps, nous demanderons l’autorisation à la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) d’enrichir nos simulations avec les données médicales. »

Avec la médecine, les technologies de réalité virtuelle semblent avoir trouvé une forte point d’entrée dans l’enseignement supérieur. Pour Maxime Ros, neurochirurgien et président de la start-up de réalité virtuelle Revinax, les étudiants y ont tout à gagner. « Tous les supports pédagogiques s’approchent de la réalité mais pas suffisamment pour permettre de reproduire parfaitement une procédure, explique-t-il. En neurochirurgie pédiatrique par exemple, les experts sont très peu nombreux. Pour apprendre de nouvelles techniques, on s’appuie surtout sur du compagnonnage, de l’artisanat. Et lorsqu’on a soi-même à réaliser une opération peu de temps après, il est difficile de compter sur sa seule mémoire, notre cerveau ayant perçu les gestes de manière biaisée. » Le cerveau commettrait ainsi jusqu’à 50 % d’erreurs quand il reproduit une procédure observée auparavant. Transmettre une technique, hors réalité virtuelle, n’est donc pas simple, malgré le temps que passent les étudiants auprès de leurs enseignants. En revanche, « le message transmis par la réalité virtuelle présente un atout énorme : il est constant. Tout le monde le perçoit et est en mesure de le restituer de la même façon, ce qui homogénéise la compréhension et les pratiques », déclare Maxime Ros.

« Les plates-formes du numérique n’ont pas pu s’objecter à l’action de fond actuel pour une meilleure répartition »

En Californie, une loi oblige les entreprises de requalifier comme employés leurs travailleurs payés à la tâche et de leur octroyer des prestations sociales.

La représentante démocrate de Californie Lorena Gonzalez défend sa proposition de loi à San Diego (Californie), le 28 août 2019.
La représentante démocrate de Californie Lorena Gonzalez défend sa proposition de loi à San Diego (Californie), le 28 août 2019. Rich Pedroncelli / AP

La Californie a été le berceau de l’économie de partage et de l’emploi à la demande. Le laboratoire où se dessine l’avenir du travail ou ce qu’il en restera (selon les Cassandre) quand les robots auront fini de s’emparer de secteurs d’activité entiers. Elle est actuellement à l’avant-garde des efforts des pouvoirs publics pour remettre le génie dans la bouteille, à un moment où le débat politique – dans le camp démocrate – est centré sur les moyens de corriger les inégalités.

Le 13 septembre, les parlementaires californiens, aux deux tiers démocrates, ont envoyé pour proclamation au gouverneur, Gavin Newsom, une loi qui modifie profondément le code du travail dans l’Etat. Elle impose aux entreprises de qulifier une comme employés leurs travailleurs contractuels payés à la tâche. A partir du 1er janvier 2020, des centaines de milliers de travailleurs précaires – jusqu’à 1 million de personnes, selon les sources – devraient avoir droit à des prestations sociales : salaire minimum, congé maladie, assurance chômage. Ils pourront même se syndiquer.

La loi vise au premier chef les forçats de l’économie numérique : les chauffeurs des compagnies de VTC, Uber et Lyft, ou du service Amazon Flex ; les livreurs de DoorDash, Uber Eats, Instacart, Postmates, dont le paiement est soumis à la loi de l’offre et la demande, selon des modalités algorithmiques qui leur échappent le plus souvent. Les plates-formes l’ont combattue bec et ongles. Mais elles n’ont pas pu s’opposer au mouvement de fond actuel pour une meilleure redistribution, illustré à merveille par les livreurs de DoorDash. Le 5 septembre, ceux-ci sont venus déposer des sacs de cacahuètes devant le siège de la compagnie à San Francisco pour montrer ce que représente leur salaire : « Peanuts. »

Des livreurs de journaux sous-payés

La loi est évalué comme une victoire pour le mouvement syndical, que la « gig economy » (celle du travail à la tâche) croyait avoir réduit à l’obsolescence dans la nouvelle économie. Son auteure, la représentante démocrate Lorena Gonzalez, ancienne responsable de l’AFL-CIO (regroupement syndical) de San Diego, a balayé l’argument de liberté et de flexibilité des horaires mis en avant par les entreprises – et souvent les contractuels eux-mêmes – pour défendre leur modèle. « Ce n’est pas de la flexibilité, a accusé l’élue, fille d’un ouvrier agricole et diplômée de Stanford. C’est du féodalisme. » Les élus ont chiffré à 30 % du coût du travail les économies effectuées par les plates-formes en recrutant des contractuels indépendants plutôt que de les salarier.

Le temps de travail dans les collectivités locales

Selon une analyse, trois collectivités sur quatre adapte déjà le régime légal ou s’apprêtent à le faire.

Sous la contrainte budgétaire, les collectivités territoriales alignent progressivement le temps de travail de leurs salariés sur celui du privé. Selon le baromètre annuel ressources humaines annoncé le 16 septembre par le pôle public du groupe Randstad, en partenariat avec Villes de France et l’Assemblée des communautés de France, trois collectivités sur quatre appliquent déjà le régime légal des 1 607 heures ou s’apprêtent à le faire, alors que la loi de transformation de la fonction publique du 6 août prévoit la suppression des régimes dérogatoires à la durée légale du travail en 2022 au plus tard.

Cette étude innovante– l’entrée sur le temps de travail ne figurait pas dans les précédentes enquêtes – montre que les collectivités, pour une part significative d’entre elles, ont anticipé les dispositions législatives pour mettre fin aux régimes dérogatoires. « L’alignement du temps de travail des agents de la fonction publique locale est un chantier que les villes de taille intermédiaire ont entamé depuis 2014, en particulier en raison de l’attrition de leurs ressources du fait de la réduction de la dotation globale de fonctionnement », déclare la maire de Beauvais, Caroline Cayeux, présidente de Villes de France.

La règle des 1 607 heures s’applique dans la fonction publique territoriale depuis 2001. Le paradoxe, toutefois, est qu’à l’époque les collectivités ont été encouragées à baisser leur volume horaire de travail pour favoriser les recrutements. Depuis, de nombreux rapports, qu’ils émanent de la Cour des comptes ou de parlementaires, n’ont cessé de fustiger l’« explosion » de la masse salariale dans les collectivités et la « dérive » des finances locales. En émettant son projet de loi, le ministre des comptes publics, Gérald Darmanin, voulait que la persistance de régimes spécifiques représenterait un surplus de 35 000 agents dans la fonction publique territoriale.

Le mouvement d’arrangement sur la durée légale s’est en fait accéléré depuis 2014, début du mandat en cours qui s’achèvera en 2020. Avant cette date, 41 % des collectivités appliquaient déjà les 1 607 heures ; 16 % se sont alignées au cours du mandat actuel et 18 % ont engagé un processus de mise en unanimité. Seules 25 % utilisent un régime inférieur aux 1 607 heures et ne considère pas d’évolution.

Une grande mobilisation contre la réforme des retraites

Après la RATP, les avocats, médecins, personnels navigants du transport aérien, infirmières ou kinésithérapeutes manifestent lundi à Paris.

La vague de mécontentement contre la réforme des retraites continue de déferler. Trois jours après la grève – inédite en douze ans – des agents de la RATP, d’autres catégories d’actifs manifestaient, lundi 16 septembre à Paris, entre Opéra et Nation, pour s’opposer à ce chantier majeur du quinquennat d’Emmanuel Macron. Il s’agit d’une mobilisation sans précédent, orchestrée par le collectif SOS Retraites dans lequel on retrouve des corporations qui n’avaient jusqu’à présent jamais défilé ensemble : avocats, personnels navigants du transport aérien, médecins, infirmières, kinésithérapeutes… Leurs inquiétudes restent entières, malgré l’intervention du premier ministre, Edouard Philippe, qui avait affiché, le 12 septembre, sa volonté de dialogue.

Dans la journée d’action organisée lundi, les avocats ont joué un rôle décisif, par le truchement du Conseil national des barreaux (CNB). Cette instance a, en effet, exhorté toute la profession à battre le pavé, dans la capitale, et à faire la grève des audiences. Un appel qui s’annonce très suivi, au point que le fonctionnement des juridictions pourrait être perturbé. Le CNB a également donné une impulsion très forte pour agréger autour de lui d’autres groupes sociaux et former un cartel dont la composition surprend, de prime abord. « Le point commun, c’est que chacun d’entre nous dispose de régimes autonomes », explique Ghislaine Sicre, présidente de Convergence infirmière (CI). Des régimes qui seront appelés à se fondre, à terme, dans le système universel promis par M. Macron.

Crainte d’une « spoliation »

Ce scénario, MChristiane Féral-Schuhl, la présidente du CNB, le rejette, avec l’ensemble des membres de SOS Retraites, car il serait synonyme de « captation des réserves » accumulées par les différentes caisses concernées. Chez les avocats, les sommes en jeu s’élèvent à deux milliards d’euros. S’agissant de la Carpimko – la caisse des orthophonistes, infirmières, orthoptistes, etc. –, les montants atteignent 3,4 milliards, d’après Mme Sicre : « Nous ne voulons pas qu’un hold-up ait lieu », affirme la présidente de CI. Le discours est identique chez les navigants du monde de l’aérien : « Notre caisse de retraite complémentaire existe depuis le début des années 1950 et n’a rien coûté à la collectivité, confie Yves Deshayes, le numéro un du Syndicat national des pilotes de ligne (SNPL). Nous ne voulons pas qu’elle disparaisse. »

La crainte d’une « spoliation » est d’autant plus vive que la collecte des cotisations sera, à terme, entièrement confiée aux Urssaf, une « administration » à la main de l’Etat, relève Jean-Paul Hamon, le président de la Fédération des médecins de France (FMF). A ses yeux, toutes les conditions seront alors réunies pour détourner les réserves des régimes autonomes vers le pot commun du système universel.

D’autres facteurs, plus spécifiques, alimentent la colère. Plusieurs professions redoutent d’être assujetties à des prélèvements majorés avec la réforme – telle qu’elle a été esquissée dans le rapport remis en juillet par Jean-Paul Delevoye, le haut commissaire en charge du projet. Chez les avocats, le taux de cotisation va doubler, voire un peu plus (sur les revenus inférieurs à 40 000 euros). La hausse va être difficile à encaisser, notamment pour ceux qui débutent ou dont l’activité repose, en grande partie, sur des dossiers rémunérés par l’aide juridictionnelle, affirme MFéral-Schuhl.

« Plus de ponctions pour moins de pensions »

L’appréhension est identique parmi les organisations impliquées dans SOS Retraites qui représentent le paramédical. « Les cotisations vont augmenter de quatorze points, ce qui va porter notre taux de charges à 60 %, déclare Mme Sicre. Au final, il y aura plus de ponctions pour moins de pensions. »

Dans d’autres métiers, en revanche, le taux de contributions pour l’assurance-vieillesse est susceptible de reculer, ce qui est favorable au pouvoir d’achat des actifs, mais réduit aussi leurs droits à la retraite : « La baisse des cotisations sera de 20 % mais les pensions, elles, diminueront davantage, de l’ordre de 38 % », indique M. Hamon. Autrement dit, les intéressés y perdront, au final. Le problème pourrait, éventuellement, être résolu, en recourant à l’épargne-retraite supplémentaire, mais de tels produits, proposés par les assureurs et les banquiers, offrent des rendements beaucoup moins intéressants, rapporte M. Deshayes. En outre, ajoute-t-il, rien ne garantit que de tels dispositifs seront mis en place dans toutes les compagnies aériennes.

« Le mouvement va être long et aller crescendo », prophétise Mme Sicre. « C’est l’avenir de notre profession que nous défendons », renchérit MFéral-Schuhl. D’autres organisations s’apprêtent à emboîter le pas de SOS Retraites : FO, le 21 septembre ; la CGT, trois jours après. L’exécutif n’est pas au bout de ses peines.

Une grève surprise chez General Motors aux USA

Le syndicat United Auto Workers appelle les 31 usines américaines du constructeur automobile à cesser le travail pour appuyer la négociation sociale.

Des salariés de General Motors sont en grève à Flint, dans le Michigan, le 16 septembre. Le syndicat américain United Auto Workers (UAW) a appelé les employés du constructeur américain à cesser le travail.
Des salariés de General Motors sont en grève à Flint, dans le Michigan, le 16 septembre. Le syndicat américain United Auto Workers (UAW) a appelé les employés du constructeur américain à cesser le travail. JEFF KOWALSKY / AFP

C’est une première depuis 2007 et la ruine de General Motors (GM), deux ans plus tard, qui suivit la grande crise financière. La direction du syndicat automobile United Auto Workers (UAW) a appelé, dimanche 15 septembre, ses 46 000 membres à cesser le travail dans les 31 usines américaines de General Motors, à compter de lundi zéro heure. Le mot d’ordre a été voté à l’unanimité des cadres dirigeants du syndicat, alors que le contrat quadriennal qui liait la firme de Detroit (Michigan) au syndicat a expiré samedi soir. « Nous avons été aux côtés de General Motors quand elle avait le plus besoin de nous. Actuellement, nous nous tenons ensemble, unis et solidaires avec nos membres, leurs familles et les communautés dans lesquelles nous vivons et travaillons », a évoqué par Terry Dittes, le vice-président du syndicat.

L’accord avec GM était estimé faire école auprès des deux autres groupes de Detroit, Ford et Fiat Chrysler, dont les conventions syndicales ont été brièvement prolongées. « Les travailleurs de l’automobile appellent les trois grands constructeurs à reconnaître les contributions et les sacrifices qu’ont faits les membres de l’UAW pour créer une industrie saine et rentable », conteste le syndicat. Fait inhabituel, GM a répondu en présentant par communiqué les propositions de la direction – habituellement, les cartes ne sont dévoilées que lorsque la négociation est conclue : entre autres, 7 milliards de dollars (6,3 milliards d’euros) d’investissements, 5 400 nouveaux emplois, une meilleure participation pour le bienfait de l’entreprise et une prime de 8 000 dollars par personne à la signature du contrat.

En réalité, GM a sollicité de gros efforts à ses salariés pendant la crise, sur leur paie et leur assurance maladie, même si les accords suivants ont été plus généreux. Les négociations semblent s’être cristallisées sur trois sujets. Premièrement, les salaires, alors que GM est la firme la plus bénéfique des trois grands constructeurs historiques (avec Ford et Fiat Chrysler) en Amérique du Nord, avec 11,8 milliards de dollars de profit opérationnel en 2018 et 10,8 % de marge opérationnelle sur ce territoire. En deuxième, l’assurance maladie, dont les coûts s’envolent et qui couvre extrêmement bien les salariés (3 % de reste à charge contre 29 % pour la moyenne des salariés américains, selon la Kaiser Family Foundation). En troisième, le sort de quatre usines que General Motors, accusée pas forcément à tort de délocaliser, plus que les deux autres constructeurs américains, au Mexique et au Canada, est en train de clôturer dans l’Ohio et le Michigan. La direction de General Motors dit avoir des solutions de reconversion externe ou interne pour ces usines y compris pour sa dernière implantation emblématique de Detroit, qui fabriquerait à l’avenir des pick-up électriques.

Les salariés de General Motors appelés à la grève aux USA

GM qui veut fermer des chaînes d’assemblage aux USA n’a plus connu de grande grève depuis douze ans.

L’UAW veut aussi et surtout empêcher la fermeture d’autres chaînes d’assemblage dans l’Ohio et le Michigan.
L’UAW veut aussi et surtout empêcher la fermeture d’autres chaînes d’assemblage dans l’Ohio et le Michigan. JEFF KOWALSKY / AFP

Les 46 000 salariés de General Motors sont appelés à la grève aux Etats-Unis à partir de minuit dimanche 15 septembre, à l’appel du puissant syndicat United Auto Workers (UAW). Pour le syndicat, il s’agit de peser sur des négociations actuellement dans l’impasse sur une nouvelle convention collective. Initié en juillet, les négociations sont pour le moment au point mort.

Le syndicat exige surtout des augmentations de salaires, une meilleure couverture santé et des garanties sur la sécurité de l’emploi, a déclaré à la presse le vice-président d’UAW, Terry Dittes, à l’issue de la réunion à Detroit.

S’accommoder aux changements du marché automobile

L’UAW veut aussi et surtout empêcher la fermeture d’autres chaînes d’assemblage dans l’Ohio et le Michigan, alors que la direction du général moters les juge indispensable pour adapter son outil de production aux changements du marché automobile.

La mobilisation sera un test pour Mary Barra, la directrice générale du constructeur. GM n’a plus connu de grande grève depuis douze ans. Les salariés avaient alors arrêté le travail pendant deux jours. En 1998, une grève de 54 jours avait paralysé l’usine de Flint, dans le Michigan.

En novembre 2018, GM avait clôturé de cinq usines en Amérique du Nord, dont dans les États  de l’Ohio et du Michigan, s’attirant les foudres de Donald Trump, pour qui ces Etats sont essentiels s’il veut être réélu pour un deuxième mandat, en novembre 2020.

L’UAW joue gros : les caisses de grève n’envisage pas de verser que 250 dollars par semaine aux ouvriers grévistes, bien en dessous de leurs rémunérations. En revanche, le syndicat qui négociait aussi avec les deux autres constructeurs américains Ford et Chrysler est parvenu vendredi à un accord dans ces deux groupes.

Les seniors, appelés à travailler plus longtemps

Paris, France, le 24 avril 2018. Jean-Paul, 60 ans, en formation dans l'atelier de CAP de l'ameublement dans l'école de la Bonne Graine à Paris. De plus en plus de salariés se détournent d'une longue carrière dans le tertiaire et ont décidé de profiter de plans de départ ou d'opportunités de formations pour s'apprendre à un métier d'art. Un retour aux sources souvent vécut comme une renaissance à l'heure où un nombre grandissant de Français se posent la question du Sens dans le Travail.

EMERIC FOHLEN / HANS LUCAS

Après presque sept ans passés dans une belle agence de communication, Sylvie Heas avait envie de progresser. Elle répond à une offre d’emploi qui correspond à son profil, décroche un premier entretien téléphonique. Au bout de trente minutes d’un échange positif, la recruteuse lui offre de fixer un rendez-vous. Tout se présente pour le mieux. Jusqu’à ce que, soudain, elle réalise que Sylvie Heas n’a pas précisé son âge sur son CV. Elle pose donc la question. A l’annonce de la réponse – 56 ans –, l’échange tourne court. Plus de rendez-vous en perspective. « C’est qu’au-delà de 45 ans, mon client ne veut embaucher personne…. », explique la recruteuse à la candidate interloquée.

C’est l’un des nombreux paradoxes du marché du travail français et une grande difficulté pour la réforme des retraites en gestation. Alors que les individus sont appelés à travailler de plus en plus longtemps, les seniors – entendez par là les plus de 45 ans, selon la terminologie couramment admise dans le monde du travail… – sont les mal-aimés des entreprises et des recruteurs. Selon  l’ADP The Workforce View in Europe, paru début septembre, plus d’un tiers des salariés français estime avoir subi une forme de discrimination au travail liée à son âge.

Voilà pour la perception. L’examen statistique confirme ce sentiment d’inégalité.
Malgré une nette progression depuis une dizaine d’années, due surtout à l’arrêt des cessations anticipées d’activité (préretraites), la situation des seniors sur le marché du travail n’est guère enviable.

Le taux d’emploi des 55-64 ans s’établit à 51,3 % en 2017 en France, un niveau inférieur à celui de la moyenne de l’Union européenne (UE), où il est de 57,1 %. Pour la tranche d’âge des 60-64 ans, le décrochage français est encore plus net : 29,4 % contre 42,5 %. Le taux d’emploi est environ deux fois plus élevé en Allemagne, au Danemark, au Pays-Bas, en Estonie,  en Estonie… Il dépasse même les 60 % en Suède (68 %), en Norvège (66 %) ou en Suisse (61 %)… et atteint 82 % en Islande.

« En France, seul le secteur automobile a fait de réels efforts »

Les Français seraient-ils les champions de la retraite prise le plus tôt possible ? Pas vraiment. En réalité, ce faible taux d’emploi se traduit par une très grande diversité de situations : ni au travail ni à la retraite, les seniors naviguent dans une zone grise, entre arrêts maladie, invalidité ou chômage. « Entre 55 et 64 ans, une part non négligeable des travailleurs passe par l’inactivité », déclare Marion Gilles, chargée de mission au département Etudes, capitalisation & prospective à l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (Anact).

Au Japon, le travail après la retraite, réponse à la manque de travailleur

Selon un sondage effectué pour le gouvernement nippon, deux Japonais sur trois de plus de 60 ans veulent continuer à travailler après 65 ans. Une conséquence qui s’explique par la modicité de la retraite.

Travailler après la retraite n’a rien d’étonnant au Japon. Sur les chantiers, dans les usines ou les bureaux, il n’est pas rare de rencontrer des personnes de plus de 70, voire 80 ans. Un besoin primordial pour un pays vieillissant, où le taux de chômage ne dépassait pas 2,2 % en juillet, avec 1,59 offre d’emploi par chômeur, voire 6 pour 1 dans des secteurs comme la construction ou la restauration.

Or, avantage pour l’Archipel, selon un sondage effectué pour le gouvernement, deux Japonais sur trois de plus de 60 ans veulent poursuivre le travail après 65 ans. Résultat, en 2017, le taux d’emploi des 65-69 ans atteignait 54,8 % chez les hommes et 35 % chez les femmes. Un record dans les pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Faire travailler les après la retraite permet donc de répondre, même partiellement, à un manque grandissant de main-d’œuvre.

Autre avantage, cela repousse le moment de la perception de la pension. Actuellement, l’âge de la retraite est fixé à 60 ans – 65 ans dans la fonction publique depuis 2018. Celui de la perception de la pension à taux plein s’établit à 65 ans et pourrait passer à 70 ans. Considérant l’accroissement de la durée de vie, le gouvernement y réfléchit.

20 % des plus de 65 ans dans une situation de pauvreté relative

Le travail après la retraite doit aussi compenser la modicité des pensions – en moyenne, 150 000 yens (1 269 euros) par mois –, pensions qui ne devraient pas accentuer, tant les dépenses sociales ne cessent de croître. Ces dépenses pourraient atteindre 140 000 milliards de yens (1 185 milliards d’euros) en 2025, contre 120 000 milliards de yens en 2017. Selon l’OCDE, près de 20 % des Japonais de plus de 65 ans se trouvent actuellement dans une situation de pauvreté relative, un niveau parmi les plus élevés des pays développés.

En juin, plusieurs commissions du ministère des finances en sont venues à recommander aux contribuables d’économiser durant leur vie active afin de gagner d’une épargne de 15 à 30 millions de yens (entre 127 000 et 254 000 euros) pour compléter leur pension et faire face à des frais médicaux dont les taux de remboursement baissent.

Au-delà des questions budgétaires, le maintien en activité de personnes dotées de compétences solides permettrait aussi de faciliter le fonctionnement des entreprises. « L’industrie au Japon s’organise verticalement avec des fournisseurs de taille moyenne. Les travailleurs des générations précédentes ont établi des liens de confiance, indispensables pour faire fonctionner ce réseau », déclare Nobuko Kobayashi, analyste chez EY-Parthénon.

Les jeunes kinés face aux difficultés du travail

Lors de leurs remplacements postdiplôme, plusieurs jeunes kinés sont touchés par les cadences et les pratiques de certains cabinets.

Dans les cabinets de kinésithérapie, les titulaires pratiquent un rythme effréné, parfois à raison de cinq patients à domicile par heure : une équation impossible eu égard au temps de déplacement.
Dans les cabinets de kinésithérapie, les titulaires pratiquent un rythme effréné, parfois à raison de cinq patients à domicile par heure : une équation impossible eu égard au temps de déplacement. Sean Prior/Wavebreak Media/Photononstop

Les remplacement au pied levé, c’est le quotidien de Valentine (le prénom a été changé), 25 ans, jeune diplômée de l’école de kinésithérapie de Grenoble. Au printemps, après quelques clics sur les groupes Facebook de sa profession, où les annonces sont légion, elle a répondu à une offre dans un cabinet au soleil, à quelques encablures de la côte méditerranéenne. Mais, une fois sur place, la jeune professionnelle déchante : les titulaires y pratiquent un rythme effréné, presque intenable. Le travail qu’on lui impose est surchargé, à raison de cinq patients à domicile par heure : une équation impossible eu égard au temps de déplacement.

« J’étais obligée de ne passer que cinq minutes avec les patients », se souvient Valentine, un tempo bien en deçà des durées recommandées par l’Assurance-maladie. La jeune femme fait part de ses doutes au kinésithérapeute qu’elle remplace. Mais celui-ci la tance sur un ton péremptoire : « Il m’a dit : Tu travailles pour moi, donc tu fais ce que je te dis. » Pour Valentine, ce fut la douche froide. « Je pleurais une fois par semaine, j’avais l’impression de mal faire mon travail et de ne pas respecter les patients, souvent âgés. »

A l’image de Valentine, faire des remplacements au gré des saisons est une option de premier choix pour les quelque 5 000 nouveaux  diplômés chaque année en France. Au sein d’une profession qui ne connaît pas le chômage, ce statut offre la possibilité de voyager, de gérer son emploi du temps annuel, et de goûter au plaisir de l’indépendance… Le tout après des études sélectives, âprement encadrées par un numerus clausus.

Des cabinets « usines »

Mais, pour certains de ces jeunes, l’arrivée sur ce marché du travail est synonyme de déconvenues. Le travail dans des cabinets « usines », comme les décrit Thomas, fait partie des expériences les plus déplaisantes. Ce kiné de 28 ans, diplômé d’une école privée espagnole, se remémore avec tristesse l’un de ses premiers passages dans une structure libérale : « Les kinésithérapeutes faisaient deux papouilles, et au revoir ! Ce n’était absolument pas rigoureux, ce n’était pas du tout ce que j’avais en tête. » Alexandre, qui a payé sa formation en apprentissage avec l’hôpital de la Timone, à Marseille, a eu le même type d’expérience. « Le problème du libéral, c’est que certains travaillent à la chaîne. Ce n’est pas ce que j’ai envie de faire, je ne veux pas faire de l’abattage », déclare-t-il, quelques mois après avoir obtenu son diplôme.