Archive dans septembre 2019

« Moi, je ne vais pas donner ma vie pour la brigade »

La brigade des sapeurs-pompiers de Paris, la plus glorieuse, fait aussi plusieurs déçus. Les missions déçoivent et la vie militaire ne convient pas à tout le monde.

Ce n’est pas pour ça qu’ils s’étaient engagés, alors ils sont partis. Julien et Raphaël (les prénoms ont été changés), 26 ans, ont intégré la brigade des sapeurs-pompiers de Paris (BSPP) fin 2017. Le premier l’a quittée au mois d’août. Le second l’aura imité avant la fin du mois de septembre. Tous deux évoquent une « libération », moins de deux ans après avoir fêté leur entrée dans ce que la profession considère pourtant comme son unité d’élite, mais qui n’échappe pas au malaise général.

Certes, celui-ci se voit moins qu’en province : spécificité de la « brigade », qui défend Paris et les trois départements de la petite couronne (Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis, Val-de-Marne), ses 8 500 pompiers ont le statut de militaire, et n’ont donc pas le droit de grève, contrairement à leurs 40 500 collègues professionnels dans le pays, appelés à en faire (symboliquement) usage depuis le 26 juin. Mais certains chiffres trahissent un trouble profond au sein de l’institution, qui a connu son heure de gloire lors de l’incendie de Notre-Dame mi-avril : la BSPP ne parvient pas à conserver ses troupes et connaît un turnover énorme.

Selon des chiffres diffusés en 2017, 30 % des recrues quittent la brigade au bout de la période probatoire de six mois, qui précède la signature d’un contrat de cinq ans. Et parmi les 70 % qui signent ce contrat, seuls 53 % le changement. D’où la nécessité d’embaucher chaque année 1 200 jeunes pompiers à la BSPP.

Raphaël et Julien sont restés au-delà des six premiers mois, mais ne sont pas allés au bout des cinq ans. Ils ont pris la troisième porte de sortie : réformés en cours de contrat, après passage devant le psychiatre, seule façon de démissionner sans être considéré comme déserteur. De quoi faire des envieux : « Je ne connais pas une caserne où il n’y a pas quelqu’un qui a envie de partir », assure le premier, qui était basé au sud de Paris. Le second, dont la caserne se trouvait à l’est de la capitale, fait le même constat : « Si tu donnes la possibilité aux pompiers de Paris de démissionner, t’as la moitié de chaque caserne qui s’en va. » Sollicitée par Le Monde, la BSPP n’a pas souhaité faire de commentaire.

Appels abusifs

Des discours de ces ex- « brigadous » émanent deux sources majeures au mal-être : une mission qui ne correspond pas à leurs attentes, et l’ambiance. Le premier phénomène est connu : actuellement, un pompier n’est plus quelqu’un qui éteint des feux, lesquels représentent moins de 3 % des interventions de la BSPP. Raphaël n’a eu qu’un seul véritable incendie à traiter – plusieurs voitures en feu devant une prison. Julien a eu « plus de chance » : « Quelques-uns. »

Les sapeurs-pompiers haussent le ton face au ministère de l’intérieur

Ils demandent la mise en place rapide d’un numéro d’urgence unique, le 112, et des mesures concrètes face aux agressions dont ils sont de plus en plus souvent victimes.

Par et Publié aujourd’hui à 10h20

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Ce sont habituellement les éléments les moins turbulents au sein de cette Cocotte-Minute sociale qu’est le ministère de l’intérieur. Les sapeurs-pompiers ont cependant décidé, en cette rentrée, d’exprimer avec davantage de force leurs revendications et entendent, à l’instar de leurs collègues policiers ou gendarmes, obtenir rapidement des réponses, positives de préférence.

La Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France (FNSPF) tient son congrès à Vannes du 18 au 21 septembre. Elle tente de faire monter la pression sur le gouvernement avant cette grand-messe conclue par un discours de Christophe Castaner, le ministre de l’intérieur. Forte de ses quelque 280 000 adhérents, l’institution est la seule à pouvoir incarner une parole collective au sein d’une profession fragmentée entre les pompiers volontaires (190 000 personnes), professionnels (40 000 personnes), les jeunes (25 000 personnes), les membres de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris et ceux du bataillon de marins-pompiers de Marseille, deux unités qui bénéficient d’un statut militaire à part.

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Les doléances des « rouges » sont connues et font l’objet de discussions interministérielles depuis plusieurs années. Au premier rang desquelles se trouve celle sur la mise en place d’un numéro unique pour les appels d’urgence, commun au SAMU, aux pompiers et à la police. Un sujet d’achoppement entre le ministère de la santé, dont dépendent les SAMU départementaux, et l’intérieur, qui gère la sécurité civile et les forces de l’ordre. Les pompiers réclament la mise en place du 112 au niveau national, qui remplacerait (comme c’est le cas dans beaucoup de pays voisins) les actuels 15 (SAMU), 17 (police) et 18 (pompiers).

« Phénomène de stress »

L’enjeu est de mieux répartir les interventions d’urgence et d’éviter la « sursollicitation », quand les sapeurs-pompiers se déplacent pour des missions qui ne relèvent souvent pas de leurs compétences. « De soldats du feu, on s’est transformés en techniciens de secours, déplore le colonel Grégory Allione, président de la FNSPF et patron des pompiers des Bouches-du-Rhône. On répond à la demande de santé des territoires, ce qui n’est pas notre rôle. Ça a un impact sur le moral des troupes, qui se démobilisent. » Si les chiffres ne montrent pour l’instant pas de désaffection massive dans les rangs, les professionnels du secteur craignent que les vocations se tarissent, notamment dans les jeunes générations qui pourraient être tentées par le volontariat.

Un livreur de Deliveroo radié après avoir organisé une grève

Nassim Hamidouche, accusé de vol de repas à livrer, est l’un des leaders du mouvement social dans les plates-formes.

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Un livreur Deliveroo manifeste place de la République, à Paris, contre la réduction du prix de la course à Paris, le 7 août 2019.
Un livreur Deliveroo manifeste place de la République, à Paris, contre la réduction du prix de la course à Paris, le 7 août 2019. Charles Platiau / REUTERS

Chez Deliveroo, plate-forme de livraison de repas, la modification des tarifs payés aux livreurs décidée en août continue de provoquer des remous. Nassim Hamidouche, un des leaders du mouvement de grèves qui a émaillé le mois d’août, a vu son contrat de prestataire résilié par l’entreprise.

Tout commence cet été, lorsque Deliveroo réduit de 4,60 euros à 3 euros (à Paris, variable selon les villes) le prix d’une course courte, entraînant la colère des livreurs qui perdraient entre 30 et 50 % de leurs revenus, selon le Collectif des livreurs autonomes de Paris (Clap).

Lire aussi « Parfois 2 euros pour une course, c’est quoi ça ? » : grève des livreurs de Deliveroo à Paris

M. Hamidouche, qui travaille pour Deliveroo depuis huit mois, à raison de « 250 heures par mois, 7 jours sur 7 », organise alors des blocages, sur la zone où il livre, Paris Nord La Défense (PNLD), Courbevoie, Neuilly… A Courbevoie se trouve une des « cuisines » de Deliveroo qui loue des espaces à une quinzaine de restaurants pour qu’ils y fabriquent leurs plats. Le 28 août, « avec des collègues, j’ai organisé devant la cuisine une manifestation, vers 19 heures, contre les nouveaux tarifs, indique M. Hamidouche. A 19 h 40, la cuisine fermait. »

« Comme il travaille beaucoup, qu’il est posé, les livreurs l’écoutent. C’est pour cela que Deliveroo s’attaque à lui », Jérôme Pimot, ancien de Deliveroo

« Nassim est l’un des leaders des grèves, souligne Jérôme Pimot, un ancien de Deliveroo, qui a cofondé le Clap. Et comme il travaille beaucoup, qu’il est posé, les livreurs l’écoutent. C’est pour cela que Deliveroo s’attaque à lui. » Un argument réfuté par l’entreprise. « Deliveroo respecte le droit des livreurs à manifester ou faire grève, assure le porte-parole. Deliveroo ne mettrait jamais fin à un contrat avec un livreur parce que ce dernier participerait à une manifestation ou ferait grève»

Action prud’homale

Alors, quelle est la raison de la « résiliation de [son] contrat de prestation de service », la lettre envoyée au livreur ne précisant aucun motif ? Un porte-parole de l’entreprise explique que, « à plusieurs reprises », M. Hamidouche a « indiqué avoir livré des repas à des consommateurs qui nous ont contactés car ils n’avaient en fait pas été livrés (…). Les gens s’attendent à ce que nous ne travaillions pas avec des livreurs qui commettent ce qui ressemble à de la fraude ou des vols ». Pour M. Hamidouche, l’argument est « bidon. On laisse trois semaines de préavis à un voleur ? Si je suis un voleur, que Deliveroo porte plainte contre moi ! ».

Louis Vuitton recrute pour augmenter ses capacités de production en France

La marque du groupe LVMH a inauguré jeudi une maroquinerie à Beaulieu-sur-Layon. C’est la troisième usine ouverte par Louis Vuitton depuis 2017.

Par Publié aujourd’hui à 10h09, mis à jour à 14h20

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Fabrication d’un sac à l’usine Louis Vuitton de Beaulieu-sur-Layon (Maine-et-Loire), le 5 septembre 2019.
Fabrication d’un sac à l’usine Louis Vuitton de Beaulieu-sur-Layon (Maine-et-Loire), le 5 septembre 2019. STEPHANE MAHE / REUTERS

La blouse est beige. Les chaussures de sécurité sont assorties. Sous l’uniforme des artisans de l’usine Louis Vuitton de Beaulieu-sur-Layon, dans le Maine-et-Loire, inaugurée jeudi 5 septembre, en présence de Muriel Pénicaud, ministre du travail, se cachent des profils d’employés fort différents. L’une a été agricultrice. Elle s’est reconvertie au métier de piqueur, lors du passage à la retraite de son mari, éleveur bovin. L’autre n’a que 22 ans. Depuis un an, elle apprend à coudre du cuir de veau pour fabriquer des sacs Mylockme, l’un des best-sellers de la marque du groupe LVMH. Toutes deux font partie des 135 salariés employés depuis janvier dans cette usine de maroquinerie ouverte dans un bâtiment de 6 000 m2.

A la fin de l’année, l’effectif sera porté à 200 personnes. Les recrutements sont en cours. « D’ici deux ans, 300 personnes travailleront dans cet atelier », assure Michael Burke, PDG de Louis Vuitton.

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La marque a déjà le projet d’ouvrir un deuxième site de production d’une surface similaire, toujours sur ce terrain plat situé à proximité de l’A87 au sud d’Angers. Ce n’est pas le seul de ses projets industriels. LVMH qui a investi un milliard d’euros dans ses capacités de production en France en 2018 est en train de construire un troisième atelier Louis Vuitton sur son site de Saint-Pourçain-sur-Sioule (Allier) exploité depuis les années 1990.

« D’ici à 2022, nous embaucherons 1 500 artisans », Michael Burke, PDG de Louis Vuitton

Le groupe de Bernard Arnault s’apprête aussi à s’installer à Vendôme, en centre-ville, dans le Régence, bâtiment du XVIIIe siècle qu’il est en train de restaurer à grands frais pour une inauguration début 2020. La marque porterait ainsi son réseau de sites de production à 17 en France. « D’ici à 2022, nous embaucherons 1 500 artisans », estime M. Burke. Partout, le fabricant bénéficie de l’appui des collectivités locales. A Beaulieu-sur-Layon, Solutions Eco, structure de développement économique de la région des Pays de la Loire, l’a accompagné pour s’installer sur ce parc d’activités. Il ne lui aura fallu que deux ans de travaux.

Accélérer la cadence

Cette offensive doit permettre à la marque du groupe LVMH d’accélérer la cadence de production, de mieux répondre à la demande de sa clientèle et d’expédier au plus vite ses modèles à l’étranger. Les sacs sont le premier pilier de Louis Vuitton, première marque de luxe au monde devant Chanel et Gucci. Malgré l’envolée des ventes de prêt-à-porter Louis Vuitton, la maroquinerie génère toujours la majorité de ses ventes estimées, à plus de 10 milliards d’euros en 2018. Les Chinois raffolent de ses modèles en toile enduite ou en veau. Un tiers de ses ventes provient de cette clientèle, lors de ses achats en Chine ou à l’étranger. Et, malgré les craintes d’une récession de la consommation chinoise, la demande demeure « exceptionnellement élevée » dans le pays, souligne le PDG de la griffe.

La vogue de l’apprentissage ne se dément pas

A la fin juin, la France dénombrait 458 000 apprentis, un niveau record qui n’empêche pas quelques couacs.

Par et Publié aujourd’hui à 09h54

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Yan Colcanopa

Perceptible à la fin du quinquennat de François Hollande, le regain d’intérêt pour l’apprentissage se confirme et semble même s’amplifier. A la fin juin, ils étaient 458 000 à s’initier à un métier dans le cadre de ce dispositif qui alterne immersion en entreprise et cours dispensés dans un centre de formation. C’est un « record », s’est réjouie, jeudi 5 septembre, la ministre du travail, Muriel Pénicaud, lors d’un déplacement en Maine-et-Loire, au cours duquel elle a, entre autres, assisté à l’inauguration d’un atelier Louis Vuitton qui accueillera, à terme, des apprentis maroquiniers.

La date retenue pour cette visite, qui était aussi l’occasion de souhaiter une « bonne rentrée à tous les apprentis de France », ne doit rien au hasard : elle intervient un an jour pour jour après la promulgation de la loi avenir professionnel, qui a transformé en profondeur l’apprentissage.

« Une voie d’excellence »

Ce mode de formation a accueilli près de 59 000 nouveaux jeunes entre début janvier et fin juin, soit un accroissement de 8,4 % par rapport à la même période en 2018, selon Mme Pénicaud. L’augmentation est plus forte que celle mesurée sur l’ensemble de l’année dernière (+ 7,7 %) et sur 2017 (+ 2,1 %, d’après les services du ministère du travail). « La nette progression enregistrée au premier semestre 2019 doit toutefois être analysée avec prudence car les entrées en apprentissage s’effectuent pour l’essentiel dans les quatre derniers mois de l’année civile », nuance Bertrand Martinot, ex-responsable de la délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle et auteur de plusieurs notes sur ces thématiques pour l’Institut Montaigne.

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Il n’en demeure pas moins que la tendance est à la hausse. « Ces bons chiffres sont le fruit des nouvelles libertés de choisir, de développer, de créer qu’offre la loi [avenir professionnel] », écrit Mme Pénicaud, dans le dossier de presse diffusé à l’occasion de sa venue en Maine-et-Loire. La ministre fait notamment allusion au changement de règles encadrant la création des centres de formation des apprentis (CFA) : plus besoin, désormais, d’obtenir l’imprimatur des conseils régionaux – un acteur de premier plan dans le système de la formation. Le texte chamboule également les modalités et les circuits de financement.

« L’idée qu’il s’agit d’une voie d’excellence, débouchant sur un emploi dans 80 % des cas et permettant de combattre l’échec scolaire, s’impose enfin »

Hugo Huon : « Notre plus grosse victoire, c’est d’avoir obtenu que le gouvernement cesse de dire que tout va bien aux urgences »

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Publié aujourd’hui à 03h06

Il vaut mieux ne pas demander à Hugo Huon s’il a passé une bonne nuit. « C’était l’horreur ! », peste-t-il. Et d’énumérer, en tirant sur une cigarette roulée : « Il y avait de huit à neuf heures d’attente pour voir un médecin. Un mec bourré s’est mis à insulter tous les soignants et a donné un coup de pied à une collègue… »

Bienvenue aux urgences de l’hôpital Lariboisière, près de la gare du Nord, à Paris, l’un des plus gros services de France, l’un des plus exposés à la misère et à la violence aussi. Hugo Huon y est infirmier depuis cinq ans dans l’équipe de nuit. Il y a quelques mois, nul ne connaissait ce jeune homme de 30 ans aux airs d’étudiant rebelle. Depuis qu’il préside le collectif Inter-Urgences, la structure qui représente, en cette rentrée, près de 240 services en grève – soit la moitié des urgences publiques du pays –, il a appris à composer tant bien que mal avec les médias, habitués jusque-là à donner la parole aux seuls médecins urgentistes.

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Hugo Huon a aussi appris à composer avec les attentes de syndicalistes hospitaliers désireux d’étendre à l’ensemble de l’hôpital public ce mouvement sorti renforcé de l’été, avec deux fois plus de services en grève qu’au mois de juin. L’assemblée générale du collectif, qui se tiendra le 10 septembre à Saint-Denis, au lendemain de la présentation officielle du plan ministériel pour « refondre le modèle des urgences », s’annonce à ce titre décisive. Des organisations de médecins hospitaliers ou des soignants de secteurs comme la psychiatrie pourraient à cette occasion choisir de rejoindre les paramédicaux des urgences sur une plate-forme de revendications communes.

A l’été 2018, Hugo Huon fait partie de ceux qui alertent sur les conditions de travail « exécrables » des infirmiers et des aides-soignants, jugeant que la « prise en charge tronquée » à Lariboisière met « en danger » les patients. Quelques mois plus tard, en décembre 2018, c’est dans ce service qu’une patiente est découverte morte, après avoir attendu douze heures sur un brancard. La tempête médiatique passée, l’équipe de nuit obtient deux postes supplémentaires.

« A cotisation égale, ceux du bas de l’échelle sociale profiteront bien moins de leur retraite »

Selon deux élus écologistes dont Yannick Jadot et deux experts du monde du travail qui s’expriment dans une tribune au « Monde », la réforme des retraites mise en œuvre par le gouvernement est socialement injuste car elle ne prend pas en compte les critères de risques professionnels.

Publié aujourd’hui à 10h11, mis à jour à 10h13 Temps de Lecture 4 min.

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« A 35 ans, l’espérance de vie des hommes ouvriers est de 42,6 années contre 49 ans pour les cadres. Celle des ouvrières est de 49,8 ans contre 53 ans pour les femmes cadres » (Photo: Jean-Paul Delevoye, haut-commissaire aux retraites délégué auprès d’Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé, le 18 juillet).
« A 35 ans, l’espérance de vie des hommes ouvriers est de 42,6 années contre 49 ans pour les cadres. Celle des ouvrières est de 49,8 ans contre 53 ans pour les femmes cadres » (Photo: Jean-Paul Delevoye, haut-commissaire aux retraites délégué auprès d’Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé, le 18 juillet). KENZO TRIBOUILLARD / AFP

Tribune. Même si le gouvernement a décidé d’engager un cycle de « négociations » avec les organisations syndicales et patronales ainsi qu’une consultation citoyenne, le projet de réforme des retraites, présenté en juillet et dont la « justice » serait la pierre angulaire, passe en réalité totalement à côté du sujet, tant l’équité n’est que de façade (« Pour un système universel de retraite. Préconisations de Jean-Paul Delevoye, Haut-Commissaire à la réforme des retraites », juillet 2019, voir lien PDF).

Un système de retraite ne saurait être juste si la première des inégalités, celle liée aux différences d’espérance de vie, n’entrait pas en ligne de compte.

En outre, il est totalement déraisonnable qu’à l’occasion de cette réforme on assiste encore à un recul de l’âge de la retraite – soit sous la forme d’un âge pivot de 64 ans pour bénéficier du taux plein, proposée par Jean-Paul Delevoye, soit sous la forme d’un allongement de la durée de cotisation, annoncée par Emmanuel Macron.

L’une ou l’autre de ces mesures va inévitablement compliquer le maintien dans l’emploi des salariés vieillissants en raison de la pénibilité du travail, incompatible avec l’avance en âge et la santé.

En bonne santé

Ainsi, la volonté affichée de l’exécutif qu’« un euro cotisé doit donner les mêmes droits pour tous » apparaît très réductrice dans la vraie vie pour des milliers de salarié(e)s. Ceux du bas de l’échelle sociale profiteront bien moins de leur retraite alors qu’ils auront cotisé aussi longtemps que les catégories plus favorisées ; de surcroît, ils risquent d’être exclus du monde du travail avant de pouvoir jouir de ce droit ce qui pénalise le montant de leur pension.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi Retraites : « L’aspect le plus controversé du nouveau système est celui de l’âge pivot »

Les inégalités d’espérance de vie entre catégories socioprofessionnelles sont désormais bien connues. A 35 ans, l’espérance de vie des hommes ouvriers est de 42,6 années contre 49 ans pour les cadres (source Insee 2016). Celle des ouvrières est de 49,8 ans contre 53 ans pour les femmes cadres. Les écarts sont encore plus marqués si l’on considère l’espérance de vie en bonne santé, c’est-à-dire sans incapacité : 10 ans. Et l’incapacité n’est pas l’apanage du grand âge. Un quart des années à vivre entre 50 et 65 ans le sont avec des limitations d’activité. Avec, là aussi, des différences significatives entre les ouvriers et les cadres, au détriment des premiers.

Le modèle économique d’Uber et de Lyft menacé par la législation californienne

Une loi, qui doit passer devant le Sénat californien dans les prochains jours, contraindrait notamment ces deux plates-formes à salarier leurs chauffeurs, qui ont pour l’instant le statut de travailleurs indépendants.

Par Publié aujourd’hui à 16h20

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L’introduction de Lyft au Nasdaq, célébrée par les équipes de la plate-forme, à Los Angeles, le 29 mars.
L’introduction de Lyft au Nasdaq, célébrée par les équipes de la plate-forme, à Los Angeles, le 29 mars. Mike Blake / REUTERS

Lyft sait se montrer généreux à l’égard de ses clients. A l’occasion du passage de l’ouragan Dorian en Floride, la plate-forme de conducteurs proposait à ses utilisateurs qui auraient besoin d’évacuer la zone des courses gratuites. A l’égard de ses chauffeurs, la société américaine se montre moins généreuse. Avec son concurrent Uber – son allié pour l’occasion –, elle est engagée dans une vaste campagne de lobbying pour contrer une loi qui pourrait contraindre les deux compagnies à salarier leurs chauffeurs en Californie, alors qu’ils ont, pour l’instant, le statut de travailleurs indépendants.

L’enjeu est d’importance. Un tel changement obligerait les entreprises à offrir à leurs chauffeurs nombre d’avantages dont ils sont aujourd’hui privés : salaire minimum, protection sociale (assurance maladie, congé maternité, congés payés), droit de se syndiquer, etc. Tout devrait se jouer dans les prochains jours, quand le texte, adopté en mai par l’Assemblée de Californie, sera présenté au Sénat de l’Etat.

Lire le reportage : A San Francisco, les chauffeurs Uber manifestent : « A chaque course, je consolide leur richesse à mes dépens »

Un projet de loi concurrent

La principale auteure du texte, l’élue démocrate de San Diego Lorena Gonzalez, s’appuie sur une décision de 2018 de la Cour suprême de Los Angeles déterminant les conditions à partir desquelles une société doit considérer ses travailleurs comme des salariés. C’est le cas si la compagnie fixe leurs conditions de rémunération et si leur travail est partie prenante dans le cœur d’activité de la société. Deux points qui s’appliquent à Lyft et Uber.

Conscientes du danger que cela représente pour leur activité, les deux groupes font feu de tout bois

Même si le texte de loi qui est présenté au Sénat californien exclut de son champ d’application une longue liste de professions, Uber et Lyft, eux, restent menacés par son adoption. Conscientes du danger que cela représente pour leur activité, les deux groupes font feu de tout bois. Tribune dans la presse locale, mise en ligne de sites Internet livrant le témoignage de chauffeurs opposés au texte, etc. les éléments de langage sont identiques : les conducteurs sont attachés à garder leur liberté en termes de temps de travail, les usagers auraient beaucoup à y perdre et Lyft souligne que « des centaines de milliers d’emplois » seraient menacées par une telle législation.

Parallèlement, Uber et Lyft ont annoncé qu’ils pourraient mettre 60 millions de dollars (54 millions d’euros) sur la table pour financer un projet de loi concurrent visant à organiser une consultation locale dans le but de créer un statut particulier pour leurs chauffeurs en Californie. La société de livraison de nourriture à domicile DoorDash, également menacée, a proposé d’abonder 30 millions supplémentaires. « Ce n’est pas notre option de préférence, avance Tony West, le responsable de la direction juridique d’Uber. Nous préférerions aboutir à un accord historique, qui serait bon pour les chauffeurs, bon pour l’innovation et bon pour l’emploi. »

Les contractuels au secours de l’éducation nationale

Les défis de l’école 3/5. Face à la crise du recrutement, ces « saisonniers » sont devenus indispensables à l’institution.

Par Publié hier à 11h24, mis à jour à 09h27

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Pour la première fois, Jeanne, 34 ans, aborde la rentrée « sereinement ». Pas de coup de fil à attendre, pas de jours à compter avant que le service des remplacements du rectorat de Paris ne la contacte : lundi 2 septembre, c’est comme fonctionnaire stagiaire que la jeune femme, qui vient de décrocher le concours de professeur des écoles, fera sa rentrée. « Dans ma classe… », souffle-t-elle.

Après quatre années à sillonner les écoles de l’est de la capitale comme contractuelle – c’est-à-dire sans le diplôme, sans le statut d’une enseignante-type –, Jeanne ne cache pas sa joie. « Aller à la pêche aux contrats, pointer le reste du temps chez Pôle emploi, voir sa feuille de paie amputée de 500 euros les mois où l’on ne travaille pas… personne ne peut s’en satisfaire », résume cette ancienne directrice Web dans le marketing, qui témoigne anonymement (comme tous les enseignants cités ici). Son « virage professionnel », Jeanne l’a opéré à l’aube de ses 30 ans. Elle n’en retient pas « que du négatif ». Bien au contraire : « C’est grâce à ce parcours que je sais à quoi m’attendre… Et que je suis sûre d’avoir envie de faire ce métier ! »

Le « job » n’attire plus

Cette envie, Laure, 45 ans, explique aussi l’avoir « chevillée au corps ». Depuis deux ans, cette mère de trois enfants, diplômée en informatique, enchaîne les missions de remplacement de « quelques jours » à « quelques mois » dans des écoles du nord de l’académie de Poitiers. Une académie qui a fait parler d’elle, avant l’été, en organisant un « job dating » pour présélectionner des contractuels. L’initiative a fait réagir les syndicats d’enseignants, qui ont dénoncé une « méthode inspirée du privé » contribuant à diffuser l’image d’un « job au rabais ».

Sauf qu’ils l’admettent eux-mêmes, le « job » n’attire plus. Année après année, ils se confrontent à son manque d’attractivité révélé par une crise du recrutement qui s’est installée dans le temps. Les disciplines dites « déficitaires » sont connues : lettres, mathématiques, allemand… Les « causes » le sont tout autant : les enseignants citent, pêle-mêle, l’« effet ciseaux » des suppressions de postes sous la droite suivies de recréations d’emplois sous la gauche (qui n’en ont pas compensé les effets), l’élévation du niveau de recrutement (à bac + 5), la quasi-suppression de la formation, l’image dégradée du métier, les salaires jugés insuffisants…

Salaires : « Faut-il viser l’égalité ou l’équité des traitements ? »

Dans les entreprises, la demande de transparence sur les rémunérations de chacun correspond à une demande, ambivalente, de justice. Comment traiter cette question, se demande, dans une tribune au « Monde », le consultant Bernard-Marie Chiquet

Publié aujourd’hui à 11h19 Temps de Lecture 4 min.

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« Plus encore que la transparence des salaires, la justice organisationnelle est donc le socle sur lequel bâtir une organisation où règne une perception de justice sociale. »
« Plus encore que la transparence des salaires, la justice organisationnelle est donc le socle sur lequel bâtir une organisation où règne une perception de justice sociale. » Matt Herring/Ikon Images / Photononstop

Tribune. Conscientes que leur modèle organisationnel a vécu, des entreprises pionnières s’interrogent sur la meilleure manière de se réinventer, pour en finir avec le système hiérarchique et faire émerger une organisation impulsée par sa« raison d’être » et animée par des femmes et des hommes autonomes et responsables. Le chemin est long mais l’horizon bien dessiné.

Une transformation qui, néanmoins, se trouve toujours conditionnée par une question récurrente. Celle des rémunérations et de la transparence des salaires. Quelle que soit l’entreprise, son domaine d’activité ou sa taille, la question revient tel un leitmotiv. Elle reste souvent la pierre angulaire de tout travail de transformation.

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Derrière cette question de la transparence des salaires, se jouent des problématiques tout aussi critiques pour l’organisation. Comment valoriser et reconnaître le travail de chacun ? Faut-il viser l’égalité ou l’équité des traitements ? Dans un contexte où beaucoup s’interrogent sur la finalité de l’entreprise, les clés d’une organisation réinventée et d’un nouveau contrat social, la question de la transparence salariale est-elle vraiment à la hauteur des enjeux ?

La transparence des salaires, un tabou

Si cette transparence est une aspiration partagée par beaucoup et un argument pour convaincre et attirer de nouveaux talents, la réalité est souvent bien différente. Le salaire, notamment en France, reste un tabou : dévoiler le salaire de chacun, « ça ne se fait pas ». Vouloir changer les choses c’est, à coup sûr, devoir affronter une forte résistance sociale ; le plus souvent, le statu quo l’emporte.

Dommage, car la transparence des salaires exprime la volonté de l’entreprise de jouer « cartes sur table », d’offrir ce que tous réclament pour se sentir concernés, être partie prenante de l’organisation. Des exemples permettent de démontrer que la transparence salariale non seulement existe, mais fonctionne.

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L’un des meilleurs est sans doute l’entreprise américaineMorning Star, numéro 1 de la sauce tomate aux Etats-Unis. Chaque année, chaque salarié est sollicité pour connaître ses prétentions salariales. Il propose, puis un comité consultatif émet un avis. In fine, c’est le salarié qui tranche et fixe, le cas échéant, le pourcentage de son augmentation… Cependant, cette information est accessible et potentiellement connue de tous dans l’entreprise.