Archive dans janvier 1970

Menaces sur l’économie sociale et solidaire

Lors du tri des aliments dans la Fabrique de l’alimentation durable, un lieu ressource spécialisé dans la transformation alimentaire, la valorisation des invendus et la lutte contre le gaspillage, à Paris, le 12 juin 2025.

Rendez-vous au tribunal de commerce de Rouen. Ce 18 septembre, deux associations, piliers historiques de l’aide aux personnes en difficulté en Normandie, se retrouvent devant les juges. Emergence-s, une « grosse PME » de 390 salariés en redressement judiciaire depuis mars, compte obtenir une prolongation de six mois de sa période d’observation, le temps de lancer le plan d’assainissement en gestation. Le CAPS (Comité d’action et de promotion sociales), qui vient de fêter ses 50 ans, demande, lui, son placement en redressement judiciaire.

« La coïncidence est révélatrice, commente Pierre-Edouard Magnan, qui a repris les rênes d’Emergence-s en juin. La puissance publique a décidé de réduire l’argent qu’elle verse aux structures comme les nôtres, soutenant les plus précaires. Pendant des années, elle a comblé les déficits. Là, boum, elle arrête, car politiquement, aider les pauvres ne rapporte rien : ils ont beau vivre dans la rue, ils ne manifestent jamais. »

Résultat : deux associations sur la corde raide – deux cas parmi bien d’autres. L’ancien ministre socialiste Benoît Hamon, désormais président de la structure de défense de l’économie sociale et solidaire ESS France, sonne l’alarme : « L’ensemble du monde associatif est confronté à des difficultés. » Les associations sont d’ailleurs appelées à une journée de mobilisation le 11 octobre : « Notre tissu associatif ne doit pas être sacrifié par les coupes budgétaires », clame Claire Thoury, présidente du Mouvement associatif.

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Orange lance un vaste plan de réorganisation en France

L’ampleur du plan leur donne des maux de tête. Les représentants du personnel d’Orange ont découvert, mardi 16 septembre, lors d’une réunion du comité social et économique central (CSEC), les détails du projet de réorganisation que le numéro un français des télécoms compte mettre en place dans l’Hexagone, à partir du 1er janvier 2026. Sur les près de 47 000 employés de l’opérateur dans le pays, 20 356 sont concernés, d’après un dossier d’information et de consultation, auquel Le Monde a eu accès.

Devant les locaux d’Orange, à Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine), le 13 février 2025.

Baptisé « Regain », ce « projet d’évolution de l’organisation d’Orange France » vise à « renforcer l’efficacité opérationnelle, la proximité terrain, la simplification des fonctionnements, et le raccourcissement des circuits décisionnels », précise le document, épais de 454 pages. Pour piloter son activité en France, qui représente 18 de ses 40 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2024, Orange compte, à terme, s’appuyer sur quatre « directions métiers opérationnelles », destinées à la gestion des clients grand public, des clients entreprises, à la technique, et à l’« expérience client ».

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En parallèle, l’opérateur souhaite supprimer ses cinq grandes directions régionales actuelles à Paris, Lyon, Toulouse, Lille et Rennes. Ces dernières, qui bénéficient jusqu’à présent d’une grande autonomie de décision, seront remplacées par neuf nouvelles directions plus petites, afin d’assurer une « meilleure écoute du terrain », vante le document d’information et de consultation.

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« Je n’ai été ni encadré, ni formé » : la branche spatiale de Thales assignée en justice par la CGT pour « mise en danger de la santé des salariés »

Des membres de l’intersyndicale de Thales Alenia Space réunis devant le site de leur entreprise, à Toulouse, le 6 février 2025.

Lorsque Sébastien pousse la porte du cabinet de son médecin en avril pour une visite de contrôle, il ne s’attend pas à ressortir avec un arrêt de travail d’un mois. « J’ai pris conscience que j’étais à la limite », admet l’ingénieur, essoré par le surcroît de travail chez Thales Alenia Space (TAS) et qui a souhaité rester anonyme. Cette branche spatiale est détenue par Thales (67 %) et Leonardo (33 %) et est spécialisée dans la fabrication de satellites.

En raison d’une réorganisation du travail dans le cadre d’un plan de suppression de 980 postes en France – dont 650 emplois à Toulouse, ville qui héberge le siège social de la filiale française, et 330 à Cannes (Alpes-Maritimes) –, Sébastien a été contraint de répartir sa charge de travail hebdomadaire sur deux programmes distincts. « C’est là que les difficultés ont commencé, explique-t-il. Sur l’un des programmes, la pression était forte pour livrer et on dégradait la qualité de notre travail. Sur l’autre, j’ai été lâché, ni encadré, ni formé. »

Alors ce salarié sera sur un banc de la salle d’audience du tribunal judiciaire de Toulouse, lundi 15 septembre, au côté de la CGT. La quatrième organisation syndicale de TAS a assigné à jour fixe – une procédure d’urgence plus rapide qu’un référé – la direction de la filiale spatiale pour « violation de l’obligation de prévention et mise en danger de la santé des salariés ».

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Patrick Drahi a les coudées franches pour réduire sa dette et vendre SFR

Patrick Drahi, lors de son audition devant une commission parlementaire sur la concentration des médias, au Sénat, le 2 février 2022.

Ils avaient beau s’y attendre, c’est une déconvenue majeure pour les représentants du personnel d’Altice France, la maison mère de SFR. La CFDT, l’UNSA et le comité social et économique (CSE) réclamaient la suspension du plan de sauvegarde accélérée du groupe, depuis sa validation, le 4 août, par le tribunal des activités économiques de Paris. Leur objectif : empêcher Altice France de mettre en œuvre l’accord de réduction de sa dette signé avec les créanciers en février. Pour les syndicats, cette opération fait figure d’épouvantail. Elle ne poursuit, à leurs yeux, qu’un objectif : préparer une vente à la découpe de SFR, avec de lourdes conséquences sociales pour ses près de 8 000 employés.

Mais la cour d’appel de Paris a douché leurs espoirs. Jeudi 11 septembre, elle a rejeté le recours en référé des syndicats et du CSE, considérant, à l’instar du parquet, qu’aucun élément « sérieux » ne justifiait une telle suspension. Résultat : rien n’empêche plus Patrick Drahi, le propriétaire d’Altice France, de boucler sa restructuration financière. Celle-ci « sera donc effective le 1er octobre », se félicite Arthur Dreyfuss, le PDG du groupe. Sa dette passera, ce jour-là, de 24 milliards à 15,5 milliards d’euros. En contrepartie, ses créanciers – dont les fonds américains BlackRock, Pimco et Fidelity – prendront 45 % du capital, M. Drahi conservant une participation majoritaire de 55 %.

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Vivre, manger et dormir sans cesse sur la route : la vie harassante des 38 millions de chauffeurs de camions en Chine

La nuit est déjà bien avancée quand un semi-remorque rouge s’engage sur cette aire de repos de l’autoroute G25, à la frontière du Hebei et de la municipalité autonome de Tianjin. Le pinceau des phares laisse apparaître deux vieillards fumant des cigarettes à bout doré. Un coup de klaxon bien senti, et les voici qui agitent leurs bâtons lumineux en direction du meilleur emplacement. « Réservez aussi une place pour nos amis, un camion rouge comme le nôtre. Ils arriveront dans vingt minutes. Merci pour vos efforts, camarades », lance Huo Long.

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Le trentenaire descend de sa cabine, suivi de Yun Fang, son épouse. Ils rejoignent sans hâte la station-service. La boutique propose un choix hétéroclite de boissons énergisantes et de nouilles instantanées. Alignés sur un comptoir chauffant, des canards laqués flattent les narines tout comme des épis de maïs vapeur et des œufs au thé plongés dans une marmite d’acier. Des dinosaures en plastique, des piles AAA et des barres chocolatées complètent le décor. Quatre dames en pyjama se relaient pour assurer la propreté des douches, des W-C et des machines à laver.

Le couple vit et travaille ensemble. En ce moment, leur itinéraire débute à Tongliao, en Mongolie-Intérieure, pour récupérer des grosses bobines d’aluminium, puis direction les usines de sous-traitance automobile de Tangshan, dans le Hebei. Une escale à Tianjin leur permet de décharger une partie de la cargaison dans la zone portuaire, en cas de livraison à l’international. « On roule cinq ou six jours et on rentre à la maison. On gagne entre 30 000 et 50 000 yuans [de 3 584 à 5 970 euros] par mois, mais il faut avancer tous les frais et bien sûr rembourser ce camion qui n’a qu’un an, soit 15 000 yuans tous les mois. »

« Je suis tout le temps avec lui »

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Nouvelle douche froide pour l’économie américaine, qui a créé trop peu d’emplois en août

Un panneau « Nous recrutons » sur la devanture d’un commerce, à Los Angeles (Californie), le 13 août 2025.

Les chiffres étaient particulièrement attendus et ils sont inquiétants. Le marché de l’emploi est à la peine aux Etats-Unis, selon les données rendues publiques, vendredi 5 septembre, par le bureau des statistiques du travail (BLS). Avec seulement 22 000 emplois créés en août, l’économie américaine montre des signes de ralentissement. Pire, le rapport révise à la baisse les chiffres des mois précédents, déjà mauvais. Juin passe en négatif, avec une perte nette de 13 000 emplois. C’est la première fois depuis début 2021 et la sortie de la pandémie de Covid-19 qu’un mois affiche des destructions nettes d’emplois.

Le chiffre d’août est inférieur à toutes les prévisions publiées ces derniers jours. Le Wall Street Journal, qui sonde chaque mois des spécialistes, anticipait 75 000 créations d’emplois. Un chiffre déjà faible, alors que la plupart des économistes estiment que l’économie américaine doit créer entre 80 000 et 100 000 jobs par mois pour suivre la croissance de la population.

Le nombre de personnes au chômage (7,4 millions) n’augmente, lui, que très légèrement, à 4,3 % de la population active. Mais ce qui pourrait s’apparenter à un signal rassurant est en réalité un trompe-l’œil : cela s’explique surtout par la baisse drastique de l’immigration dans le pays, avec donc moins de demandeurs d’emploi issus des rangs des nouveaux arrivants.

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En Allemagne, le « second choc chinois » provoque une hécatombe d’emplois dans l’industrie

Dans l’entreprise Herrenknecht, qui fabrique des tunneliers, à Schwanau, dans le sud-ouest de l’Allemagne, le 7 juillet 2023.

Les chiffres sont vertigineux. Durant les cinq premiers mois de l’année 2025, les exportations allemandes vers la Chine se sont effondrées de 14,2 % par rapport à la même période en 2024. Dans le même temps, les importations allemandes depuis la Chine ont augmenté deux fois plus vite que le reste des importations, souligne l’Institut économique allemand dans une étude datée du 24 juillet. « C’est une chute énorme », note Jürgen Matthes, de l’institut basé à Cologne, qui relève que la Chine exporte ses produits manufacturés à prix réduit, en raison des surcapacités dans certains secteurs. Précisément les spécialités traditionnelles du « made in Germany » : l’automobile, les machines.

Pour l’économie allemande, la situation est dramatique : la chute des exportations vers la Chine s’accompagne d’une baisse de la valeur ajoutée et de l’emploi au niveau national. Dix mille emplois industriels sont détruits chaque mois outre-Rhin en raison de cette concurrence, qui s’exerce non seulement sur le marché chinois mais aussi sur les marchés tiers, où le « made in China » fait de plus en plus d’ombre aux produits allemands. Des pertes d’emplois qui font grimper le nombre de chômeurs, qui a dépassé en août la barre des trois millions, selon les statistiques de l’agence fédérale pour l’emploi, publiées vendredi 29 août. Une première depuis février 2015.

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A Hagondange, en Moselle, la marche de la dernière chance pour sauver NovAsco, ex-Ascometal

Des salariés de l’aciériste NovAsco à Hagondange (Moselle) manifestent lors d’une marche citoyenne, le 4 septembre 2025.

« C’est vert, c’est notre savoir-faire ». Sous cette pancarte marche Sébastien, 44 ans. L’opérateur multizone travaille à l’aciérie électrique d’Hagondange, en Moselle, depuis vingt et un ans. « Il n’y a aucune offre de reprise, se désole-t-il. On ne comprend pas notre situation, alors qu’on produit de l’acier propre. Des fournisseurs sont déjà venus reprendre leur matériel. On prend un gros coup sur la tête. » Jeudi 4 septembre au matin, à ses côtés, ils sont environ 700 à défiler de l’usine à la mairie derrière la banderole « NovAsco/Ascometal, l’acier décarboné qu’on veut garder ». Tout l’échiquier politique est représenté.

Dotée d’un four électrique, leur usine semble cocher toutes les cases pour produire l’acier de demain. Mais, depuis lundi 11 août, elle est placée en redressement judiciaire. NovAsco emploie 760 salariés. Hagondange abrite son siège et son principal site de production (450 salariés). Les autres sont à Leffrinckoucke, dans le Nord, près de Dunkerque (170 salariés), au Marais, près de Saint-Etienne, et à Custines, en Meurthe-et-Moselle.

Dans le cortège, l’ambiance est teintée de résignation, aux antipodes de ce que la région a pu connaître dans les mobilisations passées. L’heure n’est plus à la colère pour ces sidérurgistes rompus aux coups durs. Après 2014, 2017 et 2024, ils connaissent leur quatrième redressement judiciaire en onze ans. On ne le leur fait plus. Cette marche, c’est leur baroud d’honneur.

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A Tianjin, les nuits blanches et clandestines d’une génération de jeunes Chinois diplômés mais précaires

Au bord du fleuve Hai He, à Tianjin, dans le nord-est de la Chine, le 11 août 2025.

Les soirs d’été, le fleuve Hai He qui fend le centre de Tianjin déborde d’insouciance. Les Bateaux-Mouches vont et viennent, éclairés par une dizaine de gratte-ciel en surplomb. Sur une berge, des riverains à la retraite installent leurs karaokés. Sur l’autre, entre le pont de la Libération et une réplique du pont Alexandre-III, d’étonnants étals à liqueurs s’alignent, entourés de tables et de chaises de camping. Le tout s’évapore à la moindre ronde policière, avant de se reformer.

Les tauliers de ces bars clandestins ont entre 20 et 27 ans, démarrent dès 20 heures et finissent aux premières lueurs du jour. Leurs cartes des boissons sont identiques, leurs tarifs aussi : 48 yuans (5,70 euros) le gobelet. Derrière leurs shakers, cette même précarité : tous sont diplômés, mais au chômage ou occupant un emploi de jour mal payé, éloigné de leurs compétences.

Xiao Hong, 25 ans, lit du Mo Yan, le Prix Nobel de littérature chinois, en attendant les clients. Deux fois par soir, un homme en scooter électrique lui jette un sac de glaçons, tend un QR code pour se faire payer et disparaît sans un mot. Avec son master en commerce international décroché au sortir de la pandémie de Covid-19 à l’université de Nankai, à Tianjin, Xiao Hong se voyait cheffe de projet ou responsable export dans une grosse entreprise. Elle a vite déchanté.

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Le climat jugé étrange des consultations de la ministre Panosyan-Bouvet avec les partenaires sociaux

Astrid Panosyan-Bouvet, ministre du travail et de l’emploi, à Paris, le 16 juillet 2025.

Les réunions se suivent comme si de rien n’était. Jeudi 4 septembre, la ministre du travail, Astrid Panosyan-Bouvet, doit rencontrer les responsables de deux mouvements patronaux, le Medef et l’Union des entreprises de proximité (U2P), au sujet des pistes de mesures dévoilées, à la mi-juillet, par l’exécutif pour redresser les finances publiques. D’autres organisations représentant les employeurs et les salariés ont déjà été reçues, depuis le 25 août, par l’ex-députée de Paris ou sont censées l’être prochainement, avec un ordre du jour similaire. Les rendez-vous se déroulent dans un climat jugé étrange par certains participants, du fait de la très probable chute du gouvernement qui rend hypothétique l’ouverture de plusieurs chantiers annoncés il y a un mois et demi.

Lorsqu’il avait exposé, le 15 juillet, ses plans « Stop à la dette ! et « En avant la production ! », le premier ministre, François Bayrou, avait proposé aux acteurs sociaux d’engager des négociations sur trois dossiers : suppression de deux jours fériés, refonte de l’assurance-chômage – dans l’optique de durcir, une fois de plus, les modalités d’indemnisation –, « modernisation » du marché de l’emploi et amélioration de la qualité de vie au travail. S’agissant des deux premières thématiques, le pouvoir en place a envoyé, le 8 août, aux syndicats et au patronat, des feuilles de route pour cadrer les discussions. Quant au troisième et dernier sujet, il est au cœur des échanges que Mme Panosyan-Bouvet mène depuis plus d’une semaine avec les organisations de chefs d’entreprise et de salariés, après ceux que la ministre avait déjà eus avec celles-ci, courant juillet.

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