« Que sait-on du travail ? » : Plus d’un tiers des salariés ont un rythme de travail imposé par un contrôle informatisé

« Que sait-on du travail ? » : Plus d’un tiers des salariés ont un rythme de travail imposé par un contrôle informatisé

35 %. Plus d’un salarié sur trois a un rythme de travail imposé par un suivi ou un contrôle informatisé. Et presque autant (34 %) ont vu l’intensité de leur travail renforcée par la pression temporelle. Si l’on distingue les catégories professionnelles, l’impact est encore plus fort : 46 % pour les ouvriers non qualifiés et 56 % pour les ouvriers qualifiés, selon les chiffres du ministère du travail.

Cette intensification du travail est le produit du « taylorisme à l’âge du numérique » qui a modifié l’organisation du travail ces vingt dernières années. L’activité dans les entrepôts de la logistique est, à ce titre, particulièrement intéressante à étudier, car le secteur a été fortement marqué par le développement des technologies numériques.

Jérôme Gautié et Coralie Perez, deux spécialistes du marché du travail, l’ont analysé pour démontrer comment les transformations de la chaîne d’approvisionnement du commerce de détail ont changé les conditions de travail pour l’intensifier, en particulier quand le travailleur peu qualifié n’est pas complètement remplacé par la machine, mais lui est soumis.

Leur étude, réalisée dans le cadre du projet de médiation scientifique « Que sait-on du travail ? » du Laboratoire interdisciplinaire d’évaluation des politiques publiques (Liepp), diffusé en collaboration avec les Presses de Sciences Po sur la chaîne Emploi du site Lemonde.fr, s’appuie sur une recherche menée en France et en Allemagne sur les ouvriers de la logistique du commerce de détail des grandes chaînes de distribution (hors chauffeurs) et sur les résultats d’une recherche comparative sur les innovations et la qualité de l’emploi en Europe, menée dans le cadre du projet QuInnE (« Quality of Jobs and Innovation Generated Employment Outcomes ») entre 2015 et 2018.

Disparition de l’autonomie au travail

Les chercheurs ont identifié trois moteurs de cette intensification du travail : le passage d’une chaîne d’approvisionnement axée sur l’offre à une chaîne d’approvisionnement axée sur la demande ; l’externalisation des activités jugées périphériques ; et le commerce électronique qui a incité à la recherche de délais de livraison toujours plus courts, renforçant la logique du « juste-à-temps ».

La population concernée est significative : « en 2019, la somme des “ouvriers qualifiés de la manutention, du magasinage et du transport”, des “manutentionnaires non qualifiés” et des “ouvriers du tri, de l’emballage, de l’expédition, non qualifiés” avoisinait les 780 000, soit 14,6 % de l’ensemble des ouvriers au sens de l’Insee », indiquent les chercheurs.

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LJD

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