L’inévitable « serment » des sociétés
La volonté de voir les entreprises s’engager davantage en faveur du climat, de l’emploi, de la réduction des inégalités, n’est pas seulement une préoccupation de jeunes. Elle concerne la population tout entière.
Députés et sénateurs ont discuté des heures pour savoir si la loi Pacte (Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises) devait imposer ou seulement suggérer aux entreprises de définir leur « raison d’être » et « prendre en considération les enjeux sociaux et environnementaux ». Frileux à l’idée de prescrire de nouvelles règles aux dirigeants, ils ont édulcoré ces principes préconisés par Nicole Notat, présidente de Vigeo Eiris, et Jean-Dominique Senard, alors président de Michelin, dans leur rapport « L’entreprise, objet d’intérêt collectif » (voir le lien PDF) réalisé à la demande du gouvernement.
Mais, dans la population, les renvois ne sont guère de mise : 98 % des Français âgés de 18 ans et plus apprécient que « les entreprises doivent se promettre en faveur des enjeux de société », déclare un sondage IFOP effectué pour l’Observatoire de la matérialité, centre de recherche de l’Institut du capitalisme responsable, et édité le 9 avril. Un plébiscite.
« Si les fins de mois s’exposent comme la première inquiétude des Français dans l’actualité, c’est la fin du monde, différemment dit les enjeux de société, et notamment la transition écologique, qui les inquiètent en premier lieu pour les dix prochaines années », récapitule Frédéric Dabi, directeur général adjoint de l’IFOP. Cette volonté de voir les entreprises s’engager davantage en faveur du climat, de l’emploi, de la réduction des différences, n’est pas uniquement une préoccupation de jeunes. Elle concerne la population tout entière.
« Des résultats concrets et vérifiables »
La nouvelle proclamation de performance extrafinancière, qui exige des entreprises de prouver leur accusation et leurs performances sur les questions sociales, sociétales et environnementales, pourrait les encourager à agir. A condition qu’« elles ne restent pas dans une logique de conformité, mais entrent dans un processus de transformation », déclare Hélène Valade, directrice du développement durable du groupe Suez, partenaire de l’Observatoire de la matérialité.
En effet, les proclamations de bonnes intentions ont fait leur temps. Près des trois quarts (71 %) des Français questionnés veulent « des résultats concrets et vérifiables » d’engagement. « Parce que les entreprises seront forcément impactées par ces enjeux et doivent y faire face », expliquent-ils. « Parce que cette promesse leur permet d’augmenter leurs profits », évaluent de leur côté les Allemands, également consultés par l’IFOP.
A 5 heures, mardi 9 avril, une partie des travailleurs de la rédaction digitale d’Europe 1 n’a pas éclairci ses ordinateurs, mais a restauré sur ses écrans sept feuilles blanches pour écrire « En grève ». L’issue de cesser le travail pendant 24 heures, mûrie durant le week-end, est appuyée par l’intersyndicale SNJ-CGT-CFTC.
#GreveE1fr : la rédaction numérique combat contre la #précarité à @Europe1 https://t.co/Y4l7YJevpy
— MartheRonteix (@Marthe Ronteix)
A l’origine de ce déplacement, le statut aléatoire d’une large partie de la narration numérique, un état de fait annulé de longue date par les équipes, qui sollicitent une acceptation des pigistes. Sur 30 journalistes, 14 sont utilisés sous ces contrats journaliers, ces journalistes travaillant « pour la grande majorité à temps plein depuis trois ans », regrette une gréviste, elle-même dans ce cas. Dans un sentiment, l’intersyndicale souligne qu’« ils remplissent les tableaux de service du 1er janvier au 31 décembre, sont à leur poste chaque jour de 5 heures à 23 heures, assurent une veille constante de l’actualité, enrichissent le traitement de l’info sur l’antenne par leurs analyses et leurs dossiers ».
Le réaménagement futur de la dissertation numérique inquiète pareillement, alors que la radio est déficitaire et soumise à un plan d’économies. Ce projet a été annoncé par la direction de la station, le 23 janvier, mais il n’a toujours pas été présenté. Cela fait craindre aux journalistes une « contraction » de leurs effectifs pour admettre à Europe 1, dont les audiences ne cessent de régresser depuis près de trois ans, de diminuer sa masse salariale.
Malgré les nombreuses explications demandées par la rédaction, le flou persiste. « Ce plan devait être présenté en détail fin février, mais on n’en sait constamment pas plus, déclare un pigiste. L’ambiance est pesante, on ne sait pas de quoi notre avenir sera fait. » Le contenu éditorial suscite les demandes. « Est-ce qu’on sera une simple vitrine de la radio ou un vrai site d’information », se questionne un journaliste. Dans une position, l’intersyndicale a demandé « à la direction d’apporter au plus vite la réponse que les [salariés indûment employés en contrats précaires] attendent, aussi bien sur la recyclage de leurs contrats que sur la clarification de la stratégie numérique de l’entreprise ». « C’est un combat que nous menons depuis des années », déclare Olivier Samain, délégué du Syndicat national des journalistes (SNJ) à Europe 1.
Fréquentée, la direction n’a pas convoité s’exprimer. En novembre 2018, le vice-PDG d’Europe 1, Laurent Guimier, avait développé vouloir engager la radio dans un nouveau modèle prenant en compte à la fois l’antenne traditionnelle, dite « linéaire », mais aussi les enceintes connectées et les podcasts avec l’ambition de être le « numéro un de la production audio pour le numérique ».
En 2017, le directeur d’Europe 1 de l’époque, Denis Olivennes, interpellé par les représentants syndicaux, avait lancé une vague de titularisations, portant d’abord sur 22 travailleurs, puis ensuite sur 30. Mais, accentue M. Samain, « il y a des endroits de l’entreprise, comme la rédaction numérique, où ce courant de CDIsation n’est pas passé ».