« Comment ça matche » : entre chômeurs et employeurs, un « match » déséquilibré
Le livre. Cela peut permettre de rencontrer l’âme sœur et de former un couple, ou de mener les études supérieures de son choix. Pour d’autres, il s’agit d’accéder à un logement social ou d’obtenir le traitement médical attendu… Les appariements entre deux individus ou entre une ressource et une personne sont présents à différentes étapes de nos parcours de vie. Ils représentent un enjeu majeur : « Moments de bifurcation qui façonnent les trajectoires individuelles, ils constituent une nouvelle manière d’allouer des ressources et de structurer les inégalités. »
Le fait que des instances réalisent de telles associations n’est pas nouveau. Ce qui l’est, en revanche, c’est l’introduction massive des technologies au service de ce « matching » : ce travail de sélection s’appuie de plus en plus sur de multiples opérations de tri, souvent impulsées par un algorithme, basées sur des informations et préférences personnelles.
Comment fonctionnent ces appariements ? Quels en sont les implications politiques et sociales ? C’est une longue enquête au cœur de cette nouvelle manière d’organiser nos trajectoires de vie que propose l’ouvrage collectif Comment ça matche (Presses de Sciences Po), mené sous la direction de Melchior Simioni, docteur en sociologie économique, et Philippe Steiner, professeur de sociologie à Sorbonne-Université.
Parmi les thématiques étudiées, celle de la recherche d’emploi. L’essai propose une plongée au cœur des services publics de l’emploi français et allemand, dont le travail a été bouleversé par l’arrivée de technologies permettant de « rapprocher offre et demande d’emploi, c’est-à-dire annonces et candidatures ». Au sein des agences spécialisées dans la recherche d’emploi, on surprend, au fil des pages, des conversations, on découvre les multiples implications sociologiques de ce qui constitue, aux yeux des auteurs, « une relation triangulaire entre conseillers, chômeurs et employeurs (…) largement déséquilibrée ».
Capacité d’adaptation
Dans le triangle en question, les employeurs dominent. « [Leur] évaluation par les agents a peu d’effet sur l’appariement, car la pénurie d’offres donne une grande valeur à chacune d’entre elles », expliquent-ils.
De son côté, le chercheur d’emploi doit, le plus souvent, démontrer sa capacité d’adaptation. « Dans le cadre d’une tentative d’appariement, ce sont les choix du chômeur qui sont le plus couramment interprétés comme un obstacle à la rencontre », notent les auteurs qui insistent : « La question posée est celle des concessions qu’il accepte de faire au nom du retour à l’emploi. »
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