Le code de la propriété intellectuelle prévoit qu’ils doivent être payés lorsque leurs œuvres sont exposées, mais la loi n’est quasiment pas appliquée. A l’occasion des Rencontres de la photographie d’Arles, le ministre de la culture, Franck Riester, veut « changer les habitudes ».
Par Nicole VulserPublié aujourd’hui à 00h32, mis à jour à 09h41
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Un compositeur, un chanteur ou un musicien qui se produit en concert ou dont les œuvres sont diffusées à la radio ou sur Spotify est forcément rémunéré. Idem pour un comédien sur des planches de théâtre, un auteur de polar vendu en librairie ou encore un réalisateur dont le film est diffusé à la télévision ou sur YouTube.
Si la création en France est peu reconnue et souvent payée au lance-pierre, les artistes plasticiens et photographes semblent, eux, tombés dans l’oubli.
Le code de la propriété intellectuelle prévoit sans ambages dans son article 122-2 qu’ils doivent être payés lorsque leurs œuvres sont exposées, mais la loi n’est quasiment pas appliquée. En général les artistes se battent déjà bec et ongles pour tous les autres droits de reproduction (dans les catalogues, les affiches publicitaires, etc.) mais seule une petite poignée d’institutions culturelles privées ou publiques – qui attirent des milliers de visiteurs grâce à ces créateurs – s’acquitte du droit d’exposition.
« Paupérisation, précarisation »
Au point que Franck Riester, ministre de la culture, a réaffirmé lundi 1er juillet, lors de l’ouverture des 50e Rencontres de la photographie d’Arles (Bouches-du-Rhône), ce qu’il avait dit en inaugurant, mi-juin, le conseil national des professions des arts visuels : « Je souhaite défendre la rémunération du travail des artistes. Il s’agit de changer les habitudes : je ne crois pas qu’il soit acceptable d’exposer gratuitement, parfois de payer pour être exposé. C’est pour cela que je forme la recommandation d’un droit de présentation publique. »
Selon le ministre, les vingt-trois centres d’art et les fonds régionaux d’art contemporain s’y sont engagés. « Je souhaite que l’Etat et ses opérateurs donnent l’exemple sur ce point », a-t-il ajouté. Et se mettent donc enfin en conformité avec la loi.
M. Riester avait reçu un coup de pouce du président de la République Emmanuel Macron qui, le 10 juin à Ornans (Doubs), à l’occasion du bicentenaire de la naissance du peintre Gustave Courbet avait affirmé : « La France est une terre d’artistes, qu’il nous faut revivifier. »
La culture, enjeu politique et économique ? Certes, mais si peu pour les artistes plasticiens et photographes. Selon M. Riester, seulement 10 000 d’entre eux sur les 65 000 rattachés au régime des artistes auteurs perçoivent un revenu supérieur à 1 430 euros en moyenne par mois depuis cinq ans… Trop peu s’en sortent bien, convient-il, puisque la majorité « ne parvient pas à vivre de son travail artistique ». « Je mesure la paupérisation des photographes ; la précarisation de leur statut ; la baisse de leurs revenus », a-t-il précisé à Arles.
De l’anglais « bore », « ennuyer », l’expression, inspirée de « burn-out », est apparue en 2007. Elle désigne l’épuisement au travail par l’ennui ou par l’absence de sens des taches effectuées, qui peut conduire à la dépression.
Histoire d’une notion.« Je m’ennuiiiiie mais d’une force, rien qu’aujourd’hui je vais avoir deux heures de travail mais faut quand même que je reste jusqu’à ce que le patron revienne. » « Je fais comme tout le monde : je participe à l’ennui général en parlant de moi, ce dont tout le monde se fout. » Ces témoignages tirés de tchats d’employés ont été cités, en 2011, dans une étude sur le « bore-out » publiée par la Revue internationale de psychosociologie. Ce syndrome désigne l’épuisement au travail par l’ennui du fait des temps morts répétés, des routines fastidieuses ou de l’inutilité de certaines tâches professionnelles.
L’ennui dans le monde du travail a été repéré en 1958 par le sociologue James G. March et le prix Nobel d’économie (1978) Herbert Simon. Dans Les Organisations (Dunod, 1999), ils constatent que les entreprises et les institutions, en dépit de leur volonté de rationaliser leur organisation, génèrent beaucoup d’inactivité. De nombreux employés travaillent finalement assez peu : ils expédient leurs tâches avant de « tuer le temps » pendant les interminables journées qu’ils passent dans leur bureau.
Les salariés qui s’ennuient au travail présentent deux à trois fois plus de risques d’être victimes d’accidents cardio-vasculaires
La notion de bore-out proprement dite a ensuite été forgée, en 2007, par deux consultants suisses en management, Peter Werder et Philippe Rothlin, dans leur ouvrage Unterfordert : Diagnose Boreout (Red Line, 2014, en allemand, non traduit). Le bore-out – un mot qui s’inspire du burn-out, le nom que le psychiatre américain Harold B. Bradley a donné, en 1969, à la surcharge de travail chronique – désigne l’inemploi dans l’emploi : les heures vides et creuses nourrissent un sentiment d’ennui et de déprime.
Selon une enquête en ligne américaine menée en 2005 auprès de 10 000 employés par le fournisseur d’accès AOL et le site Salary.com, 33 % des personnes interrogées perdent au minimum deux heures par jour à ne rien faire. En 2006, une étude de l’entreprise suisse d’offres d’emplois Kelly Services montrait que 10 % des salariés suisses s’ennuyaient au travail en raison de leur inactivité. En 2009, un sondage réalisé par l’agence de recrutement StepStone dans sept pays d’Europe auprès de 11 238 salariés révélait que 32 % d’entre eux se retrouvaient sans travail pendant au moins deux heures par jour, ou beaucoup plus.
Une enquête comparative internationale montre que ce n’est pas le modèle économique des plates-formes qui limite les droits des travailleurs, mais les choix managériaux de certaines d’entre elles, note dans une tribune au « Monde » le chercheur Christophe Degryse.
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Tribune. C’est une forme d’aveu qu’a fait Uber dans son prospectus d’entrée en Bourse. Dans un avertissement aux futurs investisseurs, la société prévient que son « modèle d’affaire » est construit sur l’interprétation juridique selon laquelle ses chauffeurs ne sont pas ses employés. Si, écrit Uber, des décisions de justice devaient réfuter cette interprétation, et si donc l’entreprise devait respecter les lois sur les salaires, les horaires de travail, les cotisations de Sécurité sociale et les congés, elle devrait « modifier fondamentalement [son]business model », ce qui aurait un impact négatif sur ses résultats.
Le respect du droit social est-il donc un « facteur de risque » pour l’entreprise et ses investisseurs ? Une approche juridique comparative de l’économie de plate-forme dans neuf pays d’Europe et aux Etats-Unis réalisée par le Centre de droit comparé du travail et de la Sécurité sociale (Comptrasec, université de Bordeaux) montre comment les stratégies déployées par certaines plates-formes visent à trouver dans les interstices du droit national le moyen d’échapper à ce « facteur de risque ».
L’argument avancé est connu : les plates-formes ne seraient pas des entreprises comme les autres, mais des services des technologies de l’information, ou des « places de marché ». Elles n’auraient à ce titre aucune responsabilité vis-à-vis de leurs collaborateurs, travailleurs libres et indépendants.
Un brouillard juridique
A ce jour, aucun des pays examinés dans l’étude citée n’a apporté de réponse claire à cette question. Dans certains pays, le statut des travailleurs de plates-formes fait l’objet d’un début de jurisprudence, mais bien souvent contradictoire. En Espagne, en Italie, aux Etats-Unis, des décisions de justice sont prises allant dans des directions parfois diamétralement opposées pour des cas semblables.
Dans d’autres pays, c’est l’argument politique de ne pas entraver ce nouveau moteur de croissance qui l’emporte, favorisant l’adoption de lois pour le moins contestables d’un point de vue juridique. En Belgique, le travail sur plates-formes est dispensé de toute obligation sociale ou fiscale jusqu’à un seuil de 6 000 euros par an : une légalisation du travail au noir ? Au bout du compte, le résultat de ce brouillard juridique se reflète dans les conditions de travail des travailleurs de plates-formes : rémunérations souvent inférieures au salaire minimal, insécurité juridique, irresponsabilité organisée de l’employeur, accès verrouillé aux droits sociaux et à la négociation collective.
Le PDG, Cédric Dugardin, accompagné du DRH du groupe, Olivier Guigner, et du directeur du développement social, Philippe Gaucher, leur a expliqué, en fin de journée, au siège de l’entreprise, que « cela leur faisait beaucoup de mal », mais qu’il « s’agissait de la seule issue pour ne pas faire sombrer l’entreprise ». « Personne ne s’attendait à une telle annonce, rapporte Abdelaziz Boucherit, de la CGT. On est tombés des nues. Peu de gens ont fermé l’œil de la nuit. »
Dans le détail, 600 postes seront supprimés dans les 164 magasins qui continueront leur activité, 124 le seront au siège social et 26 au service après-vente. Toutes les autres suppressions d’emploi découleront de la fermeture de 32 établissements en France de l’enseigne, dont 8 à Paris et en région parisienne, et de 10 de l’enseigne Maison Dépôt, soit tout son réseau.
« Conforama, le chômage pour tous »
Le nouveau PDG « annonce vouloir aller vite. Les fermetures sont prévues de mars à septembre 2020 », indiquait la CGT, lundi. La direction a précisé qu’elle espérait un regain de productivité dans un horizon de deux ans. Conforama France redeviendra à cette date profitable, après des pertes cumulées de 480 millions d’euros sur six ans, a expliqué la direction aux syndicats. « Avec un tel impact sur les effectifs, je ne vois pas comment on peut encore faire du commerce », lance M. Boucherit.
La liste des magasins concernés devait être détaillée mardi 2 juillet dans la matinée lors de la présentation du plan de restructuration au comité central d’entreprise (CCE). Amers, certains salariés avaient détourné sur les réseaux sociaux le slogan « Conforama, le confort pour tous » par un ironique « Conforama, le chômage pour tous ». Les syndicats, eux, avaient décidé de ne pas tenir compte du mail qu’ils ont reçu lundi soir, leur précisant que le CCE avait été délocalisé dans le restaurant Campanile de Torcy (Seine-et-Marne), et se sont présentés au siège de l’entreprise.
Finalement, le CCE ne s’est donc pas tenu, « faute de la présence des participants », a indiqué la direction à l’Agence France-Presse. « Le CCE a été déplacé à Torcy dans un hôtel où il ne pouvait se tenir dans des conditions normales; l’ensemble des élus a donc refusé d’y participer », a précisé de son côté Jacques Mossé-Biaggini, délégué FO. « Nous avons reçu une contre-convocation hier soir tard nous indiquant le changement de lieu du CCE dans un hôtel », a confirmé Aziz Boucherit, délégué CGT.
Depuis la démission en décembre 2017 de son PDG, Markus Jooste, sur fond d’irrégularités comptables, le groupe sud-africain Steinhoff, actionnaire principal de Conforama, est pris dans une tempête financière qui a entraîné dans son sillage la société française. Le groupe n’a pas publié ses comptes pour la seconde année consécutive.
En janvier 2018, Conforama avait dû céder à Carrefour sa participation dans Showroomprivé, pour 78,7 millions d’euros, et conclure un accord avec le groupe de gestion d’actifs et d’investissement Tikehau Capital pour obtenir un financement de 115 millions d’euros sur trois ans. Mais sans grande réorganisation interne, ces décisions n’ont par permis de redresser la situation.
« Le pouvoir a été repris par les créanciers »
L’annonce en avril de l’arrivée d’un tandem formé par Helen Lee Bouygues, présidente non exécutive, et Cédric Dugardin, PDG, annonçait la couleur. Mme Lee Bouygues a supprimé 1 481 emplois, en 2015, chez Vivarte. Cette nomination « est un signe fort des actionnaires : place à la finance débridée et à la restructuration sauvage », lançait à l’époque le syndicat Force ouvrière.
Au même moment, l’actionnaire avait mis en vente l’entreprise dans l’espoir d’en retirer pour environ 600 à 700 millions d’euros d’ici à l’été. Semblant un temps intéressée, l’enseigne But avait rapidement décliné. Conforama avait aussi averti le gouvernement de ses difficultés, de manière à être accompagné par le Comité interministériel de restructuration industrielle (CIRI), que les entreprises peuvent saisir pour son rôle de facilitateur. Cette entité a traité les dossiers de l’équipementier automobile GM & S et de l’aciérie Ascoval. « On les a accompagnés pour éviter la cessation de paiement ces deux dernières années ; aujourd’hui, le pouvoir a été repris par les créanciers », a indiqué Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’économie et des finances, à Sud Radio. Selon elle, Conforama reste malgré tout « une très grande enseigne ».
L’entreprise avait pourtant annoncé, en avril, avoir trouvé une solution de refinancement de 316 millions d’euros
L’entreprise avait pourtant annoncé à ses syndicats, en avril, avoir trouvé une solution de refinancement de 316 millions d’euros, écartant l’urgence d’une cession totale ou partielle : 200 millions devaient être versés rapidement pour rembourser les dettes auprès de l’actionnaire et de l’Etat mais aussi améliorer la trésorerie, et 116 millions d’euros perçus au premier trimestre 2020 afin de « restructurer certains magasins considérés comme déficitaires ».
Les syndicats se demandent aujourd’hui si l’entreprise n’envisage pas un « développement à outrance » sur Internet. Conforama vient de réceptionner, jeudi 27 juin, la troisième phase de son nouvel entrepôt à Tournan-en-Brie (Seine-et-Marne). Il s’agit de « la plus grande plate-forme logistique d’Europe (177 500 m²) », permettant de stocker 270 000 palettes, selon le développeur d’entrepôts logistiques Gazeley et la foncière Argan, en charge de ce projet.
Hasard du calendrier, le géant américain Amazon annonce, selon RTL, l’embauche de quelque 1 800 personnes en CDI réparties sur ses 20 sites en France. D’après Mme Pannier-Runacher, la concomitance de ces deux annonces montre bien que « les magasins traditionnels font face à une transformation très profonde ».
Après plus de trois mois de grève et malgré des « avancées », les soignants des urgences sont appelés à manifester mardi 2 juillet, une « dernière ligne droite » pour « maintenir la pression » sur le gouvernement et tenter d’étendre le mouvement à tout l’hôpital d’ici à la rentrée.
Finies les manifestations en ordre dispersé du mois de juin : l’intersyndicale CGT-SUD-FO et le collectif de paramédicaux Inter-Urgences organisent ensemble un rassemblement en fin de matinée devant le ministère des finances avant un défilé en direction du ministère de la santé, où une délégation devrait être reçue. Objectif : « déverrouiller les cordons de la bourse » et « maintenir la pression ».
Série d’agressions
Inédit par son ampleur et largement soutenu par la population, selon un récent sondage Odoxa, le mouvement démarré mi-mars à Paris après une série d’agressions n’a cessé de s’étendre. Et ce, en dépit des réponses apportées depuis par la ministre de la santé, Agnès Buzyn.
Selon le collectif Inter-Urgences, 153 services étaient en grève lundi, contre 106, le 14 juin, quand Mme Buzyn a annoncé le déblocage de 70 millions d’euros, dont 55 millions pour financer une prime de risque de 100 euros net mensuels pour les 30 000 personnels (hors médecins) des urgences, et 15 millions pour faciliter les recrutements dans les services en tension cet été.
La prime, entrée en vigueur lundi en vertu d’un décret paru dimanche au Journal officiel, sera désormais cumulable avec une autre dédiée aux travaux dangereux, a souligné la ministre dans un communiqué, rappelant « tenir l’engagement du gouvernement ».
Mais « la mobilisation continue », a assuré à l’Agence France-Presse Didier Birig (FO), fustigeant des « annonces insuffisantes au regard des revendications des agents » : 300 euros de hausse de salaire, des effectifs supplémentaires et un « moratoire » sur les fermetures de lits.
En Ile-de-France, où d’importants moyens ont été mis sur la table pour éteindre la grève, « il y a des avancées », a reconnu le syndicaliste, « mais pas sur le plan national ».
L’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) a ainsi offert de créer 230 postes dans ses 25 services d’urgences, tandis que l’agence régionale de santé (ARS) a proposé « un contrat d’objectif “zéro brancard” dans les couloirs » avec « une incitation financière » à la clé pour les hôpitaux concernés.
Concernant l’AP-HP, « on va dire que c’est sérieux », mais « dans le cadre donné par la ministre, qui n’est pas bon », a commenté Hugo Huon, infirmier à Lariboisière et membre du collectif Inter-Urgences.
« Martin Hirsch [directeur général de l’AP-HP] ne peut pas nous donner 230 postes, d’un côté, et maintenir son plan de retour à l’équilibre et la suppression [de plusieurs centaines] de lits de gériatrie », dénonce, pour sa part, le médecin urgentiste et cégétiste Christophe Prudhomme, interrogé par l’AFP.
Plus généralement, « il faut ouvrir des lits », a-il insisté, soulignant que « même » la Fédération hospitalière de France (FHF) porte cette revendication. Si une nouvelle manifestation nationale semble peu probable en plein été, des « opérations coup de poing » pourraient avoir lieu localement, a prédit M. Prudhomme, qui entend mobiliser l’ensemble du monde hospitalier à la rentrée pour peser sur le prochain budget de la Sécurité sociale.
Appelés à manifester mardi par l’intersyndicale, les personnels des « maternités, des Ehpad, des services de chirurgie, etc. » pourront être tentés de rejoindre ceux des urgences qui ont « obtenu des choses », a abondé Didier Birig.
Du côté de l’Inter-Urgences, Hugo Huon pense qu’« il y a des chances » qu’une « grande grève hospitalière prenne ». Mais « ce n’est pas notre rôle de porter tout le monde », a-t-il prévenu.
En attendant la rentrée, le collectif devrait, selon lui, « continuer à se structurer au niveau régional ». Grévistes et autorités sanitaires tenteront localement de gérer le manque de personnel accentué par les vacances, la ministre de la santé visant des services sans « trou dans les lignes de garde ».
Mais la tâche s’annonce compliquée : selon une enquête pré-estivale de l’ARS francilienne, au moins 1 000 « plages de 12 heures » sont « non pourvues » en médecins – et autant en infirmières – pour juillet et août.
Sept anciens membres de la direction de l’entreprise publique comparaissent depuis le 6 mai devant le tribunal correctionnel de Paris pour « harcèlement moral » ou complicité de ce délit. Les plaidoiries commencent mardi 2 juillet ; le réquisitoire est attendu vendredi.
« Juger, c’est aimer écouter, essayer de comprendre, et vouloir décider », avait dit la présidente, Cécile Louis-Loyant, à l’ouverture du procès France Télécom, lundi 6 mai. Deux mois se sont écoulés, l’audience entre dans sa dernière phase. Après les plaidoiries des parties civiles, les deux procureures prononceront leur réquisitoire vendredi 5 juillet. La défense des prévenus s’exprimera ensuite jusqu’au 11 juillet.
Trois d’entre eux – l’ancien président Didier Lombard, son ex-numéro deux Louis-Pierre Wenès et le directeur groupe des ressources humaines Olivier Barberot – ainsi que l’entreprise France Télécom sont poursuivis pour « harcèlement moral ». Quatre autres prévenus répondent de complicité de ce délit.
Les débats ont été denses, parfois tendus. Les situations de chacune des trente-neuf personnes retenues comme victimes par l’instruction – dont dix-neuf se sont suicidées – ont été examinées. Leurs familles, leurs collègues de travail ont témoigné. Des experts de la souffrance au travail ont déposé. La mutation de l’entreprise, passée en quelques années du statut de service public en situation de monopole à celui de société cotée en Bourse, ouverte à la concurrence et confrontée à une révolution technologique, a été radiographiée.
Morceaux choisis de cette plongée dans l’histoire d’un monument national.
Feuille de route
En ce lundi 6 mai, la présidente, Cécile Louis-Loyant, ouvre son rapport de l’affaire France Télécom. De part et d’autre des bancs, on la scrute, on la jauge. Un procès est d’abord un enjeu de pouvoir. Cécile Louis-Loyant le sait d’expérience, elle a été juge assesseure au procès de l’ « Angolagate », un gigantesque dossier de vente d’armes et de corruption, et à celui de l’affaire Clearstream, qui opposait le prévenu et ancien premier ministre Dominique de Villepin à la partie civile, Nicolas Sarkozy, président de la République.
Elle mesure aussi qu’une part de son autorité se joue là, maintenant, dans cet instant qui va donner un ton, un climat à l’audience. Elle emprunte ses premiers mots à un grand magistrat, Pierre Drai, ceux-là mêmes qui courent à l’entrée du nouveau tribunal de Paris, aux Batignolles : « Juger, c’est aimer écouter, essayer de comprendre et vouloir décider. »
« Ces mots ont aujourd’hui une puissance exceptionnelle, poursuit-elle. L’attente de parler et de comprendre est forte, elle dure depuis dix ans, elle est douloureuse. Les voix de certaines victimes se sont éteintes. Le tribunal veut comprendre le fonctionnement d’une entreprise, qui comprenait plus de 100 000 salariés, répartis sur 23 000 sites, et comptait des centaines de métiers. Pourquoi des salariés ont porté plainte contre leur employeur. Pourquoi certains se sont suicidés en laissant des mots accusateurs. L’attente est forte car elle est aussi porteuse d’avenir. Les audiences vont peut-être raviver la douleur des proches, des victimes. L’émotion sera présente, sourde ou violente. Mais déposer devant un tribunal implique de la contenir. Le temps peut cicatriser les plaies. Il permet aussi une réécriture involontaire ou volontaire des événements. Le tribunal le sait et en tiendra compte. »
Le plan de restructuration, qui doit être présenté mardi matin au comité central d’entreprise, prévoit une quarantaine de fermetures de magasins, selon les syndicats.
Le Monde avec AFPPublié hier à 20h46, mis à jour à 09h14
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Le groupe Conforama prévoit de supprimer mille neuf cents postes en France en 2020, avec la fermeture de trente-deux magasins Conforama et celle des dix magasins de l’enseigne Maison Dépôt, ont fait savoir, lundi 1er juillet, les syndicats CGT (Confédération générale du travail) et FO (Force ouvrière) du groupe.
Sur les trente-deux magasins qui doivent fermer et qui comptent actuellement mille cinquante salariés, huit sont situés en Ile-de-France. Deux des trois magasins parisiens vont fermer. Sont aussi prévues six cents suppressions de postes dans les cent soixante-quatre magasins Conforama restant ouverts, cent vingt-quatre suppressions au siège social et vingt-six au service après-vente, tandis que les cent emplois des boutiques Maison Dépôt vont disparaître. Un plan de restructuration doit être présenté mardi matin au comité central d’entreprise, selon la CGT et FO.
La direction, qui a reçu lundi soir les organisations syndicales, a dit vouloir « optimiser le fonctionnement » de l’entreprise, a indiqué Jacques Mossé-Biaggini, délégué FO. Un autre comité central d’entreprise sur ce plan de réorganisation est déjà programmé pour le 11 juillet, a précisé Abdelaziz Boucherit, de la CGT.
Interrogée par l’Agence France-Presse (AFP), la direction a répondu que « toute mesure qui aurait des conséquences sur l’emploi pour Conforama en France serait communiquée en priorité aux instances représentatives du personnel ». « Conforama n’a pas d’autres commentaires à faire à ce stade », a-t-on ajouté.
Un plan de refinancement de 316 millions d’euros
« Selon la direction, les premières lettres de licenciement seront envoyées le 1er janvier 2020 et le plan sera finalisé au plus tard fin mars 2020 », a rapporté Mouloud Hammour, de FO. Le projet de restructuration devrait prendre la forme d’« un plan social contenant des mesures de reclassement interne et des départs volontaires », selon M. Boucherit.
En avril, Conforama avait trouvé un accord avec ses créanciers sur un plan de refinancement de 316 millions d’euros, approuvé par la justice. La direction avait alors informé les représentants du personnel de ce vaste plan de refinancement ventilé en deux phases. La première phase était destinée au remboursement d’une partie de la dette du groupe et devait aussi remettre à flot la trésorerie de l’enseigne d’ameublement, décoration, électroménager et équipements informatiques. La seconde phase devait financer un plan de restructuration des magasins « déficitaires » au premier trimestre 2020, avaient indiqué des sources syndicales, dont l’une disait aussi que la recherche d’un repreneur était « toujours d’actualité ».
Déjà début mars, les syndicats de Conforama avaient fait part de leurs inquiétudes quant à l’avenir de l’enseigne. En janvier, le groupe avait cédé à Carrefour sa participation de 17 % au capital de Showroomprivé, numéro deux français du déstockage en ligne, engrangeant ainsi un montant de 78,7 millions d’euros.
Sa maison mère, le groupe Steinhoff, est engluée dans un scandale financier lié à des irrégularités comptables. L’affaire avait éclaté en décembre 2017 et avait failli causer la banqueroute de l’entreprise avec la découverte d’un « trou » de 6 milliards de dollars dans ses comptes.
Michel Offerlé, professeur émérite à l’Ecole normale supérieure (ENS), et auteur de Les patrons des patrons. Histoire du Medef (Odile Jacob, 2013), analyse la première année de mandat du président de l’organisation patronale.
Même si Geoffroy Roux de Bézieux a finalement renoncé à convier Marion Maréchal à l’université d’été du Medef, faut-il y voir un tournant dans les rapports du patronat à l’extrême droite ?
Michel Offerlé : Marine Le Pen avait été invitée en 2017 à présenter avec d’autres candidats à la présidentielle son programme au Medef. Pierre Gattaz avait quelques jours plus tard qualifié ses positions économiques « d’ineptes ». Depuis les années 1980, il y a un cordon sanitaire entre le patronat et l’extrême droite.
L’idée de convier Mme Maréchal à un débat sur le populisme – à quel titre d’ailleurs ? – vient-elle d’un stagiaire zélé ou indique-t-elle une nouvelle forme de communication pour l’université d’été du Medef : accueillir des débats houleux ? Car on remarquera qu’aucun chercheur parmi les spécialistes de l’extrême droite n’avait été invité.
Comment analysez-vous la première année de M. Roux de Bézieux à la tête du Medef ?
Et de son équipe ! Car la présidence est un peu moins personnalisée que par le passé. Ils sont parvenus à naviguer entre plusieurs récifs conjoncturels : un président de la République qui fait une partie de leur politique mais sans leur donner voix publiquement au chapitre – d’où un satisfecit retenu, insistant sur la nécessité d’aller encore plus loin, notamment du côté des prélèvements obligatoires et de l’âge de la retraite – ; un mouvement social des « gilets jaunes » qui ignore la plupart des patrons et dont les chefs d’entreprise s’en sortent par une prime d’Etat et des primes facultatives ; enfin, un slalom, dont on ne sait s’il sera réussi, entre les intérêts contradictoires de ses composantes pour l’application du bonus-malus [sur les contrats courts] et le choix des niches fiscales.
Mais le programme du Medef issu des cogitations patronales organisées durant le grand débat a débouché sur 43 propositions qui ne forment pas vraiment un corps de doctrine original et n’ont guère été reprises dans le débat public.
Est-ce plus facile pour le patron des patrons d’être face à un gouvernement décrit comme pro-business ?
Roux de Bézieux est entré dans le rôle de président, avec son style propre qui tient à sa trajectoire entrepreneuriale passée – il est issu des nouveaux services, plus parisien, plus inséré dans des cercles de sociabilité plus élitistes – et à son positionnement dans l’organisation. Il décline beaucoup moins une posture victimaire qui a été une des thématiques du mandat de Pierre Gattaz.
« On est toujours le riche de quelqu’un », et Nicolas T. le reconnaît volontiers : il est, lui-même, « le riche » de beaucoup. Salarié à Sophia Antipolis (Alpes-Maritimes), l’électronicien gagne plus de deux fois le revenu médian en France. « Je me vois mal, dit-il, aller sur un rond-point et me plaindre que je n’ai “que” 4 000 euros par mois… Par rapport à un smic, cela ne peut pas être compris. Je n’irai pas non plus voter pour les extrêmes. Mais cette réforme de l’assurance-chômage, ça va trop loin ! »
Le cadre se rebiffe ? Pas encore. Le pourrait-il ? Pas vraiment. Même si « le sentiment de trahison est bien là ». A 45 ans, Nicolas T. a déjà connu deux licenciements et une création d’entreprise avortée. Il n’a jamais bénéficié pleinement des deux ans d’indemnisation chômage, mais savoir qu’il le pouvait le rassurait. « Emmanuel Macron change les règles en cours de route ! Parce qu’il n’a plus d’opposition, il se croit permis de se moquer éperdument de son électorat. »
Cette « rupture de contrat » qu’évoque l’ingénieur a un nom : la dégressivité. Dans le cadre de la réforme, le gouvernement prévoit de raboter de 30 % les allocations des salariés qui touchaient plus de 4 500 euros brut par mois avant de pointer à Pôle emploi. La baisse interviendrait dès le septième mois d’indemnisation pour les moins de 57 ans.
« Un acte politique d’agression », dénonce François Hommeril, président de la CFE-CGC, le syndicat des cadres. L’ancien géologue n’a pas de mots assez durs pour dénoncer « la violence », « le cynisme » et « l’inconséquence » de l’exécutif. « Non seulement la réforme prive de leurs droits ceux qui contribuent le plus, mais, cerise de l’indignité, elle prétend le faire au nom de la justice sociale. »
En 2017, rappelle-t-il, la participation des cadres finançait le régime d’assurance-chômage à hauteur de 42 %, alors qu’ils ne recevaient que 15 % des allocations. « Ce gouvernement, qui donne des leçons de morale, fait tout simplement des économies sur le dos des chômeurs. » Un agacement queGeoffroy Roux de Bézieux, le président du Medef, reprend à son compte en réclamant une baisse des « cotisations des employeurs qui paient très cher » pour indemniser les cadres.