Temps de travail : la disponibilité totale des salariés est attendue pour la reprise

« Cette prudence affichée n’exclut cependant pas une vision à plus long terme. Des organisations misent ainsi sur une accélération de l’activité d’ici quelques mois et s’y préparent. »
« Cette prudence affichée n’exclut cependant pas une vision à plus long terme. Des organisations misent ainsi sur une accélération de l’activité d’ici quelques mois et s’y préparent. » Ingram / Photononstop

Chez Saunier Duval, on appelle cela « l’ouverture maximale ». Accueillant ses salariés le jour, la nuit et les week-ends, l’usine nantaise spécialisée dans le matériel de chauffage a revu son organisation du travail en ce mois de mai. « C’est un dispositif que nous adoptons habituellement à l’automne, durant notre haute saison », explique son directeur général, Eric Yvain. Les lignes de production devraient cette année fonctionner tous les week-ends jusqu’à la fin de l’année avec, en poste, des salariés volontaires.

« Une telle amplitude horaire nous permet aujourd’hui d’avoir une meilleure gestion de l’espace pour respecter les impératifs sanitaires », indique M. Yvain. Elle témoigne aussi de la volonté de la société de reprendre au plus vite son activité. « Nous souhaitons être à pleine puissance dès juin, confirme-t-il. Nous avons accumulé du retard sur les commandes durant le confinement. Il y a donc urgence à produire pour que le second semestre se déroule dans les meilleures conditions possibles ».

Le code du travail assoupli

A l’heure du déconfinement, des sociétés comme Saunier Duval adaptent leur fonctionnement interne, cherchant à rattraper une partie de l’activité perdue. « Des réflexions ont lieu pour aménager l’organisation afin de gagner en souplesse face aux besoins immédiats, confirme Benoît Serre, vice-président de l’Association nationale des DRH. Certaines s’intéressent par exemple à l’annualisation du temps de travail ou à la mise en place d’un système d’heures supplémentaires. »

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Le gouvernement avait montré la voie. Des ordonnances ont assoupli le code du travail, introduisant des dispositions temporaires sur le temps de travail et la prise de congés. Des accords de branche ou d’entreprise ont également vu le jour, imposant aux salariés la prise de jours de congés pendant le confinement ou limitant les congés d’été à deux semaines consécutives. Une mesure qui devait, entre autres, favoriser une plus grande disponibilité des collaborateurs à l’heure de la reprise.

Tout l’enjeu, pour elles, est de disposer d’effectifs suffisants en juillet et août pour mener la relance de l’activité. C’est le cas notamment chez Saunier Duval. « C’est un sujet que nous allons aborder avec le personnel durant le mois de mai », explique M. Yvain qui anticipe par ailleurs des recrutements, afin que « l’usine ait les ressources pour tourner quasiment à plein régime en août ».

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En Dordogne, la société de nettoyage ASNBD connaît également une reprise à un rythme élevé. Fait rare, le déconfinement lui a offert une conjoncture favorable, entreprises et collectivités de son département cherchant toutes à faire désinfecter leurs locaux. Après avoir connu le chômage partiel, les trente salariés enchaînent désormais les missions. « Certains font jusqu’à 15 heures supplémentaires par mois, explique Brigitte Dupuy, la gérante. Et cette intensification du travail devrait durer : les clients vont nous demander de revenir très régulièrement. »

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Dans certains secteurs, la reprise de l’activité est suspendue aux municipales

Des employés des Chantiers de l’Atlantique, le 18 mai à Saint-Nazaire.
Des employés des Chantiers de l’Atlantique, le 18 mai à Saint-Nazaire. LOIC VENANCE / AFP

Avant ou après l’été ? La question de la date des municipales est aussi un véritable enjeu économique. Certains secteurs, dont l’activité a été fortement ralentie dès février par l’apparition de l’épidémie en Chine, puis mise à l’arrêt par les mesures de confinement, ont besoin pour repartir d’une impulsion qui ne vient pas, faute de décisionnaires dans les communes et les intercommunalités.

Les maires et conseils municipaux non renouvelés ne sont pas en mesure de prendre des décisions d’investissement importantes, telles que la rénovation des infrastructures existantes ou le lancement de nouveaux projets d’envergure, qui arrivent d’ordinaire assez rapidement après une élection. Or, rappelle Pierre Verzat, président de la fédération professionnelle Syntec-Ingénierie, qui rassemble 400 entreprises du secteur, « l’échelon municipal est à l’origine de 50 % de la commande publique en France ».

L’Etat, lui, ne représente que moins de 35 % de ces investissements publics. Les communes et intercommunalités pèsent, par leur poids économique, 1,2 % du PIB. Un levier d’activité non négligeable dans le contexte du Covid-19 et alors que la relance de l’activité figure au premier rang des priorités. « Tant que les conseils municipaux ne seront pas élus, les commissions d’appel d’offres ne pourront pas se réunir et toutes les décisions sont bloquées, ajoute encore Pierre Verzat, qui précise que le nombre d’appels d’offres est en baisse de 20 % par rapport à la normale. Si on veut qu’il se passe quelque chose avant l’été, le temps presse. »

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« La commande publique locale menace de s’effondrer »

Les entreprises du secteur maintiennent encore 20 % de leurs salariés en chômage partiel, preuve que l’activité reste en net retrait. L’ingénierie fait également figure d’avant-poste pour deux autres secteurs : les travaux publics et le bâtiment. L’activité provient également en partie de la commande publique pour le premier, et de la délivrance des permis de construire pour le second.

« Sur les 45 milliards de chiffre d’affaires du secteur en 2019, 15 milliards sont liés aux collectivités locales au sens large », notait en mars Julien Guez, directeur général de la Fédération nationale des travaux publics (FNTP). « Si le trou d’air observé actuellement dans les appels d’offres se poursuit, les carnets de commandes des TPE-PME en viendraient très rapidement à se vider », observe la FNTP, alors que le secteur compte 8 000 entreprises. « Sans attendre les plans de relance qui seront discutés une fois la crise sanitaire passée, il convient de soutenir immédiatement la commande publique locale qui menace de s’effondrer », demande la profession.

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Relocaliser : le nouveau défi des pays riches

« Dans les pays riches, où les compétences sont disponibles mais les salaires élevés, la relocalisation exigerait une forte automatisation de la production, ne créerait pas beaucoup d’emplois et pourrait faire baisser le pouvoir d’achat. »
« Dans les pays riches, où les compétences sont disponibles mais les salaires élevés, la relocalisation exigerait une forte automatisation de la production, ne créerait pas beaucoup d’emplois et pourrait faire baisser le pouvoir d’achat. » Robert Hanson/Ikon Images / Photononstop

Entreprises. Il a fallu une pandémie sans précédent pour que l’organisation industrielle mondiale soit ouvertement contestée. D’où les appels, dans les pays riches, à la relocalisation des productions stratégiques, et dans les pays en développement, à une plus grande indépendance industrielle. Mais une démondialisation de la production suscite souvent les mêmes objections.

Dans les pays riches, où les compétences sont disponibles mais les salaires élevés, la relocalisation exigerait une forte automatisation de la production, ne créerait pas beaucoup d’emplois et pourrait faire baisser le pouvoir d’achat. Dans les pays à bas coût de main-d’œuvre, l’indépendance industrielle se heurterait au manque de compétences et serait limitée à des productions à faible valeur ajoutée.

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Ces arguments oublient que, depuis le milieu du XIXe siècle, la tâche de la conception industrielle a souvent été de briser des doctrines économiques que l’on croyait universelles. Sans le travail des concepteurs, les révolutions industrielles n’existeraient pas et la Chine ne serait pas devenue l’atelier du monde. Car si la science et la variété des contextes nationaux rouvrent le champ des possibles pour l’activité productive, celui-ci reste largement inconnu.

De nouveaux défis

C’est le travail de conception qui découvre les solutions adaptées aux nouveaux défis et qui lève des barrières que l’on croyait définitives. Aujourd’hui, le défi des pays riches est de concevoir des relocalisations industrielles responsables et créatrices d’emploi. Celui des pays en développement est d’envisager des stratégies locales techniquement ambitieuses.

Dès le milieu du XIXe siècle, ce type de défi a suscité le développement des bureaux d’études industrielles, puis des laboratoires de recherche. Ils furent les premiers employeurs d’ingénieurs, bien avant les usines. Emblématique du travail de conception, la célèbre chaîne d’assemblage automobile était à la fois un gigantesque automate et un procédé permettant d’employer une main-d’œuvre sans qualification spéciale. Car l’automatisation n’a pas pour seul but d’économiser du travail, elle peut servir à le démultiplier.

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Le chemin de fer n’a pas eu pour but d’économiser les cochers des diligences et son effet sur l’emploi fut sans précédent… Les robots qui organisent les réunions virtuelles ne visent pas à raccourcir les réunions mais à permettre celles-ci, y compris en situation de confinement…

Solutions innovantes et responsables

Aujourd’hui, la conception industrielle intègre de nombreux métiers, favorise des démarches participatives avec usagers et citoyens, et vise un développement social et durable. La relocalisation doit donc être envisagée comme un stimulus pour la conception de nouveaux écosystèmes industriels dans lesquels rentabilité, responsabilité sociale et soutenabilité font bon ménage.

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Réformer l’entreprise : mission impossible ?

« L’Entreprise ou la réforme impossible », de Pierre Bourlange, Edilivre, 2019, 300 pages, 27 euros.
« L’Entreprise ou la réforme impossible », de Pierre Bourlange, Edilivre, 2019, 300 pages, 27 euros.

Le Livre. C’est une spécialité qui nous poursuit depuis Turgot. Entre 1774 et 1776, le contrôleur général des finances n’avait pas pu libérer l’économie car ses propositions étaient combattues par la noblesse. Le rapport administratif sur l’économie et les difficultés de la réalisation des propositions de réformes est depuis un genre littéraire à succès : les thèses économiques prennent une place de plus en plus importante dans la production éditoriale.

Le nœud de l’intrigue est, tout au long de ces différents textes, la recherche d’une issue au problème cornélien de la direction d’entreprise, de son animation, de sa pérennité et surtout de l’intégration du citoyen dans l’entreprise, sans priver le patron de son autorité, tout en offrant aux syndicats plus de responsabilités.

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Le succès est garanti, puisque les 16 millions de salariés des entreprises privées sont concernés, et les résultats de vente de ces rapports administratifs ont parfois de quoi faire pâlir nombre d’écrivains de romans, note Pierre Bourlange. « L’attente est forte, mais souvent déçue, car les réformes annoncées peinent à se concrétiser face aux conservatismes », constate pourtant le chercheur associé à l’Idhes (laboratoire Institutions et dynamiques historiques de l’économie et de la société) dans L’Entreprise ou la réforme impossible.

Bloch-Lainé, Attali

Depuis 1936, les tentatives à l’initiative de l’Etat d’organiser, de dynamiser et de réformer les entreprises ont été nombreuses. « Les moments d’une nécessaire réforme sont activés, provoqués par des événements politiques, économiques, sociétaux qui déclenchent une tentative de réforme ponctuée par un rapport intelligent, complet mais souvent sans effet. »

Les principaux moments de cristallisation d’un besoin de réforme ont eu lieu face au fascisme en 1936, à la Libération en 1945 sous l’impulsion du Conseil national de la Résistance (CNR), puis en 1963, date du premier rapport qui fait référence, sous un mode institutionnel, celui de François Bloch-Lainé.

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Les propositions de Jacques Attali, en 2007 et 2010, interviennent avant et après la crise systémique de 2008. Les années 2015-2017 apportent leur lot annuel de réformes sous la direction de Manuel Valls. Si elle a permis des avancées sociales, cette addition de textes donne surtout le « sentiment d’une impossible rencontre entre le patronat, les salariés et l’Etat en faveur de l’entreprise ».

Le modèle du nord de l’Europe

La rapidité des évolutions frappe aujourd’hui les modèles de production et d’organisation mis en place au début du XXe siècle, dans un monde désormais tourné vers la réalisation immédiate du désir. Mais les rapports sociaux n’évoluent pas à la même vitesse qu’Internet. « Les salariés doivent faire face à ces changements contraints, ils se trouvent déclassés du fait de diplômes non adaptés, mais aussi dans l’impossibilité de valoriser un savoir-faire disqualifié. »

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La lingette, « nouvel accessoire de travail », déjà polluant

Un employé nettoie les chaises du Sénat entre chaque audience, le 6 mai à Washington.
Un employé nettoie les chaises du Sénat entre chaque audience, le 6 mai à Washington. JONATHAN ERNST / POOL / AFP

Carnet de bureau. Au début de la crise, la lingette a été la planche de salut des salariés envoyés au travail sans protection sanitaire ou presque. « Mon chef devait me donner des gants, mais quand il est venu me voir, il n’en avait pas : il m’a seulement fourni des lingettes », témoignait ainsi un technicien de maintenance fin mars. C’était aussi le talisman des employés de bureau, qui gardaient leur pochette de lingettes à portée de main pour se protéger d’un virus encore trop mal connu.

Dans une enquête publiée le 21 avril, l’UFC-Que choisir signalait les premières ruptures de stock : 55 % des références de lingettes désinfectantes avaient disparu des supermarchés. En quatrième semaine de confinement, elle était le deuxième produit que s’arrachaient les consommateurs après le gel hydroalcoolique.

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Au fil des semaines, dans les entreprises, la sécurité sanitaire s’est progressivement organisée, et la lingette a gagné son droit de cité. Elle a été officialisée par le ministère du travail, comme équipement de protection individuelle pour assurer les gestes barrières, au même titre que le gel hydroalcoolique. « Pour le nettoyage des téléphones, des stylos et du matériel informatique (a minima en début et fin de poste pour chaque opérateur) », précise le ministère.

Intégrée aux kits sanitaires

Depuis le 11 mai, elle accompagne le déconfinement. Au bureau comme sur les chantiers, elle est intégrée aux kits sanitaires individuels fournis par de nombreuses entreprises. Mise à disposition des salariés, des formateurs, des stagiaires, des commerciaux se rendant chez les clients, bref de tous les utilisateurs potentiels. Elle sert évidemment d’élément de preuve pour l’employeur qui remplit sa responsabilité juridique d’assurer la sécurité physique de ses salariés. Même si la préoccupation première du salarié est d’avoir l’esprit à ce qu’il fait. Les syndicats rajouteront que l’entretien n’est pas de son ressort.

La lingette est bel et bien devenue le nouvel accessoire de travail. Les responsables achats peuvent même en commander des modèles personnalisés aux couleurs de l’entreprise, pour entretenir la marque employeur. Les génies du marketing n’ont pas perdu de temps pour proposer des kits complets avec logo.

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Mais la popularité donnée à ce qui n’était hier qu’un vulgaire produit de nettoyage inquiète le Centre d’information sur l’eau (CIEau), qui tire la sonnette d’alarme dans son communiqué du 13 mai : « Le recours aux lingettes désinfectantes et aux masques jetables s’est amplifié, avec des effets néfastes sur les réseaux d’assainissement et sur notre environnement. »

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Amazon entame la réouverture de ses six entrepôts en France

La bataille entre les syndicats et la direction d’Amazon, qui s’opposent sur les mesures de protection apportées aux salariés, connaît une trêve. Le spécialiste de la vente en ligne a annoncé, mardi 19 mai, renoncer à se pourvoir en cassation.

Saluant dans un communiqué la réouverture mardi de son entrepôt de Brétigny-sur-Orge (Essonne), la direction d’Amazon France dit se « réjouir que le dialogue avec les représentants du personnel, conduit dans une logique d’amélioration continue, permette d’aboutir à une reprise sereine et durable ».

« Au terme de la consultation, les deux parties ont accepté d’abandonner les recours en cours », ajoute le communiqué, précisant que « cela inclut la décision de porter notre affaire devant la Cour de cassation ».

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Une reprise du travail sur la base du volontariat

Les six entrepôts d’Amazon en France étaient fermés depuis le 16 avril, à la suite de deux jugements enjoignant à l’entreprise de procéder à une évaluation des risques liés au coronavirus avec les représentants du personnel.

La cour d’appel de Versailles avait confirmé le 24 avril une ordonnance du 14 avril qui demandait à Amazon de limiter son activité à des produits essentiels (informatique, santé, nutrition, épicerie…) sous astreinte de 100 000 euros par infraction.

Le géant du commerce en ligne, jugeant impossible de se plier à cette contrainte sans risquer d’infraction, avait préféré fermer ses entrepôts, tout en poursuivant les livraisons depuis ses plates-formes à l’étranger. La justice relevait des manquements de sécurité, notamment dans les vestiaires ou aux portiques d’entrée, et surtout demandait à Amazon de consulter les représentants du personnel et non d’imposer unilatéralement des mesures.

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Un accord a finalement été trouvé vendredi avec les organisations syndicales CFDT, CGT, FO et SUD. « Nos sites sont sûrs et l’ont toujours été », assure le communiqué mardi. A la suite d’une procédure de consultation et d’information avec les comités socio-économiques de l’entreprise, ils « ont pu reprendre leur activité avec un socle de mesures déjà en place avant la suspension d’activité, auxquels ont pu être apportés quelques ajustements ».

La reprise à 100 % doit s’étaler sur trois semaines, les salariés reprenant le travail « sur la base du volontariat », a précisé mardi le directeur général d’Amazon France, Frédéric Duval.

Le Monde avec AFP

« On est les oubliés » : les « permittents » de la restauration dans l’événementiel réclament des aides

Maîtres d’hôtel et cuisiniers de la restauration dans l’événementiel ont étalé vestes et chemises blanches pour alerter sur la situation de leur secteur, touché de plein fouet par les mesures contre l’épidémie de Covid-19, mardi 19 mai, à Paris.
Maîtres d’hôtel et cuisiniers de la restauration dans l’événementiel ont étalé vestes et chemises blanches pour alerter sur la situation de leur secteur, touché de plein fouet par les mesures contre l’épidémie de Covid-19, mardi 19 mai, à Paris. Aline Leclerc

Drôle de ballet aux aurores, mardi 19 mai, place du Trocadéro, à Paris. En costumes noirs et nœuds papillon, maîtres d’hôtel et cuisiniers de la restauration événementielle ont étalé 400 chemises et vestes blanches au sol pour alerter sur leur situation. Un « happening » inspiré d’une action de cuisiniers sur la Grand-Place de Bruxelles, le 7 mai.

D’habitude, en cette période, ils cuisinent, servent, orchestrent cocktails, réceptions, cérémonies, salons… autant d’événements qui ont été annulés en série depuis la mi-février, date des premières mesures interdisant les rassemblements pour lutter contre l’épidémie de Covid-19. « Notre business, c’est la réunion d’êtres humains, souligne François Choux, responsable maître d’hôtel. Notre secteur sera le dernier à repartir. »

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En attendant, ces hommes et ces femmes exclusivement employés en CDD d’usage – ce qu’on appelle des « extras » ou « permittents » qui alternent contrats courts et période d’inactivité – n’ont plus de travail. Or, les périodes fastes comme le printemps leur permettent d’habitude de recharger leurs droits au chômage, dont ils touchent les allocations pendant les périodes creuses. Un genre d’intermittence qui ne dit plus son nom, depuis 2014 et la perte de leur régime spécifique d’assurance-chômage plus favorable que le régime général auquel ils sont soumis depuis.

« On n’a plus l’assurance de travailler à court terme »

Ces deux derniers mois, non seulement ces travailleurs n’ont pas fait les contrats habituels, mais ils ont utilisé leurs droits d’indemnisation chômage. Flore, 46 ans, maître d’hôtel, élève seule deux enfants. « Je suis habituée à budgéter, lors des grosses rentrées, mes mois de disette. D’ordinaire, ça ne m’inquiète pas. Mais là, c’est différent. On n’a plus l’assurance de travailler à court terme. Donc je prospecte, j’envoie des CV pour trouver du travail dans d’autres secteurs. J’ai mes enfants, mon loyer. Je ne peux pas me permettre d’attendre de voir ce qu’il va se passer. » A ses côtés Virginie, 46 ans. Alors qu’en cette période, elle gagne d’ordinaire 3 000 euros par mois minimum, elle ne touche que 800 euros d’allocation-chômage.

« Jusqu’ici, aucune aide exceptionnelle n’a été prévue pour nous. On est les oubliés ! On ne va pas pouvoir s’en sortir dans les prochains mois comme ça », s’inquiète M. Choux. Ils demandent le gel « du décompte de leurs jours de Pôle emploi » jusqu’en 2021, comme ce qu’ont obtenu récemment les intermittents du spectacle.

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En Europe, le filet de sécurité sans précédent du chômage partiel

Reprise progressive du travail dans une usine de chaussures à Castelnuovo Vomano (Italie), le 4 mai.
Reprise progressive du travail dans une usine de chaussures à Castelnuovo Vomano (Italie), le 4 mai. Domenico Stinellis / AP

La pandémie a mis en place une expérience économique grandeur nature : d’un côté, les Etats-Unis comptent 36 millions de nouveaux chômeurs depuis le début du confinement ; de l’autre, en Europe, au moins 40 millions de personnes sont désormais enregistrées au chômage partiel, une large partie de leur salaire étant pris en charge par l’Etat. Deux visions du traitement social de la crise provoquée par la pandémie : du côté américain, l’acceptation d’un choc violent et immédiat avec l’espoir que la reprise donnera lieu à un rebond dynamique de l’emploi, et du côté européen, la volonté d’amortir le choc au prix de milliards d’euros en prenant le risque de soutenir des emplois qui seront quand même perdus d’ici quelques mois.

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Qui a raison ? Pour l’instant, les économistes défendent très majoritairement l’approche européenne, qui doit permettre d’éviter les licenciements de masse et leur cortège catastrophique de conséquences sociales. « Ça fait sens, explique Daniela Ordonnez, économiste à Oxford Economics. Il s’agit d’une crise d’une violence inédite, mais qui doit être de relativement courte durée. Le chômage partiel permet non seulement de conserver l’emploi, mais aussi d’aider à orienter les dépenses des ménages : au moment de la reprise, si les gens ont conservé leur travail, la confiance et le rebond de la consommation seront plus forts. »

Un indicateur en retard

Felix Huefner, économiste allemand à UBS, est d’accord avec ces arguments, mais il avertit : « Le chômage partiel est un très bon outil si le choc économique est limité dans le temps. Si on a une reprise en V(avec reprise rapide), ce sera de l’argent bien dépensé. Mais si on n’a pas de rebond économique, il va falloir débrancher à un moment ou un autre. Plus la crise sera longue, moins cet outil sera utile. »

Depuis le début de la pandémie, la France (12,4 millions de demandes), l’Allemagne (10,1 millions) et le Royaume-Uni (7,5 millions) forment la vaste majorité du bataillon de chômeurs partiels. Au total, selon Oxford Economics, le taux de chômage « fantôme » (chômeurs + chômeurs partiels) atteint 25 % en zone euro, le double du pic d’après la crise de la monnaie unique. Aux Etats-Unis, le taux de chômage en avril était de 15 % mais cet indicateur a du retard et il devrait dépasser 20 % dans les mois à venir.

Infographie Le Monde

La France offre de loin le plus généreux des systèmes de chômage partiel. Il couvre 84 % du salaire net (80 % en Allemagne et au Royaume-Uni) mais surtout le plafond est beaucoup plus élevé, à hauteur de quatre fois et demi le salaire minimum. « On a fait sauter toutes les limites en France et il ne reste presque rien à la charge des entreprises », estime Mme Ordonnez.

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Chômage partiel : polémique autour d’une réduction progressive du dispositif

Usine Renault, à Flins, le 6 mai.
Usine Renault, à Flins, le 6 mai. GONZALO FUENTES / REUTERS

Le gouvernement a commencé à préparer les esprits depuis fin avril : le dispositif du chômage partiel, massivement déployé durant la crise sanitaire pour éviter des licenciements en cascade, va être moins généreux à partir du 1er juin. Ce mécanisme, sollicité – potentiellement – pour plus de 12 millions de personnes, assure un niveau de prise en charge très élevé par l’Etat et par l’assurance-chômage : les travailleurs du privé, qui en bénéficient, touchent 70 % de leur salaire brut (100 %, pour ceux qui sont au smic) – la somme étant intégralement remboursée aux employeurs dans la limite de 4,5 smic. L’exécutif veut revoir ces paramètres, le but étant d’« encourager les entreprises à reprendre l’activité ».

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Selon un dirigeant patronal, « l’Etat ne couvrirait plus désormais que 60 % du salaire brut, mais toujours 100 %, pour les personnes au smic ». « Ils veulent faire des économies et sont persuadés qu’il y a des boîtes qui se complaisent dans le chômage partiel, confie cette même source. La nouvelle formule durerait pendant l’été mais en septembre, on ne sait pas ce qu’ils comptent faire. » Combien coûte le dispositif ? Plusieurs estimations ont été avancées, Bercy évoquant 24 milliards d’euros à la mi-avril. Des chiffrages incertains, car on ne connaît pas encore le nombre d’individus effectivement indemnisés.

Entreprises de proximité

Quoi qu’il en soit, les organisations d’employeurs sont hostiles à l’idée que l’Etat réduise la voilure. Ce serait « une erreur majeure » d’accroître la contribution des entreprises, à partir du 1er juin, parce qu’elles « tourneront encore à un rythme faible », a indiqué Geoffroy Roux de Bézieux, le président du Medef, dans un entretien au Monde (nos éditions datées du 14 mai). Son mouvement aimerait qu’un « dispositif complémentaire de longue durée » voit le jour à la rentrée, en s’inspirant de celui instauré en Allemagne lors de la crise de 2008-2009. « Il faut de la cohérence dans la politique gouvernementale : les entreprises doivent continuer à être accompagnées, sinon on aura payé pour rien », renchérit Alain Griset, le numéro un de l’Union des entreprises de proximité.

Une analyse assez largement partagée par les syndicats. « La meilleure solution, ce n’est ni de réduire drastiquement ni brutalement [ce mécanisme] car les difficultés d’emploi vont être fortes », affirme Laurent Berger. Le secrétaire général de la CFDT insiste cependant sur la nécessité de « contrôler les entreprises pour éviter les effets d’aubaine ». Pour lui, « hors de question » d’amputer la somme allouée aux salariés. S’agissant des employeurs, l’aide apportée par la collectivité peut, selon M. Berger, être modulée selon les secteurs professionnels. « Si on arrête le chômage partiel, le risque est grand que ça se transforme en chômage tout court », résume Michel Beaugas (FO).

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Déconfinement : les multiples questions du chômage partiel

COLCANOPA

L’assouplissement du chômage partiel est l’une des premières mesures mises en place au début de la crise du Covid-19 pour éviter que les entreprises à l’arrêt procèdent à des licenciements massifs. Plus de 1 million d’entre elles, représentant 12,4 millions de salariés, a demandé à en bénéficier. Mais la reprise doit conduire à une sortie du dispositif comme l’a rappelé lundi 18 mai Bruno Le Maire.

Le chômage partiel « c’est une situation d’urgence », a souligné le ministre de l’économie, « mais maintenir 100 % de prise en charge du chômage partiel pour les entreprises par l’Etat, ce n’est pas une situation souhaitable sur le long terme ». Le gouvernement planche donc sur une révision de ces conditions afin de pousser les entreprises à reprendre à l’activité. D’ici là, quelles sont modalités du chômage partiel ? Qui est encore éligible ? Quelles sont les obligations du salarié ? Quelles sont les conditions de rémunération ?

Qui est éligible ?

Tout le monde n’est pas éligible. Un salarié qui ne retournerait pas au travail par crainte de prendre les transports en commun, peut rester en télétravail, mais ne peut pas être au chômage partiel. « Le recours au dispositif n’est pas une décision individuelle. C’est une demande de l’employeur, qui ne peut pas avoir recours au chômage partiel pour des raisons de sécurité sanitaire », précise un porte-parole du ministère du travail.

Le dispositif dit d’activité partielle existait avant le Covid-19 dans des conditions relativement strictes et continuera pour faire face aux aléas conjoncturels des entreprises. La loi d’état d’urgence sanitaire du 23 mars a permis au gouvernement de l’étendre à de nouvelles catégories de bénéficiaires et, surtout, d’adapter « de manière temporaire » le régime social applicable aux indemnités.

C’est ce cadre provisoire qui, dans la loi, peut être maintenu jusqu’au 31 décembre, mais qui va changer pour certains à partir du 1er juin. D’ici là, trois types de salariés de droit privé peuvent bénéficier du chômage partiel : ceux qui sont empêchés de travailler par les circonstances exceptionnelles du Covid-19, parce que leur entreprise a fermé partiellement ou totalement. A savoir les entreprises dont la fermeture a été décidée par le gouvernement (centres commerciaux, restaurants, etc.), celles dont l’activité a été contrainte par des problèmes d’approvisionnement et de conjoncture et, enfin, celles qui ne pouvaient pas assurer la protection des salariés (gestes barrières, télétravail).

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