« Le travail ne serait pour les jeunes plus qu’une pièce du puzzle de leur vie » : le grand malentendu des générations au travail
Depuis plusieurs années, ils concentrent toutes les critiques : à écouter leurs chefs, ils seraient « infidèles », « individualistes », « rétifs à l’autorité », « obsédés par l’équilibre entre leur vie personnelle et leur vie professionnelle », « trop souvent prompts à démissionner ». « Ils », les jeunes de la génération Z, nés dans les années 1990, arrivent sur un marché de l’emploi qui leur est désormais favorable et mettent en difficulté les ressources humaines des entreprises. Combien de colloques, d’études scientifiques, de rapports, d’articles de presse (dont celui-ci) ou de livres portent sur le sujet brûlant des jeunes au travail ?
La dernière enquête menée par l’institut de sondage Ipsos, pour le compte du CESI, une école d’ingénieurs, intitulée « Quel rapport la gen Z entretient-elle avec l’entreprise ? », insiste sur le hiatus entre les attentes des uns et des autres. Brice Teinturier, le directeur général d’Ipsos, parle carrément d’un « malentendu » entre les chefs d’entreprise et les jeunes âgés de 18 à 28 ans. Les chiffres en disent long : « Quatre-vingt-six pour cent des chefs d’entreprise estiment que la génération Z est vraiment différente de la génération d’avant, 70 % qu’il est difficile d’identifier leurs aspirations professionnelles, et pour 49 % d’entre eux qu’il est difficile de les faire évoluer dans le monde de l’entreprise. » Mieux, ou pis, un tiers des patrons interrogés pensent que l’arrivée de ces jeunes salariés « dégrade » l’organisation du travail.
Ce malentendu est d’autant plus prégnant que, en raison de la démographie et de l’allongement de la durée du travail, jusqu’à quatre générations peuvent aujourd’hui cohabiter dans le milieu professionnel. Avec des attentes sensiblement différentes vis-à-vis du travail, estime Yann Orpin, à la tête du groupe Cleaning Bio, PME spécialisée dans le nettoyage industriel, et président du Medef dans la métropole lilloise : « Les anciens sont très attachés à la notion d’horaires, alors que les plus jeunes sont clairement demandeurs de plus de flexibilité, de télétravail, d’horaires aménagés, etc. »
« Une pièce du puzzle de leur vie »
La frontière entre la vie privée et la vie professionnelle serait aussi plus poreuse pour les jeunes : « Ils parlent assez facilement de leur vie privée ou de leurs obligations familiales au boulot… » Mais, surtout, a-t-il l’impression, le travail ne serait « pour les jeunes générations plus qu’une pièce du puzzle de leur vie, là où il reste central dans celle de leurs aînés ». Face à cette évolution perçue, les entreprises doivent « apprendre à avoir plus de souplesse dans la façon de gérer les équipes, à être pragmatiques et intelligentes pour ne pas passer à côté de talents, mais sans transiger non plus sur leur stratégie et leur cap », veut croire Yann Orpin. Une nouvelle enquête du cabinet de conseil Deloitte publiée ce mardi 17 septembre le dit en d’autres mots : « Le travail reste [pour les jeunes] un pilier essentiel en termes d’identité, mais seulement après les amis et la famille. »
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