« Les Entreprises et l’égalité femmes-hommes » : pourquoi les écarts de salaires ne baissent plus
Livre. Si l’égalité salariale entre les hommes et les femmes est, depuis des décennies, une ambition fièrement revendiquée par les gouvernements de droite comme de gauche, elle n’est pas encore entrée dans les mœurs : en 2021, le salaire moyen horaire des femmes ne représentait que 85 % de celui des hommes. Et, depuis le début des années 2010, l’écart n’a quasiment pas bougé… Cette « inertie » a conduit l’économiste Dominique Meurs, dans Les Entreprises et l’égalité femmes-hommes (Les Presses de Sciences Po, 116 pages, 9 euros), à explorer avec beaucoup de rigueur et de précision les multiples facettes de cette discrimination.
Le grand principe de l’égalité femmes-hommes – à travail égal, salaire égal – a été inscrit dans les textes dès les années 1950 : il figure dans les conventions de l’Organisation internationale du travail de 1951 et 1958, le traité européen de 1957, mais aussi dans la loi française, qui a multiplié, depuis les années 1980, les obligations imposées aux entreprises – un rapport de situation comparée en 1983 ; une proportion de 40 % de femmes dans les conseils d’administration des entreprises cotées, puis de la fonction publique en 2011 et 2013 ; un indicateur d’égalité unique assorti de sanctions en 2019.
Malgré ces efforts, l’égalité salariale semble enlisée dans un mystérieux marasme. Est-ce le fruit de l’indigence des politiques publiques ? De la mauvaise volonté des entreprises ? De la puissance des normes sociales ? Pour démêler cet immense « sac de nœuds », Dominique Meurs, professeure d’économie à l’université Paris-Nanterre, mobilise, dans un livre très documenté, des dizaines d’études internationales consacrées à l’efficacité des politiques de sanctions, à l’impact des réformes des congés parentaux ou aux résultats des stratégies de flexibilité horaire mises en place par les entreprises.
Filières de bas salaires
Ce travail approfondi lui permet de débusquer les « fausses bonnes idées » – la mixité, par exemple, des comités de recrutement –, mais aussi de montrer que certaines politiques se révèlent efficaces. L’affichage public des écarts salariaux a ainsi réduit les inégalités au Royaume-Uni, au Canada, au Danemark et en Suisse ; tout comme l’augmentation de la présence de femmes dans les conseils d’administration aux Etats-Unis. Par ailleurs, l’égalité professionnelle et le congé parental simultané des parents institué en 2012 par la Suède ont amélioré significativement la santé physique et morale des mères.
Restent, et là se situe sans doute le cœur du « sac de nœuds » méthodiquement analysé par Dominique Meurs, les normes sociales. Malgré leur belle réussite scolaire et universitaire, les femmes sont en effet surreprésentées dans les métiers mal rémunérés du service à la personne et de la vente, ainsi que dans les filières de formation littéraires, artistiques et juridiques, qui affichent souvent de bas salaires. Ces orientations « genrées » ralentissent à la fois la mixité de la vie professionnelle et l’égalité salariale, et sont difficiles à faire bouger.
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