Archive dans mars 2024

Près de Toulouse, un mort et trois blessés dans l’effondrement d’un viaduc en construction

Le tablier d’un pont en construction de la troisième ligne du métro toulousain s’est effondré, à Labège (Haute-Garonne), le 4 mars 2024.

Le drame a eu lieu lundi 4 mars, en fin d’après-midi, à Labège (Haute-Garonne), une commune de la proche banlieue de Toulouse. Six personnes travaillaient sur le chantier de la troisième ligne du métro lorsqu’une section d’un pont en construction s’est effondrée, causant la mort de l’une d’entre elles et en blessant trois autres, dont deux très gravement.

« Quatre [personnes] se trouvaient dessus au moment de l’effondrement et ont sauté » d’une hauteur d’environ dix mètres, a expliqué, dans la soirée, le procureur de la République, Samuel Vuelta-Simon, qui s’est rendu sur place peu après les faits et dont les services ont ouvert une enquête. L’une d’elles est morte de ses blessures, a-t-il précisé. « A priori », c’est la « rupture d’un vérin, entre deux piles du chantier du métro aérien », qui a causé la tragédie, a-t-il avancé.

Dès 17 h 05, selon le service départemental d’incendie et de secours (SDIS) de Haute-Garonne, une cinquantaine de sapeurs-pompiers et vingt véhicules étaient sur place pour prendre en charge les victimes et sonder, par précaution, les décombres.

Lire l’enquête | Article réservé à nos abonnés Les morts au travail, une hécatombe silencieuse en France

Parmi les trois blessés, deux se trouvent en urgence absolue et ont été hospitalisés au CHU Purpan de Toulouse, a fait savoir le procureur. La quatrième victime, en urgence relative, a été prise en charge par une clinique, et les deux derniers employés s’en sont sortis indemnes.

« Ce soir, c’est surtout l’émotion qui l’emporte, avec le décès d’un employé. On ne s’habituera jamais à de tels accidents, de tels drames », a confié au quotidien régional La Dépêche du Midi le président du réseau des transports en commun toulousains Tisséo, Jean-Michel Lattes.

Le pont s’est effondré sur une vingtaine de mètres

Une cellule de soutien psychologique a été mise en place, a dit dans un communiqué Tisséo, qui a par ailleurs adressé de « sincères condoléances à la famille » de la victime. « Pas d’autres victimes recensées à cette heure. Aucun [employé] ne manque à l’appel, mais des recherches sont faites par précaution », a affirmé M. Vuelta-Simon.

Lire aussi | Article réservé à nos abonnés Avec la sous-traitance, des accidents du travail en cascade

L’accident a eu lieu sur une section du chantier de la future ligne C, dans une zone fermée au public, précisait en fin d’après-midi une source au sein du SDIS, excluant donc la présence de passants. Il s’agit d’« un accident grave, de par son ampleur », expliquait cette source, décrivant une scène « assez impressionnante »« une vingtaine de mètres de pont s’est effondrée ».

« Tisséo ingénierie (…) a immédiatement ouvert une cellule de crise, en lien avec l’entreprise Bouygues, qui réalise les travaux du pont, pour comprendre ce qui a pu se passer, parallèlement à l’enquête de l’inspection du travail, qui va se pencher sur les conditions de sécurité sur le chantier », a par ailleurs déclaré, toujours à La Dépêche du Midi, le président de Tisséo. L’inspection du travail se trouvait sur place dès lundi soir, a noté le procureur.

La ligne C du métro de Toulouse, dont les travaux ont été lancés fin décembre 2022, doit être mise en service en 2028.

Le Monde avec AFP

Réutiliser ce contenu

« Que sait-on du travail ? » : deux jours de télétravail estimés à 5 % d’augmentation de salaire au minimum

Peut-on chiffrer les bénéfices du télétravail ? Les études menées sur le télétravail avant le Covid-19 avaient mis en évidence une plus grande satisfaction au travail, un gain de flexibilité et de temps passé en famille, mais un écart accru entre les genres aux dépens des femmes pour la gestion des tâches ménagères et les soins aux enfants et une plus grande solitude des travailleurs. Soit davantage de bien-être, mais une santé mentale pas nécessairement meilleure, remarque Claudia Senik dans sa contribution au projet de médiation scientifique « Que sait-on du travail ?  » du Laboratoire interdisciplinaire d’évaluation des politiques publiques, diffusé en collaboration avec les Presses de Sciences Po sur la chaîne Emploi du site Lemonde.fr. Dans son analyse plus large sur les liens entre télétravail et bien-être, l’économiste dresse un panorama des études menées avant et après l’épisode Covid-19. La valeur du télétravail a augmenté avec l’expérience.

Une recherche américaine menée auprès de 7 000 personnes avait alors révélé qu’en moyenne les candidats à l’emploi se montraient prêts à accepter un salaire inférieur de 8 % pour avoir la possibilité de travailler à domicile. Un quart des salariés interrogés accepteraient même une baisse de 14 % de leurs revenus. D’autres enquêtes conduites ultérieurement sur un panel plus large ont donné des résultats similaires d’acceptation de baisse de salaire : 8,4 % en moyenne et jusqu’à 18,7 % pour les plus demandeurs de télétravail. Dans l’étude américaine AWCS sur les conditions de travail, le télétravail est comparé par les salariés à une hausse de salaire de 4,1 %.

Depuis l’expérience massive du télétravail imposée par le Covid, la connaissance s’est affinée sur son impact sur l’autonomie d’organisation des salariés, la qualité de leurs relations interprofessionnelles, ainsi que les perspectives de progression et le sens du travail perdu ou retrouvé. Une nouvelle enquête menée en 2021, toujours dans le contexte américain, a interrogé les salariés sur le prix qu’ils étaient prêts à payer pour télétravailler après le Covid. Elle indique que l’attrait pour ce mode d’organisation n’a fait que croître. Plus de 50 % des personnes interrogées qui désirent travailler à domicile 2 ou 3 jours par semaine estiment que cela équivaudrait à une augmentation de salaire de 5 % ou plus. Et près de 20 % à une augmentation de salaire de 15 % ou plus.

Enfin une enquête internationale menée en 2021 et 2022 dans vingt-sept pays confirme cette disposition des salariés à payer pour pouvoir travailler à distance, sauf à Taïwan où la culture du présentéisme est très forte. A revenu national égal, elle est légèrement négative pour Taïwan et positive pour tous les autres pays, allant d’environ 7-8 % du salaire au Brésil, en Egypte, en Inde et en Turquie, à 8,8 % en Serbie, et près de 12 % en Ukraine (avant le conflit commencé en 2022).

Il vous reste 7.91% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

« Le télétravail fait-il du bien aux salariés ? Ce que l’on a appris avec le Covid-19 »

[Le télétravail s’est installé dans la durée. On en connaît un peu mieux les effets sur la vie des salariés. Claudia Senik, professeure à Sorbonne Université et à l’Ecole d’économie de Paris (PSE), en dresse un très large panorama, établissant les liens de causalité avec le bien-être. Directrice de l’Observatoire du bien-être au Cepremap et membre de l’Institut universitaire de France, elle présente une plongée dans les études menées en Europe, aux Etats-Unis et dans le monde sur le sujet. Ses travaux portent sur l’économie du bien-être subjectif, et en particulier sur le lien entre revenu, croissance, inégalités et bonheur.]

Pendant de longues années, les salariés ont rêvé de pouvoir travailler à distance au moins un jour par semaine, tout en se heurtant à la réticence sceptique des entreprises. Mais, en mars 2020, le dispositif du télétravail, qui concernait moins de 5 % des travailleurs avant le Covid-19, a soudain été imposé à près de 40 % d’entre eux.

Cette expérience permet de savoir si le télétravail est propice ou néfaste à leur bien-être. Si la possibilité de travailler à domicile est largement plébiscitée par les employés, son effet sur leur bien-être dépend étroitement du temps passé en télétravail, selon que celui-ci est pratiqué à temps complet ou à temps partiel, le télétravail partiel étant celui qui se révèle bénéfique.

Ce texte reprend le contenu d’une note de l’Observatoire du bien-être du Cepremap. Dans la plupart des pays, en 2020 et 2021, durant la pandémie de Covid-19, le recours massif et forcé au télétravail chaque fois qu’il était possible d’exercer son emploi à son domicile a fait partie de la panoplie des interventions non pharmaceutiques contre la pandémie.

Variable selon les pays, ceci a concerné environ un tiers des emplois, principalement dans le secteur des services. Ce choc a provoqué l’accélération d’une évolution ancienne mais lente, conduite par la technologie numérique, qui permet aux salariés de travailler en dehors des locaux de l’entreprise, à domicile, dans des bureaux distants ou dans des espaces de coworking.

Une fois la pandémie terminée, il est peu probable que l’on revienne au statu quo ante, car le stigmate potentiel qui était associé au travail à distance a disparu, et les travailleurs ainsi que les entreprises ont réalisé des investissements substantiels dans les équipements nécessaires pour travailler à domicile (Barrero, Bloom, et Davis 2021).

Les enjeux sont importants, car un passage massif et durable au télétravail déclencherait une chaîne de conséquences de grande ampleur, non seulement sur les modalités de travail, mais aussi sur l’occupation du territoire, le marché du logement, les coûts salariaux, les niveaux d’emploi et la croissance macroéconomique (Bergeaud et Ray 2021 ; Pabilonia et Vernon 2021).

Il vous reste 92.7% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

A la mer ou à la montagne, plongée dans la bulle festive mais éreintante des jeunes saisonniers

En quelques mois, la vie de Lucille Hamel s’est « accélérée » comme jamais elle ne l’aurait imaginé. Depuis 2022, cette Vendéenne de 26 ans enchaîne les contrats saisonniers dans des clubs de vacances Lookéa, en tant qu’animatrice : six mois en Andalousie, six mois au Sri Lanka, six mois en Grèce. Elle y a donné des cours d’aquagym, créé des spectacles de danse, animé des blind-tests, organisé des jeux à la piscine… « J’ai énormément travaillé, sans compter mes heures, mais j’ai l’impression de vivre intensément. J’ai fait du saut à l’élastique sur le canal de Corinthe, vu des éléphants, visité Mikonos… », évoque cette titulaire d’un master de communication, qui avait aussi passé, plus jeune, le BAFA. Pour chacun de ses CDD, elle a gagné « 1 200 euros par mois, logée nourrie », ce qui lui a permis de « mettre de côté ». Elle se voit bien continuer quelques années cette vie nomade, ponctuée de sauts de puce chez ses parents. « Je ne cherche pas spécialement de CDI. Je n’aime pas me sentir enchaînée. Pour la suite, il existe des formations pour devenir chef de village, travailler pour le siège du groupe… Je me laisse porter, on verra. »

Thomas, 22 ans, employé cet hiver pour la première fois dans un magasin de ski à Arêches-Beaufort (Savoie), fait aussi partie des heureux saisonniers du secteur touristique – ces jeunes, âgés de 18 à 30 ans, qui acceptent de se prêter à la précarité de contrats courts pour vivre une expérience intense et conserver une certaine liberté. Titulaire d’une licence professionnelle en chaudronnerie, Thomas aurait pu décrocher sans difficulté un emploi stable dans l’industrie. « Je ne me voyais pas commencer direct avec un CDI. J’ai envie de voyager. Pas en mode intensif, mais en prenant mon temps », explique le jeune homme. Il est logé dans l’appartement de ses grands-parents, et son patron lui paie ses heures supplémentaires. « Autour de moi, c’est loin d’être le cas pour tout le monde », reconnaît-il.

Travailler au pays des vacances ? La proposition peut sembler séduisante. « Vous vivez dans un cadre festif, vous voyagez, vous rencontrez de nouvelles personnes, vous mettez de l’argent de côté », énumère Regis Lord, directeur de Klaxon rouge, école spécialisée dans la formation d’animateurs pour les villages de vacances et campings, à Loctudy (Finistère). « Mais ce ne sont pas des métiers faciles », poursuit-il.

Positif, flexible, polyvalent

Pour réussir dans ces univers, tout est question de « savoir-être » : se montrer toujours positif, flexible, polyvalent. Accepter que la vie professionnelle empiète sur son univers personnel, qu’être en couple implique souvent d’entretenir une relation à distance. « Il faut une grosse discipline pour tenir le rythme », résume Régis Lord. « On peut très vite se laisser déborder par les fêtes », confirme Kory (elle n’a pas souhaité donner son nom de famille), 21 ans, qui a travaillé au cours de deux étés dans des campings de Vendée et du Lot. « La fatigue peut être intense. On fait pas mal d’heures en plus, en particulier pour répéter les spectacles. Mais, s’il y a une bonne cohésion d’équipe, ce sont des super moments », affirme-t-elle.

Il vous reste 73.7% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Le vote choc des Suisses pour un treizième mois de retraite

Le conseiller aux Etats socialiste Pierre-Yves Maillard, après la victoire du oui à l’initiative populaire « Mieux vivre la retraite », à Bern (Suisse), le 3 mars 2024.

A quelques semaines du scrutin, l’influent quotidien populaire zurichois Blick le qualifiait déjà d’homme « le plus puissant du pays », pressentant un authentique séisme politique dans un pays où le sismographe est habituellement plat, puisque la majorité (à droite) n’a jamais changé depuis 1848 et la fondation de l’Etat moderne.

Dimanche 3 mars, le Conseiller aux Etats (sénateur) socialiste Pierre-Yves Maillard, également président de l’Union syndicale suisse (USS), a en effet remporté l’une des plus âpres batailles politiques disputées dans le pays alpin ces dernières années. Avec 58 % de oui au niveau national et une majorité des cantons favorables à la proposition, les citoyens Suisses ont accepté l’initiative populaire « Mieux vivre la retraite », lancée par les syndicats et soutenue par le parti socialiste et les Verts, pourtant très largement minoritaires sur l’échiquier politique helvétique.

Le texte vise à renforcer la sécurité sociale, par le versement d’une treizième allocation mensuelle de retraite (appelée localement 13e rente), ce qui représente une hausse annuelle de 8,33 %. Le gouvernement fédéral de coalition recommandait de rejeter l’initiative, tout comme le patronat, qui a jeté toutes ses forces dans la bataille ces dernières semaines, brandissant l’argument d’une « faillite » prévisible de la caisse de retraite nationale, l’AVS (Assurance vieillesse), véritable institution suisse depuis sa fondation à la sortie de la seconde guerre mondiale.

« Changer le cap »

Modeste, Pierre-Yves Maillard s’est refusé à évoquer une victoire personnelle, malgré la personnalisation dont il a fait l’objet pendant la campagne. « En Suisse, le plus fort est toujours le peuple. Le résultat de la votation prouve que le pacte social fonctionne encore, a déclaré le sénateur vaudois, selon qui les autorités fédérales n’ayant donné aucune réponse à la crise du pouvoir d’achat, la population a saisi l’occasion qui lui était donnée de changer le cap. »

Même si la Suisse parvient, contre vents et marées, à s’en sortir toujours un peu mieux que ses voisins européens pendant les crises (elle n’a, par exemple, pas connu de récession en 2020 pendant la première année de la pandémie de Covid-19), une succession de hausses des prix ces trois dernières années a fini par essorer, ici comme ailleurs, la classe moyenne.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Les secrets de la compétitivité suisse

Coût du logement et primes d’assurance-maladie ont notamment connu des hausses très fortes, deux secteurs qui ne sont pas entièrement comptabilisés dans le calcul du taux d’inflation en Suisse. Aussi, ce dernier (2,1 % en 2023) est-il particulièrement trompeur en regard de la dégradation du budget réel des ménages. C’est sans doute ce qui a rendu possible cette étonnante victoire de la gauche dans un pays à droite depuis des temps immémoriaux.

Il vous reste 46.36% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

SADE : Veolia cède sa filiale spécialisée dans les canalisations et ses 6 900 salariés à son concurrent NGE

Deux agents Veolia remplissent un camion d’égout, à Narbonne (Aude), le 18 août 2022.

Veolia a décidé de se séparer de sa filiale spécialisée dans la construction et la remise en état des réseaux d’eau, SADE-CGTH. Annoncée le 27 novembre 2023, la vente de la totalité de ses titres à l’un de ses concurrents directs, NGE, groupe indépendant de travaux publics, s’est concrétisée vendredi 1ᵉʳ mars, selon nos informations.

« Les activités de construction ne font plus partie du cœur de métier du groupe, qui a fait le choix de se focaliser sur les métiers de services il y a quelques années », explique Veolia au Monde. En novembre 2023, sa directrice générale, Estelle Brachlianoff, avait souligné que le groupe était « très satisfait de cette transaction », qui s’effectuait « dans de très bonnes conditions, ce qui permettra à Veolia de renforcer sa capacité d’investissement sur ses activités stratégiques ». Le communiqué précisait que l’entreprise SADE-CGTH avait été valorisée à 260 millions d’euros.

Pour Veolia, NGE, qui compte dans ses spécialités les canalisations et réseaux souterrains, est « un industriel reconnu du secteur ». Il dispose d’un « projet robuste » et de « capacités d’investissement qui soutiennent le plan de développement de la SADE et garantissent le maintien de l’entité et des statuts sociaux », précise encore le groupe.

Les 6 900 salariés de la SADE vont garder leur nom, leur autonomie et leur entité, mais vont quitter le giron du géant du CAC 40, pour rejoindre les 16 000 salariés de NGE. Le 8 février, l’opération a reçu l’avis favorable de la majorité du comité social et économique central (CSEC) de la SADE (onze voix pour, quatre contre, une abstention).

Seule la CGT (minoritaire) a fait valoir son inquiétude sur le flou entourant cette cession. A commencer par la date à laquelle elle devait avoir lieu – d’abord prévue pour la fin mars, elle a ensuite été annoncée, lors du CSEC, pour le jeudi 29 février.

« On ne sait pas où on va »

Cependant, mercredi 28 février au soir, les salariés comme la direction de la SADE disaient ignorer la date exacte de la sortie de Veolia, ce choix étant « à l’initiative du vendeur ». Selon nos informations, la cession a finalement été confirmée aux salariés de SADE-CGTH par un communiqué jeudi en fin de journée. Effective depuis le 1ᵉʳ mars minuit, l’annonce doit être officialisée le lundi 4 mars.

A quelques jours du changement de mains, une cinquantaine de salariés en grève avaient manifesté devant le siège de la SADE, lundi 26 février, à l’appel de la CGT, pour obtenir des « garanties écrites ». « On veut des engagements sur le fait qu’il n’y aura pas de fusion ou de restructuration, de suppression d’effectifs, sur le long terme, indiquait alors Lyes Chouai, délégué central CGT à la SADE. Une partie des équipes font exactement les mêmes métiers. Que va-t-il se passer s’il y a des doublons ? Comment être sûr qu’on ne va pas contraindre les équipes SADE à la mobilité ? »

Il vous reste 50.27% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Gabriel Attal annonce une hausse spectaculaire du nombre de contrôles sur les demandeurs d’emploi

Le premier ministre, Gabriel Attal, lors d’une visite de l’entreprise Numalliance, à Saint-Michel-sur-Meurthe (Vosges), le 1er mars 2024.

Gabriel Attal a retenu – au moins – une leçon de la brève période au cours de laquelle il fut ministre de l’éducation nationale, juste avant son arrivée à Matignon : la pédagogie est un art de la répétition. Vendredi 1er mars, lors d’un déplacement dans les Vosges, le chef du gouvernement a, une fois de plus, exprimé la volonté de transformer « notre modèle social » pour qu’il « incite toujours davantage au travail ». Son propos a été particulièrement musclé : « Cela nécessitera des décisions difficiles », a-t-il prévenu, sans livrer plus d’indications, mais en faisant clairement référence à la piste, évoquée à plusieurs reprises par l’exécutif depuis la fin de 2023, d’un nouveau durcissement des règles de l’assurance-chômage.

A travers cette visite, M. Attal entendait montrer combien il est « pour une France du travail ». Il a aussi manifesté toute son attention pour les classes moyennes, « qui gagnent un peu trop pour toucher des aides, mais certainement pas assez pour être à l’aise ». Un message pour les exhorter à ne pas céder, à trois mois des élections européennes, aux « sirènes » des extrêmes : le Rassemblement national n’a pas été nommé, mais M. Attal pensait, de toute évidence, à lui – en premier lieu.

En un peu moins de quatre heures, il s’est rendu dans trois lieux différents, distants de plusieurs kilomètres : une agence de France Travail, ex-Pôle emploi, un centre de formation de chauffeurs-routiers et une entreprise fabriquant des machines, Numalliance. Une itinérance menée tambour battant en compagnie de deux ministres, Catherine Vautrin (travail, santé et solidarités) et Roland Lescure (industrie et énergie).

« Nous ne lâcherons rien »

Le locataire de Matignon en a profité pour confirmer son intention de poursuivre la refonte de notre Etat-providence, avec des formules cinglantes. Le « système », selon lui, a fonctionné, durant des décennies, sur une « hypocrisie », qui consistait à « acheter la paix sociale à coups d’aides sociales ». Cela a entretenu « le chômage de masse », l’enfermement dans « l’inactivité » et le « ressentiment ». Il faut « mettre un terme » à cette situation et changer de « paradigme », a martelé le premier ministre, en soulignant que les décisions prises depuis l’élection d’Emmanuel Macron en 2017 s’inscrivaient déjà dans cette optique, notamment par le biais des réformes successives de l’assurance-chômage qui ont durci les conditions d’indemnisation.

Aujourd’hui, M. Attal veut aller encore plus loin, mais sans dire comment. Il s’est borné à annoncer une augmentation – spectaculaire – du nombre de contrôles sur les demandeurs d’emploi : le but est d’en réaliser 1,5 million à la fin du quinquennat, soit environ trois fois plus qu’en 2023, tout en les ciblant sur les personnes susceptibles d’être embauchées dans les secteurs cherchant de la main-d’œuvre.

Il vous reste 39.51% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

« Il est nécessaire de recentrer les débats sur le salaire, qui reste le premier instrument de partage de la valeur dans les entreprises »

Dans son discours de politique générale, le 30 janvier, [le premier ministre] Gabriel Attal a insisté sur la nécessité d’enrayer le phénomène de « smicardisation ». Si 17 % des salariés se trouvent aujourd’hui au niveau du smic, rappelons que ce phénomène n’est pas nouveau et il s’explique de manière mécanique par l’indexation du smic sur l’inflation, ce qui permet un relatif maintien du pouvoir d’achat du smic. En revanche, selon la direction de l’animation, de la recherche, des études et des statistiques [Dares] du ministère du travail, les évolutions du salaire réel mensuel de base montrent une baisse du pouvoir d’achat des salariés au-dessus du smic, de l’ordre de 3 % depuis début 2021. Comment expliquer une telle situation ?

Il convient de lire les évolutions récentes au regard des politiques de flexibilisation et de précarisation du travail déployées par les entreprises depuis plusieurs décennies. A cela s’ajoute un mouvement de diversification et de complexification des pratiques salariales qui se manifeste, à partir des années 1980, par la montée de l’individualisation puis, à partir des années 2000, par l’expansion des dispositifs d’épargne salariale, aujourd’hui rebaptisés « partage de la valeur » dans le débat public (intéressement, participation et plan d’épargne entreprise).

L’ensemble de ces évolutions a en réalité affaibli la capacité des syndicats à obtenir des augmentations significatives de salaire lors des négociations collectives d’entreprise, quand ces dernières ont effectivement lieu. D’après la Dares, seulement 10,6 % des entreprises de dix salariés ou plus, qui emploient 51 % des salariés, ont engagé des négociations sur les salaires et les primes en 2021, et un accord a été conclu dans moins de sept cas sur dix. L’absence de négociations est par ailleurs fréquemment justifiée par l’application directe d’un accord de branche.

Effets d’aubaine

Alors que les pouvoirs publics excluent toute possibilité d’indexation des salaires sur l’inflation, l’alternative privilégiée, fréquemment mobilisée par le passé, consiste à encourager les employeurs à verser des primes exonérées partiellement ou totalement de cotisations sociales pour maintenir au moins temporairement le pouvoir d’achat. C’est ainsi que le gouvernement a instauré, durant l’été 2022, la « prime de partage de la valeur », qui a remplacé la « prime exceptionnelle de pouvoir d’achat », dite « prime Macron », créée fin 2018 en réponse au mouvement des « gilets jaunes ».

Fin 2022, le gouvernement a incité les organisations patronales et syndicales à négocier un accord national interprofessionnel sur « le partage de la valeur dans les entreprises ». Signé en février 2023 par les acteurs patronaux et syndicaux, à l’exception de la CGT, et transposé dans la loi fin novembre 2023, ce texte vise, entre autres, à généraliser les dispositifs d’épargne salariale dès 2024. La participation n’était jusqu’alors pas obligatoire dans les petites entreprises, sauf si elles optaient pour la prime de partage de la valeur.

Il vous reste 49.24% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Crise à bas bruit à l’inspection du travail

La saignée est impressionnante. Entre 2015 et 2021, l’inspection du travail a perdu 16 % de ses effectifs. Elle éprouve par ailleurs de plus en plus de mal à recruter. Dans un rapport rendu public mercredi 28 février, la Cour des comptes lance, discrètement, un message d’alerte sur les difficultés rencontrées par cette administration qui joue un rôle essentiel de gardien de la loi dans les entreprises.

La baisse du nombre de fonctionnaires dans ce service s’inscrit dans un mouvement plus large qui obéit au désir de tailler dans la masse salariale. C’est aussi, parfois, le résultat de transferts d’agents d’un secteur de l’Etat à un autre.

Le ministère du travail, comme d’autres, a réduit la voilure, avec 15 % de postes en moins en 2021 par rapport à 2015. Toutefois, c’est l’inspection du travail qui a le plus contribué à ces « économies d’emplois » en subissant une ponction sur ses effectifs de près de « 740 équivalent temps plein », selon la Cour des comptes.

Deux candidats pour un emploi à attribuer

Cet étiolement se double de gros problèmes pour renouveler les équipes. Comme l’ensemble de la fonction publique, l’inspection du travail peine à embaucher, mais le phénomène semble particulièrement marqué en son sein. Ce « déficit d’attractivité » est mis en évidence par le nombre de personnes qui passent le concours d’inspecteur : de 2015 à 2019, il a baissé de 47 %. Ensuite il s’est redressé, mais comme le nombre de postes ouverts a également progressé dans le même temps, la « sélectivité » des épreuves s’est effondrée : en 2022, il y avait deux candidats pour un emploi à attribuer, contre douze pour un en 2015. « Il est probable que, dans ces conditions, le jury ne puisse pas pourvoir tous les postes, sauf à sélectionner des [personnes] dont les compétences sont insuffisantes au regard des exigences du concours », souligne la Cour des comptes.

Ce manque d’attrait finit par engendrer d’importants dysfonctionnements : le taux de vacance (c’est-à-dire de postes inoccupés) dans les « sections » de l’inspection a atteint 18 % en 2022, soit cinq points supplémentaires comparativement à 2018. Un « plan d’action » a, certes, été mis en place afin d’inverser la tendance : amélioration du déroulement de carrière, opération de communication, élargissement du « vivier de recrutement », etc. Ces mesures se sont pourtant avérées peu efficaces pour le moment.

Les solutions suggérées par la Cour des comptes pour résoudre cette crise à bas bruit prendront du temps à produire leurs effets. Elles passent notamment par une ouverture encore plus grande de l’inspection du travail à des profils nouveaux et par des « avancées sur le plan de la rémunération ». La direction des ressources humaines, qui s’occupe des ministères sociaux, est également invitée à « poursuivre sa mue comme “service au service des services” », notamment en s’inscrivant « dans une logique partenariale » avec les autres administrations qui ont leur mot à dire sur la gestion des équipes (Bercy, direction générale de la fonction publique, etc.).

« Il faut retrouver la logique d’un capitalisme vertueux, dont une nouvelle répartition des revenus serait un levier fondamental »

Le plein-emploi est un objectif réaffirmé par Emmanuel Macron. Sans nul doute, le chômage a bien baissé depuis plusieurs années et a atteint un plancher d’environ 7 %. Cependant, on est encore loin d’un plein-emploi tel que le définissent des économistes, autour de 4 %. Désormais, la France est confrontée aux menaces de stagnation et à un début de remontée du chômage.

Comment inverser la dynamique actuelle et reprendre le chemin vers le plein-emploi ? Faut-il remettre en question la politique économique centrée sur la seule offre ? Il faut avoir en tête le constat majeur de la hausse importante de la part des profits dans les revenus depuis les « trente glorieuses », dans toutes les économies avancées, alors qu’en parallèle la croissance économique n’a cessé de fortement ralentir, voire de stagner, depuis plusieurs décennies, comme l’illustre à l’extrême le Japon.

En outre, il est démontré que la croissance de l’emploi est maximale pour une répartition de 2/3 pour les salaires et de 1/3 pour les profits, soit une part moyenne des profits plus limitée qu’actuellement. Il existe en effet une incitation à créer des emplois lorsque la part des profits est inférieure à 1/3, mais à en détruire dans le cas contraire. Cette observation est confirmée par l’analyse de dix-sept économies avancées sur les six dernières décennies. La politique de l’offre, prééminente sur cette période, ne fonctionne avec succès que si elle suscite un supplément de demande, autrement dit s’il y a une réaction en chaîne entre les accroissements de l’offre et de la demande, comme l’a théorisé, en 1972, l’économiste britannique Nicholas Kaldor (1908-1986).

Effort d’investissement

La France a suivi l’évolution générale avec une part du profit se hissant de 27 % à 36 % jusqu’à la crise financière de 2008. Contrairement à la plupart des autres économies développées, la part du profit a régressé ensuite pour revenir à une valeur proche de 33 %, soit la répartition « idéale » selon le modèle théorique que nous prônons. Cette meilleure répartition a sûrement favorisé la création d’emplois et la réduction du chômage durant ces dernières années.

Mais, derrière cette moyenne apparemment idéale, se cachent de grandes disparités entre les entreprises, grandes et petites. Celles du CAC 40 ont une part des profits très élevée, 44 % de la valeur ajoutée, tandis qu’elles détruisent des emplois. Au contraire, dans les PME [petites et moyennes entreprises] et les ETI [entreprises de taille intermédiaire], la part des profits est inférieure à la valeur optimale, et elles sont créatrices d’emplois. Il faut modifier cette déformation liée à la taille des entreprises, ce qui n’est pas simple a priori. Le plus efficace serait d’accroître les investissements d’avenir, ce qui permettrait la création d’emplois et à terme le rééquilibrage de la répartition. Pour cela, il faut réatteindre un taux d’investissement de 24 % du PIB, soit 2 points de plus qu’aujourd’hui, afin de retrouver une croissance moyenne, proche de celle de la France entre 1994 et 2008.

Il vous reste 49.29% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.