Archive dans octobre 2023

« Il ne peut y avoir de responsabilité sociale et environnementale digne de ce nom sans achats responsables »

Les achats responsables sont une dimension essentielle et de mieux en mieux reconnue de la performance sociale et environnementale des entreprises. A force d’externalisation, la part des achats dans le chiffre d’affaires a augmenté de façon considérable ces dernières années, jusqu’à en représenter de 70 à 80 % dans des secteurs comme l’aéronautique ou l’automobile, et 60 % en moyenne tous secteurs confondus.

De tels pourcentages ont conduit les dirigeants à prendre conscience du fait qu’il ne peut y avoir de responsabilité sociale et environnementale (RSE) digne de ce nom sans achats responsables.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés « Pour une politique d’achats réparatrice »

Il est révélateur de constater quel’étude 2023 sur les « Performances RSE des entreprises françaises et européennes – comparatif OCDE et BICS », réalisée par EcoVadis et le Médiateur des entreprises, propose pour la deuxième fois un point spécifique sur le thème des achats responsables, alors que les études antérieures restaient centrées sur l’environnement, la dimension sociale et l’éthique.

Les performances des pays nordiques

L’étude porte sur un important échantillon de 25 699 entreprises de l’Union européenne (UE), dont 13 % de plus de 1 000 salariés (les entreprises de moins de 25 salariés sont exclues de l’étude). Les trois pratiques d’achats responsables le plus souvent observées sont l’évaluation RSE régulière des fournisseurs et/ou le recours aux audits sur site (52 %), l’existence d’un code de conduite imposé aux fournisseurs (34 %) et l’insertion de clauses contractuelles RSE (25 %).

Les performances des pays nordiques ont justifié la création par les auteurs de l’étude d’une nouvelle catégorie géographique, « Nordics », dont il est particulièrement instructif d’observer les pratiques d’achats responsables. On peut, par exemple, noter le recours plus fréquent à la réalisation de cartographie des risques RSE (20 %, contre 14 % en France).

D’autres études ou baromètres comme ceux de l’Observatoire des achats responsables (Obsar) ou le Peak Collaborative Index montrent que l’intérêt des achats responsables est de mieux en mieux compris au sein des organisations.

Des marges de progrès

Dans les plus de 7 000 entreprises françaises évaluées par l’étude citée plus haut, le thème des achats responsables est évoqué par 48 % des répondants contre 45,5 % en 2018, un score supérieur à ceux observés en moyenne dans l’UE (44,9 %), dans l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE, 42,9 %) ou chez les BICS (Brésil-Inde-Chine-Afrique du sud, 33 % en 2022), mais inférieurs à ceux des autres thèmes (environnement, social, éthique).

Il vous reste 30% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Suède : les salariés de Tesla en grève pour défendre leurs salaires et leur modèle social

Un réprésentant du syndicat IF Metall devant un centre de services Tesla, à Segeltorp, en Suède, le 27 octobre 2023.

« Honte à toi Tesla, honte à toi ! » L’ancien premier ministre social-démocrate suédois Stefan Löfven n’est pourtant pas du genre à se laisser emporter par ses émotions. Mais l’également ancien leader du puissant syndicat IF Metall a vu rouge en apprenant que le géant américain refusait de signer les accords collectifs suédois.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés La Suède s’enfonce dans la déprime économique

Dans un message publié sur Facebook, dimanche 29 novembre, Stefan Löfven fait savoir qu’il boycotterait les taxis de la marque d’Elon Musk et il encourage ses concitoyens à suspendre leur achat d’une Tesla « jusqu’à ce qu’un accord soit signé ».

Depuis le 27 octobre, le syndicat a lancé un mouvement de grève chez sept concessionnaires Tesla en Suède, où sont employées 120 personnes. Si aucun accord n’est passé d’ici au 3 novembre, IF Metall menace d’élargir la grève aux garages de la marque dans une quinzaine de villes. Le syndicat Transport a, lui, fait savoir qu’il était prêt à bloquer tous les départs et arrivées des véhicules électriques dans quatre des plus grands ports de Suède à partir du 7 novembre, en solidarité avec les salariés de la compagnie.

Un mouvement exceptionnel

« Ce conflit porte sur les salaires, les pensions et les assurances de nos membres travaillant chez Tesla. Mais fondamentalement, il s’agit aussi de défendre l’ensemble du modèle suédois du marché du travail. En Suède, ce sont les syndicats et les employeurs qui conviennent des conditions de travail, dans le cadre des négociations sur les conventions collectives », rappelle Marie Nilsson, la présidente d’IF Metall.

Selon le syndicat, les discussions avec l’entreprise ont capoté le 24 octobre. Refusant de signer les accords de branche, les représentants de Tesla auraient fait savoir que le groupe « n’a d’accord collectif nulle part dans le monde » et que « c’est une décision qui doit être prise au plus haut niveau de la compagnie », a précisé Veli-Pekka Säikkälä, en charge des négociations sur les accords collectifs chez IF Metall.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Tesla, le trublion de l’automobile devenu la référence « hype »

Le mouvement est exceptionnel. Le dernier conflit au cours duquel syndicat métallurgique avait indemnisé ses membres en grève remonte à 2010. Il opposait IF Metall à une société de taille de pierre, qui refusait de signer les accords collectifs. A plusieurs occasions depuis, le syndicat a menacé d’arrêter le travail mais, à chaque fois, un compromis a été trouvé avant que la grève ne soit déclenchée.

Menacés par leurs chefs

Autre particularité : la compagnie américaine semble prête à aller à l’affrontement. Des salariés ont révélé qu’ils avaient été menacés par leurs chefs. Le journal suédois Dagens Arbetare a également démontré que Tesla prévoyait de casser le mouvement de grève en transférant des employés d’une concession à l’autre, à l’intérieur du pays, ce qui violerait l’accord de Saltjöbad, qui régule les relations entre partenaires sociaux depuis 1938.

Il vous reste 20% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

« Nous avons besoin de savoirs et de pratiques pour démonter la lourde technosphère qui pèse sur le devenir de la planète »

Dans une tribune au « Monde », à l’initiative du collectif Ecopolien – un « atelier d’écologie politique francilien » regroupant des membres de l’enseignement supérieur et de la recherche –, des universitaires répondent à l’appel pour un « projet Manhattan de la transition écologique » signé le 25 septembre par plusieurs de leurs collègues.

« Que sait-on du travail ? » : les usines du futur n’ont rien à envier à celles des « Temps modernes »

40 %. C’est l’ampleur de la chute des effectifs dans le secteur automobile français de 2004 à 2020. Soit 130 000 emplois perdus sur cette période qui coïncident avec un transfert de production par délocalisations successives en Europe de l’Est, en Espagne, au Portugal, en Turquie, au Maroc.

Dans le cadre du projet de médiation scientifique « Que sait-on du travail ?  » du Laboratoire interdisciplinaire d’évaluation des politiques publiques (Liepp), diffusé en collaboration avec les Presses de Sciences Po sur la chaîne Emploi du site Lemonde.fr, le sociologue du travail Juan Sebastian Carbonell démontre comment la mondialisation et la modernisation du secteur ont dégradé les conditions de travail : en renforçant le chantage à l’emploi et en introduisant le management par le stress.

En effet, les délocalisations se sont accompagnées de restructurations avec de nouveaux impératifs financiers. C’est alors que « le chantage au maintien de l’emploi en France est devenu un puissant levier entre les mains des constructeurs lorsqu’il s’agit de revoir à la baisse les conditions de travail », souligne le sociologue. Pour faire la chasse aux petites économies et aux gains de productivité, les entreprises ont opèré à de profonds changements dans les organisations de travail en introduisant le lean dans les usines.

Cette méthode de management inspirée du « Toyotisme » promet une production au plus juste de ce que demande le marché en évitant le gaspillage et en limitant les stocks grâce à l’adaptabilité des salariés en poste et au soutien des intérimaires. « Lorsque Toyota s’installe dans le nord de la France et monte en cadence la production de la Yaris en 2004, un ouvrier sur quatre est intérimaire ou en CDD », illustre M. Carbonell.

L’évolution législative a encadré le mouvement. Les « accords de compétitivité » en 2008, puis ceux du « maintien dans l’emploi » en 2013, ceux de « préservation ou de développement de l’emploi » en 2016, et enfin « de performance collective » en 2017 ont facilité l’extension du temps de travail parfois sans contrepartie ou presque.

Dans l’industrie automobile, ils ont ainsi donné naissance à l’overtime. Des demi-heures ou des heures supplémentaires annoncées parfois la veille, parfois le jour même pour absorber les variations de la demande, les pannes et les ruptures d’approvisionnement. Concrètement, ces changements n’ont pas apporté la zénitude promise aux salariés, mais des journées à rallonge, des horaires imprévisibles, une surveillance entre les ouvriers et une dynamique accusatoire.

Il vous reste 20% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

« Entre délocalisations, intensification et numérisation : travailler dans l’industrie automobile aujourd’hui »

[Comment les méthodes de travail du XXIe siècle ont introduit de nouvelles pénibilités. C’est ce que Juan Sebastian Carbonell, sociologue du travail et des relations professionnelles, démontre dans cet article. Postdoctorant au Groupe d’études et de recherche permanent sur l’industrie et les salariés de l’automobile (Gerpisa), à l’Ecole normale supérieure Paris-Saclay, et chercheur associé au laboratoire Institutions et dynamiques historiques de l’économie et de la société (IDHES), il mène des recherches sur le travail, la négociation collective et le changement technologique principalement dans l’industrie automobile française. Il est l’auteur du Futur du travail (Amsterdam, 2022).]

Deux images d’Epinal se font concurrence dès qu’il est question du travail dans l’industrie automobile aujourd’hui.

D’un côté, celle héritée des « trente glorieuses » et de récits militants, qui décrivent un travail saccadé sur une chaîne de montage sale et bruyante. On y verrait un travail parcellisé, monotone et abrutissant.

De l’autre, celle des discours modernisateurs, qui mettent l’accent sur les nouvelles technologies, où les robots auraient libéré les ouvriers des tâches les plus pénibles et rendu le travail plus intéressant et épanouissant.

On trouverait donc dans les usines moins d’ouvriers spécialisés et davantage de techniciens et de conducteurs d’installations automatisées, chargés de la maintenance et de la programmation des machines.

Qu’en est-il réellement ? Le travail industriel n’est-il donc plus pénible ? Si la réalité du travail dans l’industrie n’est plus tout à fait celle des Temps modernes, de Charlie Chaplin, ou de L’Etabli, de Robert Linhart, cela ne veut pas dire pour autant que les conditions de travail se sont améliorées. Au contraire, on peut affirmer que celles-ci se dégradent sous l’effet conjugué de trois phénomènes : les menaces de délocalisation et le chantage à l’emploi, l’introduction de méthodes de travail inspirées de la lean production [la production au plus juste], et les nouvelles technologies digitales.

Le déclin de l’industrie automobile française

Rappelons au préalable l’état de l’industrie automobile dans le pays. Celle-ci continue de jouer un rôle important dans l’économie nationale : avant la crise sanitaire, le secteur représentait 50 milliards d’euros d’exportation et générait 21,4 milliards d’euros de valeur ajoutée (Myriam Fogelman et Amine Didioui, « Transformations et défis de la filière automobile », 2022).

Cependant, elle connaît un déclin prononcé en matière de production et d’emplois depuis au moins quinze années en raison d’une « restructuration permanente » (Jacky Fayolle, « Restructurations d’hier et d’aujourd’hui. Les apports d’un séminaire », 2005 ; Cédric Lomba, La Restructuration permanente de la condition ouvrière. De Cockerill à ArcelorMittal, Le Croquant, 2018), c’est-à-dire une succession de plans de licenciements, de délocalisations et de restructurations. Sa dimension permanente se retrouve notamment dans le fait que la restructuration devient un acte récurrent et ordinaire dans la vie de l’entreprise, sans nécessairement répondre à une situation de crise.

Il vous reste 90% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Face à l’intensification du travail, les jeunes plongent dans un malaise profond : « Je m’enfonçais dans le travail, je n’avais plus de distance »

Lorsque Robin (certains prénoms ont été modifiés) se rend chez son médecin, courant 2022, il ne pense pas en ressortir avec un arrêt de travail. A seulement 27 ans, cette option ne semble même pas pouvoir traverser l’esprit de ce chef de projet dans une agence de création de sites Web. « J’avais poussé la porte de son cabinet pour avoir des somnifères, dans l’espoir de retrouver le sommeil et de continuer à fonctionner au boulot. » Mais le fait est qu’il ne peut plus continuer, l’alerte alors le professionnel de santé. Robin a été essoré par le surcroît de travail dans la start-up où il est salarié, qui connaît alors une croissance fulgurante, au point d’avoir vu ses effectifs tripler en quelques mois et son portefeuille clients s’étoffer plus encore.

Face à la pression mise sur son équipe, très jeune comme lui et peu accompagnée par des seniors, il a développé des symptômes d’anxiété professionnelle de plus en plus invalidants. Sans « les outils adéquats » et surtout « sans le temps nécessaire » pour répondre aux demandes grandissantes de clients au profil nouveau, il passe ses nuits à se repasser les difficultés éprouvées dans la journée, et se rend le matin au travail la boule au ventre. Avant son arrêt, il se surprend à fondre en larmes à plusieurs reprises après des rendez-vous clients. « Dans le bureau du médecin, j’ai mesuré que la situation avait vraiment dérapé », souffle Robin, qui a dû être arrêté durant un mois.

Etre contraints de se mettre sur pause dès le début de leur vie professionnelle : de nombreux jeunes diplômés y sont désormais confrontés. La santé au travail se dégrade ces dernières années, et en particulier pour les plus jeunes. Alors que le nombre d’arrêts-maladie atteignait un niveau record en 2022, comme le constataient deux études parues cet été, la progression la plus frappante concerne en effet les moins de 30 ans. Selon l’une d’elles, publiée par le cabinet de conseil WTW en août à propos du secteur privé, le taux d’absentéisme – un indicateur RH qui prend (notamment) en compte les arrêts-maladie, les accidents de travail, les absences injustifiées – dans cette tranche d’âge a augmenté de 32 % en quatre ans, avec un bond important chez les cadres.

Anxiété, dépression, épuisement

Si aucune de ces études ne détaille les motifs de ces absences, la Sécurité sociale note que les premières causes des arrêts longs prescrits en 2022 relevaient de troubles psychologiques, comme l’anxiété, la dépression ou l’épuisement. Et, en la matière, d’autres enquêtes concordent : les jeunes sont bien touchés de plein fouet par une dégradation. Chez les 18-34 ans, les arrêts liés à la souffrance au travail ont ainsi bondi de 9 %, en 2016, à 19 %, en 2022, selon un baromètre du groupe mutualiste Malakoff Humanis. La consommation de somnifères, d’anxiolytiques ou d’antidépresseurs par les salariés de moins de 30 ans a également doublé entre 2019 et 2022, précise cette étude.

Il vous reste 80% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

La côte basque, un eldorado pour jeunes cadres parisiens : « J’organise mes rendez-vous en fonction des marées, pour aller surfer »

A Guéthary (Pyrénées-Atlantiques), au sud de Biarritz, le 28 septembre 2023.

Une rumeur a traversé l’Atlantique. Il existerait, en France, un endroit où succès professionnel et épanouissement personnel sont conciliables. Un écrin ensoleillé à la beauté brute, riche en espaces de coworking et en sites de surf. Son nom ? Biarritz (Pyrénées-Atlantiques). Son sobriquet ? « La Californie française », d’après les termes employés par un article du New York Times. On y apprend que cet ancien lieu de villégiature pour retraités bourgeois a été transformé depuis, grâce à l’arrivée de « jeunes Parisiens branchés », « aux avant-postes de la bohème ».

Corps sculptés, bars branchés, océan à proximité… La commune nichée dans le creux du golfe de Gascogne a des airs de Silicon Valley. « On y retrouve la même proximité avec la nature, le même cosmopolitisme aussi, à l’échelle de l’Hexagone. A Biarritz, on vient tous des quatre coins de la France, et on a tous immigré pour la même raison : la quête d’une meilleure qualité de vie, aux antipodes des mégalopoles, qui ne séduisent plus la jeune génération. Tous mes amis sont arrivés ici au cours des six dernières années », résume Julien Motte, 30 ans. Originaire de Lille, ce diplômé de l’Edhec a fait l’essentiel de sa carrière à San Francisco avant de s’implanter dans la cité balnéaire des Pyrénées-Atlantiques en 2021, alors que le siège social de sa start-up de la green tech est domicilié à Lille : « Toute l’équipe est en full remote [travailler sans jamais venir dans les locaux de l’entreprise]. Sur cinq, nous sommes trois à avoir fait le choix de Biarritz. Ici, j’organise mes rendez-vous en fonction des marées, pour aller surfer. Ça me force à avoir une vie équilibrée. »

Le trentenaire loue des bureaux au Connecteur, un nouvel espace de coworking de 500 m2, idéalement situé entre le centre-ville, la gare et l’aéroport, et disposant de tout le confort : bureaux avec vue sur la mer ou la montagne, terrasses, cafétéria, salle de sport, et même un rack pour ranger les planches de surf.

« Notre public est plutôt féminin, avec une surreprésentation de la tranche d’âge 30-40 ans. C’est la génération à l’aise avec l’hybridation du travail », analyse Thibault Saint-Georges-Chaumet, directeur général délégué du Connecteur. Le site héberge 165 entreprises. Si seules 20 % sont domiciliées à Paris – la plupart sont issues du Grand Sud-Ouest –, le bâtiment véhicule beaucoup de fantasmes. « On le taxe de nouveau temple pour bobos parisiens. Nous devons faire un travail d’humilité pour être mieux compris par la population », reconnaît M. Saint-Georges-Chaumet.

Il vous reste 75% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Premier bilan mitigé de l’impact de la dégressivité des allocations-chômage sur le retour à l’emploi

L’Unédic a dressé, le 19 octobre, un premier bilan de la réforme controversée de la dégressivité des allocations-chômage, qui concerne potentiellement 90 000 personnes, soit moins de 3 % des chômeurs indemnisés. Pour ce faire, à la mi-2023, l’organisme paritaire a sollicité en ligne 45 000 chômeurs qui avaient vu leur allocation baisser de 720 euros par mois en moyenne. 10 608 personnes ont répondu à l’enquête qui cherchait à mesurer l’impact sur le retour à l’emploi.

Entrée en vigueur en 2021 durant le premier quinquennat d’Emmanuel Macron, cette réforme introduite par un décret de 2019 suspendu par la crise sanitaire a imposé une baisse de l’allocation à partir du neuvième mois, pouvant aller jusqu’à 30 % du montant pour les demandeurs d’emploi âgés de moins de 57 ans et gagnant plus de 4 500 euros brut par mois. Les bénéficiaires sont principalement des hommes très diplômés (bac + 5 et plus), cadres, âgés de plus de 45 ans percevant en moyenne un salaire brut mensuel de 4 850 euros.

« Le taux de retour à l’emploi des allocataires soumis à la dégressivité est plus faible que celui des autres allocataires », explique l’Unédic. Toutefois, 10 % à 15 % des répondants à l’enquête reconnaissent qu’ils ont accéléré leur recherche à la suite de cette mesure. 10 % affirment même qu’ils n’auraient pas pris l’emploi qu’ils occupent sans dégressivité. Les répondants déclarent être prêts à des concessions sur le type de contrat ou les missions, éventuellement le salaire (40 %), mais moins sur la qualification de l’emploi (le quart) et leur disponibilité pour leur famille (le tiers).

Les syndicats de salariés critiques sur la réforme

Un quart des répondants dit avoir repris un emploi salarié et un tiers avoir créé une entreprise. 15 % de ceux qui envisageaient de créer leur entreprise disent que, sans la dégressivité, ils auraient pris plus de temps pour monter leur projet. Mais les deux tiers évoquent des difficultés financières après la réduction de leur allocation et ressentent un « sentiment d’injustice au regard des années travaillées ».

Antoine Foucher, directeur de cabinet de la ministre du travail à l’époque de la réforme, voit dans ces chiffres « certes pas massifs, mais tout de même significatifs », la preuve que la dégressivité sert d’aiguillon. « A ce niveau de revenu, le chômage est quasi inexistant. Pourtant, ces cadres supérieurs mettaient bien plus de temps à retrouver un job que les chômeurs moins qualifiés. Cela tient au fait qu’ils perçoivent des allocations mensuelles élevées, souvent supérieures à 3 000 euros, et disposent d’un peu d’épargne. Il y a une corrélation entre la durée de la période d’indemnisation du chômage, le montant des allocations et le temps mis à retrouver un emploi. »

Il vous reste 30% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Après un MBA financé par leur entreprise, les cadres parfois tentés « d’aller voir ailleurs »

Un Executive MBA à l’Insead peut coûter plus de 136 500 euros. Un quart des cadres qui suivent un EMBA dans cette école bénéficient du financement intégral de leur formation par leur employeur.

Il existe des cadeaux qui coûtent cher, très cher, et que les entreprises font à leurs cadres prometteurs. Il s’agit des Executive Master of Business Administration, soit les EMBA, une formation continue qui court généralement sur deux années, et que les compagnies financent partiellement, voire intégralement – c’est le cas pour 57 % des diplômés de la promotion 2023 d’HEC, pour près de 25 % pour ceux de l’Insead. Une prise de risque pour les employeurs puisque le coût de la formation s’élève de 55 000 euros (à l’Edhec) à plus de 136 500 euros (à l’Insead) et qu’à l’issue de la formation les salariés, nouveaux diplômés, peuvent avoir une envie d’ailleurs et faire valoir les compétences acquises auprès de la concurrence.

Courtier en assurances, Romain Laniepce, 34 ans, diplômé de l’Ecole supérieure d’assurances, est ambitieux. Il intègre la société de courtage en assurances Diot-Siaci en 2019 au poste de directeur de clientèle. « On me fixe alors des objectifs raisonnables et j’ai surperformé », explique-t-il. Dès la fin de sa formation initiale, le jeune homme a souhaité intégrer un EMBA. « Je savais que cela donnerait un nouvel élan à ma carrière. J’avais besoin d’acquérir de nouvelles connaissances en matière de management et de stratégie, pour me positionner dans le groupe dans un rôle managérial. » Ses performances ouvrent une fenêtre idéale pour convaincre sa direction de parier sur lui ; elle décide de l’accompagner et lui finance un EMBA à l’Edhec, que le courtier suivra en 2022 et 2023.

Le parcours de Romain Laniepce n’est pas rare. « Lorsque les entreprises identifient des talents particuliers en leur sein, l’EMBA est une passerelle pour accéder au stade supérieur dans la société », observe Perrine de Ménonville, 37 ans, responsable grands comptes chez le spécialiste du recrutement PageGroup et également élève de l’EMBA d’HEC Paris. « On y intègre des compétences comportementales, une intelligence émotionnelle, une maîtrise de soi et la gestion des relations humaines au sein de l’entreprise », liste la chasseuse de têtes.

Sortir de son domaine de compétence

Chaque élève peut y trouver le complément à sa formation initiale. Fabien Zubowicz, 44 ans, initialement ingénieur généraliste formé à l’Eigsi de La Rochelle, et directeur des opérations du constructeur naval Nautitech, maîtrise les aspects techniques et technologiques de son métier. « Mais, pour gérer l’entreprise, j’ai besoin d’autres compétences : la stratégie, la finance, le marketing, l’innovation », expose-t-il. Son entreprise a financé l’intégralité de son EMBA au sein de l’Edhec.

Il vous reste 65% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

« L’Est républicain » et « Vosges Matin » testent ChatGPT pour la correction d’articles

Les quotidiens L’Est républicain et Vosges Matin vont expérimenter l’usage de ChatGPT « dans le cadre strict de relecture et de corrections de contenus proposés par nos correspondants locaux de presse », a annoncé leur propriétaire, le groupe EBRA, mercredi 25 octobre. C’est la première fois qu’un groupe de presse français fait savoir qu’il recourt à l’intelligence artificielle (IA) générative pour le travail usuel de sa rédaction.

Les modalités doivent être précisées, jeudi, aux représentants du personnel lors d’un comité social et économique, pour une mise en œuvre dans les semaines suivant sa consultation. Il n’y aura pas d’impact sur les emplois, assure la direction.

« L’arrivée de l’IA générative dans les rédactions est inévitable et notre objectif est de l’anticiper en testant les outils à disposition dans nos process de traitement de l’information », explique Christophe Mahieu, directeur général des deux publications.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Les médias s’essaient prudemment à l’intelligence artificielle

« Tester simplement les “fonctions bureautiques” »

« A l’image des outils de correction orthographique utilisés depuis des années par les journalistes de nos rédactions, il s’agit donc là de tester simplement les “fonctions bureautiques” de cet outil d’IA » qu’est le robot conversationnel ChatGPT, développé par la société américaine OpenAI, ajoute-t-il, dans une déclaration à l’Agence France-Presse.

Dans un communiqué, le Syndicat national des journalistes (SNJ) a affirmé qu’il « ne laissera pas les clés de l’information aux ordinateurs ». « Les chartes relevant de la déontologie et de l’éthique journalistiques ne sont pas désuètes. Elles doivent s’imposer à l’IA, c’est non négociable », martèle-t-il.

La direction de L’Est républicain et de Vosges Matin précise que « le choix, la hiérarchie de l’information, la première et la dernière relecture ainsi que la validation finale pour publication resteront de la responsabilité des journalistes de notre rédaction ». Et, « bien évidemment, le journaliste secrétaire de rédaction [qui met en page les articles] pourra également modifier ce contenu corrigé si cela lui semble nécessaire et pertinent ». La durée de l’expérimentation dépendra des résultats obtenus.

Le groupe EBRA, détenu par Crédit mutuel, est le premier groupe de presse quotidienne régionale, avec neuf titres, dont L’Alsace, Les DNA, Le Progrès, couvrant vingt-trois départements de l’est de la France.

Le Monde avec AFP