Archive dans octobre 2023

Affaibli, Casino poursuit sa restructuration financière

Un hypermarché Casino, à Villefranche-sur-Saône (Rhône), le 28 avril 2023.

Pas à pas, comme un client poussant résolument son chariot de rayon en rayon vers les caisses, le groupe Casino suit le long chemin des entreprises en difficulté. Nouvelle étape de ce parcours semé d’embûches, le distributeur a annoncé, mercredi 25 octobre, l’ouverture d’une procédure de sauvegarde accélérée. « La procédure de sauvegarde accélérée concerne uniquement la dette financière (…) et n’aura aucune incidence sur les relations du groupe avec ses partenaires opérationnels (en particulier ses fournisseurs et ses franchisés) ou ses salariés », précise Casino.

C’est dans ce cadre juridique que les créanciers du groupe seront appelés à voter sur le plan de restructuration négocié de haute lutte. Ce plan prévoit la conversion de 4,9 milliards d’euros de dette en capital ; en parallèle, le consortium réunissant les hommes d’affaires Daniel Kretinsky, Marc Ladreit de Lacharrière et le fonds britannique Attestor prendra le contrôle de Casino après avoir injecté 925 millions d’euros à son capital. Les administrateurs judiciaires Aurélia Perdereau, Helène Bourbouloux et Frédéric Abitbol auront deux mois, quatre au maximum, pour piloter cette sauvegarde.

Fragilisé par la hausse des taux et de mauvais résultats commerciaux, Casino était entré en procédure de conciliation le 25 mai. Les négociations menées sous l’égide des conciliateurs Aurélia Perdereau et Marc Sénéchal ainsi que du comité interministériel de restructuration industrielle avaient permis dans un premier temps de signer un accord de principe, le 27 juillet, entre Casino, les repreneurs et les créanciers bénéficiant de garanties. A la rentrée, les négociations s’étaient poursuivies avec les créanciers non sécurisés, ceux ne bénéficiant pas de sûretés, très pénalisés par le plan de restructuration.

8 milliards d’euros de dettes

Les créanciers ont eu ensuite jusqu’au 17 octobre pour adhérer à un accord dit de « lock-up », dans lequel ils s’engageaient à voter en faveur du plan de restructuration, en échange d’une commission d’adhésion et du droit de souscrire à une augmentation de capital. De quoi s’assurer par avance que le scrutin sera globalement favorable.

Le tribunal de commerce va, en effet, organiser des votes par classe d’actifs, c’est-à-dire en fonction du type de créance détenue, obligation, titre subordonné ou facilité de crédit. Mais, grâce au nouveau régime des faillites, le juge aura ensuite la possibilité de mélanger les résultats pour franchir le seuil des deux tiers nécessaire pour valider l’approbation.

Il vous reste 50.27% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Les salariés de Ford obtiennent une augmentation de 25 % sur quatre ans au bout de six semaines de grève

Un syndicaliste de United Auto Workers enlève les panneaux appelant à la grève du site de l’usine d’assemblage Ford de Wayne (Michigan), le 25 octobre 2023.

La grève touche sans doute à sa fin à Detroit (Michigan). Le syndicat United Auto Workers (UAW) a indiqué, mercredi 25 octobre, dans la soirée, être parvenu à un accord de principe avec Ford, après six semaines de grève, tandis que les négociations se poursuivent avec Stellantis et General Motors (GM).

L’accord doit être à présent ratifié par les 47 000 syndiqués de Ford. Il prévoit une augmentation salariale de 25 % sur quatre ans, dont un bond de 11 % la première année. Au bout de quatre ans, le salaire horaire maximal serait de 40 dollars (37,90 euros), en hausse d’un tiers, selon le négociateur d’UAW pour Ford, Chuck Browning, tandis que le salaire minimal va augmenter de 68 %, pour atteindre 28 dollars. Désormais, il ne faudra plus que trois ans, contre huit actuellement, pour avoir le salaire plein – des salaires différenciés ont été introduits après la faillite de Detroit, en 2009. Les retraites sont améliorées, tandis que les salariés auront droit de faire grève en cas de fermeture d’usine, ce qui est une première.

Le président Joe Biden, qui avait pris fait et cause pour le syndicat en se déplaçant sur un piquet de grève fin septembre, a immédiatement salué la nouvelle. « Cet accord de principe offre une augmentation record aux travailleurs de l’automobile qui ont tant sacrifié pour garantir que nos trois grandes entreprises emblématiques puissent toujours dominer le monde en matière de qualité et d’innovation », se réjouit le président dans un communiqué.

M. Biden, qui se présente comme le président le plus prosyndicat que le pays ait connu, a répété son credo : « J’ai toujours cru que la classe moyenne avait construit l’Amérique et que les syndicats avaient construit la classe moyenne… Le pouvoir des travailleurs est essentiel à la construction d’une économie à partir de la base, plutôt que du haut vers le bas. »

« Nous renversons la tendance »

L’accord est une victoire manifeste pour le patron du syndicat UAW, Shawn Fain, dont le mouvement était populaire aux Etats-Unis et profitait du mécontentement face à une inflation qui a atteint 17 % depuis l’arrivée de Joe Biden à la Maison Blanche. « Ensemble, nous renversons la tendance pour la classe ouvrière de ce pays », a estimé M. Fain.

Lire aussi le reportage : Article réservé à nos abonnés Grève automobile aux Etats-Unis : « Tout augmente, sauf notre fiche de paie »

Cet ancien électricien de Chrysler, élu au printemps à 54 ans, incarne l’aile gauche du syndicat, après que la précédente direction a été condamnée pour corruption en 2020 et jugée trop conciliante avec le patronat. La nouvelle stratégie agressive portée par M. Fain était fondée sur la dénonciation des superprofits engrangés depuis le Covid par Ford, Stellantis et GM. Le bénéfice opérationnel mondial cumulé des trois constructeurs de Detroit s’est envolé de 4,8 milliards de dollars, en 2020, à 29,4 milliards de dollars en 2021 et à 37,2 milliards de dollars en 2022.

Il vous reste 54.81% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Télétravail : vers la fin de l’« open bar »

« Je ne vois pas comment c’est possible », peste un salarié de Publicis sur le compte Instagram de #balancetonagency, après l’annonce par son employeur, le 12 octobre, du retour obligatoire au bureau. « Il est déjà actuellement compliqué de trouver une place (bureau flex) ou de s’isoler pour une réunion. Pourtant nous devrons tous être sur place le lundi. » Le groupe publicitaire a décidé qu’à partir du 1er janvier 2024 il ne serait plus question de télétravailler plus de deux jours par semaine et jamais le lundi. Pour Publicis, qui s’était fait le chantre du travail à distance, ce mode d’organisation hybride serait désormais associé à la baisse de productivité.

Et Publicis n’est pas un cas isolé. « Partout, on renégocie les accords, explique Benoît Serre, vice-président de l’Association nationale des DRH (ANDRH). Les dirigeants commencent à mesurer les conséquences structurelles du télétravail. La perte de productivité collective avec des salariés qui se croisent mais ne se voient plus. Ils comprennent que ce mode d’organisation perturbe énormément le management. Ils n’ont plus que 15 % à 20 % de l’effectif le vendredi. Ils ont parfois l’impression qu’on est passé à la semaine de quatre jours sans le dire. Et partout où l’on renégocie, que ce soit chez Safran, L’Oréal, ou Bouygues, ça râle. »

Les employeurs français souhaiteraient limiter le télétravail à 0,7 jour en moyenne par semaine, révèle l’étude internationale « EY Work Reimagined », publiée jeudi 26 octobre. Tandis que les salariés aspirent soit à la stabilité, soit à plus de télétravail : 78 % sont satisfaits de leur rythme actuel, d’après la dernière note de l’Insee sur le sujet, et dans le secteur tertiaire plus d’un Français sur trois préférerait télétravailler quatre jours sur cinq, selon l’étude d’EY. Dans les vingt pays suivis depuis 2020 par le cabinet de conseil, les employeurs français sont « les plus frileux face au télétravail ». Le retour au bureau va-t-il s’imposer en France ?

Cohésion d’équipe

Les Etats-Unis sont les premiers à avoir connu une telle vogue. Zoom, Apple, Google, Meta, Amazon, Tesla, les grandes entreprises américaines qui avaient adopté le 100 % télétravail y ont renoncé dès 2022 pour faire revenir leurs salariés au moins deux ou trois jours par semaine, voire plus. Chez Tesla, c’était quarante heures par semaine au bureau ou la démission, dixit le PDG Elon Musk, au nom de la productivité. Même motif que chez Publicis. La cohésion d’équipe a également été convoquée pour justifier ce rappel des salariés. « Il est plus facile de construire une relation de confiance en présentiel », a expliqué Mark Zuckerberg, fondateur et DG de Meta, dans un courriel adressé à ses effectifs, en mars 2023.

Il vous reste 60.38% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

« L’intensification du travail, longtemps niée, est à présent posée comme inéluctable »

Bien des débats actuels dans les domaines du travail et de l’emploi sont à relier, selon nous, à une fragilisation des usages du temps dans la vie professionnelle. Un « modèle de la hâte » marque l’évolution du travail dans les pays industrialisés depuis une trentaine d’années, avec ses traits bien décrits par les enquêtes statistiques et les chercheurs de plusieurs disciplines : raccourcissement des délais, cumul de contraintes de temps plus ou moins (in)compatibles entre elles, tâches imprévues, horaires plus dispersés, accélération des changements et des mobilités.

Dans les décisions en entreprise ou les politiques publiques, ce modèle est souvent tenu pour intouchable. En témoigne la rareté des débats à ce propos. L’intensification du travail, longtemps niée, est à présent posée comme inéluctable : ainsi va la compétition économique ou, dans l’administration, l’usage « rationalisé » des deniers publics.

Pourtant, si on s’intéresse par exemple aux difficultés de recrutement et de fidélisation, on se confronte aussitôt aux conditions temporelles de l’accueil et de la transmission des savoirs professionnels. On peut penser à cette aide-soignante, peu désireuse d’encadrer une nouvelle collègue, parce qu’elle-même manque de temps pour cela et parce qu’elle hésite sur ce qu’il faut lui montrer : comment faire une « belle toilette » au patient, ou bien comment se montrer expéditive ?

Mal-être des encadrants

Si l’on veut mieux comprendre l’impopularité d’un recul de l’âge de la retraite, il faut avoir à l’esprit que la répétition des urgences, dans le travail lui-même ou dans ses transformations, est davantage problématique quand l’âge avance, parce qu’elle compromet la mise en œuvre des ressources de l’expérience. C’est pour cela que bien des assistantes de direction, par exemple, jugent ce métier éprouvant à la cinquantaine passée, et tentent d’accéder à une fonction plus calme –, mais au prix d’un moindre intérêt au travail. Autant de raisons de ne pas vouloir prolonger sa vie professionnelle…

Si l’on se préoccupe des signes de mal-être chez des encadrants, on doit prêter attention à la contradiction qu’il leur faut gérer entre, d’une part, une batterie de plus en plus rigoureuse d’indicateurs de performance et, d’autre part, une responsabilité accrue quant à la qualité de vie au travail de leurs équipes. Ce qui aboutit entre autres, pour des responsables de service administratif, à « laisser leur porte ouverte », afin d’être approchés à tout moment par les subordonnés, mais aussi, et en conséquence, à étendre leurs horaires pour s’isoler et traiter des dossiers épineux, tôt le matin et/ou tard le soir.

Il vous reste 59.99% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Le nombre de demandeurs d’emploi en hausse de 0,6 % au troisième trimestre

La hausse était attendue, elle se confirme. A peine les députés et sénateurs, réunis en commission mixte paritaire, lundi 23 octobre, ont-ils trouvé un compromis sur le projet de loi « pour le plein-emploi », censé permettre au gouvernement d’atteindre son objectif d’un taux de chômage de 5 % – contre 7,1 % actuellement – que les chiffres communiqués, mercredi 25 octobre, par la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares), rattachée au ministère du travail, et Pôle emploi, montrent une augmentation du nombre de demandeurs d’emploi au troisième trimestre.

Ainsi le nombre de personnes inscrites à Pôle emploi sans aucune activité (catégorie A) connaît une hausse de 0,6 %, avec 3,028 millions de personnes sur l’ensemble du territoire (outre-mer compris, sauf Mayotte) contre 3,011 millions au deuxième trimestre. En comparant sur un an, la tendance est plus favorable, avec une baisse de 3,8 % des effectifs lors des douze derniers mois.

La hausse est toutefois moins marquée si l’on ajoute les demandeurs d’emploi en activité réduite (catégories B et C). Si le nombre d’inscrits en France métropolitaine en catégorie B – ceux qui ont travaillé moins de soixante-dix-huit heures sur un mois – est en forte croissance (+ 3,1 %), ceux qui ont travaillé plus de soixante-dix-huit heures (catégorie C), font le sens inverse (– 2,3 %). Des données qui laissent supposer un transfert entre catégories, « difficilement explicable », selon le professeur d’économie à Neoma Business school, Gilbert Cette. Si l’on prend l’ensemble des personnes tenues de rechercher un emploi, l’opérateur public recense 5,3 millions de personnes inscrites en France (outre-mer compris, hors Mayotte).

Hausse des moins de 25 ans sans emploi

Les dynamiques sont différentes selon les tranches d’âge. La mauvaise nouvelle concerne les jeunes de moins de 25 ans sans emploi, qui voient leur nombre augmenter de 2 % par rapport au second trimestre et de 3,2 % sur un an. Une confirmation que les effets de la réforme de l’apprentissage sont bel et bien terminés. A contrario, le nombre de personnes âgées de 50 ans ou plus inscrites à Pôle emploi en catégorie A continue de baisser, de l’ordre de l’épaisseur du trait au troisième trimestre (– 0,1 %), mais de manière bien plus importante sur les douze derniers mois (– 6,5 %). « La grande question est désormais de savoir si cette hausse attendue depuis des mois anticipe une suite plus violente dans les prochains mois », estime Gilbert Cette.

Il vous reste 23.64% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

« Le Soin des choses », de Jérôme Denis et David Pontille : Attention fragile !

« Tout comme [Giovanni] Morelli, [Sherlock] Holmes et [Sigmund] Freud, les personnes chargées de la maintenance prêtent attention à ce qui est habituellement négligé afin de trouver dans la matière des signes révélateurs », écrivent Jérôme Denis, professeur de sociologie à Mines Paris-PSL, et David Pointille, directeur de recherche au CNRS, dans Le Soin des choses. Politiques de la maintenance (La Découverte, « Terrains philosophiques », 2022).

Ce vaste essai est une invitation au voyage et à la réflexion sur le rôle essentiel de la maintenance dans notre quotidien, dans les entreprises, comme dans les politiques publiques.

L’ouvrage commence comme un roman, par une journée banale décrite à travers ses dysfonctionnements minuscules et ses traces d’usure ordinaires, un robinet qui goutte, un enchevêtrement de câbles rafistolés, un vélo en révision, etc.

Les auteurs, tous deux rattachés au centre de sociologie de l’innovation de Mines Paris-PSL, donnent une large place aux récits, comme « source de connaissance sur le monde », avec l’ambition de changer le regard sur les relations qu’entretiennent les humains avec les choses et dévoiler ainsi « la portée politique des activités de maintenance ».

En prenant l’usure des choses comme point de départ, des panneaux émaillés de la RATP à l’horloge du Panthéon en passant par un pont de Philadelphie, ils démontrent que se préoccuper de ce qui ne fait pas événement force à observer le monde avec plus d’attention pour y lire tout ce qui se joue dans une relation, dont le rapport au temps. La maintenance, au-delà de l’entretien, met en exergue les ruptures indésirables pour la continuité de l’activité et pour le progrès durable.

« Le Soin des choses. Politiques de la maintenance », de David Pontille et Jérôme Denis, La Découverte, « Terrains philosophiques », 376 p., 23 €.

« Le Soin des choses. Politiques de la maintenance », de David Pontille et Jérôme Denis, La Découverte, « Terrains philosophiques », 376 pages, 23 euros.

Prix Penser le travail : la dégradation de la qualité du travail à la loupe

L’importance de l’environnement de travail, la singularité des métiers, la réhabilitation du geste, c’est ce que nous racontent les trois ouvrages nommés au prix Penser le travail : Le Deuxième Corps, de Karen Messing (Ecosociété), Le Travail pressé, de Corinne Gaudart et Serge Volkoff (Les Petits Matins) et Le Soin des choses (La Découverte), de David Pontille et Jérôme Denis.

D’une certaine manière, l’édition 2023 du prix de l’ouvrage management de l’année cofondé par Sciences Po et Le Monde célèbre la complexité du monde du travail et l’importance qu’il y a à l’observer de près pour en préserver la qualité. A quoi servirait de travailler toujours plus vite et toujours plus intensément si c’est au détriment de la qualité du travail et de la santé de ceux qui le font ?

Les étudiants en management de Sciences Po qui ont passé leur année de master à débattre de l’ensemble des ouvrages publiés en 2022 dans leur spécialité l’ont bien compris en présélectionnant ces trois finalistes sur quelque quatre-vingts ouvrages. L’approche clinique du travail commune aux trois nommés met en exergue les points de rupture et la dégradation des conditions du travail à l’œuvre dès leur apparition.

Qu’ils soient ergonomes, sociologues ou biologistes, les auteurs nous invitent à les suivre dans leurs enquêtes de terrain dans le BTP, la banque, les musées, les commerces, auprès des infirmières, des enseignants, des ingénieurs, etc. pour voir émerger les sources des inégalités femmes-hommes, les mécanismes de l’accélération du travail, et le rôle de la maintenance dans la préservation de la qualité du travail.

L’inadaptation des équipements

Dans son essai, la bio-généticienne canadienne Karen Messing, professeure émérite à l’université du Québec, aborde la question de la santé au travail par le genre. Elle part des inégalités constatées en situation de travail pour chercher la façon la plus efficace d’améliorer la prise en compte de la santé des femmes. Elle développe l’inadaptation des équipements professionnels au corps des femmes. Elle pointe que les exigences physiques du travail des femmes sont souvent invisibilisées, contrairement à celles des tâches typiquement masculines, et démontre en quoi « l’occultation des différences biologiques liées au sexe peut exacerber les inégalités et nuire à la santé des femmes ».

Elle compare les conditions quotidiennes du travail des femmes à celles de leurs collègues masculins dans différents milieux professionnels sur plusieurs décennies, et démontre ainsi la nécessité d’adapter les environnements à la diversité des corps, le milieu du travail ayant été pensé pour le corps des hommes.

Il vous reste 54.92% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

« Le durcissement du droit de la RSE oblige les sociétés à être vraiment des entreprises citoyennes »

Le droit semble enfin passer de l’incitation à la contrainte pour obliger les entreprises à prendre fait et cause pour la protection de l’environnement. Il était temps car le nombre d’engagements volontaire (« say on climate ») au sein des sociétés cotées a régressé en 2023.

En préconisant une simple « présentation » de la stratégie climatique aux assemblées générales d’actionnaires, le code AFEP-Medef semble bien timoré. La loi sur l’industrie verte du 25 octobre 2023 a finalement renoncé à imposer un vote, même consultatif, de l’assemblée générale des actionnaires sur la stratégie climatique (« say on climate »).

Enfin, les enjeux de la RSE ne sont guère évoqués par les membres du conseil d’administration au sein des sociétés cotées. Selon une étude de 2021, 49 % d’entre eux disent que le réchauffement climatique n’est pas (ou n’est qu’à la marge) intégré dans les décisions d’investissement de leur entreprise – il n’y est complètement intégré que pour 11 % d’entre eux (« Changing the Climate in the Boardroom », rapport de Heidrick & Struggles et de l’Insead, décembre 2021).

La Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD) du 14 décembre 2022, qui doit être transposée en droit français d’ici au 9 décembre 2023 et qui entrera en vigueur en 2024, a pour but d’améliorer la qualité de l’information relative aux droits environnementaux, aux droits sociaux et aux droits de l’homme au sein des entreprises et de toutes les parties prenantes.

Un risque de sanctions judiciaires ou administratives

Cette directive impose la publication de ces informations dans une section spécifique des rapports de gestion des sociétés cotées ou de taille importante, ainsi que leur certification par un organisme tiers indépendant, commissaires aux comptes ou prestataires de services. L’objectif principal est d’harmoniser le reporting de durabilité des entreprises et d’améliorer la disponibilité et la qualité des critères environnement, social et de gouvernance (ESG) .

Jusqu’à présent ces informations semblaient davantage destinées à instiller la confiance qu’à garantir la transparence de leur origine. Mais, à l’avenir, ne pas ou mal communiquer sur la durabilité sera, sans doute, prendre le risque de sanctions judiciaires, administratives ou disciplinaires, voire de pertes financières.

L’hypothèse même de pouvoir infliger ces sanctions, alors que l’on a longtemps cru que la sanction médiatique serait la plus idoine, démontre un changement de cap dans le sens d’un durcissement d’un droit jusqu’ici « souple ». Les sanctions ne sont cependant pas précisées dans la version finale de la directive CSRD ; elles seront définies par chaque Etat membre.

Il vous reste 55.79% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Le CESE alerte l’exécutif sur les inégalités, le pouvoir d’achat et l’écoanxiété

La première ministre, Elisabeth Borne, au Conseil économique, social et environnemental, à Paris, le 16 octobre 2023.

Dix jours après la conférence sociale qui s’est déroulée dans son Hémicycle, Palais d’Iéna, à Paris, le Conseil économique, social et environnemental (CESE) se fait à nouveau une place dans l’actualité. L’institution vote, mercredi 25 octobre, pour adopter son Rapport annuel sur l’état de la France, dont une copie sera envoyée à l’Elysée et à Matignon.

Dans un contexte morose marqué par deux ans d’inflation, les effets du dérèglement climatique, une crise sociale inédite lors de la réforme des retraites ou encore les émeutes qui ont secoué le pays en juillet après la mort du jeune Nahel, le CESE dresse un diagnostic des préoccupations des Français. Il alerte le gouvernement sur trois sujets majeurs : la perception des inégalités, le pouvoir d’achat et l’écoanxiété. Trois problématiques liées entre elles et qui demandent « une réponse globale », estime le rapport, auquel Le Monde a eu accès.

C’est un état des lieux de la société bienvenu alors que la première ministre, Elisabeth Borne, doit présenter, jeudi 26 octobre, les réponses du gouvernement aux émeutes. Ces annonces de l’exécutif, qui devaient avoir lieu au début du mois mais ont finalement été repoussées, s’orientent vers des dispositions exclusivement régaliennes et sécuritaires. Matignon a déjà indiqué sa volonté de dévoiler des mesures pour « réaffirmer l’ordre républicain », en faveur du « rétablissement de l’autorité pénale » ou « sur la responsabilité pénale et la justice des mineurs ». Face à ce programme qui devrait faire la part belle à la fermeté, le CESE appelle, lui, à une réponse « coordonnée, ambitieuse et adaptée aux spécificités de chaque territoire ».

Pour établir son diagnostic, l’institution s’est appuyée sur trois volets croisés. Des données issues d’indicateurs de richesse, des expertises de terrain et le ressenti de la population à partir d’un sondage Ipsos, basé sur un échantillon de 1 256 personnes, réalisé en septembre. « Une bonne politique publique ne peut se trouver qu’au croisement de ces trois paramètres », assure le président du CESE, Thierry Beaudet. « Nos travaux présentent une vision inédite – où tout est imbriqué –, et la plus complète possible pour forcer les pouvoirs publics à agir », ajoute l’autrice du rapport, Marianne Tordeux-Bitker.

Mieux lutter contre les discriminations à l’emploi

Le CESE souligne un impératif : « Agir pour une transition [écologique] juste, en luttant contre les inégalités et en garantissant les mêmes droits, opportunités et libertés à toutes et à tous. » Car les Français ont une perception aiguë des inégalités et de leurs conséquences sur l’accès à l’emploi, à l’éducation, à la santé ou encore aux services publics. Ainsi, selon l’enquête Ipsos citée dans le rapport, 67 % des personnes interrogées estiment que les inégalités liées au lieu de résidence sont importantes, suivies de près par celles liées à l’origine géographique ou culturelle (63 %), à la couleur de peau (62 %) et au genre (60 %).

Il vous reste 57.73% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Le discounteur Action, rouleau compresseur des prix… et des salariés

Un magasin Action, à Rouen, en décembre 2022.

Des photos d’employés respirant le bonheur, sourire aux lèvres en caisse et dans les rayons, sous lesquelles un « Travaille dans ton magasin préféré » s’étale en lettres blanches sur fond bleu. Ces affichettes placardées en septembre à l’entrée du magasin Action de Friville-Escarbotin (Somme), annonçaient, comme chaque année, la grande journée de recrutement du discounter dans toute la France. Le 30 septembre, les candidats étaient invités à déposer leur CV dans ses points de vente à l’occasion du « Job Day ».

Partout l’enseigne néerlandaise recrute et les médias locaux s’en font le relais : « 67 postes dans le Nord, 91 dans le Pas-de-Calais, 23 dans l’Oise et 8 dans la Somme » (Nord Littoral, le 21 septembre) ; « 18 postes seront à pourvoir en Moselle » (La Gazette Moselle, le 22 septembre) ; « 63 en Haute-Garonne, 7 en Ariège et 3 dans le Gers » (Toulouse FM, le 29 septembre)… Cette campagne a généré « plus de 2 000 candidatures sur l’ensemble du territoire français », précise l’entreprise.

Des embauches destinées à nourrir le développement du roi du discount non alimentaire. En 2022, le groupe aux 2 263 magasins situés dans 11 pays a ouvert 280 nouveaux points de vente dans le monde (267 en 2021). Son chiffre d’affaires a bondi de 30 %, à 8,9 milliards d’euros. Chaque semaine, plus de 15 millions de clients passent ses portes et 6,5 millions consultent son site Internet. La firme se targue d’employer 80 000 personnes « de 136 nationalités différentes ».

Pression managériale constante

En France, où son arrivée en 2012 a popularisé le modèle des discounteurs, Action a ouvert 764 magasins et emploie plus de 17 000 salariés. L’Hexagone est son premier marché, avec 3 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2022. Après avoir investi les zones commerciales rurales, puis franchi les portes de la capitale en mai 2021, l’enseigne s’apprête à étendre son emprise dans Paris avec, selon nos informations, deux nouveaux points de vente : l’un au 119, avenue de Flandre dans le 19e arrondissement sur 2 500 mètres carrés dont elle a signé le bail au printemps, l’autre au 81, rue de Lourmel dans le 15e, où elle prendra la place d’un ancien Intermarché avant la fin de l’année.

Son modèle ? « 1 500 articles à moins de 1 euro » sur près de 6 000 références en magasin. Des produits d’entretien, d’hygiène ou encore d’épicerie de grande marque nationale vendus moins cher car issus d’excès de production, de fins de séries… Le tout complété par des biens de consommation non alimentaire de ses propres marques, bien souvent fabriqués en Asie.

Il vous reste 76.29% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.