Archive dans juillet 2023

« Résidence autonomie » : des hommes et des vieux

Bande Dessinée. Marc exerce un métier où l’on peut marcher jusqu’à 25 kilomètres par jour, si l’on en croit son podomètre. Guide touristique ? Garde forestier ? Perdu. Marc est agent social en résidence autonomie. « En théorie, mon rôle consiste à accompagner dans leur quotidien les résidents. (…) En réalité, je fais le boulot d’un infirmier. » Infirmier, Marc ne l’est pas vraiment, ayant tout juste une expérience « dans le social ».

C’est pourtant dans une de ces résidences pour personnes âgées, alternative entre le maintien à domicile et l’Ehpad, que Pôle emploi l’a envoyé. C’est son quotidien que le bédéaste Eric Salch raconte dans son album. Fait de quelques moments de complicité avec les résidents, mais surtout d’une succession d’urgences, de gestes répétitifs réalisés eux aussi dans la précipitation, et de coups de stress plus ou moins maîtrisés.

Fidèle à son style direct et sans détour qui l’a fait signer chez Fluide glacial puis avec Charlie Hebdo, Salch dresse un portrait cru du métier et de ses dysfonctionnements. L’humour se fait souvent noir et l’on finit par rire jaune (deux teintes déclinées tout au long de l’album).

Avec des ressorts comiques alimentés par des situations tout à la fois pathétiques et sordides, l’auteur assume d’aller chercher le rire de son lecteur, sans verser dans la moquerie gratuite et tout en regardant en face les affres de la vieillesse comme les défaillances d’un système de santé à bout de souffle.

Une vraie comédie humaine du troisième âge

C’est tout le langage de la BD qui est convoqué pour souligner les efforts des pensionnaires, à commencer par un ballet d’onomatopées : « hhh…  », « mfff…  » ou « rzzz…  » lorsque le sommeil finit par l’emporter sur la détermination. Sans oublier le strident « twiii » du bipeur qui relie le soignant aux patients en détresse, capable de surgir à n’importe quelle case.

Avec ces personnages aux tempéraments parfois volcaniques et aux innombrables petites manies, Salch portraitise une vraie comédie humaine du troisième âge. Le bédéaste s’amuse ouvertement mais jamais méchamment de tous ces tremblements ou problèmes de surdité, à grands coups de crayon, de phylactères frémissants ou de caractères surlignés.

Les peaux flasques, les sécrétions en tout genre et même les odeurs sont montrées sans fard. Si l’auteur se complaît à étaler cette collection de gros nez, d’ongles racornis et de dents vacillantes (souvent à l’excès), c’est autant pour nourrir ce comique toujours sur le fil que pour faire regarder en face des corps que la société préfère souvent cacher derrière un voile pudique.

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Accusé de conflit d’intérêts, Marc Ferracci renonce à être corapporteur du projet de loi « plein-emploi »

Le député du parti Renaissance Marc Ferracci à l’Assemblée nationale à Paris le 20 octobre 2022.

C’est un Marc Ferracci passablement énervé qui a pris la parole, mercredi 19 juillet, en commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale. Un peu plus d’une semaine après avoir été mis en cause par le site d’information Blast pour un potentiel conflit d’intérêts autour du projet de loi « pour le plein-emploi », le député Renaissance des Français de l’étranger a annoncé renoncer à être corapporteur du texte.

« Compte tenu des actions en justice que j’ai d’ores et déjà lancées, et que je pourrais continuer de lancer, je souhaite pouvoir défendre ma probité et mon honneur sereinement et sans que les oppositions en profitent pour perturber l’examen du texte. C’est pour cette raison que j’ai décidé de renoncer à mon rôle de rapporteur », a expliqué Marc Ferracci, qui assure avoir déposé plainte, mardi 18 juillet, contre le site d’information pour « diffamation ».

Le projet de loi, adopté le 12 juillet au Sénat et qui doit être examiné à l’automne à l’Assemblée nationale, doit réformer le service public de l’emploi en transformant notamment Pôle emploi en France Travail et vise à l’inscription automatique de tous les demandeurs d’emploi chez l’opérateur. Une évolution qui pourrait « bénéficier personnellement » à Marc Ferracci ainsi qu’a son père, Pierre Ferracci, selon Blast.

Lire aussi la synthèse : Article réservé à nos abonnés France Travail : les contours du futur service public de l’emploi se précisent

Le site d’information estime que le groupe de conseil Alpha, présidé par Pierre Ferracci, est devenu « le principal opérateur privé de Pôle emploi » à la suite d’un accord passé, en 2021, avec Aksis, partenaire de l’agence publique, pour créer une nouvelle société, Alliance compétences. Alors que Marc Ferracci est actionnaire à hauteur de 35 % d’Icare Finance, holding détenant la majorité des parts du groupe Alpha, le site Blast écrit qu’il pourrait « profiter » financièrement de la forte augmentation d’activité liée à la création de France Travail.

Des affirmations « mensongères »

Une affirmation récusée par le député des Français de Suisse et du Liechtenstein. « Ces affirmations sont tout bonnement mensongères », écrivait-il dans un communiqué, le 13 juillet, précisant que le groupe Alpha « a cessé toute prestation de placement pour le compte de Pôle emploi depuis 2016 ». L’alliance entre Aksis et le groupe Alpha « exclut expressément de son périmètre les marchés Pôle emploi spécifiques aux demandeurs d’emploi inscrits à Pôle emploi », ajoute-t-il. L’entourage du ministre du travail, Olivier Dussopt, n’a pas souhaité faire de commentaire et dit simplement « respecter la décision » de Marc Ferracci pour lequel M. Dussopt « a de l’estime ».

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Arrêts maladie : « La chasse aux abus pour sanctionner les médecins prescripteurs risque d’être aussi efficace qu’un cautère sur une jambe de bois »

En annonçant vouloir « mettre fin à l’absentéisme maladie », le 19 juin, à l’occasion des Assises des finances publiques, le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, a oublié que l’augmentation des arrêts de travail était, en réalité, un phénomène inévitable. Elle est d’abord la conséquence de la progression du taux d’emploi et du recul de l’âge de la retraite. Ce constat n’est pas nouveau.

Déjà, en 2019, un rapport de trois experts commandé par le premier ministre, Edouard Philippe, pointait ce phénomène. « Plus le nombre de travailleurs est élevé, plus le nombre de personnes susceptibles d’être en arrêt de travail est élevé. A l’inverse, la hausse du taux de chômage a un effet amplificateur sur la baisse du nombre d’indemnités journalières (IJ) de courte durée », pouvait-on lire dans le document.

De même, « le vieillissement de la population est un facteur-clé puisque la durée des arrêts augmente avec l’âge ». Selon la Caisse nationale d’assurance-maladie, citée dans ce rapport, « les personnes de 50 ans et plus représentent 1,45 million de bénéficiaires, mais 3,1 milliards d’euros des montants indemnisés, en raison d’une durée moyenne d’arrêt maladie qui augmente avec l’âge ».

Explosion des risques psychosociaux (RPS) dans les entreprises

Faire la chasse aux abus en sanctionnant les médecins prescripteurs risque donc d’être aussi efficace qu’un cautère sur une jambe de bois. Ne serait-il pas plus judicieux de prévenir le risque de désinsertion professionnelle par la promotion d’un travail soutenable tout au long de la carrière professionnelle et de faciliter le retour le plus précoce possible dans l’emploi des salariés en arrêt prolongé ?

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Un salarié sur deux a été en arrêt maladie en 2022

Très souvent, l’intensification du travail, le maintien des effectifs au plus juste, les contraintes de temps et de délais conduisent à réintégrer des salariés pas encore complètement guéris. Or, dans de nombreux secteurs professionnels, on est encore loin de pouvoir aménager les situations de travail afin que la maladie et les traitements qui l’accompagnent n’interdisent ni la poursuite du parcours professionnel ni l’épanouissement et l’efficience au travail.

Faciliter la réintégration d’un salarié après une longue absence est un enjeu important aussi bien pour la personne que pour l’entreprise ; cela conduirait nécessairement à une amélioration des conditions de travail et de l’organisation au bénéfice de tout le monde, malades et valides. Une autre cause de l’augmentation des arrêts de travail, qui a visiblement échappé au gouvernement, est l’explosion des risques psychosociaux (RPS) dans les entreprises comme dans les trois fonctions publiques.

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« L’entreprise contre la connaissance du travail réel ? » : quand le management anesthésie la pensée

Pour Ibrahima Fall, la pandémie mondiale a agi comme un révélateur. Elle a mis en exergue une « crise du jugement », et notamment une « crise du jugement dans le management ». Le président fondateur du cabinet d’études Hommes & décisions, docteur en sciences de gestion Mines Paris-PSL, en veut pour preuve les fragilités apparues à cette occasion dans trois secteurs en raison des pratiques managériales à l’œuvre : la biodiversité, gérée comme « un facteur de production sur le marché », la recherche scientifique, comme « un portefeuille de projets à ROI [N.D.L.R. : Retour sur investissement] garanti », et les « hôpitaux, comme des hôtels ».

Dans son essai, « L’entreprise contre la connaissance du travail réel ?  » (L’Harmattan), M. Fall démonte avec précision la mécanique de ce management aux redoutables effets : « décorrélé de toute finalité qui ne serait pas économique », il est porté par des ambitions court-termistes, se refusant à prendre en compte les impacts sur le temps long des actions de l’entreprise sur les sphères environnementale, sociale et sociétale.

Surtout, ce management qui a cours aujourd’hui dans les organisations bien au-delà des seules sphères de la biodiversité, de la recherche ou de l’hôpital, tend à nier le « réel » et avec lui l’incertitude, la singularité des situations et des environnements. Il ne veut pas d’imprévu. Les procédures et les chiffres sont là pour donner un cadre.

En conséquence, la pensée est anesthésiée, la créativité empêchée. C’est « l’effondrement du questionnement dans les entreprises », analyse l’auteur. Et voici ainsi l’Homme résumé à « son versant travailleur ». Seule compte sa capacité à s’adapter au travail prescrit : on nie alors le nécessaire écart entre ce dernier et le travail réellement effectué.

Redonner une place centrale au réel

Pour ce faire, le travailleur doit disposer de soft skills (compétences comportementales), que le management met volontiers en avant. Cela permet, dans le même temps, « une déresponsabili[sation] totale des entreprises quant à la non mise en œuvre d’environnements capacitants, c’est-à-dire propices au développement des individus », relève M. Fall. L’Homme s’adapte, mais le travail, lui, n’est pas soumis au débat.

Cette philosophie gestionnaire qui s’accompagne d’une « infantilisation » du corps social de l’entreprise a des conséquences négatives sur les salariés. Elle est source d’un désengagement au travail et de problèmes de santé mentale. Elle peut aussi se révéler néfaste à long terme pour les organisations concernées.

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Le Groupe Casino tout près d’être renfloué par le duo Kretinsky-Ladreit de Lacharrière

S’il est encore un peu tôt pour crier victoire, l’homme d’affaires tchèque Daniel Kretinsky (actionnaire indirect du Monde), associé au Français Marc Ladreit de Lacharrière, est désormais idéalement placé pour reprendre le groupe Casino, en proie à de graves difficultés. Le consortium rival baptisé 3F, mené par Xavier Niel et Matthieu Pigasse (actionnaires à titre individuel du Monde) et par Moez-Alexandre Zouari a, en effet, annoncé dimanche 16 juillet dans la soirée qu’il renonçait à déposer une offre finale, visant à renflouer le propriétaire de Monoprix, Franprix et CDiscount.

M. Kretinsky et son partenaire ont, quant à eux, remis samedi matin une nouvelle proposition qui doit être détaillée, lundi en début d’après-midi, lors d’une réunion organisée sous l’égide du CIRI (Comité interministériel de restructuration industrielle) avec les créanciers du distributeur. Casino tiendra son conseil d’administration dans la foulée, sans doute pour soutenir dans les grandes lignes le plan du repreneur tchèque, même s’il pourrait chercher à obtenir des aménagements ou des engagements supplémentaires.

« Marc Ladreit de Lacharrière et moi-même prévoyons d’apporter 900 millions d’euros d’argent frais et les créanciers auront la possibilité de souscrire à de nouvelles actions – dans les mêmes conditions que nous – à hauteur de près de 300 millions d’euros », a indiqué M. Kretinsky dans une interview aux Echos. En parallèle, le consortium demande la conversion de 4,7 milliards d’euros de dettes en actions, sur un total de 7,6 milliards d’euros, soit moins que dans son projet initial, afin de satisfaire les créanciers.

Maintenir l’emploi

Comme le gouvernement l’avait demandé, les repreneurs s’engagent à maintenir l’emploi en France (où les effectifs atteignent 50 000 collaborateurs), à préserver le siège de Saint-Etienne et à viser de garder le plus possible d’hypermarchés et de supermarchés. M. Kretinsky précise, en outre, aux Echos que Jean-Charles Naouri, le PDG et actuel propriétaire, ne sera plus le patron exécutif du groupe mais « je souhaite qu’il ait un rôle », affirme le Tchèque.

L’objectif affiché par les conciliateurs Marc Sénéchal et Aurélia Perdereau est de parvenir à un accord de principe avant le 27 juillet. Selon toute vraisemblance, une procédure de sauvegarde accélérée devrait s’ouvrir en septembre. Banquiers, obligataires et autres fonds de dette seront appelés à voter dans ce cadre. Même si de lourds sacrifices leur sont demandés, la perspective d’une liquidation – qui serait inévitable faute d’argent frais injecté rapidement dans un groupe à la trésorerie exsangue – devrait inciter une majorité des deux-tiers des créanciers à privilégier la bouée de sauvetage tendue par M. Kretinsky et M. de Lacharrière. Ce qui n’exclut pas le déclenchement de contentieux de la part de certains porteurs de dette mécontents.

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En Chine, un rebond de la croissance en trompe-l’œil au deuxième trimestre

Des voitures attendant d’être chargées sur un navire dans le port de Lianyungang, dans la province chinoise du Jiangsu (Est), 12 juillet 2023.

A priori, l’information ne semble pas avoir de rapport avec les chiffres de la croissance publiés lundi 17 juillet. Et pourtant… Si Shijiazhuang, la capitale du Hebei (Nord-Est), vient d’annoncer qu’elle allait multiplier les concerts de rock durant les mois à venir, c’est moins par un amour soudain des décibels que pour tenter d’attirer les jeunes Pékinois à se rendre dans cette province limitrophe de la capitale, afin qu’ils y dépensent leur argent. Le Hebei, comme toutes les provinces, est désespérément à la recherche du Graal qui relancera la consommation et partant, l’économie.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés En Chine, l’économie malade du déclin de l’immobilier

Après trois années de politique zéro Covid, la plupart des experts étaient convaincus que la croissance allait repartir sur les chapeaux de roues. Il n’en est rien. Les chiffres publiés lundi le confirment. Les 6,3 % de croissance au deuxième trimestre, en comparaison à la même période de 2022, ne doivent pas faire illusion. « L’an dernier, le deuxième trimestre a été marqué par le confinement de Shanghaï et le recul de l’activité. Tout chiffre inférieur à 7 % serait mauvais. La croissance commence à 7 % », expliquait un économiste, quelques heures avant la publication des chiffres. Le panel d’experts de l’Agence France-Presse prévoyait une hausse de 7,1 %. Ils ont donc été trop optimistes.

Si l’on prend la croissance d’un trimestre sur l’autre, critère jugé plus pertinent par les experts, celle-ci n’a progressé que de 0,8 %, entre avril et juin, contre 2,2 % au premier trimestre (par rapport aux trois derniers mois de l’année 2022). Donc, la croissance ralentit. En juin, tant les exportations (− 12,4 % par rapport à juin 2022) que les importations (− 6,8 %) avaient, elles aussi, chuté au-delà des prévisions.

Le chômage des jeunes urbains bondit

La baisse du yuan et des taux d’intérêt en juin – au moment où la plupart des pays développés relevaient les leurs – n’ont donc pas suffi à dynamiser la demande. D’ailleurs, le chômage des jeunes urbains bondit de nouveau et passe de 20,8 %, en mai, à 21,3 %, en juin. Un véritable souci pour les autorités, au moment où environ 12 millions d’étudiants arrivent sur le marché du travail.

Ces indices ne sont pas une surprise tant ils correspondent à une morosité ambiante. Pour des raisons différentes, aussi bien les petits commerçants que les grands industriels font grise mine. Les premiers se plaignent de la faiblesse de la consommation et du peu de soutien qu’ils reçoivent des pouvoirs publics, les seconds critiquent les normes juridiques, de plus en plus contraignantes au nom de la « sécurité nationale », ainsi que la guerre commerciale et technologique avec les Etats-Unis.

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« Chute libre » : un cadre supérieur à Pôle emploi

Le silence après la déflagration. François Marot se retrouve un beau jour chez lui, en pleine semaine, dans le calme de sa maison. Une première en trente-cinq ans, se souvient-il. La vie trépidante qu’il menait jusqu’alors vient brusquement de prendre fin. Le rédacteur en chef a dû faire ses cartons et quitter son entreprise. Il a été décidé « de mettre fin à [leur] collaboration. C’est le siège qui le demande », lui a précisé son supérieur hiérarchique.

Seul au domicile familial, il « mesur[e] ce qui vient de [lui] arriver. Le licenciement, c’est une grenade qui vous pète à la gueule. Avec des blessures immédiates, plus ou moins profondes, et des dégâts collatéraux provoqués par l’effet de souffle ». Dans Chute libre, un ouvrage paru aux éditions Chemins de traverse, le journaliste fait le récit d’une année de chômage, où espoirs et désillusions alternent et où le sentiment de déclassement social apparaît omniprésent.

L’expérience décrite est celle d’une « plongée dans l’inconnu ». Une situation angoissante dont on se pensait jusqu’alors à l’abri. La formation à Harvard, le poste de dirigeant ne sont plus que de lointains souvenirs. Il faut désormais prendre le chemin de l’agence Pôle emploi du quartier et tenter de comprendre son fonctionnement parfois kafkaïen, aller « se vendre » dans des « forums seniors » avec d’autres compagnons d’infortune ou encore éplucher les annonces et multiplier les envois de CV.

Evolution du regard des autres

Dans ce nouvel environnement, les chausse-trapes sont nombreuses : on se laisse entraîner par le chant envoûtant des bonimenteurs proposant des programmes de réinsertion, on accepte un stage non rémunéré et non déclaré, espérant se remettre le pied à l’étrier. Et on répond positivement à de nouvelles connaissances qui vous proposent de vous investir dans des projets professionnels mal ficelés et sans issue. « Les angoisses générées par le chômage : peur de perdre la main et de ne plus jamais rien trouver, peur de se faire oublier, peur de n’avoir rien à raconter aux enfants, à son entourage, peur de ne plus avoir d’argent, vous font sauter sur n’importe quel projet, même farfelu, reconnaît M. Marot. Et travailler gratuitement, c’est toujours travailler. »

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Le taux de chômage de la France à son plus bas niveau depuis 1982

Autre épreuve : le regard des autres évolue. A commencer par celui de l’entourage familial et amical. « La légèreté disparaît souvent, faisant place à une inquiétude gênée », explique l’auteur. Des liens se distendent, des tensions peuvent naître. Les échanges professionnels ne sont également plus les mêmes. Dans sa quête d’emploi, l’auteur a pu rencontrer des marques d’infantilisation, de condescendance. De quoi le renvoyer avec constance à son statut de chômeur.

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« Mettons en avant les métiers de la transition énergétique pour réussir la décarbonation ! »

La transition énergétique est une chance pour l’emploi. Les évaluations de l’Agence de la transition écologique (Ademe) estiment en effet que la stratégie nationale bas carbone, qui ambitionne d’atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050, devrait engendrer la création de plus de 300 000 emplois supplémentaires en France d’ici 2030.

A nous de la saisir collectivement car la lutte contre le changement climatique a la capacité formidable de créer des vocations et ce d’autant qu’il reste encore 1,4 million de jeunes de 15 à 29 ans qui ne sont ni en études, ni en emploi, ni en formation, selon l’Insee.

Notre défi est de rendre lisibles et attractifs les diplômes qui conduisent à être acteurs de la transition énergétique : technicien frigoriste, monteur, technicien de maintenance, automaticien, spécialiste du génie mécanique, du génie électrique, de la thermodynamique, soudeur, ingénieur, chef de projet…

Le besoin d’un label

En 2023, ces appellations restent très techniques et ne traduisent pas l’impact sociétal des métiers auxquels ils préparent, à l’heure où les jeunes sont en quête de sens dans leur orientation professionnelle. Et pourtant, ils concernent tous les niveaux de diplôme, du CAP au doctorat, et permettent de développer les énergies bas carbone et l’efficacité des systèmes énergétiques, au cœur des enjeux de la lutte contre le dérèglement climatique.

C’est pourquoi nous avons besoin d’un label « métiers de la transition énergétique » pour indiquer de façon simple aux jeunes et à tous ceux qui se forment pour se reconvertir les voies qui leur permettront de façonner un avenir énergétique neutre en carbone. Ce label permettra de donner plus de visibilité et de renforcer l’attractivité indispensable de ces diplômes et formations. Ce sera un véritable vecteur de communication, à la fois simple et pédagogique, qui pourrait être visible, du collège au lycée, sur les plates-formes d’orientation de type Parcoursup.

Grâce à ce label, la filière des métiers de la transition énergétique deviendra à la fois une filière d’excellence, porteuse d’une employabilité durable, une filière inclusive qui redonnera des perspectives sur le terrain aux jeunes sans diplôme ni qualification ainsi qu’aux personnes éloignées de l’emploi et, je l’espère, une filière plus mixte où les jeunes filles réussiront des parcours professionnels stimulants.

Pour une société plus inclusive et plus durable

Par ailleurs, je suis convaincue que les entreprises qui recrutent dans le secteur de la transition énergétique doivent aussi prendre leur part. Elles doivent s’adapter à leur tour en transformant leur stratégie de recrutement. La réforme de l’apprentissage a été un véritable succès, et il nous faut aller plus loin.

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A un an des JO de Paris, le bilan contrasté des conditions de travail sur les chantiers d’Ile-de-France

A l’intérieur du chantier du bassin d’Austerlitz de 30 mètres de profondeur, un bassin de stockage et de traitement des eaux de la Seine, visant à rendre le fleuve plus propre pour les JO de Paris 2024, le 15 juin 2023.

Ce sont deux chantiers cruciaux parmi les grands travaux lancés en Ile-de-France : le projet Eole, qui vise à prolonger le RER E, et le bassin d’Austerlitz, censé assainir l’eau de la Seine d’ici aux Jeux olympiques et paralympiques. Ils ont en commun une major du bâtiment, le groupe de construction Fayat, et d’avoir été, chacun, le théâtre d’un accident dramatique.

En mars 2020, envoyé seul sur le toit d’un chantier de Pantin (Seine-Saint-Denis), dès sa première semaine de stage dans une filiale de Fayat, Jérémy Wasson, étudiant à l’Ecole spéciale des travaux publics de 21 ans, fait une chute mortelle en passant à travers une trémie – un trou laissé dans le sol en attente d’aménagement – mal protégée.

Le 16 juin 2023, c’est Amara Dioumassy, maçon de 51 ans dans une autre filiale du même groupe, qui meurt percuté par un camion sur un chantier le long de la Seine où les mesures de sécurité laissent à désirer. Un nouvel accident qui a consterné Frédéric Wasson, le père de Jérémy. « Je n’ai toujours pas le sentiment que la mort de notre fils ait servi à quelque chose et que Fayat ait changé quoi que ce soit dans ses processus de sécurité. Elle continue à recevoir des stagiaires de l’école de mon fils, alors que l’inspectrice du travail a constaté un déficit de formation et de sécurité », s’indigne-t-il. Contacté à plusieurs reprises, Fayat n’a pas donné suite.

« Ambition d’exemplarité »

Ces deux morts n’ont officiellement endeuillé ni les chantiers du Grand Paris Express (qui doivent livrer 200 kilomètres de nouvelles lignes de métro d’ici à 2030) ni ceux des Jeux olympiques. Malgré leur importance respective, les lieux où travaillaient Jérémy Wasson et Amara Dioumassy ne sont, en effet, pas labellisés comme tels, au grand dam du père du jeune homme.

Car ces deux opérations colossales bénéficient d’un traitement spécifique concernant la sécurité des salariés. « L’enjeu, c’est d’avoir des JO exemplaires en matière de conditions de travail, pour correspondre à l’ambition d’exemplarité portée par la France pour ces Jeux », rappelle à chacune de ses conférences de presse Gaëtan Rudant, directeur de la direction régionale et interdépartementale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités d’Ile-de-France.

Les Jeux olympiques sont un projet « exceptionnel », qui requiert « excellence et exemplarité », répète également la Société de livraison des ouvrages olympiques (Solideo), chargée de la maîtrise d’ouvrage de tous les chantiers Paris 2024. Une « charte sociale » en seize points a notamment été signée par les principales organisations syndicales et patronales. Un comité consultatif se réunit une fois par trimestre pour veiller à sa mise en œuvre, réunissant collectivités, représentants des salariés et des employeurs. Il est coprésidé par l’ancien secrétaire général de la CGT Bernard Thibault et Dominique Carlac’h, du Medef.

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