« Résidence autonomie » : des hommes et des vieux
Bande Dessinée. Marc exerce un métier où l’on peut marcher jusqu’à 25 kilomètres par jour, si l’on en croit son podomètre. Guide touristique ? Garde forestier ? Perdu. Marc est agent social en résidence autonomie. « En théorie, mon rôle consiste à accompagner dans leur quotidien les résidents. (…) En réalité, je fais le boulot d’un infirmier. » Infirmier, Marc ne l’est pas vraiment, ayant tout juste une expérience « dans le social ».
C’est pourtant dans une de ces résidences pour personnes âgées, alternative entre le maintien à domicile et l’Ehpad, que Pôle emploi l’a envoyé. C’est son quotidien que le bédéaste Eric Salch raconte dans son album. Fait de quelques moments de complicité avec les résidents, mais surtout d’une succession d’urgences, de gestes répétitifs réalisés eux aussi dans la précipitation, et de coups de stress plus ou moins maîtrisés.
Fidèle à son style direct et sans détour qui l’a fait signer chez Fluide glacial puis avec Charlie Hebdo, Salch dresse un portrait cru du métier et de ses dysfonctionnements. L’humour se fait souvent noir et l’on finit par rire jaune (deux teintes déclinées tout au long de l’album).
Avec des ressorts comiques alimentés par des situations tout à la fois pathétiques et sordides, l’auteur assume d’aller chercher le rire de son lecteur, sans verser dans la moquerie gratuite et tout en regardant en face les affres de la vieillesse comme les défaillances d’un système de santé à bout de souffle.
Une vraie comédie humaine du troisième âge
C’est tout le langage de la BD qui est convoqué pour souligner les efforts des pensionnaires, à commencer par un ballet d’onomatopées : « hhh… », « mfff… » ou « rzzz… » lorsque le sommeil finit par l’emporter sur la détermination. Sans oublier le strident « twiii » du bipeur qui relie le soignant aux patients en détresse, capable de surgir à n’importe quelle case.
Avec ces personnages aux tempéraments parfois volcaniques et aux innombrables petites manies, Salch portraitise une vraie comédie humaine du troisième âge. Le bédéaste s’amuse ouvertement mais jamais méchamment de tous ces tremblements ou problèmes de surdité, à grands coups de crayon, de phylactères frémissants ou de caractères surlignés.
Les peaux flasques, les sécrétions en tout genre et même les odeurs sont montrées sans fard. Si l’auteur se complaît à étaler cette collection de gros nez, d’ongles racornis et de dents vacillantes (souvent à l’excès), c’est autant pour nourrir ce comique toujours sur le fil que pour faire regarder en face des corps que la société préfère souvent cacher derrière un voile pudique.
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